Le Vilayet d'Alep n'est pas en territoire arménien. C'est la province frontière de la race sémitique et de langue arabe ; et les seules agglomérations arméniennes importantes qu'il contient sont celles des villages de Djébel-Moussa (dont il a déjà été question) et une colonie urbaine dans la ville d'Aïntab. Dans la ville d'Alep même l'élément arménien est peu nombreux et ce n'est pas comme un centre de population, mais comme un carrefour de routes qu'Alep a joué un rôle aussi important que terrible dans les déportations de 1915.
Alep est le point de rencontre naturel de toutes les routes et des chemins de fer de la Turquie d'Asie. Cette ville est située au Sud de la grande barrière du Taurus qui sépare les provinces turco-arméniennes du Nord-Ouest des provinces arabes du Sud-Est. Elle est située aussi à mi-chemin entre le cours de l'Euphrate et la Méditerranée, au point où le fleuve se rapproche le plus de la mer. Du côté Nord-Ouest, le Chemin de Fer de Constantinople à Alep et à Koniah, à travers les chaînes du Taurus et de l'Amanus est construit ; au nord, existe une route descendant des montagnes de Cilicie et passant par Mouch et Aïntab. Il en existe une autre carrossable venant de Diarbékir, du Nord-Est, passant par Ourfa et aboutissant à Alep, tandis que d'Alep même partent deux routes dont l'une se dirige vers le Sud et l'autre vers l'Est. Le Chemin de Fer de Bagdad, qui traverse l'Euphrate, se dirigeant vers l'est, est déjà achevé dans cette section jusqu'à Ras-ul-Aïn ; il faut citer encore la route carrossable qui descend le long de l'Euphrate jusqu'à Deïr-el-Zor et enfin le chemin de fer syrien qui d'Alep se dirige au sud vers Damas, Beyrouth et Médine.
Toutes ces routes étaient parcourues par les convois de déportés arméniens et, dès le début des déportations, ils arrivaient à Alep et en repartaient pour leur destination finale, après un arrêt plus ou moins prolongé dans cette ville bondée de monde.
Des détachements de Zeïtounlis avaient déjà traversé Alep vers le commencement de mai 1915, et le flot des déportés de Cilicie continua à y arriver pendant les trois mois suivants, en des convois plus ou moins importants. Au commencement d'août leur nombre fut augmenté soudain par l'arrivée des premiers convois ou des survivants de ceux venant du Nord-Est. Les premiers venaient de Diarbékir et ils avaient même été 45 jours en route. Ils furent suivis par tous ceux qui avaient survécu aux fatigues du voyage beaucoup plus long des vilayets de Mamouret-ul-Aziz et d'Erzeroum. En même temps un nombre plus grand encore de déportés étaient venus à Alep, — en suivant le chemin de fer d'Anatolie, — provenant de tous les districts arméniens desservis par les embranchements de ce réseau ; mais ce flot était arrêté indéfiniment par la barrière des montagnes aux points où la ligne n'était pas encore construite ; de sorte que même en décembre il y avait encore des convois qui campaient sur les pentes de l'Amanus, Nous avons peu d'informations sur ce qu'ils devinrent après ; nous ne savons s'ils sont morts à ces stations d'Osmanié et d'Islahié, ou bien s'ils purent, en nombre considérable, atteindre Alep. On sait seulement que 500.000 déportés au total, de ceux dirigés sur Alep en 1915, de toutes les régions ci-dessus mentionnées, étaient considérés comme vivant encore dans la région comprise entre Alep, Damas et Deïr-el-Zor, au printemps de 1916.
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Alep. — Message daté du 17 février 1916, de Fraülein O. {Beatrice Rohner} publié dans le journal allemand « Sonnenaufgang » avril 1916.