André Mandelstam

La Société des Nations et les Puissances
devant LE PROBLÈME ARMÉNIEN

1) La controverse franco-anglaise

LA CONCLUSION de l’accord franco-turc d’Angora provoqua un grand mécontentement en Angleterre et amena un échange de Notes assez vif entre les gouvernements français et anglais (5 novembre-6 décembre 1921[328]). Cette correspondance est doublement intéressante pour notre sujet. Elle révèle d’abord des fissures, quelque légères qu’elles puissent paraître, dans le bloc des Alliés, qui devaient inévitablement encourager les Turcs à une résistance encore plus opiniâtre aux demandes politiques les plus raisonnables des Puissances. Elle établit en outre, chez les deux gouvernements, pour la première fois depuis la fameuse Note de M. Clemenceau du 25 juin 1919 et le traité de Sèvres[329], l’existence de divergences notables dans l’appréciation des aptitudes et des qualités politiques des Turcs, divergences de nature à exercer une grande répercussion sur l’attitude ultérieure du gouvernement d’Angora vis-à-vis des Chrétiens en général et des Arméniens en particulier.

Les griefs que le gouvernement britannique adressa à son allié français étaient tout à la fois de nature politique et de nature humanitaire. Au point de vue politique, le gouvernement anglais reprocha au gouvernement français d’avoir conclu avec la Turquie un traité de paix séparé contenant des clauses contraires au traité dt Sèvres et à l’accord tripartite. Au point de vue humanitaire, il accusa la France d’avoir pris l’engagement d’évacuer la Cilicie, sans avoir assuré, au préalable, la sécurité des minorités, comme le prescrivait l’accord tripartite ; il releva également que l’accord d’Angora n’avait, dans son article 6, garanti aux minorités en Turquie que les droits stipulés dans les traités avec certains États européens, en renonçant ainsi aux garanties spéciales du traité de Sèvres.

Par ses explications, le gouvernement français réussit à donner satisfaction au gouvernement britannique sur quelques-uns des points ayant un caractère politique. Malheureusement, sur plusieurs autres de ces points ainsi que sur la question des minorités, la divergence des vues ne put être aplanie. En ce qui concerne spécialement cette dernière question, le gouvernement français déclara « qu’il ne saurait sans injustice être fait reproche à la France de n’avoir pu faire accepter, pour la protection des minorités en Cilicie, des garanties que la pression de la force totale des Alliés n’a pu obtenir de la Turquie », et que, le retrait des troupes françaises étant devenu une nécessité, le gouvernement de la République avait estimé « qu’un devoir d’humanité l’obligeait à leur assurer tout au moins les garanties inscrites dans les traités imposés par l’Entente à la Hongrie et à la Bulgarie » : il estimait d’ailleurs que le gouvernement d’Angora, qu’il qualifiait de pouvoir qui n’est reconnu ni de jure, ni de facto, « avait manifesté une autorité, un patriotisme et une loyauté, propres à le faire considérer comme capable de tenir et faire exécuter les engagements qu’il avait contractés ». Mais le gouvernement anglais persista à penser que le sort des populations ciliciennes devait être envisagé avec une grande anxiété, et que le gouvernement français exprimait des vues trop pleines d’espérance (sanguine)[330], en ce qui concerne la valeur des stipulations du traité d’Angora en faveur des minorités qui dépendait exclusivement de la loyauté du gouvernement kémaliste.

Nous n’avons pas à apprécier ici la valeur respective des thèses française et anglaise au sujet de la conclusion du traité d’Angora. Il nous suffit de constater que, quant au sort des populations chrétiennes de la Turquie, le seul fait que des divergences politiques entre les deux alliés dans le Proche-Orient étaient constatées dans une correspondance officielle avait une importance capitale, indépendamment même des thèses qui se trouvaient en présence. Car la révélation d’un certain malaise politique entre la France et l’Angleterre devait naturellement encourager les dirigeants d’Angora à une attitude de plus en plus intransigeante. La « correspondance », en apportant aux Kémalistes la reconnaissance publique, par le gouvernement français, de leur loyauté et de leur capacité de tenir leurs engagements, montrait que ce gouvernement était converti à une conception des possibilités offertes par le régime turc tout autre que celle qu’avait révélée la célèbre Note signée le 25 juin 1919, au nom de tous les Alliés, par M. Georges Clemenceau, conception à laquelle l’Angleterre était loin de s’associer : ainsi éclatait entre les deux puissances occidentales une divergence de vues à l’égard des garanties réelles qui pouvaient assurer la protection des Chrétiens d’Orient en général et des Arméniens en particulier.

