septembre 2004
Editions Le cercle d'écrits caucasiens
Dans cette deuxième partie et fin de ses Mémoires consacrés au génocide des Arméniens par le gouvernement des Jeunes-Turcs (déjà laïque en 1908-1918, on ne le dira jamais assez!), Grigoris Balakian retrace la période entre le printemps 1916, lorsque, sûr et certain de ne pas en réchapper, il s'enfuit de la caravane de déportés arrivée à Islahiyé après une harassante marche à pied du nord au sud de l'Asie-Mineure, et l'hiver 1918, lorsqu'il quitte la Turquie où il assiste à des événements qui ne lui laissent rien présager de bon pour l'avenir.
Durant ces deux ans et demi, conscient de l'extrême gravité de la situation et de la volonté des Jeunes-Turcs d'effacer toute trace des Arméniens de leur terre ancestrale, même de ceux bénéficiant de la toute relative protection des Allemands qui les emploient à la construction du chemin de fer de Bagdad, il va changer plusieurs fois de cachette et d'identité pour échapper aux recherches, puis à la déportation et à l'assassinat dont seront victimes les quelques 13.000 employés et ouvriers arméniens des chantiers des tunnels dans les montagnes de l'Amanus et du Taurus, en dépit des nombreuses protestations des ingénieurs-géomètres allemands, autrichiens et suisses adressées au quartier général allemand à Constantinople et de leurs tentatives de les sauver.
Comme dans la première partie, Grigoris Balakian ne se contente pas de rapporter les événements, il se livre avec lucidité à leur analyse, une analyse que des années, voire des décennies plus tard sera faite par des chercheurs et des historiens. Cette lucidité s'accompagne d'un franc-parler et d'un langage souvent virulent qui lui sont propres. Il ne mâche pas ses mots à l'endroit ni des Turcs, ni de leurs alliés allemands qui assistent passivement à l'extermination des Arméniens, ni plus tard des vainqueurs dont les turpitudes, les compromissions, les trahisons le révoltent dès le lendemain de l'armistice. Impartial et objectif, il stigmatise aussi les siens, les uns pour leur naïveté, les autres pour leur impéritie, d'autres encore pour leur ignoble collaboration avec les bourreaux de sa nation et contre lesquels, tout homme d'Église qu'il soit, il prononce une condamnation sans appel totalement dépourvue de pardon chrétien.
15 juin 2004
Editions Armand Colin
Le siècle qui vient de s'achever restera celui de l'épouvante. Il a commencé avec l'éradication des populations arméniennes de l'empire ottoman et s'est terminé avec l'extermination des Tutsis du Rwanda et le " nettoyage ethnique " dans l'ex-Yougoslavie. Entre ces deux moments, le monde aura été le témoin des grands massacres de l'ère stalinienne, de l'immense tragédie de la Shoah, de la disparition d'une partie du peuple cambodgien. Créé en 1944 sous le coup de la barbarie nazie par le juriste Raphael Lemkin, le mot de génocide entend désigner un type de crime de masse où un groupe est détruit intentionnellement, en totalité ou en partie, au nom de critères nationaux, ethniques, raciaux ou religieux. C'est en rendant compte de la fécondité de cette catégorie d'analyse que cet ouvrage met en perspective les entreprises exterminatrices les plus marquantes du XXe siècle. Leur histoire montre que le crime de génocide se fonde sur le ciblage stigmatisant d'un groupe à partir de la définition aussi arbitraire que délirante qu'en donne le perpétrateur. Faisant la part des situations qui rendent singulier chacun de ces généocides et des éléments qui permettent de les apparier, l'auteur s'attache en permanence à répondre à deux questions : qu'est-ce qui détermine l'intention ultime du génocidaire ? qu'est-ce qui autorise le génocide à se présenter comme une "solution" ?
