François Surbezy

Les Affaires d'Arménie et l'Intervention
des Puissance Européennes (de 1894 à 1897)

Les massacres en 1894

Evénements de Sassoun et leur répercussion dans la région environnante. - Nomination d'une commission d'enquête.

Dans le district de Sassoun, au sud du lac de Van, près des villes de Bitlis et de Mousch, comme dans bien d'autres régions de l'Arménie ottomane, les chrétiens vivent dans une sorte d'état de vassalité par rapport aux Kurdes qui les rançonnent en toute sécurité. Aussi, lorsque le moment était venu de payer les impôts dont la levée était ordonnée par le gouvernement ottoman, les Arméniens, se trouvant sans ressources, répondaient au collecteur de taxes qu'il serait payé quand l'administration les mettrait à l'abri des exactions de leurs belliqueux voisins. Ce fut l'origine du conflit.

Le gouvernement ottoman envoya un corps d'irréguliers turcs pour lever les impôts, il fut repoussé par les paysans arméniens. Le mouvement s'étendit à toute la région environnante sur l'ordre donné, a-t-on dit1, par la société de Hentchak dont le siège, à ce moment-là à Tiflis, était autrefois à Londres et à Athènes.

Des renforts furent envoyés : des cavaliers Kurdes, des régiments récemment formés du corps Hamadieh, les garnisons d'Erzeroum, d'Irisa, de Van, de Tigranokert, de Babert, de Mousch, ainsi que les hordes Kurdes de la race Eschirad. La répression fut terrible : après avoir vaincu et massacré les Arméniens mal armés, les troupes s'acharnèrent à la poursuite des derniers survivants qui cherchaient leur salut dans la fuite ; ce fut une vraie chasse à l'homme. Les musulmans pénétraient dans les maisons mettant tout à feu et à sang, les vieillards, les enfants et les femmes n'échappèrent pas au massacre, ces dernières étaient le plus souvent violées et enlevées.

Plus de trente villages furent pillés et incendiés. Ces événements eurent leur contre-coup sur la frontière du vilayet de Diarbékir, où un certain nombre de villages furent pillés et incendiés par les Kurdes.

De pareils faits prouvent bien que si les troupes ne reçurent pas d'ordre formel, elles agirent néanmoins avec l'autorisation tacite du gouvernement ottoman.

Cependant, « grâce à l'éloignement des régions où les massacres se sont produits et à l'absence d'agents étrangers sur les lieux, la Porte est parvenue à laisser planer un certain doute sur l'exactitude des rumeurs qui sont parvenues jusqu'aux ambassades à Constantinople. »2.

La Porte se décida à nommer une commission d'enquête, après bien des démarches des ambassadeurs de France, de Eussie et d'Angleterre, qui désignèrent trois délégués pour l'assister dans ses travaux.

Malgré les entraves volontairement apportées aux opérations de la commission, le rapport des délégués3 prouva bien que les renseignements qui étaient parvenus aux ambassades à Constantinople sur les massacres d'automne 1895 n'avaient rien d'exagéré.

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1)
Livre Jaune. Affaires Arméniennes, 1893-1897, p. 15.
2)
Livre Jaune. Affaires Arméniennes, 1898-1897, p. 16
3)
Livre Jaune. Affaires Arméniennes, 1893-1897 p 96 à 111.

LES AFFAIRES D'ARMÉNIE ET L'INTERVENTION DES PUISSANCES EUROPÉENNES (DE 1894 A 1897)

par François SURBEZY (Avocat)

Université de Montpellier – Montane, Sicardi et Valentin successeurs, 1911

Thèse pour le doctorat.

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