Le chemin de fer d'Anatolie traverse l'Anatolie dans une direction diagonale des faubourgs asiatiques de Constantinople jusqu'au golfe de Iskendéroun (Alexandrette). Mais après Koniah, la ligne appartient à la Compagnie du chemin de fer de Bagdad et la construction de cette section n'est pas encore achevée. Le tunnel à travers la chaîne du Taurus n'est pas encore ouvert au trafic et la tête de ligne actuelle est à Bozanti sur le versant nord des montagnes. Dans la plaine d'Adana, une courte section de la ligne est depuis longtemps en exploitation depuis Adana même et les ports de Mersine et d'Alexandrette. Mais après cette ville, il y a de nouveau une autre solution de continuité dans la chaîne de l'Amanus et les voyageurs sont obligés de traverser cette deuxième barrière de montagnes sur route, avant d'atteindre le réseau de chemin de fer qui commence à Alep.
Le chemin de fer d'Anatolie suit une voie de commerce ancienne ; il y avait des colonies importantes arméniennes dans les principales villes situées le long de cette voie, de même que dans les villes éloignées du chemin de fer dans la direction du Nord-Est ; mais la voie ferrée forme la limite générale de l'expansion arménienne, et délimite la « Sphère d'Influence Arménienne » dans la Turquie d'Asie, par opposition à celle des Grecs. La seule colonie importante d'Arméniens au Sud-Ouest du chemin de fer d'Anatolie est à Smyrne où les Arméniens semblent avoir moins durement souffert que dans d'autres parties de l'Empire ; tout ce que nous en savons c'est qu'un petit nombre de notables arméniens y ont été pendus.
La déportation des Colonies Arméniennes dans la zone du chemin de fer paraît avoir commencé pendant juin et juillet. Leur nombre s'accrut rapidement par des flots plus importants de déportés venant des districts métropolitains (voir le Groupe XIII ci-dessus) et le trafic sur la ligne fut gravement congestionné. Les souffrances de voyage des déportés, entassés dans des wagons à bestiaux étaient déjà suffisamment cruelles, mais maintenant des foules de déportés étaient retenues dans les stations durant des périodes interminables, attendant leur tour de continuer le voyage. Le plateau central d'Anatolie, que le chemin de fer traverse, est à une altitude moyenne très élevée et le climat y est rigoureux même en été. Les déportés furent retenus sur ce haut plateau découvert, dans un complet dénuement, sans nourriture, sans abri ; il y en avait 2.000 ici, 5.000 là, 11.000 plus loin, 12.000 ailleurs, et 15.000 et 30.000 plus loin encore ; tous ces faits et ces chiffres sont attestés par de nombreux témoins, absolument dignes de foi, dans les documents contenus dans le présent Groupe. Les témoins écrivent d'une demi-douzaine de points différents, situés le long du chemin de fer et l'un d'eux était lui-même un déporté ayant subi personnellement les épreuves d'un camp de concentration. Mais les souffrances de la détention n'étaient rien comparées à ce que les déportés enduraient lorsqu'ils atteignaient à leur tour la tête de ligne et qu'on leur faisait traverser la montagne à pied. Il y a des descriptions effrayantes de leur situation, par un témoin qui les vit après qu'ils avaient atteint la plaine d'Adana, et des rapports plus terrifiants encore des survivants qui avaient pu traverser vivants la deuxième barrière de montagnes et qui se traînaient vers Alep.
Ce voyage d'agonie, le long de la route du chemin de fer, fut effectué pendant plus de trois mois. La plupart des déportés avaient été arrachés de leurs foyers au mois d'août ; les premiers documents portent la date du commencement de septembre et à cette date la plupart des convois avaient à peine commencé leur marche à travers la première chaîne de montagnes ; les derniers documents sont datés du mois de novembre et cependant la grande masse des déportés n'avait pas encore atteint Adana. Ils étaient encore entassés, — arrêtés par l'épuisement, — sur les versants Sud-Est du Taurus et de l'Amanus, entre les sommets et la plaine. L'un des derniers témoins évalue le nombre de ceux-ci à 150.000.
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Les passes d'Amanus. Témoignage de deux résidents suisses en Turquie. Communiqué par le Comité Américain de Secours aux Arméniens et aux Syriens.