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ET ALORS ?...Soixante ans ont passé. Talaat repose à Istanbul, dans un mausolée érigé sur la colline de la Liberté ; à Ankara, une des principales artères de la capitale turque porte son nom. A Erzurum, à Mus, à Erzincan, à Elâzig, dans toutes les villes où nous avons vu vivre et palpiter cette grande communauté de la nation arménienne, ne subsistent plus que quelques traces archéologiques le plus souvent à l'abandon, sinon en ruines. De plus, les routes sont mauvaises, l'insécurité totale et, comme on est près de la frontière soviétique, il faut une autorisation pour circuler. Il est vrai que l'Organisation nationale du plan social et économique turc qualifie ces régions de « sous ou semi-développées ». Le génocide est réussi. D'ailleurs, il n'y a pas eu de génocide : c'est une calomnie. Ainsi s'explique le rappel en consultation à Ankara de M. Isik, en février 1973, à la suite de l'inauguration à Marseille d'un monument érigé « à la mémoire des 1 500 000 Arméniens victimes du génocide ordonné par les dirigeants turcs de 1915 ». Le gouvernement turc présente le rappel de son ambassadeur, qui durera un an et demi, comme « un geste de désapprobation » à l'égard des autorités françaises qui ont laissé figurer sur le monument « des termes blessants ». C'est même un mythe. En mars 1974, se tient à New York une séance de la commission des droits de l'homme du Conseil Economique et Social de l'O.N.U. A l'ordre du jour, l'examen d'un rapport établi par la sous-commission et qui traite en particulier du crime de génocide. M. Olcay, représentant de la Turquie, prend la parole pour regretter que le paragraphe 30 de ce rapport « s'arrête sur le soi-disant massacre des Arméniens » et il reproche au rapporteur d'avoir « confondu les caractéristiques spécifiques du crime de génocide avec les conséquences normales des guerres ». Puis, comme il tient « à présenter un aperçu sommaire et objectif de l'époque de l'histoire de la Turquie dont il est question dans le rapport », il reprend les vieilles chansons sur les « actes de trahison » et conclut : « Le mythe du génocide à propos des Arméniens est né de ce que les groupes rebelles d'Arméniens des provinces orientales de la Turquie ont été expulsés vers d'autres régions de l'Empire ottoman où ils ne menaceraient plus la défense du pays, ces régions ont par la suite été cédées par la Turquie comme résultat de la première guerre mondiale et de la lutte du peuple turc pour son indépendance. »
Alors ? Ce génocide, nous l'avons rêvé ? Non. C'est un génocide parfait : il n'a pas eu lieu...
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© Jean-Marie Carzou Arménie 1915, un génocide exemplaire, Flammarion, Paris 1975 édition de poche, Marabout, 1978 |