«Fantômes d'Anatolie» explore les traces et la place du génocide arménien dans l'histoire turque et l'inconscient collectif turc. Je me suis intéressée à la question du négationnisme et de ses conséquences sur la communauté arménienne et la société turque.
En d'autres termes, comment d'un côté, vit-on avec la disparition de son peuple et de sa culture à la suite d'un drame non reconnu ? Comment, de l'autre, vit-on avec cette histoire niée, bien qu'omniprésente sur son territoire et ancrée dans son passé ? Et quelles conséquences sur sa propre histoire?
On peut également se poser la question du pourquoi, que l'on m'a souvent adressée. Pourquoi revenir sur une histoire génocidaire survenue il y a un siècle, sur un territoire qui n'est pas le mien, et une culture et une histoire qui ne sont pas les miennes ?
Si je devais y répondre, je commencerais par l'envie et le besoin de fouiller une histoire à la fois singulière et profondément universelle, qui s'avère faire partie de l'histoire d'Azad, mon mari d'origine arménienne, et qui est maintenant aussi celle de mes enfants. Mais, si je suis liée indirectement à cette histoire, c'est surtout la question du déni qui a été l'élément déclencheur et central dans cette recherche.
Je parlerais de devoir de mémoire, particulièrement nécessaire lorsqu'il est question de déni et de réécriture.
Par ailleurs, je suis hantée par cette autre question : comment amène-t-on un peuple à l'éradication et l'assassinat collectif d'un autre peuple? Si de nombreux ouvrages en ont étudié les faits historiques et décortiqué les mécanismes, cette question reste malgré tout sans réponse réellement satisfaisante, autre que celle de voir dans le génocide l'expression de la nature humaine dans ce qu'elle a de plus destructrice et sombre.
Enfin, faut-il nécessairement être Arménien, Turc ou historien pour aborder l'histoire du génocide arménien ? Doit-on avoir subi soi-même un drame génocidaire pour avoir la légitimité d'approcher ces histoires ? Dans un contexte général de repli communautaire et identitaire, la réponse se doit d'être évidente. Pour ma part, c'était un risque à prendre.
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