La cause de cette intervention nous a paru se trouver dans le caractère despotique de l’Empire ottoman, fondé sur l’inégalité des Musulmans et des Chrétiens et évoluant progressivement, du régime de l’exploitation des seconds par les premiers, vers la conception d’un État nationaliste turc poursuivant la politique de la turquification violente ou de la destruction de tous les éléments allogènes.
Débutant par l’action isolée de la Russie, l’intervention d’humanité n’a pas tardé à prendre un caractère collectif, qui s’est affirmé surtout depuis le Congrès de Paris de 1856, mais qui a été affaibli, pendant le XXe siècle, par la défection des Empires centraux.
Malgré les grandes divergences des buts politiques particuliers poursuivis par les Grandes Puissances dans le Proche-Orient, leur intervention collective en faveur des sujets chrétiens de la Porte a pu s’élever au-dessus de ces divergences et poursuivre, comme objet commun, la pacification de la Turquie, nécessaire à la paix du monde. C’est pour cette raison qu’on doit lui reconnaître un véritable caractère humanitaire.
Pour atteindre son but, l’intervention collective des Puissances n’a eu recours au démembrement de l’Empire ottoman qu’en dernier lieu, après avoir épuisé tous les autres moyens, voire les réformes et l’autonomie[409].
L’intervention des Puissances dans la question arménienne jusqu’à la Grande Guerre présente tous les traits généraux de l’intervention d’humanité.
Les débuts de l’intervention collective d’humanité en Arménie lors du Congrès de Berlin ont été provoqués par la mauvaise administration turque, complice de l’exploitation et de l’oppression des Arméniens par les Kurdes. Le Sultan Abdul-Hamid, qui avait conçu le plan de l’anéantissement systématique de tout le peuple arménien, a développé cette oppression en organisant les Kurdes en régiments irréguliers qui devinrent un véritable fléau pour l’Arménie. Trouvant ce moyen trop lent, le Sultan Abdul-Hamid a organisé des massacres en règle en 1894, 1895 et 1896. Le régime jeune-turc, durant lequel ont eu lieu les massacres d’Adana (1909), n’a apporté aucune amélioration à la situation des Arméniens.
L’intervention d’humanité des Puissances en faveur de l’Arménie a été paralysée vers la fin du XIXe siècle à là suite de la défection des Empires centraux, et surtout de l’Allemagne, intimement liée à la Turquie. La division des grands États européens en deux camps hostiles a permis aux Turcs d’éluder les réformes accordées par Abdul-Hamid sous la pression de l’Entente en 1895 et de mutiler le projet de réformes de 1914 de l’exécution duquel la Turquie a été d’ailleurs débarrassée par la Grande Guerre.
Le caractère humanitaire de l’intervention des six Puissances d’abord, de la seule Entente ensuite, en faveur de l’Arménie, paraît hors de doute. Les Puissances de l’Entente n’ont voulu tirer des réformes par elles proposées en 1895 et en 1914 d’autre profit que la tranquillité mondiale ; la Russie, en particulier, n’a cherché par elles que la paix dans les provinces voisines de ses frontières.
L’intervention des Puissances jusqu’à la Grande Guerre n’a pas tendu à détacher l’Arménie de la Turquie. Elle est restée dans les limites des réformes. Le projet de 1914, qui divisait l’Arménie en deux secteurs placés sous la surveillance de deux inspecteurs généraux étrangers, s’est inspiré, en général, de la longue expérience des Puissances qu’aucune réforme en Turquie ne saurait aboutir sans un contrôle international, et spécialement du souvenir de la mauvaise exécution du décret du 20 octobre 1895.
Le gouvernement jeune-turc a profité de la guerre mondiale pour faire massacrer ou laisser périr par la faim, la soif, les maladies et les mauvais traitements près d’un million des sujets arméniens de la Turquie. Ces faits sont prouvés par un très grand nombre de témoignages de source neutre et, en dernier lieu, par la correspondance du ministère des affaires étrangères d’Allemagne, alliée de la Turquie. Ils ont été, en outre, reconnus par le Grand Vézir Damad Ferid Pacha, devant le Conseil suprême des Alliés[410].
Les accords secrets interalliés conclus en 1915-1917 et qui divisaient l’État ottoman en diverses zones d’influence ont eu un caractère impérialiste. En particulier, l’accord Sazonow-Paléologue de 1916 a partagé l’Arménie entre la Russie et la France. Les populations chrétiennes de l’Empire ottoman passant du joug turc sous l’influence plus ou moins directe des Puissances gagnaient évidemment au change. Il reste néanmoins vrai que les accords secrets interalliés constituaient un écart manifeste des méthodes de l’intervention d’humanité d’avant guerre que nous avons constatées plus haut, car ils remplaçaient l’indépendance des peuples libérés de la domination turque par leur annexion, plus ou moins déguisée, aux libérateurs. Ainsi donc les Puissances préparaient aux Arméniens, par leurs, accords secrets, un autre sort que celui échu jadis aux Hellènes, aux Roumains, aux Serbes et aux Bulgares[411]
La révolution russe et l’entrée en guerre des États-Unis d’Amérique ont amené cependant un retour aux principes de l’intervention d’humanité. Les déclarations des hommes d’État responsables des Puissances alliées ont nettement garanti aux Arméniens leur indépendance nationale, autant par application du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes qu’en reconnaissance des services rendus dans leurs rangs à la cause des Alliés comme soldats de l’armée régulière russe, comme soldats du corps national ou comme engagés de la Légion d’Orient[412].
