Revue d'histoire arménienne contemporaine II ► Partie IV ► Hans Bauerfeind : journal de 1915
Hassan Badragh, 11 août 1915 — [...] Aujourd’hui, demain et après-demain la population de Malatia doit partir. D’un côté nous sommes très contents de ne pas voir ça, d’un autre côté nous partirions bien sûr plus sereinement si tout était déjà terminé. [...] Ce matin, 11 août, à 2h30, les voitures roulent dans la nuit noire. Nous avons d’un seul coup tout laissé derrière nous en prenant la direction de ce qui sera notre futur [...] L’air était pur jusqu’à Kırk Gös (pont sur le Tochmassou), où nous sommmes arrivés à l’aube, à 5h40. Du passage des grands [convois] d’Arméniens, nous n’avons presque rien remarqué. Mais ici, [à Kırk Gös], des centaines et des centaines campent. Nous n’y avons rien vu de misérable. Mais un des nos s aptieh nous a confirmé qu’ils doivent souffrir de la faim [...] Les hommes n’y sont d’ailleurs pas encore séparés des femmes. Habituellement cela se produit seulement à Malatia, ou près de Malatia, avant que le chemin de montagne ne commence. [...] Maintenant nous comprenons trop bien pourquoi nos cochers voulaient à tout prix gagner Hassan Badragh avant la chaleur de midi. L’odeur des cadavres — qui ne nous est que trop connue —, environ une centaine, peut-être plus, de sépultures et de fosses communes à gauche, à droite, si insuffisamment faites que des morceaux de cadavres émergent ça et là. Plus loin, la présence des tombes cesse, mais pas les morts: des hommes, des femmes et des enfants sont étendus sur la route, dans la poussière, soit en haillons, soit tout nus, dans un état terrible, plus ou moins décomposés. Au cours des quatre heures de route, jusqu’à Hassan Badragh (environ 20 km), nous avons dénombré cent cadavres. Il va de soi que dans cette région vallonnée beaucoup ont échappé à notre vue. Ainsi peut-on compter, sans exagérer, tout au long de ce trajet de 20 km, qu’à peu près quatre cents personnes au moins sont restées en chemin, cela fait au moins un pourcent [...] Cela ne signifie pas naturellement que le gouvernement en est vraiment coupable, la raison principale étant la chaleur. Mais cela prouve quand même à quel point le bannissement était précipité et inexécutable. |
[...] Heute, morgen und übermorgen soll die Bevölkerung von Malatia abziehen. Wir sind einerseits heillos froh, daß wir das nicht mehr erleben, andererseits gingen wir natürlich ruhiger fort, wenn das alles vorbei wäre (p. 109). [...] Heute früh, 11. August, 2.30 rollten die Wagen in die stockfinstere Nacht hinaus. Wir ließen alles mit einem gewaltsamen Ruck dahinten und streckten uns nach dem, was da vorne ist [...] Die Luft war bis Kyrk Gös (Brücke über den Tochmassu), wo wir um 5.40 bei Sonnenaufgang anlangten, meist rein, von den grossen Durchzügen der Armenier kaum etwas zu spüren. Dort aber lagerten sie zu vielen Hunderten. Wir sahen dort von Not eigentlich nichts. Doch soll Hunger herrschen, wie uns einer unserer Saptiehs sagte [...] übrigens waren die Männer dort noch nicht von den Frauen abgesondert. Das geschieht wohl gewöhnlich erst in oder bei Malatia, ehe der Gebirgsweg anfängt (p. 110). [...] Nun begriffen wir nur zu gut, warum unsere Kutscher durchaus vor der Hitze des Tages in Hassan Badragh hatten ankommen wollen. Die uns nur gar zu wohl bekannten Leichengerüche, rechts und links Einzel- u(nd) Massengräber, wohl etwa 100, wenn nicht mehr, durchweg so mangelhaft, daß z.T. Leichenteile hervorragten. Bald hörten die Gräber auf, aber nicht die Toten: Männer, Frauen, Kinder lagen, z.T. in Lumpen, z.T. ganz nackt, in entsetzlichem Zustand, mehr oder weniger verwest, auf der Straße, im Staub. Wir zählten in den vier Stunden bis Hassan Badragh (ca. 20 km.) 100 Leichen. Natürlich sind uns in dem welligen Gelände viele entgangen, so daß man wohl ohne übertreibung rechnen kann, daß auf dieser 20 km. langen Strecke etwa 400 Personen mindestens liegengeblieben sind, das macht mindestens ein Prozent [...] Das bedeutet natürlich keine direkte Schuld der Regierung, denn die Hitze ist die Hauptursache. Aber es zeigt die ganze überstürzung und Undurchführbarkeit der Verbannung (p. 111). |
