SOMMAIRE &
INTRODUCTION |
PARTIE UNE
De la mélancolie au génocide : le deuil empêché, la
déshumanisation
I A- Le Deuil empêché
I A1-Le travail de deuil
IA2- Deuil et régression narcissique
IA3- Deuil, lien libidinaux et castration
IA4-Lacan, le spéculaire, l’identification, la séparation
IB- Disparitions,
incorporations :
IB1- Un exemple
IB2- Disparition des morts, du rituel, de la sépulture
IB3- Ensevelir en soi
IC- Rupture du pacte :
IC1- Rupture du pacte
IC2- Régression, règne de la pulsion
IC3- La loi est pervertie
IC4- Transfusion traumatique au lieu de transmission
ID- Paroles et silences
ID1-Les silences transmis
ID2- Différents silences
ID3- Parole, silence, mort
IE –Mécanismes et structures
fondatrices du totalitarisme :
IE1- Complexes
IE2- Pulsions –
IE2a- Pulsion de mort
IE2b- Pulsion d’emprise, cruauté
IE3- Instances psychiques :
IE3a-Surmoi, surmois et destruction
IE3b- Moi-idéal et idéal du moi du bourreau
IE4-Jouissance et horreur
IE5- Extrêmes cliniques
IF– Chosification
IF1- Dés appartenance
IF2- Glissement langagier
IH – Symbolique et langage
anéantis
IH1- Destruction du nœud
borroméen
IH2- Registres d’inscription
IH3-Enucléation du signifiant du nom du père
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PARTIE DEUX
La mémoire traumatisée
II-A-Commémorer
IIA1- Commémorations
collectives
IIA2- Commémorer par le symptôme
IIB-Hors-temps de
l’effroi :
IIC- Déconstruction du
sujet
:
IIC1- Le moi éclaté
IIC2- Pré-phallique
IIC3- Le narcissisme de mort
IID- Déni , négationnisme
IIE- Défenses
IE1- Clivage
IIE2- Refoulement
IIF- Le traumatisme
IIF1 Traumatisme, troumatisme
IIF2- Traumatisme choisi, moyen de défense ?
IIG- La morsure du monstre :
le réel
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PARTIE TROIS
Redevenir des hommes, des sujets
IIIA- Clinique
IIIB–Points résilients
IIIC- La survivance, l’art :
IIIC1- L’Art
IIIC2 - Ecriture : ancrer, encrer
IIIC2a- Ecrire sur le corps
IIIC2b- Ecrire
IIIC2c- Ecriture, Ecritures
IIIC2d- Ecrire, régler sa dette
IIID- Reprendre le récit :
IIID1- Prendre la parole,
restaurer la parole
IIID2-Le discours
IIID3- Le témoin
IIID4- De la tragédie au drame
IIIE- Ritualiser :
IIIE1- Rite, deuil
IIIF- Transmettre,
traumatolyse :
IIIF1- Faire avec les restes :
IIIG- La loi :
IIIG1- Fondements
IIIG2- Le droit
IIIG3- La loi scélérate
IIIG4- Le tiers absent
IIIG5- Justice d’exception
IIIG6- Crime contre l’humanité, génocide
IIIG7- Levée de déni
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INTRODUCTION
Le terme génocide est un néologisme
formé en 1944 par Raphael Lemkin, professeur de droit américain
d’origine juive polonaise, à partir de la racine grecque genos, «
naissance », « genre », « espèce », et du suffixe cide, qui vient du
terme latin caedere, « tuer », « massacrer ». Un génocide est
l’extermination physique, intentionnelle, systématique et programmée
d’un groupe ou d’une partie d’un groupe en raison de ses origines
ethniques, religieuses ou sociales.
Hélène Piralian, auteur, psychanalyste pose la question : « Comment ne
pas mourir de l’héritage du génocidaire ? Le génocide, c’est vouloir
détruire un peuple en son entier de son origine à son devenir ;
c'est-à-dire qu’il s’agit en même temps, et tout autant que du meurtre
réel des sujets présents, de détruire la chaîne symbolique qui
constitue leur généalogie et, en les déliant de l’ordre humain,
d’anéantir toute possibilité de descendance aussi bien pour les morts
que pour les survivants ».
1
C’est ainsi qu’on constate un déni, consécutif au génocide. Ce déni
donne aux morts le statut de n’ayant jamais été puisque leur existence
passée a disparu.
Dés lors, quelle est la voie ou quelles sont les voies pour la ré
humanisation ? Quelles sont les voies pour la survivance au titre
collectif et individuel.
Notre étude, située au croisement de l’Histoire et de l’histoire du
sujet questionne les expressions et les contenances possibles de
l’horreur. Ce hors civilisation que constitue le génocide doit-il
rester hors civilisation, au risque d’un retour et d’une répétition.
L’inscription dans le juridique en 1945 du crime contre l’humanité est
une tentative collective pour se protéger.
Le livre de Robert Antelme, « l’espèce humaine » ou celui de Rithy
Panh « L’élimination » nous amènent à penser que les bourreaux ne sont
pas exclus de l’humanité, de l’espèce. Faut il trouver une catégorie
juridique au risque de renforcer le refoulement ? Comment traduire le
trauma, réparer l’imaginaire collectif et individuel ? Restaurer le
symbolique ?