L’armistice conclu avec les Turcs le 30 octobre 1918 par l’amiral anglais sir Arthur Calthorpe, représentant des Alliés victorieux, a mis fin à l’occupation turque de la Transcaucasie, mais a laissé les Turcs, qui étaient alors à la merci des Puissances, en possession de l’Arménie turque. C’est dans cette Arménie que, grâce à l’incurie ou à la faiblesse des Alliés, a pu prendre racine et se développer librement le mouvement nationaliste turc, qui, en dépassant ses limites légitimes, a eu le tort d’inscrire sur son drapeau la négation de toutes les aspirations des Arméniens de Turquie à l’indépendance ou à une union avec l’Arménie russe[413].
Tout en compromettant ainsi, pratiquement, par leurs erreurs politiques l’avenir de l’Arménie indépendante, barrière pourtant naturelle contre leurs plus dangereux ennemis, — les Bolcheviks et les Kémalistes, — les Puissances alliées ont bientôt après l’armistice commencé à donner à la nation arménienne des satisfactions d’ordre moral et juridique. La première de ces satisfactions se trouve dans les résolutions du 30 janvier 1919 de la Conférence de la Paix, énumérant l’Arménie parmi les pays qui devront être complètement séparés de l’Empire ottoman et placés sous une tutelle exercée au nom de la Société des Nations. L’article 22 du Pacte de la Société des Nations concernant les mandats internationaux visait encore certainement, parmi d’autres parties de l’Empire ottoman, l’Arménie[414]. D’autre part, au début de l’année 1920, les Principales Puissances alliées ont reconnu le gouvernement de l’État arménien comme gouvernement défait[415].
Les gouvernements de Moscou et d’Angora, bien que poursuivant des visées finales différentes — l’un l’expansion du Bolchevisme, l’autre celle du Pantouranisme, — seront unis, dès leur origine, pour la réalisation d’un but immédiat, celui de l’anéantissement du pouvoir politique des Alliés en Asie. L’une des premières conséquences de cette collusion des deux forces ennemies des Puissances alliées a été la destruction de l’indépendance de l’Arménie d’Erivan, dont les deux tiers ont été incorporés à la Turquie par le traité d’Alexandropol (2 décembre 1920), et le reste converti en une République soviétique[416].
La tentative du Conseil suprême d’appliquer au peuple arménien les bienfaits de l’article 22 du Pacte a échoué devant l’impossibilité de trouver un mandataire. Le Conseil de la Société des Nations, sollicité en premier lieu par le Conseil suprême, a décliné comme de raison une offre contraire aux termes du Pacte qui réserve à la Société non pas l’exercice, mais le contrôle des mandats[417]. Les États-Unis d’Amérique, sollicités ensuite, ont refusé également le mandat pour l’Arménie, que les Puissances lui avaient d’ailleurs offert saris tenir aucun compte des suggestions du Conseil de la Société des Nations sur les assurances préalables à donner au mandataire relativement à la remise, au besoin par la force, à la République arménienne du territoire ottoman qui lui serait attribué, ainsi qu’à son contrôle militaire et à ses ressources financières[418]. Il est très probable que le rejet du mandat par le Sénat américain a été influencé également par les idées développées dans le rapport du général Harbord (correspondant à celles du rapport Crane-King) à l’effet que les États-Unis ne sauraient accepter qu’un seul et unique mandat pour tout le Proche-Orient (Constantinople, Anatolie et Arménie) et non seulement pour l’Arménie[419].
Aucun autre État ne s’est déclaré prêt à accepter la tutelle de l’Arménie.
Dans ces conditions, les Puissances, renonçant à l’idée du mandat arménien, ont admis les représentants de l’Arménie à siéger à la Conférence de la Paix, parmi ceux des États alliés, et ont confirmé l’indépendance de jure de l’Arménie par l’article 88 du traité de Sèvres, portant : « La Turquie déclare reconnaître, comme l’ont déjà fait les Puissances alliées, l’Arménie comme un État libre et indépendant ». Mais cette reconnaissance a été limitée à la seule Arménie russe. Le sort de l’Arménie turque a été réservé à l’arbitrage du Président des États-Unis d’Amérique prié par l’article 89 du traité de Sèvres de déterminer les frontières entre l’Arménie et la Turquie dans les quatre vilayets d’Erzeroum, Trébizonde, Van et Bitlis. Enfin, le traité de Sèvres a prévu pour les Arméniens restant en Turquie, comme pour les autres minorités, un système de protection entouré d’une garantie efficace, puisqu’il comportait, en cas de sa violation, l’expulsion des Turcs de Constantinople (art. 36)[420].
L’accord tripartite conclu simultanément avec le traité de Sèvres entre la France, la Grande-Bretagne et l’Italie à l’effet d’attribuer respectivement à ces puissances des zones « d’intérêts particuliers » dans de vastes parties de l’Antolie demeurées sous la domination turque, a imparti à chacune d’elles, dans la zone qui lui a été attribuée, la responsabilité de veiller à l’exécution du traité de paix avec la Turquie en ce qui concerne la protection des minorités[421].
