entre les Puissances Alliées et la Turquie
L'EMPIRE BRITANNIQUE, LA FRANCE, L'ITALIE ET LE JAPON,
Puissances désignées dans le présent Traité comme les Principales Puissances alliées ;
L'ARMÉNIE, LA BELGIQUE, LE HEDJAZ, LA GRÈCE, LA ROUMANIE, LA POLOGNE, LE PORTUGAL, LA ROUMANIE, L'ÉTAT DE SERBIE-CROATIE-SLOVENIE ET LA TCHÉCOSLOVAQUIE,
Constituant avec les Principales Puissances ci-dessus, les Puissances alliées, d'une part ;
ET LA TURQUIE,
D'autre part ;
[Articles 1-87 non repris]
Article 88
La Turquie, déclare reconnaître, comme l’ont déjà fait les Puissances Alliées, l’Arménie comme un Etat libre et indépendant.
Article 89
La Turquie et l'Arménie ainsi que les autres Hautes Parties contractantes conviennent de soumettre à l'arbitrage du Président des Etats-Unis d’Amérique, la détermination de la frontière entre la Turquie et l'Arménie dans les vilayets d'Erzeroum , Trébizonde, Van et Bitlis et d’accepter sa décision ainsi que toutes dispositions qu’il pourra prescrire relativement à l’accès de l’Arménie à la mer et relativement à la démilitarisation de tout territoire ottoman adjacent à la dite frontière.
Article 90
En cas où la fixation de la frontière, en vertu de l'article 89, impliquera le transfert à l'Arménie de tout ou partie du territoire du territoire desdits vilayets , la Turquie déclare dès à présent renoncer, à dater de la décision, à tous droits et titre sur le territoire transféré. Les dispositions du présent Traité, applicables aux territoires détachés de la Turquie, seront, dès ce moment, applicables à ce territoire.
La proportion et la nature des charges financières de la Turquie, que l'Arménie aura à supporter, ou des droits dont elle pourra se prévaloir, en raison du territoire placé sous sa souveraineté, seront fixées conformément aux articles 241 à 244, Partie VIII (Clauses Financières) du présent Traité.
Des conventions ultérieures, régleront, s’il est nécessaire, toutes questions, qui ne seraient pas réglées par le présent Traité et que pourraient faire naître le transfert du dit territoire.
Article 91
Si une portion du territoire visé à l'article 89 est transféré à l’Arménie, une Commission de délimitation, dont la composition sera ultérieurement fixée, sera constituée dans les trois mois de la décision prévue audit article, en vue de tracer sur place la frontière entre l'Arménie et la Turquie telle qu’elle résultera de ladite décision.
Article 92
Les frontières de l'Arménie avec l'Azerbaïdjan et la Géorgie respectivement seront déterminées d’un commun accord par les États intéressés.
Si, dans l'un ou l'autre cas les États intéressés n’ont pu parvenir, lorsque la décision prévue à l'article 89 sera rendue, à déterminer d’un commun accord leur frontière, celle-ci sera déterminée par les Principales Puissances alliées, auxquelles il appartiendra de pourvoir à son tracé sur place.
Article 93
L'Arménie accepte, en en agréant l’insertion dans un Traité avec les Principales Puissances alliées, les dispositions que ces Puissances jugeront nécessaires pour protéger en Arménie les intérêts des habitants qui diffèrent de la majorité de la population par la race, la langue ou la religion.
L'Arménie agrée également l’insertion dans un Traité avec les Principales Puissances alliées des dispositions que ces Puissances jugeront nécessaires pour protéger la liberté de transit et un régime équitable pour le commerce des autres nations.
[Articles 94-139 non repris]
Article 140
La Turquie s’engage à ce que les stipulations contenues dans les articles 141, I45 et I47 soient reconnues comme lois fondamentales, à ce qu'aucune loi ni aucun règlement, civils ou militaires, aucun iradé impérial ni aucune action officielle ne soient en contradiction ou en oppositions avec ces stipulations, et à ce qu’aucune loi, aucun règlement, aucun iradé impérial ou aucune action officielle ne prévalent contre elles.