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328)

Turkey n° 1 (1922), Correspondence between His Majesty’s Government and the French Government respecting the Angora Agreement of October 20, 1921.

 ↑
329)

V. ci-dessus, p. 24.

 ↑
330)

Nous croyons devoir présenter ci-dessous une analyse plus détaillée de l’importante correspondance entre la France et la Grande-Bretagne au sujet de l’accord d’Angora :

Tout d’abord, le gouvernement anglais prétendit n’avoir pas été suffisamment tenu au courant des tractations de la France avec Angora, et reprocha au gouvernement français d’avoir conclu avec la Turquie un traité de paix séparé, contrairement au traité franco-anglais du 4 septembre 1914 et au pacte de Londres de novembre 1915.

Quant au fond, le Cabinet de Londres releva dans l’accord toute une série de clauses politiques qu’il trouvait contraires à ses intérêts aussi bien qu’au traité de Sèvres et à l’accord tripartite. Il reprochait ainsi à la France la rétrocession à la Turquie d’une partie de la Syrie, « gage commun de la victoire alliée », sans notification préalable ni à ses alliés, ni à la Société des Nations qui examine en ce moment le mandat syrien ; il relevait spécialement la restitution à la Turquie des localités de Nisibin et de Djeziret-ibn-Omar, localités ayant une grande importance stratégique pour Mossoul et la Mésopotamie, ainsi que de la partie du chemin de fer de Bagdad entre Nisibin et Choban-Bey ; il critiquait le transfert à une Compagnie française de la section Bozanti-Nisibin du chemin de fer de Bagdad, comme conférant à la France un avantage immédiat en anticipation sur les arrangements entre alliés, prévus par le traité de Sèvres et l’accord tripartite ; et il relevait la stipulation de l’article 10 de l’accord autorisant chacune des deux parties contractantes à user, pour les transports militaires, des parties du Bagdad se trouvant dans le territoire de l’autre, stipulation qui semblerait obliger la France à permettre éventuellement à la Turquie de menacer la frontière mésopotamienne. Le gouvernement anglais s’exprimait avec appréhension au sujet d’une lettre du plénipotentiaire turc, Youssef Kémal Bey, annexée à l’accord, et qui semblait établir un rapport entre des promesses de concessions accordées à la France ou à des sujets français et le vœu exprimé par le plénipotentiaire turc de voir la France examiner dans un esprit de cordiale entente « toutes les questions ayant trait à l’indépendance et à la souveraineté de la Turquie », questions qui, à l’avis du gouvernement anglais, dépassent le cadre d’un arrangement local sur la Cilicie et la Syrie. Le gouvernement anglais s’inquiétait, enfin, des bruits de presse relatifs à l’existence dans l’accord d’Angora de clauses secrètes comportant : un monopole français pour l’organisation de la gendarmerie en Turquie ; une assistance financière et des fournitures de matériel de guerre aux Nationalistes ; la promesse de la France d’appuyer les revendications turques sur Smyrne et la Thrace ; et la contre-promesse des Nationalistes turcs de susciter une agitation antibritannique en Mésopotamie (Note de lord Curzon au Comte de Saint-Aulaire en date du 5 nov. 1921).