Hekimhan, 12 août 1915 — [...] Sur les 4 à 6 km après Hassan Badragh, quatorze cadavres non enterrés étaient étendus sur la route [...] Après quoi, nous n’en avons plus vu durant quelque temps — ils étaient généralement enterrés —, puis quinze autres jusqu’à [Hekim Han], le plus souvent deux par deux — également des hommes — dans un état tel que le soupçon de mort violente s’impose fatalement. Du fait du terrain accidenté, nous n’avons pas pu en voir beaucoup d’autres, mais nous les avons sentis [...] Nous avons également rencontré un convoi de deux mille exilés, avec des chars à bœufs, mais le plus souvent à pied, hommes, femmes et enfants tous ensemble, avec parmi eux vieillards très âgés et des infirmes de tout poil: un spectacle de désolation comme nous n’en avions jamais vu jusqu’à présent. Quelques-uns à qui nous avons parlé étaient originaires de Marzevan. Beaucoup n’avaient ni nourriture ni argent, les Kurdes pillant tout et tuant souvent quelques personnes. Le peu de saptieh qui les accompagnent — dans ce cas-là par exemple cinq — n’y peuvent naturellement rien ou ne doivent pour le moins rien faire contre [...] Ainsi, des milliers et des milliers [de personnes] sont condamnées à périr dans la misère et la terreur pour quelques centaines de révolutionnaires sans scrupules! Terrible. |
[...] In den ersten 4 - 6 km hinter Hassan Badrig (Badragh, die Hrsg.) lagen 14 unbestattete Leichen an der Straße, d. h. so viel sahen wir; z.T. dicht am Ort. Dann eine ganze Strecke lang keine - dort sind sie meist begraben worden. Schließlich bis hierher (d. h. bis Hekimhan, die Hrsg.) noch weitere 15, z. T. zu zweien (auch Männer) und unter solchen Verhätnissen, daß der Verdacht eines gewaltsamen Todes nicht fern liegt. Wegen des zerklüfteten Geländes konnten wir viele nicht sehen, die wir aber rochen [...] Wir begegneten noch einem Zuge von 2000 Verbannten, mit Ochsenwagen, meist aber zu Fuß, Männer, Frauen u(nd) Kinder gemischt, auch ganz Alte u(nd) Gebrechliche aller Art darunter, ein Bild namenlosen Jammers, wie wir es bisher noch nicht sahen. Einige, die wir fragten, waren aus Marsevan. Viele hatten weder Essen noch Geld, die Kurden rauben alles, sollen auch öfters welche töten. Die paar Saptiehs, die dabei sind (hier z. B. 5!) können dagegen natürlich nichts machen und sollen es natürlich z. T. auch nicht. Und so müssen viele Tausende in Not und Angst zugrunde gehen um einiger Hundert gewissenloser Umstürzler willen! Furchtbar (p. 111). |
Kangal, 14 août 1915 — [...] Hier, nous n’avons vu que vingt à vingt-cinq cadavres non enterrés, dont le spectacle a le plus souvent éveillé en nous le soupçon qu’ils avaient été assassinés. Plus on approche de leurs points de départ, moins apparaissent naturels les cas de décès dus à la fatigue et à la faim, car le pillage des vêtements, de l’argent et du bétail commencent apparemment seulement dans les montagnes kurdes, près d’Hassan Tchélébi et de Hekim Han [...] Vers midi nous avons atteint Hekim Han, cet endroit si redouté [...] à présent, on y sépare systématiquement les hommes adultes des autres Arméniens pour, d’après