Article 141
La Turquie s’engage à accorder à tous les habitants de la Turquie pleine et entière protection de leur vie et de leur liberté sans distinction de naissance, de nationalité, de langage, de race ou de religion.
Tous les habitants de la Turquie auront droit au libre exercice, tant public que privé, de toute foi, religion ou croyance.
Les atteintes au libre exercice du droit prévu à l’article précédent, seront punies des mêmes peines, quel que soit le culte intéressé.
Article 142
Considérant qu’en raison du régime terroriste ayant existé en Turquie depuis le 1 er novembre 1914, les conversions à l'islamisme n’ont pu avoir lieu normalement, aucune conversion ayant eu lieu depuis cette date n’est reconnue et toute personne, non musulmane avant le 1 er novembre 1914, sera considérée comme restée telle, à moins qu’après avoir recouvré sa liberté, elle ne remplisse de sa propre volonté, les formalités nécessaires pour embrasser l’islamisme.
Afin de réparer dans la plus large mesure les torts portés aux personnes au cours des massacres perpétrés en Turquie pendant la durée de la guerre, le Gouvernement ottoman s’engage à donner tout son appui et celui des autorités ottomanes à la recherche et la délivrance de toutes les personnes, de toute race et de toute religion, disparues, ravies, séquestrées ou réduites en captivité depuis le 1 er novembre 1914.
Il s’engage à faciliter l’action des commissions mixtes nommées par le Conseil de la Société des Nations à l’effet de recevoir les plaintes des victimes elles-mêmes, leurs familles et leurs proches, de faire les enquêtes nécessaires et de prononcer souverainement la mise en liberté des personnes en question.
Le Gouvernement ottoman s’engage à faire respecter les décisions de ces commissions, et à assurer la sûreté et la liberté des personnes ainsi restituées dans la plénitude de leurs droits.
Article 143
La Turquie s’engage à reconnaître les dispositions que les Puissances alliés jugeront opportunes relativement à l'émigration réciproque et volontaire des individus appartenant aux minorités ethniques.
La Turquie s’engage à ne pas se prévaloir de l’article I6 de la Convention entre la Grèce et la Bulgarie relative à l'émigration réciproque, signée à Neuilly-sur-Seine le 27 novembre, 19l9. Dans les six mois qui suivront la mise en vigueur du présent Traité, la Grèce et la Turquie établiront un accord spécial visant à l'émigration réciproque et spontanée des populations de race turque et grecque des territoires transférés à la Grèce ou restant ottomans, respectivement.
Dans le cas où l’accord ne pourrait s’établir, la Grèce et la Turquie auront le droit de s’adresser au Conseil de la Société des Nations, qui fixera les conditions dudit accord.
Article 144
Le Gouvernement ottoman reconnaît l'injustice de la loi de 1915 sur les propriétés abandonnées (Emval-i-Metrouké) ainsi que de ses dispositions complémentaires, et les déclare nulles et de nul effet dans le passé comme dans l'avenir.
Le Gouvernement ottoman s’engage solennellement à faciliter, dans toute la mesure du possible, aux ressortissants ottomans de race non turque, chassés violemment de leurs foyers soit par la crainte de massacre soit par tout autre moyen de contrainte depuis le 1 er janvier 1914 le retour dans leurs foyers, ainsi que la reprise de leurs affaires. Il reconnaît que les biens immobiliers ou mobiliers, qui pourront être retrouvés, et qui sont la propriété desdits ressortissants ottomans ou des communautés, auxquelles appartiennent ces ressortissants, doivent être restitués le plus tôt possible, en quelques mains qu’ils soient retrouvés. Les biens seront restitués libres de toute charge ou servitude, dont ils auraient pu être grevés, et sans indemnité d’aucune sorte pour les propriétaires ou détenteurs actuels, sous réserve des actions que ceux-ci pourront intenter contre leurs auteurs.