L’indépendance de l’Arménie a été entraînée dans l’écroulement de l’édifice peu solide du traité de Sèvres. Ce traité, dernière manifestation de l’intervention d’humanité en Turquie, n’a pas su tenir suffisamment compte de la situation politique et des intérêts de la France et de l’Italie, désavantagées surtout dans la distribution des mandats. L’accord tripartite ne leur a offert que des compensations aléatoires. Dès lors ces deux puissances ont dessiné un fort mouvement vers un rapprochement avec la Turquie.
La France, en particulier, a cru un pareil rapprochement conforme aussi bien à son intérêt national qu’à ses traditions séculaires. Exposée plus que ses alliés à l’action militaire turque, elle devait cependant, en présence de la situation générale en Europe, s’interdire de grands efforts sur le front d’Asie. Elle pensait, d’autre part, par une entente cordiale avec la nouvelle Turquie, y conserver le patrimoine moral et matériel, accumulé dans l’ancien Empire ottoman. Elle espérait, enfin, détourner de ses colonies le danger d’une propagande panislamiste émanant d’Angora. L’Italie, puissance musulmane elle aussi, tenait également à parer à ce dernier danger et à s’assurer une collaboration économique féconde avec l’État d’Angora.
L’Angleterre, seule puissance dont les intérêts ont été pleinement satisfaits par le traité de Sèvres, a naturellement commencé par s’attacher à sa stricte exécution. Elle ne s’est pas laissé tout d’abord influencer outre mesure dans la continuation de sa politique anti-turque par le mouvement protestataire des Indes auquel elle n’avait concédé, dans le traité, que le maintien conditionnel des Turcs à Constantinople. Elle a su également, malgré une insurrection en Mésopotamie, par une habile politique, se maintenir dans le rôle de protecteur des aspirations arabes. Mais, épuisée elle aussi par la Grande Guerre, l’Angleterre comptait, pour l’exécution du traité de Sèvres, surtout sur l’armée grecque qu’elle soutenait financièrement et matériellement. Dès lors, l’effondrement de l.i Grèce vénizeliste a forcé l’Angleterre à se rallier jusqu’il un certain point, à la nouvelle politique orientale de ses alliés et à consentir à une révision du traité de Sèvres.
Les premiers signes de ce revirement dans la politique orientale des trois Alliés se sont déjà fait sentir pendant la première Assemblée de la Société des Nations. Cette Assemblée, siégeant au moment de la lutte suprême soutenue par la République d’Erivan contre les Kémalistes et les Bolcheviks (novembre-décembre 1920), a écarté une proposition d’intervention armée proposée par lu Roumanie et s’est bornée à un appel sollicitant l’action médiatrice des Puissances pour mettre un terme aux hostilités — appel auquel seuls ont répondu le Président Wilson et les gouvernements espagnol et brésilien — et à une résolution finale, chargeant le Conseil de la Société « de veiller sur le sort de l’Arménie ».
La première Assemblée a rejeté en même temps la demande de la République arménienne tendant à son admission dans la Société des Nations. Ce rejet, intervenu après la destruction de l’indépendance arménienne, sous le coup des Kémalistes et des Bolcheviks, a été dû à la crainte exagérée des risques que l’admission de l’Arménie aurait, en vertu de l’article 10 du Pacte, fait courir à la Société.
Il a été, sans nul doute, influencé par un télégramme ouvert des gouvernements de France, de Grande-Bretagne et d’Italie à leurs représentants à la Société, se prononçant contre l’admission de l’Arménie aussi bien à raison de la non-ratification du traité de Sèvres qu’à cause de la sentence du Président Wilson ayant donné aux frontières de l’Arménie « une extension telle que les Puissances participant à la Société des Nations pourraient difficilement, dans les conditions actuelles, accepter la responsabilité de les garantir et de les faire respecter »[422].
A la Conférence de Londres de mars 1921, les Alliés ont renoncé à l’indépendance de l’Arménie proclamée par le traité de Sèvres et ont fait abstraction complète de la sentence sur les frontières arméniennes rendue, à la suite de leur proposition, par le Président Wilson. Le projet de règlement allié, modifiant le traité de Sèvres et remis aux Délégations grecque et turque le 12 mars 1921, n’assure aux Arméniens qu’un Foyer national sur la frontière orientale de la Turquie. Le projet ne se prononce pas sur la position juridique vis-à-vis de la Turquie de ce Foyer ; il nous paraît cependant hors de doute que ce terme était destiné à désigner une province autonome placée sous la souveraineté turque[423].
L’abandon, à Londres, de l’indépendance arménienne par les trois Puissances doit être expliqué avant tout par le fait que l’Arménie turque était occupée par les troupes de Moustapha Kémal Pacha et que, partant, son sacrifice se présentait aux Alliés comme le moins pénible. Cet abandon prouve en même temps que l’indépendance arménienne n’apparaissait pas aux Alliés comme une nécessité politique et qu’elle avait cessé d’apparaître comme une nécessité morale[424].
