Témoignage d'un officier allemand
La France a eu le privilège d’être dirigée par trois Présidents successifs préférant la vérité au mensonge, la lumière aux ténèbres.
Durant le mandat de Georges Pompidou, fut érigé, à Marseille, le monument « À la mémoire des 1 500 000 Arméniens, victimes du génocide ordonné par les dirigeants turcs de 1915. À la gloire des Combattants et Résistants Arméniens morts pour la Liberté et la France ». Le ministre Joseph Comiti en présida la cérémonie d’inauguration. L’ambassadeur turc, opposé à ce que la lumière et la vérité se répandent en France, partit pour Ankara. Mais le Président Pompidou ne céda pas au chantage turc.
Le Président Giscard d’Estaing, son successeur, reconnut que le peuple arménien a été victime en 1915 d’un génocide. Dans une lettre à M. Gessarentz, il écrivit clairement que le génocide arménien est un fait.
Le Président François Mittérand déclara officiellement dans son allocution de Vienne (7 .1.l984) : « Il n’est pas possible d’effacer la trace du génocide qui vous a frappé. Il faut que cela s’inscrive dans la mémoire des hommes. »
Tous les Français partisans et défenseurs de la vérité espèrent que leurs gouvernements présents et futurs continueront également dans la voie ainsi tracée par les Présidents de la France et s’opposeront au chantage des Turcs en refusant de troquer la justice et la lumière pour un profit matériel.
Nous reproduisons ici la question concernant le génocide arménien posée par le Pasteur A. Gessarentz au Président Giscard d’Estaing, ainsi que la réponse de ce dernier.
Montélimar, le 7 avril 1981
A. Gessarentz
21, rue du Dauphiné 26200 Montélimar
M. V. Giscard d’Estaing Président de la République Française
Paris
Monsieur le Président,
La préface de votre livre Démocratie Française commence par ces mots : « Aucune société ne peut vivre sans un idéal qui l’inspire ni une connaissance claire des principes qui guident son organisation. » Vous faisant confiance comme à un homme avec un idéal, je me permets de vous soumettre un problème essentiel pour la France et pour tous les Français.
Vous désirez être à nouveau le Président de la République Française pour les sept prochaines années. Ce souhait est tout à fait légitime. M’adressant donc au candidat que vous êtes, je voudrais attirer votre attention sur une question qui me paraît très importante.
Tous les partis politiques de France ont un point commun : ils sont unanimes pour condamner le génocide commis par les Nazis sur le peuple juif.
On a réclamé du gouvernement allemand qu’il reconnaisse le crime du régime antérieur et accorde une juste réparation aux Juifs. Et il est heureux de constater que le nouveau régime allemand a bien reconnu le génocide et en a assumé la charge matérielle en faisant droit aux légitimes revendications. Des synagogues détruites ont été reconstruites plus belles. Des millions de marks ont été versés à l’état d’Israël pour les Juifs tués.
C’est ainsi que la concorde et la paix ont pu être restaurées entre le peuple juif et allemand.
Il faut qu’il soit bien clair dans l’esprit de tout homme d’état qu’il y a une relation étroite entre le génocide du peuple juif et celui mis en œuvre par les Turcs sur le peuple arménien de 1915 à 1923.
Les maîtres à penser en la matière de Hitler étaient les hommes d’état turcs tels Enver, Talaat et Djémal. Lorsque Hitler donnait l’ordre à ses bataillons de S.S. de massacrer sans pitié les Polonais, il ajoutait : « Qui parle encore aujourd’hui de l’extermination des Arméniens ? » Puisque les Turcs n’ont pas eu à réparer leur horrible forfait, Hitler, encouragé par ce précédent, a décidé l’extermination organisée des Juifs.
Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Si ce qu’ont fait les Allemands est condamnable, l’acte des Turcs ne l’est pas moins. S’il a été exigé du gouvernement allemand une juste réparation pour les victimes « juives, polonaises, françaises », il doit être aussi exigé du gouvernement turc la même réparation pour les biens et les richesses des Arméniens et aussi la restitution du territoire historique de l’Arménie.
D’ailleurs ce droit d’une Arménie indépendante a été reconnu par le Traité de Sèvres, signé entre autres par les Français, les Turcs et les Arméniens. Les frontières de cette Arménie indépendante ont été fixées par la sentence arbitrale du Président des États-Unis W Wilson.
Comme un simple citoyen, je me permets de soumettre cette question à votre aimable attention.
J’aimerais connaître votre position sur ce très important problème.
Personnellement, condamnez-vous clairement et fermement le génocide commis par les Turcs sur le peuple arménien ?
Je vous serais reconnaissant si vous faisiez une déclaration publique et officielle en ce sens.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à mes sentiments très respectueux.
A. Gessarentz Pasteur en retraite
Paris, le 20 avril
Valéry Giscard d’Estaing
Cher Monsieur,
J’ai pris personnellement connaissance de votre lettre du 7 avril. Elle appelle de ma part les réflexions suivantes :
Rien ni personne ne pourra changer le jugement de l’Histoire : le peuple arménien a été victime, en 1915, d’un génocide. Sur ce point, sachez que ma conviction est fermement établie.
La délégation française à la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies a rappelé ces vérités historiques lorsqu’y a été évoqué, en mars 1979, le sort douloureux des Arméniens.
Elle a également souligné l’aide et la solidarité que notre pays leur a prodiguées lors des persécutions, en particulier l’envoi de navires de guerre pour recueillir les réfugiés, et l’installation dans notre pays de votre communauté.
Le destin arménien demeure pour toutes les Nations une leçon, malheureusement très actuelle. Il convient de la rappeler, pour que notre monde ne connaisse plus de telles souffrances.
Les représentants des confessions chrétiennes arméniennes m’ont fait part des difficultés que peuvent rencontrer les fonctionnaires de ces confessions pour célébrer la fête de Vartananc, qui a lieu le Jeudi qui précède le mercredi des Cendres, et la journée de recueillement du 24 avril.
J’ai demandé au Gouvernement de permettre aux fonctionnaires qui le souhaiteraient de participer aux cérémonies qui se dérouleront à l’occasion de ces fêtes.
Je vous prie de croire, Cher Monsieur, à l’assurance de mes sentiments. bien cordiaux.
M. Gessarentz
21, rue du Dauphiné 26200 Montélimar
Signé:
V. Giscard d’Estaing