Un document antérieur aux massacres représente comme il suit la perception des impôts dans la plaine de Moush :
Les hommes sont battus, emprisonnés, barbouillés d'excrémenls ; les femmes et jeunes filles insultées et déshonorées, arrachées nues de leur lit pendant la nuit; les enfants, ne sont pas épargnés et ces outrages sont proprement les amusements des zaptiés (gendarmes), pour pousser à la vente de ce qui reste de menus biens dans le village au quart de leur valeur : les vaches de 30 à 40 piastres (6 à 8 francs), les moutons de 10 à 15 piastres (2 à 3 francs); des bouchers de Moush de connivence avec le collecteur d'impôts, l'accompagnent dans ses tournées. Et après chaque nouvel acte de cruauté, les zaptiés disent ironiquement aux victimes: "Maintenant allez vous plaindre aux consuls étrangers" (Livr e Bleu , Turkey, numéro 2, annexe, au numéro 25).. .
Quant aux tortures plus extraordinaires - très fréquentes cependant et très variées - ce n'est pas dans une lettre privée, mais dans une pièce diplomatique, non contestée, qu'il en faut chercher un exemple caractéristique. Le fait a été cité par Jaurès à la Chambre des députés. Il est relaté dans une lettre du vice-consul Cumberbatch, qui résume ainsi la déposition d'un des accusés du procès de Yozgat.
Il déclara :
1° Qu'on l'avait battu jusqu'à briser sur son dos trois solides bâtons et, qu'il s'était évanoui de douleur;
2° Qu'on lui avait rasé les cheveux au sommet de la tête, qu'on y avait fait un trou rond dans lequel une coquille de noix à demi pleine de poix avait été enfoncée avec une grosse pierre jusqu'à ce qu'elle tînt d'elle-même. Il s'évanouit plusieurs fois et chaque fois on lui rendit les sens au moyen d'alcool ; mais chaque fois la noix était davantage enfoncée dans sa tête;
3° Que pendant une nuit on l'avait pendu par la tête et les jambes entre deux chaînes suspendues;
4° Que pendant, toute une autre nuit on l'avait pendu par le cou, les pieds touchant à peine terre;
5° Que des anneaux de fer rouge avaient été appliqués à ses chevilles et l'avaient grièvement brûlé. (Blue Book, Turkey, numéro 6, pièce annexe au numéro 13).
Quand la nouvelle des grands massacres parvint en Europe et qu'il fut impossible aux gouvernements de faire plus longtemps le silence, les appels à la solidarité humaine, les demandes d'intervention contre le Sultan rencontrèrent, selon les pays et les individus, des objections et des résistances diverses.