10 mars 2009
Editions A d'Arménie
EXTRAIT :
Au nom de tous les miens, pardon Monsieur Erdogan !
“Il appartient aux Arméniens de faire des excuses à la Turquie suite à leurs allégations erronées de génocide pendant la première guerre mondiale. ” a déclaré lundi 11 avril 2005, M. Recep Tayyip Erdogan, au cours de sa visite officielle en Norvège.
Ces enfants arméniens qu’on enterra vivants pas centaines remuent encore sous la terre autour de Diarbékir pour vous demander pardon. Ces déportés torturés par la soif que vos gendarmes attachaient face aux rivières ou promenaient le long des fleuves en leur défendant d’approcher ne sauraient faire moins eux aussi que d’implorer votre grâce.
Au nom de ceux qui se sont jetés dans les flots pour s’y noyer en apaisant leur soif ou de ceux qu’on fit boire aux rivières souillées par des cadavres arméniens, je vous demande pardon. « Pardon ! » auraient dit ces enfants arméniens, sans père ni mère, qu’on vendait pour deux médjidiés, soit 1,20 euro, sur les marchés d’Istanbul, capitale ottomane.
Ces filles qu’on passait aux soldats vous demandent elles aussi pardon d’avoir été violées ou d’avoir peuplé les harems de vos pères. On aurait pu aussi exiger de Madame Terzibachian d’Erzeroum de vous demander pardon pour avoir témoigné au procès Tehlirian en racontant comment à Malatia les femmes virent leurs époux tués à coups de hache avant d’être poussés dans l’eau et comment leurs bourreaux vinrent choisir les plus belles, transperçant de leur baïonnette celles qui s’y refusaient.
Mais Madame Terzibachian n’étant probablement plus de ce monde, je vous demande pardon à sa place d’avoir porté l’accusation contre le soldat qui trancha la tête de son propre frère sous les yeux de sa mère aussitôt foudroyée, et qui jeta son enfant pour la seule raison qu’elle le repoussait. Pardon de vous avoir offensé au nom des Arméniennes de Mardin dont on déshonora les cadavres encore frais. Les Arméniens qu’on jeta par centaines dans les gorges du lac de Goeljuk, non loin de Kharpout, selon ce que le consul américain nous en a rapporté, s’excusent par ma bouche d’avoir porté atteinte à votre honneur que leur mort accuse les Turcs de les avoir acculés dans une nasse avant de les égorger.
Je vous fais grâce de ces restes humains qu’on dépouilla de tout, de leurs maisons, de leurs biens, de leurs vêtements, de leurs enfants, et ces enfants de leurs propres parents, de leur innocence, de leur virginité, de leur religion, de l’eau qu’on boit quand on a soif, du pain quand on a faim, de leur vie autant que de leur mort, de leur paysage familier et de la terre de leurs ancêtres…
De tous ces gens me voici leur porte-parole, ils parlent en moi, je les entends agoniser dans mon propre corps, pour vous demander pardon d’avoir existé, pardon d’avoir été trompés, turcisés, torturés, ferrés comme des chevaux, violés, égorgés, éviscérés, démembrés, dépecés, brûlés vifs, noyés en pleine mer, asphyxiés, pour tout dire déshumanisés… Car vous n’êtes en rien responsable des malheurs absolus que vos frères inhumains firent subir aux nôtres, frères humains trahis dans leur humanité. Non, l’histoire de vos pères n’est pas votre histoire.
L’histoire de la Turquie ne naît pas sur ces champs de cadavres arméniens. Et pourquoi donc supporteriez-vous les péchés de vos pères ? Qui oserait vous faire croire que ces maisons désertées par les Arméniens ont été aussitôt habitées par les vôtres ? Que des villages entiers, vidés de leurs habitants naturels, ont été occupés par les vôtres, au nom d’une légitimité illégitime ? Que la ville de Bursa comptait 77 000 Arméniens durant la période ottomane, plus que deux au premier recensement ? Que les richesses de ces Arméniens pourchassés, déportés, anéantis aient nourri ces prédateurs qui furent d’une génération dont vous ne fûtes nullement engendré, Monsieur Erdogan.
Il faut que les Arméniens s’excusent d’avoir été là où vous n’étiez pas encore. Qu’ils s’excusent d’avoir proclamé depuis 90 ans, d’une manière ou d’une autre, par des livres ou de vive voix, par leur mort sur les chemins du désert ou leur vie dispersée aux quatre coins du monde, que le génocide arménien est et sera toujours le fond noir de l’identité turque.