A propos de l'auteur :
Bernard Bruneteau est professeur d'histoire contemporaine à l'université Pierre Mendès France-Grenoble II. Spécialiste de la question du totalitarisme, il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles dont Les totalitarismes (Armand Colin, 1999) et L' " Europe nouvelle " de Hitler. Une illusion des intellectuels de la France de Vichy (Éditions du Rocher, 2003).
16 avril 2004 (réédition)
Editions Payot
L'historien britannique Arnold J. Toynbee (1889-1975), l'une des grandes figures intellectuelles du XXe siècle, a vingt-six ans lorsqu'il rédige, à la demande du gouvernement britannique, un rapport sur la politique de déportation et d'extermination des Arméniens mise en œuvre par les autorités turques en 1915. Si le terme de génocide n'existe pas encore, Toynbee, à travers les faits qu'il décrit, en formule déjà le concept et en établit les mécanismes. Cinquante ans plus tard, devenu célèbre par sa monumentale Étude de l'histoire consacrée à l'essor et au déclin des civilisations, Toynbee reviendra dans ses Mémoires sur ce crime contre l'humanité dont l'impunité ne pouvait qu'encourager la répétition : « Les déportations furent délibérément conduites avec une brutalité calculée pour provoquer le maximum de victimes en route. Là est le crime ; et l'étude que j'y consacrai laissa dans mon esprit une impression qui ne fut pas effacée par le génocide commis avec encore plus de sang-froid, et sur une plus grande échelle, pendant la Seconde Guerre mondiale par les Nazis. »
A l’heure où l’historiographie de la Première Guerre mondiale se concentre, non plus seulement sur les aspects militaires, politiques et diplomatiques, mais aussi sur la brutalisation de la société et les violences de guerre, montrant comment ce premier conflit total fut la matrice d’un XXe siècle fertile en crimes de masse, Les Massacres des Arméniens, où Arnold J. Toynbee décrypte de façon synthétique, bien avant sa définition juridique, les causes et les mécanismes du génocide, apporte un éclairage pionnier. Ce livre est en effet l’un des premiers, sinon le tout premier publié en Occident sur ce crime contre l’humanité qui fit un million de victimes. En 1915-1916, le gouvernement Jeune-Turc décida et mit en œuvre la déportation et l’extermination des Arméniens. À la demande du gouvernement britannique, le jeune Toynbee, alors âgé de 26 ans, rédigea un rapport sur la situation. Cinquante ans plus tard, il écrivit : "Les déportations furent délibérément conduites avec une brutalité calculée pour provoquer le maximum de victimes en route. Là est le crime [...] ; et l’étude que j’y consacrai laissa dans mon esprit une impression qui ne fut pas effacée par le génocide commis avec encore plus de sang-froid, et sur une plus grande échelle, pendant la Seconde Guerre mondiale par les Nazis." Certes, ce livre fait partie de ce que l’on appelait très officiellement la "propagande de guerre" qui, comme les documents sur les atrocités allemandes en Belgique occupée servant de modèle, vise à souligner la barbarie de l’ennemi et, en contraste, la légitimité morale de la lutte des Alliés de l’Entente. Toynbee lui-même l’a reconnu ultérieurement, sans pour autant nier l’authenticité des faits qu’il avait décrits. L’instrumentalisation des crimes de l’autre pour des buts politiques ne signifie pas que ces crimes n’ont pas eu lieu, comme voudraient le faire croire les historiens officiels de la Turquie.
L’historien britannique Arnold J. Toynbee (1889-1975) - à ne pas confondre avec son oncle, Arnold Toynbee (1852-1883), créateur du concept de révolution industrielle - est considéré comme l’une des grandes figures intellectuelles et humanistes du XXe siècle. Après des études classiques et un début de carrière d’enseignant d’histoire grecque et byzantine, n’ayant pu participer au service actif pour raisons de santé, il fut affecté aux Renseignements politiques du Foreign Office en 1915 et participa en 1919 à la Conférence de Paix. Entre 1925 et 1955, il fut directeur de recherche au Royal Institute of International Affairs et professeur d’histoire des relations internationales à l’Université de Londres. Auteur prolifique, il est surtout connu pour sa monumentale Étude de l’histoire en 12 volumes (1934-1961), oeuvre comparatiste panoramique sur l’essor et le déclin des civilisations. Les Éditions Payot ont notamment publié de lui La Grande Aventure de l’humanité (1994) et L’Histoire (1996).
