Correspondant de guerre du « Journal », Henry BARBY fut chargé de couvrir les opérations de guerre sur le front russo-turc dès l’éclatement de la Première Guerre mondiale. Entre 1914-1916, il accompagna les troupes russes et les corps des volontaires arméniens dans leur offensive qui avait pour théâtre les provinces arméniennes dans l’est de l’Empire ottoman et, avec eux, il atteignit Van en passant par Trébizonde, Erzeroum, Erzindjan. Ce qu’il découvrit en traversant le cœur de l’Arménie historique n’était qu’un champ de ruines, un gigantesque cimetière où des survivants fantomatiques erraient au milieu de cadavres sans sépultures.
Avec un professionnalisme exemplaire, il recueillit et consigna, chaque fois qu’il en eut l’occasion, des témoignages de rescapés, de consuls et de missionnaires étrangers encore présents dans l’Empire ottoman et avec une rare lucidité, il désigna et condamna sans appel, dès 1915 les responsables directs de l’extermination de la nation arménienne : les Jeunes-Turcs regroupés dans le parti « Union et progrès ». Les atrocités commises sur les femmes et les enfants arméniens sans défense font s’écrier ce français qui a déjà vu le sang couler dans les Balkans en 1912-1913 mais qui est projeté cette fois dans l’enfer sur terre : « Y a-t’il dans le monde d’autres femmes, d’autres mères qui aient jamais enduré un martyr pareil au leur ? »
A l’heure où, dans une Europe en quête d’une identité et d’une cohésion nouvelles, des panégyristes patentés, voire stipendiés, de la «laïcité à la turque » prêchent le «devoir de mémoire », en même temps qu’ils falsifient de façon éhonté l’Histoire et demandent à cor et à cri l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne, le témoignage de Henry BARBY rappelle la barbarie sans nom à laquelle les Jeunes-Turcs se réclamant d’une certaine « laïcité à l’européenne » se livrèrent durant la Première Guerre mondiale. Une barbarie telle que n’osèrent perpétrer les plus implacables des sultans califes !
Hratch Bedrossian
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