l’opinion communément admise, les tuer. En verité probablement, au moins le plus souvent, pour les employer en groupe à des travaux routiers et autres tâches similaires. On a souvent vu des tels groupes. [...] Nous avons encore souvent rencontré des groupes d’Arméniens, mais qui n’ètaient [pas encore] marqués par la misère. La route jusqu’à Aladja Han fut terrible, pierreuse, poussiéreuse, souvent non carrossable, fréquemment montante. Après les difficultés les plus horribles, nous sommes arrivés à 8h20 à Aladja Han, psychiquement et physiquement épuisés. [...] Ce matin nous ne sommes pas partis avant 7h25, mais nous avons voyagé très vite. L’air des montagnes était magnifique, frais et pur (il n’y avait plus de cadavres le long de la route) et la route était relativement en bon état jusqu’à [Kangal], où nous sommes arrivés à 12h05 [...] Miss Graffen a voulu télégraphier pour Lévon qui a été arrêté à Hassan Tchélébi. Mais, outre qu’on a refusé son télégramme, l’officier présent a voulu les retenir ici elle et Pampich. Fort heureusement, nous avons réussi à convaincre cet homme prudent et un peu bête, grâce à notre lettre d’autorisation, que Miss Graffen avait le droit de voyager avec nous. Mais il lui a défendu de quitter le han et de parler avec des Arméniens. Envers nous, en tant qu’Allemands, il se comporta avec gentillesse et politesse. |
[...] Wir sahen gestern nur etwa 20 - 25 unbestattete Leichen, aber meist solche, bei denen Verdacht vorlag, daß sie ermordet waren. Je näher der Ausgangspunkt, deso geringer naturgemäß die Todesfälle infolge von Erschöpfung und Hungersnot, da die Beraubung von Kleidungsstücken, Geld, Nahrungsmitteln u(nd) Tieren offenbar erst in den kurdischen Bergen bei Hassan Tschelebi u(nd) Hekimhan anfängt. [...] Gegen Mittag kamen wir in dem gefürchteten Hassan Tschelebi an [...] Jetzt werden da immer von den Armeniern die erwachsenen Männer von den übrigen abgesondert, nach allgemein verbreiteter Ansicht, um getötet zu werden. In Wirklichkeit wohl wenigstens meistens um gruppenweisen zu Strassenarbeiten usw. verwendet zu werden. Es sind wenigstens derartige Gruppen schon öfters gesehen worden (p. 113). [...] Wir begegneten noch öfters Gruppen von Armeniern, die aber noch (nicht, die Hrsg.) so die Spuren der Not an sich trugen. Der Weg war bis Aladja Chan entsetzlich, steinig, staubig, oft kaum zu fahren, sehr viel Steigung. Nach den gräßlichsten Schwierigkeiten kamen wir totmüde, innerlich und äußerlich erschöpft um 8.20 in Aladja Chan an (p.115). [...] Heute früh kamen wir erst 7.25 Uhr fort, fuhren aber sehr schnell, bei prachtvoll kühler u(nd) reiner Gebirgsluft (keine Leichen mehr am Weg) und auf verhältnismäßig guter Straße bis hierher (Kangal, die Hrsg.), wo wir 12.05 anlangten [...] Miss Graffen wollte wegen Levon telegraphieren (der in Hassan Tschelebi verhaftet worden war, die Hrsg.), aber nicht nur nahm man ihr Telegramm nicht an, sondern der Offizier kam u(nd) hätte am liebsten sie u(nd) Pampisch hier gelassen, wenn es uns nicht auf Grund des Papieres gelungen wäre, den vorsichtigen u(nd) dazu etwas dummen Mann zu überzeugen, daß Miss Graffen ein Recht hat, mit uns zu reisen. Er verbot ihr aber, den Chan zu verlassen u(nd) mit Armeniern zu sprechen. Gegen uns als Deutsche war auch er höflich und freundlich (p. 115). |