Les réponses du gouvernement français à ce réquisitoire peuvent être résumées comme suit : En ce qui concerne le reproche d’avoir conclu un traité séparé, le gouvernement français assure le gouvernement anglais « qu’il a toujours réservé la question de paix avec la Turquie et n’a jamais envisagé qu’un engagement puisse être pris à cet égard en dehors d’un accord étroit avec ses alliés et, notamment, avec le gouvernement britannique ». Quant à l’arrangement d’Angora, il n’est pas un traité de paix, mais un arrangement local, de la conclusion duquel le gouvernement anglais avait été prévenu et qui n’avait été signé que vu l’impossibilité d’aboutir à Londres à un arrangement général sur l’Orient. C’est dans ces conditions, et alors que depuis longtemps déjà les Alliés avaient retiré leurs troupes des divers points de l’Empire ottoman occupés au moment de l’armistice, que le gouvernement français a estimé, après avoir informé ses alliés de ses intentions, et en réservant soigneusement la solution de toutes les questions générales à régler en commun par les Alliés, qu’il avait le droit de s’engager dans la voie où ses partenaires l’avaient précédé, en usant des moyens que les événements imposaient… Nul ne peut contester que la France n’avait de choix qu’entre les deux alternatives suivantes : ou bien maintenir ses effectifs et continuer la guerre en Cilicie, ou bien négocier avec le pouvoir de fait qui commandait aux troupes turques de cette région. La volonté de la nation française s’étant clairement, fortement et constamment manifestée en faveur de l’évacuation, le gouvernement français était dans l’obligation de poursuivre la conclusion d’un arrangement local, qui est, au reste, conforme, dans ses dispositions fondamentales, à celui dont le texte avait été communiqué au gouvernement anglais le 4 avril 1921 »…

« L’accord d’Angora ne constitue pas un traité de paix. Ce n’est qu’un arrangement de portée locale conclu avec un pouvoir qui n’est reconnu ni de jure ni de facto, mais qui a manifesté une autorité, un patriotisme et une loyauté, propres à le faire considérer comme capable de tenir et de faire exécuter les engagements qu’il a contractés. D’une manière générale, si l’arrangement d’Angora eût constitué un traité de paix, il aurait dû, suivant la Constitution, être soumis à la ratification du Parlement. Or, il a été simplement approuvé par le gouvernement français et aucune ratification parlementaire n’a été sollicitée » (Note de M. de Mon-tille au Marquis de Curzon, du 17 novembre 1921).

Quant au fond des griefs politiques que lui faisait l’Angleterre, la France expliqua l’abandon de certaines parcelles du territoire syrien par la nécessité de réduire ses contingents en Syrie, où, trois ans après l’armistice, elle supporte l’entretien d’une armée de 100.000 hommes pour faire face en Cilicie à une menace éventuelle de la Turquie. Le Cabinet de Paris rappelle d’ailleurs que ni le traité de Sèvres, ni les mandats n’ont été ratifiés et que les frontières fixées ne sont donc pas intangibles. Le gouvernement français déclare que l’article 10 de l’accord d’Angora comporte uniquement l’acceptation préalable par le gouvernement turc du transfert de la section Bozanti-Nisibin du chemin de fer de Bagdad à une Compagnie française et « réserve l’application des dispositions du traité de paix et des arrangements entre Alliés au sujet de l’autorité qui prononcera ce transfert, de la procédure qui sera suivie et des accords sur la répartition entre la France, l’Angleterre et l’Italie de l’ensemble de la ligne de Bagdad ». Quant à la possibilité d’une utilisation militaire contre la Mésopotamie de la ligne du Bagdad traversant le territoire syrien, le gouvernement français assure le gouvernements anglais de sa détermination « d’interdire en tout temps, sur la portion syrienne du chemin de fer de Bagdad, aucun mouvement de troupes susceptible d’être dirigé contre un pays de mandat britannique ». Au sujet de la lettre de Youssef Kémal Bey, le gouvernement français déclare « qu’il ne recherche en Turquie aucun avantage exclusif, ni dans l’ordre politique, ni dans l’ordre économique », qu’il a réservé avec « le plus grand soin toutes les questions ayant trait à la paix avec la Turquie qui est et doit rester une œuvre interalliée », et « que les promesses de concessions visées dans la lettre de Youssef Kémal ne sont la contrepartie d’aucun engagement secret, écrit ou verbal, que M. Franklin-Bouillon aurait pris touchant les questions qui doivent être réglées d’accord entre les Alliés et notamment les revendications turques sur Smyrne et Thrace ». Le gouvernement français oppose enfin un démenti aux rumeurs de presse concernant les clauses secrètes de l’accord d’Angora : « Les échanges de vues, oraux ou écrits, qui ont pu avoir lieu entre des personnalités politiques et M. Franklin-Bouillon n’ajoutent rien à la substance de l’accord, qui ne comporte aucun arrangement secret » (Notes de M. de Montille à lord Curzon des 17 novembre et 6 décembre 1921).

