Le traité de Sèvres, on le sait, n’a pas été ratifié ; il demeurera cependant une étape des plus importantes dans l’historique des différentes attitudes adoptées par les Puissances envers l’Arménie, depuis la fin de la grande guerre. Le traité a proclamé solennellement l’indépendance de l’Arménie, mais il l’a très improprement limitée aux parties arméniennes de l’ancien Empire russe, décevant ainsi les espérances des Arméniens en une libération immédiate d’une partie au moins de l’Arménie turque. S’il a annoncé la punition des responsables des massacres et la libération des femmes et enfants maintenus dans les harems turcs, comme la restitution ou la reconstruction des biens, il a refusé aux victimes toute réparation matérielle. Mais, en revanche, il a prévu, pour les Arméniens et les autres non-Turcs, condamnés à rester sous la domination ottomane un système de protection qu’il a entouré d’une garantie formidable, puisque celle-ci comporte l’expulsion éventuelle des Turcs de leur capitale.
Somme toute, la nation arménienne, si, en attendant la sentence du Président Wilson, elle n’a pas eu à se louer d’une générosité excessive à son égard de la part des Puissances signataires du traité de Sèvres, dont on la proclamait l’alliée, a été cependant fondée à voir dans le traité du 10 août 1920 le commencement d’une ère nouvelle marquée par la reconnaissance de l’indépendance d’une partie des ses membres et par la garantie de la sécurité personnelle de ses enfants irrédimés.