Deliklitach, 15 août 1915 — Hier, nous sommes partis à 2h20 de Kangal, en roulant vite jusqu’ici où nous sommes arrivés à 6h50. Durant le trajet, sur les 70 km que nous avons parcourus hier, nous n’avons plus vu un seul cadavre [...] Quand nous nous sommes approchés du village, un cavalier en uniforme nous y attendait. Il nous apportait la nouvelle comme quoi le Tetchär Han, qui était notre destination du jour, était complétement occupé par les autorités et inutilisable [...], mais que nos voitures et nos chevaux seraient mis à l’abri dans la localité, tandis que la meilleure maison du lieu, celle de l’agha serait préparée pour nous [...] Hier soir, les villageois se sont rassemblés ici, comme d’habitude, et nous avons parlé de toutes sortes de choses [...] Nous avons aussi beaucoup parlé de l’affaire arménienne. Les gens ont les pires idées concernant l’assassinat et le pillage des exilés en chemin, apparemment sans avoir de nouvelles sûres. Mais comme nous l’avons toujours remarqué chez le peuple turc, nous n’avons pas trouvé chez eux de haine et de mépris envers les Arméniens, mais seulement une sincère compassion [...] «Pourquoi donc tous ces pauvres gens sont obligés de quitter leurs villages?» Nous nous posons également et souvent cette question. [...] Hier nous avons rencontré des convois venant de Ordou et de Trébizonde. Il y a toujours de nouveaux convois provenant de ces régions. Qu’est ce que cela va donner! Au fur et à mesure qu’ils avancent vers le sud, ces masses se retrouvent plus dans le besoin, la misère, la faim, la nudité et en danger. |
Gestern fuhren wir 2. 20 aus Kangal ab, in sehr flotter Fahrt bis hierher, wo wir 6. 50 ankamen. Auf der mindestens 70 km langen Strecke (von Kangal nach Deliklitasch, die Hrsg.), die wir gestern zurückgelegt haben, sahen wir keine einzige Leiche mehr [...]» (p. 115). [...] Als wir uns dem Dorfe näherten wartete dort unser ein uniformierter Reiter, der uns die Nachricht gab, der Tetchärchan, bis wohin wir noch fahren wollten, sei völlig von der Regierung belegt u(nd) unbenutzbar [...]; dagegen könnten unsere Wagen u(nd) Pferde im Chan des Ortes untergebracht werden, während für uns das beste Haus im Ort, das des Aghas, bereit sei. [...] Gestern abend versammelten sich hier natürlich, wie das Sitte ist, die Dorfbewohner, u(nd) wir sprachen mancherlei mit ihnen [...] Wir sprachen auch viel über die armenische Angelegenheit. Die Leute hatten auch die schlimmsten Vorstellungen betr(effs, die Hrsg.) Ermordung u(nd) Beraubung der Verbannten unterwegs, ohne allerdings offenbar gewisse Nachrichten zu haben. Aber wie es uns noch stets bei dem türkischen Volk aufgefallen ist, fühlten wir bei ihnen den Armeniern gegenüber keinen Hass u(nd) keine Verachtung, sondern nur Mitleid, u(nd) zwar aufrichtiges [...] Warum denn nun all diese armen Leute aus ihren Dörfern heraus müssen? Ja diese Frage kommt uns auch oft (p. 115). [...] Wir begegneten gestern Zügen (von Deportierten, die Hrsg.) aus Ordu u(nd) Trapesunt. Es soll immer noch Nachschub aus diesen Gegenden kommen. Was soll das nur werden! Mit jedem Tag nach Süden kommen diese Massen tiefer in Not, Elend, Hunger, Blösse u(nd) Gefahr hinein (p. 117). |
Sivas, 16 août 1915 — Hier, nous avons passé une journée extrêmement dure [...] Le matin nous n’avons pas pu partir avant 8h. Nous sommes passés par Tetchär et Oullach [...] Nous sommes arrivés à [Sivas] psychiquement et physiquement complètement épuisés. Il était tellement tard, qu’il nous faudra passer la journée ici et nous ne pourrons partir que demain. En chemin nous n’avons plus vu de cadavres, mais des Arméniens adultes employés aux travaux de récolte. à l’entrée de la ville, la route est réparée par des Arméniens [...] Nous nous sommes tout d’abord rendus à l’hôpital américain [...] On emploie encore dans l’hôpital des employés arméniens, hommes et femmes, et également des hommes adultes. Mais ils vont devoir partir dans les prochains jours [...] Nous y avons rencontré une telle excitation et un tel désarroi, que nous n’avons pu que tardivement retrouver la tranquillité intérieure et extérieure recherchée. |