Du point de vue spécial de la protection des minorités, le gouvernement anglais reprochait au gouvernement français d’avoir pris l’engagement d’évacuer la Cilicie, sans s’être au préalable assuré de l’exécution des garanties pour les minorités comme le prescrivait l’article 8 de l’accord tripartite. L’article 5 de l’accord d’Angora stipule bien une amnistie générale, mais l’accord ne contient aucune garantie de son application effective par les Kéma-listes. D’autre part, l’article 6 de l’accord d’Angora n’assure aux minorités que les droits stipulés dans les traités des Principales Puissances avec certains États européens, traités en général inapplicables à la Turquie. En outre, l’effet de cette clause n’est pas limitée à la Cilicie et par conséquent elle peut être considérée comme s’appliquant à toute la Turquie. L’article 6 va donc à l’encontre non seulement de l’accord tripartite, mais aussi des stipulations sur les minorités du traité de Sèvres. Ainsi, en une matière importante et de portée générale, un des alliés avait accepté la prétention du gouvernement d’Angora, sans attendre les négociations de la paix générale entre tous les alliés et la Turquie (Note du Marquis Curzon au Comte de Saint-Aulaire du 5 novembre 1921).

Le gouvernement français a répondu que « l’article 8 de l’accord tripartite du 18 août 1920 avait été rédigé non pas dans le but de nous obliger à rester en Cilicie, mais bien au contraire dans l’intention de limiter notre occupation. Il tombe sous le sens que le gouvernement français n’aurait jamais consenti à prendre l’engagement et à supporter les charges d’une occupation indéfinie ». Le gouvernement français rappelle ensuite que dans les parties du territoire ottoman d’où les troupes alliées se sont retirées, aucune garantie n’avait pu jusqu’à ce jour être obtenue en faveur des minorités, et il poursuit : « Il ne saurait, sans injustice, être fait reproche à la France de n’avoir pu faire accepter, pour la protection des minorités en Cilicie, des garanties que la pression de la force totale des Alliés n’a pu obtenir de la Turquie. Le retrait des troupes françaises étant une nécessité, le gouvernement de la République a estimé que sa volonté de ne point s’écarter des dispositions signées —, mais non ratifiées — du traité de Sèvres, ne pourrait aller jusqu’à laisser les minorités sans protection aucune, et qu’un devoir d’humanité l’obligeait à leur assurer, tout au moins, les garanties inscrites dans les traités imposés par l’Entente à la Hongrie et à la Bulgarie. Quant au regret exprimé par Votre Seigneurie que ces dernières garanties puissent être considérées comme s’appliquant non seulement à la Cilicie, mais aux autres parties de la Turquie, le gouvernement français considère que tout l’accord d’Angora est dominé par l’idée qu’il s’agit d’un arrangement d’une portée locale. D’ailleurs, il ne saurait être fait grief au gouvernement français d’avoir étendu ses obligations non point dans son propre intérêt, mais dans celui des populations de l’Anatolie, qui se trouvent encore actuellement privées de toute protection » (Note de M. de Montille à lord Curzon du 17 novembre 1921).

