à l'image des régiments hamidiés constitués par le sultan, les Jeunes-Turcs mirent sur pied, après août 1914, la redoutable Organisation spéciale, dirigée par deux médecins, Nazim et Behaeddine Chakir. Ce dernier se chargea, en vain, de convaincre le principal parti arménien, le Tachnag, de fomenter un soulèvement au Caucase contre l'ennemi russe. La guerre qui avait éclaté allait fournir le cadre idéal pour l'accomplissement du génocide. Depuis la fin du XIXe siècle, Berlin concurrençait Paris et Londres dans l'Empire ottoman. Très germanophile, Enver convainquit ses collègues d'entrer en guerre aux côtés des Puissances centrales contre la France, la Grande-Bretagne et la Russie. Dès l'hiver 1914, il lança dans le Caucase une folle offensive contre la Russie, qui fit un véritable carnage dans les rangs ottomans. Le bouc émissaire était tout trouvé: les Arméniens.
Talaat, Enver et Djémal, principaux responsables du génocide de 1915
La guerre trouvait les Arméniens dans deux camps ennemis : environ 2 millions côté ottoman et 1,5 million côté russe. Pour ces derniers, se battre dans l'armée tsariste était naturel. Quant aux premiers, ils durent accepter de s'engager dans l'armée. Les Jeunes-Turcs n'allaient leur en savoir aucun gré, exploitant au contraire à fond les cas de quelques volontaires passés au service de la Russie. Dès janvier 1915, le désarmement des soldats arméniens ottomans laissait présager les événements futurs. Des massacres sporadiques devaient confirmer les craintes. L'autodéfense des Arméniens de Van, menacés par Djevded, beau-frère d'Enver, et provisoirement sauvés par l'avancée de l'armée russe, fut présentée comme une insurrection. Alors que les Français et les Anglais étaient occupés par la guerre, que les Allemands et les Autrichiens étaient alliés des Turcs, les conditions étaient idéales pour mettre en application le plan de déportation et d'extermination de la population arménienne.