Gestern hatten wir einen äußerst schwierigen Tag [...] Morgens dauerte es sehr lange, bis wir endlich fortkamen, 8 Uhr. Wir fuhren über Tetschär u(nd) Ullasch [...] Körperlich und seelisch völlig erschöpft kamen wir hier (Sivas, die Hrsg.) an, so spät, daß wir den heutigen Tag hier verbringen müssen und erst morgen abfahren können. Unterwegs sahen wir keine Leichen mehr, wohl aber erwachsene Armenier, die mit Erntearbeiten beschäftigt wurden. Vor der Stadt (Sivas, die Hrsg.) wird von Armeniern die Straße repariert [...] Hier (in Sivas, die Hrsg.) fuhren wir zunächst zum armerikanischen Krankenhaus [...] Im Krankenhaus waren noch männliche u(nd) weibliche armenische Angestellte, auch erwachsene Männer. Aber dieser Tage sollen die auch fort. [...] Wir kamen hier in solche Aufregung und Verwirrung hinein, daß wir erst spät die die ersehnte innere und äußere Ruhe fanden (p. 117). |
Chanly, 17 août 1915 — Départ de Sivas à 8h30, arrivée à [Chanly] à 5h45, après un voyage rapide sur des routes le plus souvent en bon état. On les refait partout: nous avons vu environ cinq cents Arméniens qui y étaient employés. Maintenant nous voyons des hommes vivants travaillant sur la route et non plus des cadavres. Les hommes donnent l’impression d’être bien nourris, leur travail n’est pas trop dur. Ils s’inquiètent seulement de leur avenir. |
Abfahrt aus Sivas 8.30, Ankunft hier (Chanly, die Hrsg.) 5.45, meist schnelle Fahrt auf fast durchweg guter Straße. An vielen Stellen wird an ihr gearbeitet; etwa 500 Armenier sahen wir gruppenweise dabei beschäftigt. Jetzt sehen wir lebendige Männer an der Straße arbeiten, nicht mehr Leichen liegen. Die Männer machten einen gutgenährten Eindruck, ihre Arbeit ist nicht zu schwer. Nur haben sie Angst, was später aus ihnen wird (p. 121). |
Gémérèk, 18 août 1915 — Ce matin, départ de Chanly à 7h10. Toute la journée nous avons traversé à grande vitesse un haut plateau fertile [...] Des centaines d’Arméniens y font les travaux de récolte [...] à 12h20, arrêt à Sarkichlar, une localité grande et cultivée. Ici campent, dans un bel endroit ombragé, beaucoup d’Arméniens de Samsoun, Marzevan, etc. En outre, il y rode une foule d’hommes convertis à l’Islam, qui ont obtenu par ce moyen la permission d’y rester [...] Quelques jeunes gens, qui peuvent y rester en tant qu’artisans, nous ont adressé la parole. On aurait pris par la force, en leur présence, leurs sœurs pour les marier à des Turcs. L’opinion que les hommes sont tués en chemin est presque généralement répandue, pas seulement chez les Arméniens, mais aussi parmi la population turque. Cela fait toujours mal au cœur de voir des milliers de gens, complètement innocents et ignorants, obligés de supporter tant de misères inexprimables et inutiles à cause d’une horde de canailles infâmes. Cela était-il vraiment nécessaire par les temps qui courent? C’est une question de la plus haute importance. [...] Gémérèk est une grande et belle localité de cinq mille maisons, dont mille cinq cents étaient arméniennes. Les Arméniens sont à présent partis. C’est pourquoi l’endroit donne l’impression d’être désert et détruit. Nous avons longuement et vainement cherché à trouver un hébergement. Apparemment tous les hans appartenaient aux Arméniens. On nous y a finalement donné [...] la chambre du commandant [...] Nous avons parlé en français et en turc avec le commandant et le médecin militaire. Ce dernier est apparemment un Arménien, qui fait partie d’un bataillon de travailleurs arméniens [...] Ici neuf cents hommes arméniens de la région de Césarée se trouvent dans un amele tabouri. Cela fait pitié quand on parle avec l’un d’eux. Le médecin a prétendu avoir vu lui-même, sur la grande route, soixante dix à quatre vingts hommes originaires de Césarée fusillés par des gendarmes. Il s’agissait pour la plupart de commerçants, dont bon nombre d’innocents. |