Après l’échec de la Conférence de Londres, la politique orientale de l’Angleterre, d’un côté, et la politique de la France et de l’Italie, de l’autre, tout en poursuivant le même but — une paix stable dans le Proche-Orient — ont bifurqué de nouveau. L’Angleterre a cherché à consolider la paix par une entrée en contact avec les Soviets (accord russo-anglais du 16 mars 1921). La France et l’Italie se sont efforcées d’arriver au même but par des accords séparés avec les Kémalistes (accords de Londres des 9 et 12 mars 1921). Cette conduite des Alliés a été attribuée, aussi bien par les Turcs que par les Bolcheviks, à la crainte inspirée par leur union, et les a amenés à resserrer, par le traité de Moscou (16 mars 1921), encore davantage les liens de leur alliance contre ce qu’ils appelaient l’Impérialisme des Puissances occidentales. L’accord avec les Soviets n’a pas fait cesser la propagande bolchéviste en Asie. Et, espérant arracher à la faiblesse de ses vainqueurs des conditions encore meilleures, le Parlement d’Angora n’a pas ratifié les accords séparés de Londres avec la France et l’Italie.
L’Arménie a payé la double erreur des Alliés. Les accord : séparés des trois Puissances avec les Soviets et Moustaplm Kémal Pacha ne s’étaient pas embarrassés de l’Arménie dont ils ne faisaient aucune mention spéciale. Par contre, l’accord turco-russe de Moscou (16 mars 1921) et plus tard celui de Kars (13 octobre 1921) s’en sont occupés pour consacrer le partage de l’Arménie entre la Russie des Soviets et la Turquie kémaliste[425].
La seconde Assemblée de la Société des Nations (septembre 1921) a voté une résolution en faveur de l’indépendance du Foyer national de la domination ottomane[426].
L’accord séparé franco-turc d’Angora du 20 octobre 1921 ne fait aucune mention particulière de l’Arménie et et l’accord franco-turc de Londres. L’article 6 de l’accord d’Angora a, en effet, effacé toute distinction à ce sujet entre la Turquie et les autres Puissances occidentales, n’obligeant la Turquie à reconnaître les droits des minorités que dans la mesure établie par les conventions conclues entre les Puissances de l’Entente et certains États européens.
À la suite de cet accord, la presque totalité des Arméniens de la partie de Cilicie qui devait être évacuée par les troupes françaises, ne se fiant pas aux promesses du gouvernement d’Angora, ont abandonné leurs foyers et ont été accueillis par la France (en Syrie), la Grèce et quelques autres pays[427].
A la suite de l’accord franco-turc d’Angora, une correspondance officielle s’est produite (novembre-décembre 1921) entre les gouvernements français et anglais, étalant aux yeux du monde une divergence considérable entre les vues des deux gouvernements sur la valeur des droits qui seraient reconnus par les Turcs aux minorités sans être soutenus par des garanties spéciales. Le gouvernement de Paris a, en effet, qualifié le gouvernement d’Angora comme un pouvoir « capable de tenir et de faire exécuter les engagements qu’il a contractés ». Celui de Londres a, au contraire, exprimé des doutes sur la valeur de stipulations en faveur des minorités dépendant exclusivement de la loyauté du gouvernement kémaliste. Cette controverse publique, révélant un certain malaise politique entre les Alliés, a certainement encouragé les dirigeants d’Angora à persévérer dans leur attitude intransigeante en ce qui concerne la question des minorités[428]. ’
Le gouvernement kémaliste n’a pas tenu à justifier, par une politique plus libérale envers les minorités non-turques, le crédit moral que lui faisait la générosité du gouvernement français. Prétextant d’une insurrection générale de ses sujets grecs du Pont — alors qu’il s’agissait, en réalité, de mouvements sporadiques insignifiants immédiatement réprimés — le gouvernement kémaliste a procédé, aussi bien après qu’avant l’accord d’Angora, et sans se laisser émouvoir le moins du monde par les protestations des Hauts Commissaires alliés, à l’élimination violente de tout l’élément grec du Pont, au moyen de déportations et de massacres. Ces atrocités, constatées par des témoins américains, ne peuvent être excusées par les excès commis par les Grecs en territoire ottoman occupé — les atrocités grecques s’étant d’ailleurs produites sur une échelle infiniment moins large que les atrocités turques et leurs auteurs ayant été l’objet de sanctions les plus sévères prises par le gouvernement hellène. Les déportations et les massacres des Grecs du Pont ne sauraient encore moins être excusés par les projets de créer un État indépendant du Pont que certaines personnalités grecques caressaient en 1919 pendant la Conférence de la Paix, ces projets étant devenus complètement irréalisables par l’affermissement du pouvoir kémaliste.
D’autre part, quelques semaines après le traité d’Angora, le 26 novembre 1921, l’Assemblée nationale turque a voté l’abolition des antiques privilèges des Chrétiens concédés par le Conquérant.
