Dans ces conditions, la tentation était forte d'un « retour aux sources ». Il ne faut pas oublier que le foyer du peuple turc est le Touran, l'Asie centrale, d'où une inexorable marche vers l'ouest l'a conduit, à partir du XIe siècle, à se rendre maître de l'Asie Mineure, puis des Balkans, enfin de Constantinople en 1453. Longtemps, l'Empire ottoman fut obsédé par sa rivalité avec les puissances européennes. La perte progressive de ses provinces balkaniques l'incitait naturellement à se tourner vers ses origines, vers ces autres peuples turcs appelés tatares, kazakhs, ouzbeks et autres, tous soumis à un joug étranger, russe ou persan, et “naturellement” enclins à se reconnaître dans le seul état turc existant. Cet Empire ottoman, même amputé d'une grande partie de ses possessions européennes, était toujours une mosaïque formée de populations chrétiennes (Slaves, Grecs, Syriaques, Arméniens) et musulmanes (Turcs, Kurdes, Arabes). La doctrine de l'ottomanisme, qui consistait à les fondre dans une « nouvelle nationalité », resta à l'état mort-né, supplantée dès 1913, à la suite des défaites des Balkans, par la doctrine du panturquisme, ou pantouranisme, qui prônait l'union de tous les Turcs, du Bosphore à la Chine. Les peuples qui faisaient obstacle devaient être soit détachés – ce qui allait arriver aux Slaves et aux Arabes –, soit expulsés – sort qui attendait les Grecs –, soit exterminés : les Arméniens, qui formaient une « barrière » compacte entre Turcs ottomans et Tatares du Caucase (les Azéris actuels), devaient donc être éliminés, sacrifiés sur l'autel du panturquisme.