Je tiens à vous confirmer mon télégramme en turc daté du 12 novembre, vous prévenant que les Autorités avaient commencée emmener nos professeurs arméniens et que nous n'en comprenions pas la raison.
Je dois ajouter maintenant que tous nos professeurs arméniens ont été déportés et sont partis hier, dans des wagons, dans la direction du sud. Deux d'entr'eux avaient été emmenés dans une autre direction la semaine dernière, mais ils avaient été ramenés ici pour être envoyés vers le sud. Cependant l'un d'eux était devenu fou de frayeur et il a été provisoirement laissé chez nous. Il est douteux qu'il puisse se rétablir dans les conditions actuelles.
Notre Moudir nous donne l'assurance que nos élèves ne seront pas touchés et nous continuons de notre mieux, nous chargeant, nous et nos professeurs grecs du travail supplémentaire. Les enfants de parents arméniens qui ont changé de religion quittent l'école, mais les autres restent. Nous avons à envisager un problème très sérieux, celui de décider de ce que nous allons faire des enfants qu'on nous a laissés.
Le Directeur de l'Orphelinat de J. est aussi parti et j'apprends que l'institution est bouleversée et dans un état très précaire. Je ne sais ce qu'il va en résulter.
Les membres de notre Cercle Arménien sont bien, mais quelques-uns sont éprouvés par une tension aussi prolongée de leurs nerfs. Le train ordinaire des travaux de l'école n'a pas subi d'arrêt et continue doucement comme si rien ne nous était arrivé, mais il a fallu pour cela user rapidement d'expédients et comme disent nos amis turcs « Idaré-i-maslahat ».