Les propositions de paix faites, le 22 mars 1922, par la Conférence orientale de Paris, à la Turquie et à la Grèce, ont marqué un nouveau rapprochement des trois Alliés des revendications turques, rapprochement conforme à la politique générale de la France et de l’Italie et dicté à l’Angleterre par une recrudescence de l’agitation en faveur du Califat dans les Indes et par l’affaiblissement progressif de l’action grecque. Ces nouvelles propositions ont scellé l’abandon, par les Alliés, de l’indépendance de l’Arménie turque. La Conférence de Paris a, en effet, proclamé la pleine souveraineté turque des frontières de la Transcaucasie, de la Perse et de la Mésopotamie jusqu’aux rives de la mer Egée. En outre, tout en maintenant la constitution d’un Foyer national arménien, et en recherchant pour cette constitution l’aide de la Société des Nations, la Conférence de Paris n’a pas situé ce Foyer dans les frontières orientales de la Turquie d’Asie, comme l’avait fait la Conférence de Londres.
Dans la question générale de la protection des minorités, la Conférence de Paris a marqué un grand pas en arrière en comparaison avec le traité de Sèvres. Car, en ce qui concerne le contenu des droits accordés aux minorités, la Conférence de Paris, en établissant une assimilation à ce sujet entre la Turquie et la Grèce, n’a admis les minorités en Turquie qu’au bénéfice des droits stipulés dans les autres traités des minorités. Ainsi l’Angleterre, malgré sa critique véhémente du traité d’Angora, a fini par se placer sur le même terrain que ses alliés. Et en ce qui concerne les garanties d’exécution, la menace de la perte de Constantinople (art. 36 du traité de Sèvres) a été expressément retirée. Comme seule garantie internationale, on voit figurer la surveillance de l’exécution des clauses concernant les minorités par des Commissaires spéciaux de la Société des Nations[429].
Dans l’invitation à la Conférence de paix adressée par les Alliés au gouvernement d’Angora, après la victoire turque sur les Grecs (23 septembre 1922), la protection des minorités sous les auspices de la Société des Nations est mentionnée, mais la question du Foyer arménien est passée sous silence[430].
La troisième Assemblée de la Société des Nations a, par contre, voté (22 septembre 1922) le vœu que, « dans les négociations de paix avec la Turquie, on ne perde pas de vue la nécessité de constituer le Foyer national pour les Arméniens »[431].
Parmi les concessions qu’à la Conférence de Lausanne la Turquie kémaliste a réussi à obtenir de la faiblesse des Alliés, plusieurs sont contraires aux intérêts de leurs propres sujets. Notamment, après avoir déclaré ouvertement leur manque de confiance dans le système judiciaire turc actuel et insisté pour que l’abolition des Capitulations fût précédée par un régime transitoire comportant des Cours mixtes, les Puissances ont fini par se contenter d’une déclaration turque de pur apparat où la juridiction mixte est remplacée par l’institution de Conseillers étrangers au service de la Turquie et n’exerçant aucun contrôle efficace. Ainsi, les intérêts des ressortissants alliés ont été soumis à la discrétion de la justice turque non encore réformée.
Dans la question des minorités, les Turcs ont également pu faire prévaloir leur point de vue en ce qui concerne l’échange des populations turque et grecque. La Délégation d’Angora a fait triompher le principe de l’échange obligatoire, contrairement aux vœux de la Délégation hellène, partisan d’un échange volontaire. Quant au sort, des minorités restant en Turquie, les Turcs n’ont accepté que les obligations résultant des traités des minorités conclus par les Alliés avec d’autres États et ont repoussé avec succès toute surveillance spéciale de l’exécution de ces dispositions par un Commissaire de la Société dos Nations résidant en Turquie.
Les débats sur le Foyer national arménien se sont également terminés par une éclatante victoire turque sur les Puissances alliées. Celles-ci ont cependant présenté à Lausanne la conception de ce Foyer sous la forme la plus modeste. Elles en ont, en effet, expressément éliminé toute idée d’autonomie et réduit le Foyer à la concentration des Arméniens dans une zone déterminée du territoire turc, où, tout en restant sous la loi et sous l’administration turques, ils jouiraient d’un régime local leur permettant de maintenir leur race, leur langue et leur culture. Mais l’opposition de la Délégation turque a été irréductible. La Délégation a repoussé catégoriquement toute idée d’un Foyer national arménien quelconque et a fini par la faire abandonner aux Alliés.
La situation juridique des restes de la nation arménienne en Turquie se trouve, par conséquent, déterminée par les seules dispositions du traité de Lausanne sur les minorités. Les Arméniens ont, en outre, perdu le bénéfice des stipulations en leur faveur du traité de Sèvres contenant des sanctions pour les actes contraires au droit humain, commis par les Turcs pendant la guerre ; ils ont été également frustrés, pour l’avenir, des dispositions de ce traité sur la restitution des personnes ou des biens.
Chapitre III.
La Délégation de la République arménienne a publié en 1922 un volume : L’Arménie et la question arménienne, qui contient un tableau des « déclarations des hommes d’État alliés en faveur de l’Arménie » faites pendant la guerre (p. 73-108). Nous croyons utile de produire ici quelques-unes de ces déclarations.
Lettre de M. Clemenceau, Président du Conseil, à Boghos Nubar Pacha, en date du 14 juillet 1918 :
Cher Monsieur,
Rappelant la conduite héroïque de vos compatriotes, vous me demandez de saisir une prochaine occasion pour encourager leurs efforts et pour leur dire que les conditions imposées par la Conférence de Constantinople ne seront pas reconnues par le gouvernement de la République.
