Véronique Demirdjian est née en 1937, à Saint-Chamond, dans une communauté constituée entièrement de rescapés du génocide des Arméniens de 1915.
Déchirée entre l’attachement à son milieu et le besoin de s’en éloigner, entre le respect des traditions et ses aspirations personnelles, l'auteur fait le choix d’une vie militante au service de la paix et de l’émancipation des hommes. Elle réussit à devenir institutrice puis professeur d’anglais et s’inscrit ainsi sur la voie de la transmission qui connaîtra son aboutissement dans le récit qu’elle présente aujourd’hui.
Avril 1915. La guerre gronde ; la grande boucherie dure depuis presque un an… Dans les provinces orientales de l’Empire ottoman, à l’abri des regards, un drame épouvantable se joue. Longtemps ignoré par l’Europe, comment le génocide des Arméniens nous fut-il transmis pour qu’un siècle plus tard il fasse enfin partie de notre histoire ? Comment vivre ce malheur, comment le dépasser, et cela est-il possible ?
À travers l’histoire de sa mère, victime survivante de la tragédie, à travers l’histoire de sa famille, à travers la sienne, l’auteur nous convie à la suivre dans son long cheminement vers l’apaisement, sans éclats de voix, sans excès de style. En nous permettant de pénétrer dans l’intimité de ces vies détruites, elle nous ouvre les yeux aussi sur notre monde, et sur nous-mêmes.
EXTRAITS
« J’étais une toute petite fille pendant la seconde guerre mondiale – j’avais probablement l’âge qu’elle avait lors de la première, elle ne se faisait d’ailleurs pas faute de le répéter – mais il était une autre guerre qui nous hantait à la maison, et que nous partagions en grand secret. Une guerre qui ne devait jamais se terminer et où revenaient les mêmes noms de lieu : Fseini, Cungus, Cermik, Severek … » (P12)
« J’écrirai pour inscrire ailleurs que sur nos propres corps la violence subie par les miens. J’explorerai le temps, j’invoquerai les souvenirs – ceux qui restent, car j’en ai beaucoup perdus en chemin, tant ils étaient lestés de souffrance- les images, la voix encore et encore, cette plainte qui montait sans cesse aux lèvres de ma mère et qui a constitué pendant si longtemps mon chant intérieur, mélopée insistante qui tournait infiniment sur elle-même. » (P151)
« Mais c’est au musée d’Erevan, devant les toiles ocres, pourpres et jaunes de Mardiros Sarian, que j’ai compris que j’étais moi aussi, tout comme ma mère, une enfant de l’Orient et que, comme elle, je pouvais raconter une histoire, si triste que j’avais cru bon de la tenir captive, comme le génie malin de l’histoire. Et voilà que le libérant, le génie s’était transformé, et mon âme était sauvée. » (P155)
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