Je fus surtout en situation d'avoir, dès le début, d'étroites relations avec les Arméniens de Turquie et de pénétrer leurs sentiments envers les Jeunes-Turcs et le nouveau Régime, j'étais en avril 1909 à Adana où leur enthousiaste loyalisme fut récompensé par le massacre de 30 000 des leurs, tant en Cilicie qu'en Syrie septentrionale. J'ai pu observer l'attitude de ces Arméniens d'Adana avant le massacre. Leur sang fut versé sous mes yeux. Je me suis encore trouvé au milieu de leurs compatriotes en différentes localités lorsque la fureur des tueries se fut calmée.
J'écris à contre cœur ce préambule à la première personne ; mais je crois la chose nécessaire afin de détruire d'avance toute objection qui pourrait être faite à mes déclarations et pour qu'on ne vienne pas dire que «je ne connais pas bien la question»; ou qu' «il est impossible à quiconque n'y a pas assisté, de se former un jugement sur les événements». Je l'ai, en effet, invariablement constaté : toutes les fois, que vous parlez à un Turc ou à ses amis de la question arménienne, ils vous nient formellement les faits et récusent votre compétence et votre jugement.
Il est donc utile que j'établisse tout d'abord que les faits avancés le sont avec pleine certitude pour moi de leur authenticité, et que mon jugement est ici le fruit de six années d'études et d'observations faites de très près.
En avril 1915, le gouvernement Ottoman a commencé à mettre à exécution un plan systématique, soigneusement préparé, pour exterminer la race arménienne.
En six mois, près d'un million d'Arméniens ont été massacrés.
Le nombre des victimes et les moyens employés pour leur destruction n'ont pas de précédent dans l'histoire moderne.
La race arménienne n'a jamais été et n'est pas une menace pour la sécurité de la Turquie. Elle ne mérite en rien l'accusation de déloyauté portée contre elle pour justifier le massacre et la déportation.
La conservation de l'élément arménien est absolument indispensable au bien-être et à la prospérité de l'Empire Ottoman.
Il a été prouvé, au cours des siècles, que les chrétiens et les musulmans peuvent vivre en paix et en amitié dans cette Turquie qui est leur patrie commune.
Le gouvernement allemand pouvait empêcher l'œuvre d'extermination. Il a préféré ne pas intervenir. Il y a même de sérieuses raisons de croire que le gouvernement allemand a bien accueilli, sinon encouragé, la disparition des Arméniens d'Asie Mineure, pour l'extension de ses projets politiques et commerciaux dans l'Empire Ottoman.