Le gouvernement anglais ne se montra pas satisfait de ces explications. Il répliqua que l’accord tripartite était non seulement un engagement de la France envers ses alliés d’assumer en Cilicie la tâche commune des Alliés de protéger les minorités en Turquie, mais constituait même une responsabilité définie envers ces minorités elles-mêmes qui avaient été encouragées d’y rester par l’occupation prolongée de la Cilicie par les Alliés et par la publication de l’accord tripartite. Le gouvernement anglais constata avec appréhension que l’article 6 de l’accord d’Angora ne contenait pas les garanties de la partie IV du traité de Sèvres et que la valeur même de cet article et de l’article 5 dépendait exclusivement de la loyauté du gouvernement kémaliste au sujet de laquelle le gouvernement français exprime des vues trop pleines d’espérance (sanguines). Le gouvernement anglais, s’inspirant de l’histoire et des événements récents, trouve difficile de partager ces vues et espère que, dans le traité de paix final, les Alliés obtiendront les garanties du traité de Sèvres. En attendant, la « présence en Cilicie d’un nombre restreint de représentants français est la seule garantie additionnelle pour la sécurité des populations et le gouvernement anglais considère la situation avec une grande anxiété » (Note du Marquis Curzon à M. de Montille, le 25 novembre 1921).

Le gouvernement français à finalement fait observer qu’il était d’accord avec le gouvernement anglais sur le sens et la portée de l’article 8 de l’accord tripartite, mais qu’il pensait « qu’il est évident que la charge d’une responsabilité définie envers ces minorités suivra immédiatement la mise en vigueur du traité de paix général par lequel les alliés de la France seront appelés en même temps qu’elle à assumer cette charge, qu’il n’y a aucune raison pour imposer d’avance à la France seule ». Les garanties obtenues par M. Franklin-Bouillon « ne sont pas sans valeur, surtout si l’on songe à la situation dans laquelle se trouvent actuellement les minorités chrétiennes dans le reste de l’Empire ottoman ». Les gouvernements pourront demander que dans le traité de paix à intervenir la protection des minorités soit traitée avec la même extension que dans le traité de Sèvres. En attendant, les premières informations de Cilicie permettent d’espérer que « les autorités nationalistes suivront avec loyauté une ligne de conduite conforme aux obligations contractées par le gouvernement d’Angora. Une série de décisions favorables aux minorités chrétiennes de Cilicie viennent d’être prises : abrogation de la loi de réquisition appliquée jusqu’ici ; ajournement de la conscription militaire ; organisation d’une Commission mixte franco-turque afin de garder les propriétés des émigrés et d’en empêcher le pillage pendant leur absence ; assurance de la liberté des personnes et du respect des biens ; amnistie totale et immédiate. On ne peut dire que ces mesures, qui seront appliquées sous les yeux d’agents français, ne constituent pas un supplément appréciable aux garanties inscrites dans l’accord d’Angora. Il est à espérer que les populations chrétiennes répondront à ces bonnes dispositions par une attitude appropriée » (Note de M. de Montille au Marquis de Curzon du 6 décembre 1921).

Le résultat immédiat de la correspondance échangée entre les deux gouvernements au sujet de l’accord d’Angora a été le suivant :

Les explications du gouvernement français ont donné satisfaction au gouvernement anglais sur plusieurs points d’ordre politique : le caractère purement local de l’accord d’Angora n’impliquant aucune reconnaissance de jure ou da facto du gouvernement kémaliste ; la promesse de la France de ne donner aucune facilité à des desseins hostiles contre les territoires sous mandat britannique ; l’absence d’un engagement secret constituant la contrepartie des concessions mentionnées dans la lettre de Youssef Kémal Bey, et l’absence de clauses secrètes dans l’accord lui-même. La gouvernement anglais a pris formellement acte des assurances de la France, à ce sujet (Note de lord Curzon à M. de Montille, du 25 novembre 1921). Malheureusement, sur d’autres points importants, comme la rétrocession d’une partie de la Syrie, et spécialement des localités de Nisibin et Djezireh-ibn-Omar, à la Turquie, la question du transfert d’une section du Bagdad à une Compagnie française, et — ce qui nous intéresse ici le plus — sur la question des minorités, la correspondance n’a pu aboutir à l’établissement d’une conformité de vues complète entre les deux alliés. Il faut cependant relever que le gouvernement français a spécialement déclaré qu’il ne s’opposerait pas à ce que, lors de la conclusion de la paix, les différents accords négociés jusqu’à ce jour fussent « ajustés pour prendre place dans le règlement général ».

 ↑
Mandelstam, André. La Société des Nations et les Puissances devant
le problème arménien
, Paris, Pédone, 1926 ; rééd. Imprimerie Hamaskaïne, 1970.
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