Heute früh 7.10 Abfahrt aus Chanly, fuhren den ganzen Tag in schnellem Tempo durch eine fruchtbare Hochebene [...] Hunderte von Armeniern mit Erntearbeiten beschäftigt [...] 12.20 Aufenthalt in Sarkischlar, einem grossen kultivierten Ort. Dort lagerten an einem schönen, schattigen Ort Mengen von Armeniern aus Samsun, Marsevan usw. Außerdem treiben sich eine Menge Männer herum, die Muhammedaner geworden waren u(nd) sich dadurch die Erlaubnis erwirkt hatten, dort zu bleiben[...]. Einige Jungens sprachen uns auch an, die als Handwerker dort bleiben dürfen. Ihre Schwestern hätte man gewaltsam vor ihren Augen fortgenommen, um sie mit Türken zu verheiraten. Die Meinung, daß die Männer unterwegs getötet würden, ist nicht nur bei Armeniern, sondern auch im türkischen Volk fast allgemein verbreitet. Es ist immer wieder so furchtbar traurig, zu sehen, wie um einer Horde von elenden Schuften willen (gemeint sind die armenischen Auffrührer!, die Hrsg.) so viele Tausende von gänzlich Unschuldigen und Unwissenden, so unnötig solch namenlosen Jammer ertragen müssen. Mußte das jetzt wirklich sein? Das ist eine Frage von schwerer Verantwortung (p. 121). [...] Gemerek ist ein großer, schön gelegener Ort mit 5000 Häusern, davon 1500 armenischen. Die Armenier sind jetzt fort, daher macht alles einen öden, zerstörten Eindruck. Wir fuhren - da offenbar die Chans in den Händen von Armeniern waren — lange hin u(nd) her, ohne Unterkunft zu finden. Endlich wurde uns hier [...] das Zimmer des Kommandanten eingeräumt [...]. Wir unterhielten uns teils französisch, teils türkisch, mit dem Komandanten u(nd) dem offenbar armenischen Militärarzt, der zu dem Trupp armenischer Arbeitssoldaten gehört [...] Hier sind 900 armenische Männer aus der Cäsareagegend im Ameletabur (Arbeitsbataillon, die Hrsg.). Wenn man mit solchen Menschen spricht, packt einen immer wieder der ganze Jammer. Der Doktor [...] behauptete gesehen zu haben, daß 70-80 Männer aus Cäsarea, meist Kaufleute, auch viele Unschuldige darunter, auf der Landstraße von Gendarmen erschossen worden seien (p. 122). |
Césarée, 20 août 1915 — Hier nous ne sommes pas partis avant 7h30. Nous avons ensuite traversé pendant cinq heures un paysage assez ennuyeux, jusqu’à Sultan Han, où nous avons [...] fait une pause [...] Nous avons encore rencontré des Arméniens, des hommes sur des chars à bœufs [...] Juste avant Césarée, nous avons croisé un convoi mystérieux, comprenant à peu près quatre à cinq mille hommes arméniens qui venaient de Nigde et étaient apparemment emmenés non pour être tués, mais pour des travaux agricoles ou routiers. Car ils avaient des sacs de vivres avec eux, et pour certains des lits. Ils étaient suivis par des chars à bœufs qui semblaient chargés d’outillages agricoles. [...] Ce matin je suis allé au marché [de Césarée], en compagnie d’un très agréable saptieh, pour faire des emplettes. Tout y est désert, presque rien à acheter. On donne partout les mêmes renseignements: la boutique appartient à un Arménien ou les artisans étaient des Arméniens. Tous les hommes arméniens sont dans l’amele tabouri, mais il ne semble pas être question de bannissement. |