La France, victime de la plus injuste des agressions, a inscrit dans ses revendications la libération des nations opprimées.
Protectrice traditionnelle de ces peuples, elle a manifesté à maintes reprises sa profonde sympathie pour les Arméniens. Elle a tout tenté pour venir à leur aide.
L’esprit d’abnégation des Arméniens, leur loyalisme envers les Alliés dans la Légion étrangère, sur le front du Caucase et à la Légion d’Orient ont resserré les liens qui les attachent à la France.
Je suis heureux, de vous confirmer que le gouvernement de la République, comme celui du Royaume-Uni, n’a pas cessé de compter la Nation arménienne au nombre des peuples dont les Alliés comptent régler le sort selon les règles supérieures de l’Humanité et de la Justice.
Veuillez croire, etc..
CLEMENCEAU
Lettre de M. Jean Goût adressée au nom de M. Georges Clemenceau et sur son ordre au Président de l’Union intellectuelle arménienne :
Monsieur le Président,
M. le Président du Conseil, ministre de la guerre, a été profondément sensible à la lettre que vous avez bien voulu lui adresser à l’occasion des victoires remportées sur le front de France.
J’ai l’honneur de vous transmettre ses vifs remerciements.
Les populations arméniennes peuvent être assurées que le gouvernement de la République sera heureux de leur conserver tout son appui en vue d’empêcher le renouvellement des massacres dont elles ont été victimes et de leur permettre de se libérer définitivement du joug ottoman.
Agréez, Monsieur le Président, l’assurance de ma considération très distinguée.
Pour le ministre et par ordre : Le ministre plénipotentiaire, sous-directeur des affaires politiques, JEAN GOUT
Déclaration de M. Balfour à la Chambre des communes en date du 6 novembre 1917 :
« Nous ne voulons détruire aucun élément turc composé de Turcs, gouverné par les Turcs et pour des Turcs, d’une manière qui convient aux Turcs ; mais d’aucune façon il ne faut perdre de vue que l’un des buts que nous devons poursuivre, maintenant que la catastrophe internationale pèse sur nous, est la possibilité, le devoir d’arracher au gouvernement turc les peuples qui ne sont pas turcs, qui ont été désorganisés par les Turcs, dont le développement a été arrêté par les Turcs et qui, j’en ai la conviction, prospéreraient s’il leur était donné d’avoir un gouvernement propre et de suivre leurs propres coutumes ».
Déclarations de M. Lloyd George au Parlement britannique en date du 21 décembre 1917 : Se référant à son discours de Glascow, à propos des buts de guerre, M. Lloyd George, après avoir parlé des autres pays, a dit :
« …J’ai dit en second lieu que la question de Mésopotamie devrait être laissée pour être résolue au Congrès de la Paix, tout en spécifiant cependant que cette région, uinsi que l’Arménie, ne devraient jamais être replacées sous la domination néfaste des Turcs ».
Extrait du discours de M. Lloyd George prononcé le 5 janvier 1918 devant les Délégués des Trade-Unions :
« …Hors d’Europe, nous croyons qu’il faut appliquer les mêmes principes. Sans doute nous ne contestons pas le maintien de l’Empire ottoman dans les pays habités par la race turque, ni le maintien de sa capitale à Constanti-nople, les détroits unissant la Méditerranée à la mer Noire étant Internationalisés.
« L’Arabie, l’Arménie, la Mésopotamie, la Syrie et la Palestine, suivant nous, ont le droit de voir reconnaître leur existence séparée. Nous n’allons pas discuter ici la forme exacte que pourra prendra tlnns chaque cas particulier la reconnaissance de cette existence.
Bornons-nous à dire qu’il serait impossible de rendre ces pays à leurs anciens maîtres. »
Déclaration de M. Balfour à la Chambre des communes, en date du 11 juillet 1918 :
« Le gouvernement de Sa Majesté britannique suit avec la sympathie et l’admiration les plus profondes la vaillante résistance des Arméniens dans la défense de leurs libertés et de leur honneur. Il fait tout son possible pour leur venir en aide.
« En ce qui concerne l’avenir de l’Arménie, je rappellerai simplement les déclarations politiques faites par les principaux hommes d’État des Puissances alliées. Cet avenir sera décidé suivant le principe indiqué par l’honorable membre : droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
Réponse de lord Robert Cecil, sous-secrétaire d’État aux affaires étrangères, à la lettre de l’Hon. lord Bryce, datée de Hundleap, le 30 septembre 1918 : Ministère des affaires étrangères, 3 octobre 1918.