7 mars 2009
Editions Dargaud
Avec ces 144 pages au format du roman graphique n’a a priori rien d’imposant. Et pourtant la couverture sanglante donne le ton : un soldat turc tenant une tête qu’il vient de trancher avec son sabre. L’Italien Paolo Cossi raconte ni plus ni moins le génocide arménien organisé par le gouvernement turc durant la Première Guerre mondiale, "Le grand mal" ("Medz Yeghern" en arménien) comme l’appelle la diaspora arménienne.
Dans cet album en noir et blanc, au trait simple et au décor épuré, l’on suit tour à tour, découpé en plusieurs chapitres, plusieurs personnages qui par ce qu’ils vivent nous font comprendre les différents aspects de la tragédie. Il y a par exemple Aram, jeune soldat qui échappe par miracle au massacre de son bataillon et qui ira rejoindre les résistants aux côtés de Murat, un jeune Turc opposé à la solution finale.Il y a aussi Sona, dont la riche famille est exterminée ou bien Armin T.Wegner, jeune sous-lieutenant allemand qui apporte son témoignage photographique...
Paolo Cossi n’a pas cherché à préserver le lecteur : les scènes sont d’une cruauté inouïe et pour certaines simplement insupportables. Parfois le dessinateur déforme les corps pour accentuer encore l’effet dramatique. Certes, des scènes d’amitié parsèment ça et là les planches et permettent de souffler un peu mais on sort de cette bande dessinée totalement révolté... mais désormais complètement conscient de cette tragédie.
Au terme du massacre des Arméniens, on compta environ 1,2 million de morts. A ce jour, le gouvernement turc n’a toujours pas reconnu le génocide.
A propos de l'auteur :
A propos de l'auteur :
Paola Cossi (Pordenone, 1980) vit et travaille dans la verdoyante région de Vlcellina, au Frioul. En 2002, il publie pour "Biblioteca dell'immagine" le roma, en images Corona, l'homme du bois d'Erto. En 2003, pour le même éditeur, il publie le livre Tina Modotii. En 2004, il remporte le prix "Albertarelli" de l'ANAFI, du meilleur jeune auteur italien. En 2005, paraissent trois volumes de bandes dessinées: Corona, la montagne comme la vie (Biblioteca dell'immagnie), Unabomber et Tremblement de terre du Frioul (Becco Giallo). En 2006, il publie L'histoire de Mara (Lavieri) et en 2007, 1918, destins d'octobre (De Bastiani). Il collabore à la revue "ALP", avec des histoires courtes sur des scénarios d'Andrea Gobetti.
29 janvier 2009
Editions le félin
A propos de l'auteur :
Yves Ternon
Médecin et historien
Né en 1932 à Saint-Mandé (France), ancien interne des Hôpitaux de Paris, chirurgien, Yves Ternon conduit depuis 1965 des recherches historiques sur le génocide juif et le génocide arménien. Docteur en histoire, Université Paris IV Sorbonne, il a publié trois ouvrages, en collaboration, sur le nazisme : Histoire de la médecine SS (1969); Le Massacre des aliénés (1971) ; Les Médecins allemands et le national-socialisme, (1973), ainsi que de nombreux ouvrages sur les Arméniens dont : Les Arméniens, histoire d'un génocide (Seuil, 1977 et 1996), La Cause Arménienne (Seuil, 1983), Enquête sur la négation d'un génocide (Parenthèses, 1989); et un livre de réflexion sur les génocides du XXe siècle : L'État criminel (Seuil, 1995).
15 janvier 2009
Editions Editinter
Pierre Danzac a six ans à la fin de la seconde guerre mondiale. Il vit chez sa grand-mère paternelle Marie-Jeanne qui occupe un petit logement rue Condorcet à Paris. Elle vit avec Ratch Fetvadjian, un Arménien rescapé du génocide de 1915. Aventurier talentueux, conteur passionnant, joueur incorrigible, issu d’une famille arménienne de grands propriétaires, il est désormais ruiné.
Devant un atlas toujours ouvert, le vieil homme raconte à l’enfant le génocide, puis sa fuite d’Arménie qui le mènera en pleine Révolution russe jusqu’à Vladivostok par le fameux Transsibérien, puis au Japon, à San Francisco, New York et enfin, à Paris.