Gestern kamen wir [...] erst 7.30 fort, fuhren dann 5 Stunden durch ziemlich langweilige Landschaft bis Sultan-Chan, wo wir [...] Pause machten [...] Auch Armeniern begegneten wir wieder, u(nd) zwar Männern auf Ochsenwagen. [...] Kurz vor Cäsarea begegneten wir einem geheimnisvollen Zuge von etwa 4-5000 armenischen Männern, die aus Nigde kamen u(nd) ganz offenbar nicht um getötet zu werden, sondern zur Ernte-oder Straßenarbeit abgeführt wurden. Denn sie hatten alle Brotbeutel umgehängt, z.T. auch Betten. Hinterher kamen Ochsenwagen, wie uns schien, mit landwirtschaftlichen Geräten (p. 123).Heute morgen ging ich mit dem äußerst angenehmen Saptieh in den Markt (von Cäsarea, die Hrsg.), um einige Einkäufe zu machen. Alles ist wie ausgestorben, fast nichts zu haben. überall die gleiche Auskunft: Der Laden gehört einem Armenier, oder die Handwerker waren Armenier. Die armenischen Männer sind alle im Ameletabur (Arbeiterbataillon, die Hrsg.); von Verbannung scheint hier aber keine Rede zu sein (p. 124). |
Bor, 22 août 1915 — [...] à 9h, nous sommes arrivés à Nigde, une ville de vingt-cinq à trente mille habitants, avec un tiers de Turcs, un quart de Grecs. Les Arméniens, presque aussi nombreux que les Grecs, ont tous été envoyés en bannissement. Nous avons vu ces hommes devant Césarée; les autres ont pris le chemin pour Jemen, ce qui signifie probablement pour Ourfa, via Eregli [...] Nous avons ensuite traversé une plaine ennuyeuse jusqu’à [Bor], une ville pas trop petite, où nous sommes arrivés à 12h05 et descendus au han [...] La route entre ici et Sivas est pour partie excellente, pour partie atroce et pour partie inachevée [...] Il faut toujours admirer le bon travail accompli par les amele tabouri durant ces mois de guerre. La nuit dernière, nous avons encore rencontré un groupe d’hommes arméniens. L’opinion qu’ils seront tous tués fut même partagée par le jeune et intelligent tchavouch [=brigadier] qui nous accompagne durant la nuit. |
[...] Um 9 Uhr kamen wir in Nigde an, einer Stadt von etwa 25-30000 Einwohnern, ein Drittel Türken, ein Viertel Griechen. Die Armenier, fast so viel wie Griechen, waren alle in Verbannung geschickt. Die Männer hatten wir ja vor Cäsarea gesehen; die übrigen über Eregli nach Jemen, soll wohl Urfa gemeint sein [...] Nun ging es über langweilige Ebene bis hierher (Bor, die Hrsg.), auch einer nicht kleinen Stadt, wo wir 12.05 ankamen u(nd) im Chan abstiegen [...] Der Weg zwischen hier und Sivas ist teilweise vorzüglich, teils scheußlich, teils in Arbeit, teils unfertig [...] in buntem Durcheinander. Immerhin muß man bewundern, wie viel Arbeit da in den Kriegsmonaten von den Ameletabur (Arbeiterbataillone, die Hrsg.) geleistet worden ist. In der vorigen Nacht trafen wir wieder auf eine Gruppe armenischer Männer. Die Ansicht, daß sie meistens getötet werden, vertrat sogar der junge Tschorusch (Tschawusch: türkisch für Unteroffizier, die Hrsg.), der uns Nachts begleitete, ein intelligenter Mann (p. 126). |
à la gare d’Eregli, le 23 août, l’après-midi, à 4h — Nous ne nous pouvons pas nous faire à l’idée, fatigués que nous sommes, que nous sommes vraiment parvenus jusqu’ici. Nous sommes partis hier à 10h du soir de Bor [...] C’est vraiment un moment inoubliable que de rejoindre le chemin de fer! Nous sommes arrivés ici à 10h; il y avait beaucoup à faire au han; nous avons mangé à l’hôtel. Tout est simplement horrible ici. Des Arméniens y campent, en plein air, par milliers ou, pour les riches, logent dans la ville. La misère ne se fait pas sentir ici; la plupart sont des types répugnants, par exemple des citadins de Smyrne. Ils ne devinent pas les dangers proches [qui les attendent]: ils ont l’air «d’avoir le dessus». Une protestante de Smyrne a affirmé que les protestants auraient le droit de retourner chez eux grâce à l’intervention de l’ambassade américaine. Si cela se révélait exact, il s’agirait d’un nouvel acte arbitraire. [...] Avec l’aide d’un Arménien, je suis parvenu à faire facilement toutes mes courses [...] |
