«Nous venions de traverser Malatia déjà vidée de ses habitants et l'on nous fit entrer dans un «khan» sale où régnait la puanteur. Dans un hangar attenant, nous découvrions des cadavres de femmes et d'enfants entièrement dévêtus dans un état de putréfaction avancée. Nous nous demandions si tel allait être notre sort comme ces pauvres gens qui étaient passés dans ce lieu car sinon pourquoi nous avoir fait entrer ici.
Vers le soir nous vîmes arriver des kurdes qui proposèrent du pain et de l'eau en échange des dernières pièces d'or que certains avaient. Pour les autres les cris et les lamentations n'arrivaient pas à émouvoir ces brutes assoiffées de rapines et de rapt. Ainsi la nuit venue, un groupe de kurdes avertis par les autres allaient arracher à leur mère deux filles de dix et douze ans. La mère qui était déjà veuve de son mari, (mort atrocement décapité pour avoir voulu défendre son épouse contre des gendarmes supplétifs, qui voulaient la violer) devait se donner la mort en se jetant dans un gour asséché».
«Nous reprenions notre route vers le désert de Rakka, mais en fait le reste de notre caravane était dirigé vers Der-es-Zor. Nous avancions péniblement avec la soif et la faim pour compagnon ; beaucoup mouraient de soif. Un matin, notre convoi de rescapés croise une caravane de bédouins sur des chameaux ; une femme de la caravane propose à mon père des gorgées d'eau en échange de notre petite sœur. Mon père discute avec ma mère pour lui dire que de toute façon nous allions tous mourir de soif et de la faim ; ainsi la petite serait sauvée et nous tiendrions encore quelque temps. Nous pûmes humecter nos lèvres desséchées, moi Wartevar le plus jeune, ainsi que mes frères, Donik, Garabed et mes parents.
Les yeux remplis de larmes nous vîmes s'éloigner notre petite sœur Mariam.»
«Deux jours plus tard nous arrivions aux bords du fleuve Mourad (l'Euphrate) rouge du sang des cadavres qu'il charriait.»
Quelques jours après notre père était massacré !!! Mais cela fût une autre tragédie.
Traduction Garbis Artin