La doctrine allemande du pangermanisme.
«La volonté des autres peuples n'a point de droit». La race allemande étant élue par Dieu pour dominer le monde et pour lui apporter une forme supérieure de civilisation... c'est le Bien. D'ailleurs, les races inaptes ne sont-elles pas appelées à disparaître, et n'est-ce pas un devoir d'ordre supérieur de collaborer avec la nature à son oeuvre de sélection et d'élimination ?...
La pitié n'est que duperie ou faiblesse : place aux forts, place à l'Allemagne «au-dessus de tout»...
Mais les soldats de l'empereur Guillaume ont trouvé des disciples qui les ont surpassés. Les Turcs, qui ont perpétré les horreurs d'Arménie, ajoutent un terrible poids de responsabilités sanglantes sur les épaules, déjà si chargées, de leurs maîtres allemands, car si l'exécution est turque, la méthode est allemande.
La politique allemande.
... Les Allemands avaient un intérêt politique à la disparition des Arméniens. Ils poursuivent, depuis longtemps, -avec une méthode et un esprit de suite qui ont manqué à leurs adversaires,- le dessein de faire de la Turquie un champ d'expansion de la colonisation pour la race allemande...
Plus la Turquie sera vaste, plus ses prétentions s'étendront loin, plus l'Allemagne, sa tutrice et son héritière, sera puissante et riche, plus elle étendra loin les tentacules de ses chemins impériaux. Perse, Caucase, Egypte, Arabie, doivent tomber sous la dépendance de l'Empire ottoman, pour entrer dans la mouvance de l'Empire germanique...
La guerre commencée, la sujétion de la Turquie aux volontés allemandes devient de plus en plus complète. A mesure que la lutte se développe et que le Grand Etat Major voit échouer l'une après l'autre ses combinaisons militaires contre la France, la Russie, l'Angleterre, il accorde de plus en plus d'attention et attache de plus en plus de prix à ses entreprises orientales. Ouvrir la route de Hambourg au golfe Persique, à travers les Balkans ; ranger sous sa domination, sous son protectorat, ou dans son alliance étroite, l'Autriche, la Hongrie, la péninsule balkanique, l'Empire ottoman, l'Egypte et la Perse : tel apparaît aujourd'hui au gouvernement impérial le seul bénéfice qu'il puisse retirer de la guerre, la seule compensation qu'il se croit en droit d'espérer de tant de sacrifices.
Dans ses conditions, l'Allemagne a intérêt à la disparition des Arméniens en tant que constituant un groupement national et politique assez fort pour aspirer au moins à une autonomie administrative...
Les Arméniens, dans leurs montagnes, dominent, comme du haut d'un puissant bastion, les défilés et les plaines où s'avance le chemin de fer de Bagdad ; le massif arménien, précédé par les montagnes de Zeïtoun et les crêtes de l'Amanus et du Taurus, commande les passages difficiles par où le commerce et les armées sont obligés de passer pour descendre des plateaux anatoliens vers la Syrie et les vallées du Tigre et de l'Euphrate...
L'Arménie se dressait sur le chemin de l'expansion économique et politique de l'Allemagne : elle devait disparaître...
Les intérêts des Allemands s'harmonisaient à merveille avec les haines séculaires des Turcs...
D'après les témoignages de réfugiés venant de Syrie, certains consuls allemands auraient encouragé et dirigé les massacres...
Plusieurs lettres écrites par des étrangers au journal arménien Gotchnag, de New York, rapportent que les fonctionnaires allemands stimulèrent le zèle de certains Turcs trop tièdes. A Ourfa, on aurait vu le consul allemand dirigeant les massacres. Des témoins affirment avoir vu des officiers allemands commander les fusillades...
Dans le discours qu'il a prononcé au Reichstag, à l'expiration de la première année de la guerre, le chancelier a félicité les Allemands «d'avoir merveilleusement régénéré la Turquie ». Régénération à l'allemande par le massacre, le pillage et le viol ! La vérité est que l'Allemagne a réussi à exploiter la Turquie avec la complicité d'Enver, de Talaat et de quelques membres du Comité Union et Progrès...
L'hégémonie allemande, c'est l'étouffement des petites nationalités, l'écrasement des petits peuples, la force au service de toutes les oppressions et de toutes les tyrannies, pourvu qu'elles soient profitables à l'Allemagne et à son commerce : l'ordre, pour l'Allemand, c'est le silence des faibles.