Jetzt sind wir also wirklich so weit gekommen; nur können wir es vor Müdigkeit noch kaum fassen. Wir fuhren gestern (am 22.8.1915, die Hrsg.) Abend um 10 Uhr von Bor ab [...] Aber wie ein großer Moment war es dann, als wir die Bahnlinie erreichten! Um 10.00 kamen wir hier an, hatten viel Arbeit im Chan, Essen im Hotel, alles geradezu scheußlich. Alles wimmelt hier von Armeniern, die zu Tausenden draußen lagern, oder, die Reichen, in der Stadt wohnen. Von Elend hier wenig zu spüren; meist widerliche Typen, Stadtleute z. B. aus Smyrna. Die ahnen nichts von bevorstehenden Gefahren, sind scheints noch recht «oben auf» — Eine Frau, Protestantin aus Smyrna, behauptete, die Protestanten dürften wieder in ihre Heimat zurück, um dort zu bleiben, auf Verwendung der amerikanischen Botschaft. Wenn das wahr ist, wäre das eine neue Willkür. [...] Ich konnte hier mit Hilfe eines Armeniers alle Geschäfte leicht erledigen [...] (p. 127). |
Constantinople, 29 août 1915 — Mercredi soir [25 août], nous sommes arrivés ici. Au cours de notre voyage d’Eregli jusqu’ici, nous avons croisé beaucoup de convois d’Arméniens. Le train roulait jour et nuit. Il nous a fallu changer de train à Konia et Eskichéhir. A Eskichéhir, nous avons réveillé le pasteur Strahl à minuit pour lui laisser le Journal (neuf carnets de copies), parce que nous craignions qu’il n’y ait des fouilles sévères visant les papiers à Haïdar-Pacha. Après quoi, j’ai télégraphié à Pöcking, [chez Christoffel], puis me suis rendu à l’ambassade allemande. J’y suis resté jusqu’a 1[h]. Le conseiller privé Göppert et également le Dr Mordmann ont écouté avec grand intérêt tous mes propos et mes demandes. L’ambassade a entrepris et entreprend encore beaucoup plus dans l’affaire arménienne que nous ne l’avions jugé possible. |
Mittwoch Abend [25. August 1915] kamen wir hier an. Auf unserer Reise von Eregli hierher begegneten wir vielen Zügen von Armeniern. Der Zug fuhr Tag u(nd) Nacht; in Konia u(nd) Eskischehir mussten wir umsteigen. Den Pastor Strahl in Eskischehir holten wir um Mitternacht aus dem Bett u(nd) ließen ihm das Tagebuch (9 Hefte, Kopie) dort, weil wir fürchteten, daß in Haidar Pascha strenge Untersuchungen auf Papiere sein würden (p. 128). [...] Dann (nach Ankunft in Konstantinopel, die Hrsg. ) telegraphierte ich nach Pöcking (an Christoffel, die Hrsg.) u(nd) war dann bis 1 (Uhr, die Hrsg.) auf der (deutschen, die Hrsg.) Botschaft, wo ich zunächst bei Geheimrat Göppert, dann bei Dr. Mordmann warmes Interesse für all unsere Mitteilungen u(nd) Wünsche fand. Die Botschaft hat viel mehr getan u(nd) tut viel mehr in der armenischen Sache, als wir für möglich hielten (p. 129). |
30 août 1915 — Aujourd’hui, de 10 à 11[h], nous étions à l’ambassade et avons parlé avec le commandant Humann et son collaborateur Haas [...] Nous étions surtout avec Mordmann, qui a dressé un procès-verbal très net et satisfaisant de notre question [...] Si Dieu le veut, demain, à 7h44, nous partirons. Nous sommes tellement heureux. Fin. |
Heute von 10 - 11 (Uhr, die Hrsg.) waren wir auf der Botschaft, sprachen Kommandant Humann u(nd) seinen Mitarbeiter v. Haas [...]. Hauptsächlich waren wir wieder bei Mordmann, der ein sehr klares, gutes Protokoll in unserer Sache verfasste [...] (p. 130). Morgen früh 7.44, so Gott will, ab (nach Deutschland, die Hrsg.). Wie freuen wir uns! Ende (ebd.) |