Aux éclairages intimes de la vie quotidienne de l’après-guerre se succèdent des personnages qui nourrissent l’imaginaire de l’enfant et introduisent une réalité historique et politique qui aujourd’hui encore résonne avec force dans notre actualité.
EREVAN-PARIS IXe est un roman témoignage inspiré par cette première moitié du vingtième siècle au cours duquel des millions d’hommes sont morts en raison de leur religion, de leur race ou de leurs idées. Pour l’Arménie, les auteurs du génocide sont désignés par l’histoire. Le monde attend désormais leur repentance.
A propos de l'auteur :
André Ratch LABIDOIRE a conduit une carrière de consultant dans les domaines de la communication sociale et politique. Il a effectué de nombreuses missions d’études à l’étranger et a été le témoin aux plus hauts niveaux d’évènements historiques qui ont marqué la fin du vingtième siècle. Erevan-Paris IXe associe à ses souvenirs d’enfance, l’histoire et le témoignage de son parrain, rescapé du génocide arménien de 1915.
14 janvier 2009
Editions Flammarion
1914, Anatolie orientale. C'est au coeur de paysages sauvages et montagneux que vit la famille Tomassian : Vahé, le grand-père, Bedros et Achod, ses fils, Anna et ses deux enfants, Aram, 12 ans et Yéva, 14 ans. En avril 1915, toute la famille est massacrée sous les yeux d'Aram et Yéva. Commence alors la déportation et un véritable voyage aux enfers pour les deux adolescents arméniens.
Venez, crevez l'abcès...
Venez, crevez l'abcès, entrez dans cette sépulture dont peu de gens au pays du Croissant semblent vouloir reconnaître l'existence. Il est tellement plus facile de se réfugier dans l'ignorance… Marchez dans la boue, dans le sang, foulez du pied ces têtes tranchées, écartez sur votre passage ces corps pendus au bord des chemins, passez par-dessus ces femmes violées aux ventres ouverts et ensanglantés comme dans une boucherie. Voyez enfin ces petits enfants aux crânes fracassés…
« Cela n'est pas possible » plaiderez-vous.
Et pourtant si, cela fut possible. Non seulement au Cambodge, au Rwanda ou dans quelques autres pays en guerre ou en révolution, mais aussi en Turquie ottomane, au début du xxe siècle, sous le règne des Jeunes-Turcs. Approchez, venez vous rendre compte pour ne pas devenir à votre tour le complice silencieux des négationnistes et de la manipulation d'État. Les gens de mon origine ne peuvent dormir tranquilles. Nos morts n'ont pas de sépulture. Alors, qu'attendons-nous, que voulons-nous ? Peu de chose en vérité : que les hommes et les femmes du Croissant, lorsqu’ils trinquent à l'honneur, quand nous trinquons à la santé et les Juifs à la vie, puisent dans cet honneur pour reconnaître ce fait indéniable de notre passé commun.
Le temps n'est-il pas venu de réconcilier nos peuples, de déchirer les faux livres d'Histoire, de laver à tout jamais cette tache abominablement écarlate, de se libérer d'un mensonge d'État pour entrer, clair et limpide, dans cette Europe qui aujourd'hui doute et doutera plus encore demain ? Les jeunes générations, celles des après drames, qui ne sont en rien responsables du passé mais ô combien garantes de l'avenir, ont le droit de savoir et de se délier d'une faute qui n'est pas la leur.
Alors venez, crevez l'abcès et, comme je l’ai fait, entrez dans ce livre et vivez l’impensable.
Charles Aznavour
A propos de l'auteur -
Gilbert Sinoué est à la fois écrivain et historien.
Né au Caire, où il a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans. Arrivé en France en 1968. Il est l'auteur de 17 romans, essais et biographies, parmi lesquels Le Livre de Saphir, Prix des Libraires 1996, L'Enfant de Bruges, Les Silences de Dieu, Grand Prix de littérature policière, Des jours et des nuits qui a fait l'objet d'une série télévisée sur France 3 avec Stefan Freiss et Caterina Murino et Moi Jésus.
Il est aussi le coauteur et coscénariste de la série télévisée diffusée en trois épisodes sur en 2008, sur M6, La légende des trois clefs.