« Cher lord Bryce,
« …D’autre part, les services rendus par les Arméniens à la cause commune, services auxquels vous faites allusion dans votre lettre ; ne peuvent assurément pas être oubliés. Je mentionnerai ici quatre points, que les Arméniens peuvent, à mon avis, considérer comme constituant la charte de leur droit à la libération par les soins des Alliés ;
« 1° En automne 1914, les Turcs envoyèrent des émissaires au Congrès national des Arméniens de Turquie, siégeant à Erzeroum, et lui firent la promesse d’accorder l’autonomie à l’Arménie, si les Arméniens s’engageaient à aider activement la Turquie durant la guerre. Les Arméniens répondirent qu’ils feraient individuellement leur devoir comme sujets ottomans, mais qu’en tant que nation ils ne pouvaient pas soutenir la cause de la Turquie et de ses Alliés ;
« 2° C’est en partie à cause de ce courageux refus que les Arméniens de Turquie ont été systématiquement massacrés en 1915 par le gouvernement turc. Les deux tiers de la population, plus de 700.000 hommes, femmes ainsi que des enfants, ont été ainsi exterminés par les méthodes les plus infernales et avec sang-froid ;
« 3° Dès le commencement de la guerre, la moitié de la nation arménienne qui vivait sous la souveraineté russe a organisé des corps de volontaires qui, sous le commandement d’Andranik, leur chef héroïque, soutinrent le choc de quelques-uns des plus lourds combats de la campagne du Caucase ;
« 4° Après l’écroulement de l’armée russe à la fin de l’année dernière, ces mêmes forces arméniennes se chargèrent de la défense du front du Caucase et retardèrent pendant cinq mois l’avance des Turcs, rendant ainsi un service signalé à l’armée britannique de Mésopotamie. Ces opérations de guerre dans les régions d’Alexandropol et d’Erivan n’avaient, bien entendu, aucun rapport avec les opérations de Bakou.
« Je puis ajouter que les soldats arméniens servent, aujourd’hui encore, dans les rangs des forces alliées de Syrie. On les trouve de même dans les rangs aussi bien des armées britanniques et françaises qu’américaines et ils ont eu leur part de la grande victoire du général Allenby en Palestine.
« Dois-je dire, après tout cela, que la politique des Alliés envers les Arméniens n’a pas varié ? Si votre lettre et celle de Nubar Pacha demandent une pareille déclaration du gouvernement britannique, je suis prêt à affirmer de nouveau notre détermination de mettre fin aux méfaits dont l’Arménie a souffert, et de rendre leur renouvellement impossible.
« Sincèrement vôtre. ROBERT CECIL »
Déclaration de lord Robert Cecil à la Chambre des communes le 18 novembre 1918 :
« Tout ce que je dirai est ceci : mon honorable collègue, le député de Donegal, m’a demandé si le gouvernement, en déclarant qu’il libérerait l’Arménie de la tyrannie des Turcs, avait fait une réserve dans son esprit, signifiant qu’il permettrait aux Turcs de les gouverner, sans les tyranniser ? En ce qui me concerne, et je crois que dans cette question je puis parler au nom du gouvernement, je serai profondément déçu si une ombre ou un atome du gouvernement turc était laissé en Arménie… Il y a certaines populations éparpillées, répandues dans la contrée turque, pour lesquelles il ne sera pas possible d’avoir un gouvernement séparé ; mais en parlant en général, notre but est la libération de tous ces peuples ; ce ne sont pas seulement les Arméniens, ce sont aussi les Kurdes, les Arabes, les Juifs, qui ont droit à notre assistance. En ce qui concerne l’Arménie, j’ai exposé ma manière de voir très clairement. Je puis en dire autant des Arabes. Pour les Kurdes, j’espère le même résultat. Les Grecs ont sans aucun doute droit à notre protection et ils devraient, je crois, être assistés ; mais, comme l’honorable député le sait, la solution est difficile, parce qu’ils sont éparpillés le long de toute la côte.
Colonel Wedgwood. Avez-vous l’intention de dire qu’ils ne seront pas sous la domination turque ?
Lord R. Cecil. Mais certainement en ce qui concerne l’Arménie…
Je suis donc entièrement d’accord pour affirmer que le gouvernement turc a donné des preuves absolues de son incapacité à gouverner les races soumises à sa puissance, que les jours de sa domination touchent à leur fin, et j’espère qu’on ne lui donnera plus jamais l’occasion de recommencer ».
Extrait du compte rendu de la séance du 26 novembre 1918 de la Chambre des députés d’Italie : L’honorable Luzzati développe l’ordre du jour suivant : « La Chambre exprime sa confiance que le gouvernement, fidèle à la tradition nationale et non oublieux des liens historiques, soutiendra l’indépendance politique de l’Arménie, affranchie de la triple tyrannie séculaire ».
L’honorable Luzzati dit : « Gladstone, qui sentait les souffrances de tous les peuples opprimés, avait dénoncé le martyre des Arméniens avec des paroles cuisantes, inspirées de cette même bonté rédemptrice qu’il témoigna jadis à nous Italiens, et, en mourant, il recommandait leur cause sacrée à tous les hommes libres du monde.
« Si la convenance de clôturer cette discussion ne m’imposait pas la plus grande brièveté, je voudrais démontrer à la Chambre que, dans la graduation du martyre, les Arméniens avec les Juifs tiennent la première place ; on pourrait les appeler les « protomartyrs ».
