Le Kavass de la succursale de la Banque Ottomane à Trébizonde, d'origine monténégrine, quitta Trébizonde en compagnie de Signor Gorrini1, et fit au Caire, où il se trouve actuellement, le récit suivant, à M. Malézian, secrétaire de l'Union Générale Arménienne de Bienfaisance :
« Dans la soirée du même jour où l'ordre parvint de Constantinople, ils jetèrent dans la mer des intellectuels et des membres des partis politiques, environ 40 personnes en tout, en leur disant : « Vous devez partir en exil en prenant le chemin de la mer ».
« Il ne reste actuellement plus un seul Arménien à Trébizonde, en dehors de deux employés de la Banque Ottomane, qui seront aussi déportés, aussitôt que leurs remplaçants seront arrivés de Constantinople. Des enfants ont été convertis à l'islamisme et donnés à des familles mahométanes. On coupe la gorge de ceux qui pleurent et ne restent pas tranquilles.
« Après que les Arméniens furent partis, on confisqua leurs maisons. Tout cela fut organisé par les membres du Comité Union et Progrès.
« On ne permettait aux exilés de prendre avec eux ni argent, ni vêtements, ni provisions de bouche. On désarma 500 soldats arméniens, puis ils furent déportés et massacrés en chemin. Quant aux autres exilés, ils ont dû être massacrés sans exception, car il est certain, d'après les nouvelles reçues de Djévizlik (un village situé à 6 heures de Trébizonde) sur l'unique route conduisant à Gumuch-hané, que l'on vit les exilés passer par cet endroit, par groupes ; — cependant que personne ne les vit passer à Djévizlik. A la même époque, le fleuve Yel-Déïrméni charriait tous les jours à la mer de nombreux cadavres mutilés, complètement nus et des corps de femmes avec les seins coupés ».1) « Je louai un canot automobile pour moi-même et trois employés de ma maison, dont l’un était un Kavass monténégrin qui se trouvait sous notre protection ». Interview du Consul italien Signor Gorrini, publiée dans le journal de Rome « Il Messaggero », le 25 août 1915.