Pour entériner « légalement » la disparition complète de l'Arménie occidentale, il manquait le coup de grâce : l'annulation des accords signés à Sèvres. La Conférence de Lausanne s'en chargea en 1923 avec une belle unanimité : la notion d'Arménien n'y apparaissait que comme une espèce en voie de disparition, pendant que la notion d'Arménie était totalement absente de ses décisions. Ainsi fut avalisé le nettoyage ethnique magistralement réussi par les autorités turques. Il ne subsiste plus maintenant, comme minorités chrétiennes reconnues dans la république de Turquie, que quelques dizaines de milliers de Grecs et d'Arméniens, pratiquement concentrés à Constantinople, devenue Istanbul. Quant à l'Asie Mineure, on y retrouve de temps en temps des groupes d'Arméniens, turquisés et islamisés mais encore conscients de leurs origines. La plupart d'entre eux sont probablement des descendants d'enfants qui ont été soustraits aux colonnes de déportation pour servir de main d'oeuvre : ils incarnent de manière pathétique le seul souvenir vivant local de l'Arménie occidentale détruite.
La cathédrale de la capitale médiévale arménienne, Ani, achevée en 1001, ici photographiée en 1991
Que reste-t-il d'autre ? Le témoignage de la pierre. L'Arménie occidentale était couverte de monuments qui comptaient parmi les joyaux du patrimoine de l'humanité. Beaucoup d'entre eux ont été détruits, intentionnellement ou par négligence, mais il reste encore quelques merveilleuses églises et les impressionnantes forteresses de Cilicie, témoins silencieux des horreurs qui ont été perpétrées devant elles.