La Politique du Sultan de Victor Bérard (1864-1931) montre de quelle façon les abominations d’un jour enseignent les abominations de jours qui s’avéreront bien plus funestes. Pour parler cru, les massacres organisés par le sultan Abdul-Hamid II à la fin du XIXe siècle (avec reprises, au son du clairon, au tout début du XXe siècle !) ont chauffé le génocide de 1915-1916 perpétré par les Jeunes-Turcs sur des sujets ottomans : les Arméniens.
L’écriture de La Politique du Sultan est dépouillée ; les analyses qui y sont consignées ne manquent jamais d’être aiguës. Bérard fait partie de ceux qui, comme Anatole France (« l’Arménie est unie à nous par des liens de famille, elle prolonge en Orient le génie latin »), comme Péguy, comme Jaurès, comme Durkheim, ont pour mission, dans les moments critiques de l’Histoire, d’éclairer leurs semblables. Bérard est aussi un collecteur de témoignages. C’est dire qu’il effectue, en même temps, un reportage sur les pratiques exterminatrices d’un Ubu turc. Abdul-Hamid II ?
Une figure emblématique, quoique scélérate.
Une figure inoubliable.
Martin Melkonian
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