Ecrire pour rester humain, écrire et produire une œuvre littéraire,
écrire la loi, est ce là le travail de restauration de la culture, du
nœud borroméen détruit et dénié par le génocide ? Le travail de
mémoire est-il à envisager comme créateur ou restaurateur d’identité ?
Restaurer le sujet est-ce restaurer la transmission en « inscrivant l’ininscrit
».2
afin de rendre au sujet et au collectif son pouvoir face au réel .3
Génocide et ethnocide, guerres au XX° siècle, ont vu mourir deux cents
millions de personnes ; Freud, dans les considérations sur la
guerre et la mort, 1915, ne fait pas allusion au génocide dont il est
contemporain, à savoir le génocide des Arméniens. Des historiens
diront qu’il n’en a pas eu connaissance. En 1932, dans sa réponse à
Albert Einstein « Pourquoi la guerre ? » Freud se déclare heurté par
les désordres produits par la haine dans les pays civilisés ; c’est
plus tard qu’il parlera de pulsion de mort, comme explication des
aptitudes meurtrières de l’homme.
Le génocide pose le problème de la différence et du sentiment
d’appartenance. Les massacres sont accomplis en toute bonne conscience
et impunité. Le tribunal pénal international de la Haye et le procès
de Nuremberg ont tenté d’y mettre fin.
Les survivants du génocide sont marqués
dans leur appartenance à l’humanité et dans la transmission.
En partant de notre travail de l’an
dernier sur le deuil, nous allons d’abord, dans une première partie,
considérer le deuil empêché ; la mélancolie à partir du texte de Freud
Ephémérité.
Nous allons en rappeler les mécanismes
et fondements pour le sujet. Si la mélancolie est un deuil empêché
pour des raisons de structure du sujet, le génocide induit un deuil
impossible par la destruction et la disparition des morts. Nous
verrons, au regard de la relation d’objet et du complexe de castration
que les mécanismes habituels du deuil y sont inopérants. Les
survivants de génocide font alors appel à d’autres mécanismes, plus
archaïques. Dans les deux cas, l’impossibilité à symboliser est en
jeu, au niveau individuel pour le mélancolique, individuel et
collectif pour la victime du meurtre de masse et ses descendants.
La seconde partie présentera les
aspects collectifs et sociaux du génocide. La déshumanisation induit
la déculturation et le retour de la pulsion. Nous essaierons
d’examiner ce qui sous-tend, chez le bourreau comme chez la victime
cette régression et ce déchaînement violent. Nous présenterons
quelques aspects qui font symptôme en en cherchant les sources
psychiques ; un sommaire prolongement clinique permettra d’illustrer
le glissement de l’humanité à la bestialité, le retour de la horde,
l’anéantissement de l’inscription individuelle et sociale de la
victime de génocide. Enfin nous essaierons de voir ce que le génocide
vise à détruire de façon absolue, à savoir le symbolique.
La troisième partie traitera des voies
de réparation ou réinscription tant pour la victime que pour sa
communauté. Les mécanismes de survie induisent la victime à trouver
des stratégies de survie, malgré tout. Comment conduire à la
réparation du sujet, à sa réinscription dans l’humanité. Au titre
individuel, la restitution de la parole via le témoignage, la création
littéraire, la poésie ou l’expression artistique sont-ils suffisants ?
Au titre collectif, la restitution de la Loi et des lois
permettent-elle de « finir les deuils ».? en quoi La LOI et la
pénalisation peuvent-ils y contribuer ?
Telles sont les différents aspects que nous nous proposons d’examiner,
documentés par différentes sources tant historiques que folkloriques
ou universitaires ; en effet, le génocide et ses effets semblent
toucher des fondements de l’individu et de l’humanité. Les
conséquences touchant les individus dans tous les aspects de leur
humanité individuelle et sociale, nous en trouvons les traces et
expressions dans de multiples domaines. Il nous a semblé que l’emprunt
à différentes sources permettait de mieux restituer l’envahissement
délétère ainsi produit et mettait en évidence la recherche débridée de
moyens de réparations et d’expression, car touchant une capacité
fondamentale de l’être humain, essentielle à sa structure : la
capacité à symboliser, fondée elle-même sur la capacité de deuil.
La bête immonde
(4)
Mais qui va lui planter un pieu dans le cœur ?
Qui va l'amputer du goût de l'horreur ?
Elle qui étrangle les ethnies
Massacre les poètes
Étouffe l'homme honnête
Au bâillon des calomnies
Il faut lui faire sauter la tête
Avec sa propre bombe
La bête immonde
Depuis qu'elle nous pollue l'histoire
A coups de glaive, à coups de gloire
La bête immonde
Que son crachat sur ton drapeau
Dépend de ta couleur de peau
La bête immonde
Depuis qu'elle rôde avec sa faux
Emblème de son règne
Depuis qu'elle dit je t'aime
Aux cagoules, aux échafauds
Il faut cribler de chrysanthèmes
Jusqu'à ce qu'elle succombe
La bête immonde
Michel Fugain
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1
PIRALIAN Hélène, Génocide et transmission, Collection Santé, société
et cultures, L’Harmattan, Paris, 1994, p 5
2
ALTOUNIAN Jeanine, Traduire le trauma, conférence du 11 mars 2010,
Paris Diderot.
3
COLLECTIF sous la direction de FREYMAN, Traumatisme, élaboration,
créativité dans clinique de la déshumanisation, 2011, Arcanes
4 Extrait de Michel
FUGAIN, la bête immonde, 1995
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