« Inénarrables sont les malheurs de ce peuple supérieur en civilisation et dominé par des semi-barbares. Même après l’armistice, auquel suivra — on aime à l’espérer, — la fin du gouvernement turc, les Alliés n’ont pas pensé à sauver les Arméniens des Ottomans qui, pour faire acte de souveraineté, se livrèrent à nouveau, dans ces dernières semaines même, aux tueries habituelles. C’est le massacre des Arméniens qui a ouvert cette guerre épouvantable, et qui, peut-on dire, en marque aussi la fin. En effet, c’est après l’Assemblée d’Erzeroum où tous les représentants du peuple arménien réunis, avec un geste magnanime qui restera dans l’histoire, refusèrent les offres des délégués turcs les tentant par l’alléchante promesse d’une autonomie, pourvu qu’ils prissent position contre les Alliés, que fut inauguré ce terrible carnage dans lequel les Kurdes, les sicaires des Turcs, massacrèrent environ 700.000 Arméniens, Cette tuerie, par son mode d’exécution et par sa férocité, n’a pas de précédent dans l’histoire.
« Le temps me manque pour raconter comment les volontaires arméniens, rangés de notre côté, ont accompli dans le Caucase et en Palestine des actes héroïques et d’heureux faits d’armes, qui ont mérité d’être cités à l’ordre du jour de la Chambre des communes, à Londres.
« Il est permis de s’étonner que les gouvernements alliés qui reconnurent (et ils firent bien) l’autonomie de la représentation politique des Polonais, des Tchèques et des Yougoslaves, n’aient pas encore consenti ces mêmes droits aux Arméniens, investis du privilège de l’infortune. Mais le jour de la libération est imminent. Le prochain Congrès de la paix effacera les dernières traces de la Sainte Alliance des Princes de 1815 contre les peuples opprimés… »
En répondant à M. Luzzati, le Président du Conseil, M. Orlando, a dit :
« …Lui, qui est un grand esprit, mais qui en même temps est aussi un grand négociateur, a voulu, par l’applaudissement qu’à suscité à la Chambre mon affirmation qu’il lui a plu de répéter, a voulu, dis-je, que cet engagement personnel de ma part devienne un engagement devant le Parlement, je lui en sais gré, et cet engagement je le maintiendrai ». (Vifs applaudissements.)
Lettre de M. Raymond Poincaré, Président de la République française, à Sa Béatitude, Mgr Paul Pierre XIII Terzian, Patriarche des Arméniens, catholiques de Cilicie, en date du 16 février 1919 :
« …L’Arménie n’a pas douté de la France comme la France n’a pas douté de l’Arménie, et, après avoir supporté ensemble les mêmes souffrances pour le triomphe du Droit et de la Justice dans le monde, les deux pays amis peuvent aujourd’hui communier dans la même allégresse et la même fierté. Le gouvernement de la République ne considère pas comme étant aujourd’hui accomplie la tâche qui lui incombe vis-à-vis des populations arméniennes. Il sait le concours que l’Arménie et plus particulièrement le noble pays de Cilicie attendent de lui pour jouir en toute sécurité des bienfaits de la paix et de la liberté, et je puis assurer Votre Béatitude que la France répondra à la confiance qu’Elle lui a témoignée à cet égard ».
Lettre de M. Pichon, ministre français des affaires étrangères, à M. Albert Thomas (juillet 1919) :
« La Délégation nationale arménienne qui groupe tous les Arméniens de toute origine et de toute opinion dans une admirable union sacrée, a tenu un contact étroit avec mon département et a pu assurer ses compatriotes des sentiments que la France nourrit en leur faveur et des efforts qu’elle fait pour leur assurer un avenir brillant.
La création de la Légion d’Orient où ont afflué les volontaires arméniens, qui forment trois bataillons affectés au détachement français de Syrie-Palestine, a bien marqué aux yeux de tous que la France considère les Arméniens comme des Alliés luttant pour secour le joug du militarisme germano-turc. S. PICHON »
La même publication de la Délégation de la République arménienne expose en détail la contribution militaire des Arméniens aux Puissances alliées — voire, l’action des soldats arméniens dans l’armée russe (180.000), celle des sept légions arméniennes formées au Caucase en 1914, et celle du Corps national arménien qui occupa le front du Caucase après le départ des troupes russes et de la Légion d’Orient. La publication reproduit les appréciations de différents chefs des armées alliées reconnaissant la valeur militaire des Arméniens (p. 109-137).
En s’enrôlant dans la Légion d’Orient, les volontaires arméniens signaient deux engagements, l’un par devant les autorités arméniennes chargées du recrutement et un second devant les autorités militaires françaises. Le premier contenait le passage : « Je soussigné… m’engage comme volontaire de mon plein gré, pour servir au prix de ma vie à la libération de ma patrie. Je jure rester fidèle à mon serment, obéir aux ordres donnés en me conformant à la discipline militaire, et tenir haut, par mon attitude, l’honneur de ma Nation et le drapeau de l’émancipation nationale ». L’acte d’engagement par devant les autorités françaises constate que le volontaire avait déclaré « vouloir s’engager pour la durée de la guerre dans la Légion d’Orient, en vue de combattre contre la Turquie, sous le drapeau français ».
Chapitre III, II et chapitre VIII, I.
Chapitre V.
Chapitre V.
Chapitre VI.
Chapitre VII.
Chapitre IX.
Chapitre IX.
Chapitre X et chapitre XIII, 3.
Chapitre XI.
Chapitre XII.
Chapitre XIII.
Chapitre XIV.
Chapitre XV.
Chapitre XVI.