Les Arméniens de l'Empire ottoman peuplaient essentiellement la Grande Arménie occidentale (entre l'Euphrate et l'Araxe), l'Arménie Mineure (régions de Malatya et Sivas, à l'ouest de l'Euphrate) et la Cilicie (dans l'angle nord-estde la Méditerranée), mais il y avait aussi d'importantes communautés dispersées sur tout le territoire, en particulier à Constantinople où le patriarche servait de représentant devant les autorités.
Jusqu'au début du XXe siècle, les Arméniens avaient eu, dans le développement politique, économique et culturel de l'Empire, un rôle fondamental. Tant que le sultanat se sentait fort, la protection des minorités était plus ou moins assurée, moyennant un statut d'infériorité et quelques brimades. L'indépendance de la Grèce, déclarée en 1821 et concrétisée en 1830, marqua ledébut du démembrement de l'Empire. L'homme malade de l'Europe ne dut sa survie qu'à la rivalité entre les puissances. De plus, Français et Anglais voyaient dans le sultanat un rempart à fortifier contre les ambitions russes, et n'hésitèrent pas, le cas échéant, à se précipiter à son aide : le meilleur exemple en fut la guerre de Crimée.
Aucun état n'est plus cruel qu'un grand empire à l'agonie : les Arméniens, en plein réveil culturel, allaient le vérifier à leurs dépens. Toujours fidèles au pouvoir, ils échafaudaient des programmes d'émancipation dans le cadre de l'Empire.