Les Massacres des Arméniens a paru pour la première fois en France aux Éditions Payot en 1916. Il a été réédité en 1987. La présente édition, augmentée d’une préface et d’un appareil critique, a été établie par Claire Mouradian. Directrice de recherche au CNRS (Centre d’études du monde russe, soviétique et post-soviétique), historienne, spécialiste de l’Arménie et du Caucase, celle-ci a notamment publié De Staline à Gorbatchev, histoire d’une république soviétique : l’Arménie (Ramsay, 1990) et L’Arménie (PUF, 2002, 3e éd.). Elle a également dirigé, avec G. Bensoussan et Y. Ternon, le numéro de la Revue d’histoire de la Shoah intitulé « Ailleurs, hier, autrement : connaissance et reconnaissance du génocide des Arméniens » (2003).
avril 2004 (réédition)
Editions Le cercle d'écrits caucasiens
Correspondant de guerre du « Journal », Henry BARBY fut chargé de couvrir les opérations de guerre sur le front russo-turc dès l’éclatement de la Première Guerre mondiale. Entre 1914-1916, il accompagna les troupes russes et les corps des volontaires arméniens dans leur offensive qui avait pour théâtre les provinces arméniennes dans l’est de l’Empire ottoman et, avec eux, il atteignit Van en passant par Trébizonde, Erzeroum, Erzindjan. Ce qu’il découvrit en traversant le cœur de l’Arménie historique n’était qu’un champ de ruines, un gigantesque cimetière où des survivants fantomatiques erraient au milieu de cadavres sans sépultures.
Avec un professionnalisme exemplaire, il recueillit et consigna, chaque fois qu’il en eut l’occasion, des témoignages de rescapés, de consuls et de missionnaires étrangers encore présents dans l’Empire ottoman et avec une rare lucidité, il désigna et condamna sans appel, dès 1915 les responsables directs de l’extermination de la nation arménienne : les Jeunes-Turcs regroupés dans le parti « Union et progrès ». Les atrocités commises sur les femmes et les enfants arméniens sans défense font s’écrier ce français qui a déjà vu le sang couler dans les Balkans en 1912-1913 mais qui est projeté cette fois dans l’enfer sur terre : « Y a-t’il dans le monde d’autres femmes, d’autres mères qui aient jamais enduré un martyr pareil au leur ? »
A l’heure où, dans une Europe en quête d’une identité et d’une cohésion nouvelles, des panégyristes patentés, voire stipendiés, de la «laïcité à la turque » prêchent le «devoir de mémoire », en même temps qu’ils falsifient de façon éhonté l’Histoire et demandent à cor et à cri l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne, le témoignage de Henry BARBY rappelle la barbarie sans nom à laquelle les Jeunes-Turcs se réclamant d’une certaine « laïcité à l’européenne » se livrèrent durant la Première Guerre mondiale. Une barbarie telle que n’osèrent perpétrer les plus implacables des sultans califes !
Hratch Bedrossian
1 février 2004
Editions L'Harmattan
Théâtre des cinq continents
Cette oeuvre est la confession d'une mémoire douloureuse. A travers l'actuelle Turquie orientale, Sévan se souvient. ANATOLIE 1915. Hagop, gros commerçant d'abricots et poète ridicule, a des démangeaisons politiques. Moustapha, ce Juste de l'Islam, saura-t-il, à temps, éteindre le nationalisme vengeur de son propre fils, Anahide la Chrétienne farouche, attachée à sa terre, décidera-t-elle sa famille à fuir? Et puis il y a Anouche, la belle séquestrée, demi-folle,ou trop consciente de son destin et de celui de son peuple.