Le Gouvernement ottoman accepte que les commissions arbitrales soient nommées par le Conseil de la Société des Nations partout où cela sera jugé nécessaire. Chacune de ces commissions sera composée d'un représentant du Gouvernement ottoman, d’un représentant de la communauté qui se prétendrait lésée ou dont un membres se prétendrait lésé et d’un président nommé par le Conseil de la Société d es Nations. Les commissions arbitrales connaîtront de toutes réclamations visées par le présent article et les jugeront suivant une procédure sommaire.
Lesdites commissions arbitrales auront le pouvoir d'ordonner :
(1) La fourniture par le Gouvernement ottoman de la main d’œuvre pour tous travaux de reconstruction ou la restauration qu’elles jugeront nécessaire. Cette main-d’œuvre sera recrutée parmi les individus appartenant aux races habitant le territoire sur lequel la Commission arbitrale jugera nécessaire l’accomplissement desdits travaux ;
(2) l’éloignement de toute personne qui, après l'enquête, sera reconnue avoir pris une part active à des massacres ou expulsions ou les avoirs provoqués ; les mesures à prendre relativement aux biens de cette personne seront indiquées par la Commission ;
(3) L’attribution de tous biens et propriétés ayant appartenu à des membres d'une communauté, décédés ou disparus depuis le 1 janvier 1914, sans laisser d’héritiers, ces biens et propriétés pouvant être attribués à la communauté aux lieu et place de l’État ;
(4) L'annulation de tous actes de vente ou constitution de droits sur la propriété immobilière conclus après le 1 er janvier I914 ; l'indemnisation des détenteurs sera à la charge du Gouvernement ottoman sans pouvoir servir de prétexte pour retarder la restitution. La commission arbitrale, aura cependant le pouvoir d'imposer des arrangements équitables entre les intéressés, si quelque somme a été payée par le détenteur actuel de la propriété en question.
Le Gouvernement ottoman s’engage à faciliter, dans toute la mesure possible, le fonctionnement des commissions et à assurer l'exécution de leurs décisions, qui seront sans appel. Aucune décision des autorités ottomanes, judiciaires ou administratives ne pourra leur être opposée.
Article 145
Tous les ressortissants ottomans seront égaux devant la loi et jouiront des mêmes droits civils et politiques sans distinction de race, de langage ou de religion. La différence de religion, le croyance ou de confession ne devra nuire à aucun ressortissant ottoman en ce qui concerne la jouissance des droits civils ou politiques, notamment pour l'admission aux emplois publics, fonctions et honneurs ou l'exercice des différentes professions et industries.
Le Gouvernement ottoman présentera aux Puissances alliés dans un délai de deux ans après la mise en vigueur du présent Traité, un projet d'organisation du système électoral, basé sur le principe de la représentation proportionnelle de minorités ethniques.
Il ne sera édicté aucune restriction contre le libre usage par tout ressortissant ottoman d’une langue quelconque soit dans les relations privées ou de commerce, soit en matière de religion, de presse, ou de publications de toute nature, soit dans les réunions publiques. Des facilités appropriées seront données aux ressortissants ottomans de langue autre que le turc pour l’usage de leur langue soit oralement, soit par écrit, devant les tribunaux.
Article 146
Le Gouvernement Turc s’engage à reconnaître la validité de diplômes émanant d’universités ou d’écoles étrangères reconnues, et admettra les titulaires au libre exercice des professions et industries pour lesquelles ces diplômes donnent capacité.
La présente disposition s'appliquera également aux ressortissants des Puissances alliée résidant en Turquie.
Article 147
Les ressortissants ottomans appartenant à des minorités ethniques, de religion ou de langue, jouirons du même traitement et des mêmes garanties en droit et en fait que les autres ressortissants ottomans. Il auront notamment un droit égal à créer, diriger et contrôler à leurs frais, indépendamment et sans aucune ingérence des autorités ottomanes, toutes institutions charitables, religieuses ou sociales, toutes écoles primaires, secondaires, et d’instruction supérieure, et tous autres établissements scolaires, avec le droit d’y faire librement usage de leur propre langue et d’y exercer librement leur religion.
Article 148
Dans les villes ou régions, ou existe une proportion considérable de ressortissants ottomans appartenant à des minorités ethniques, de langue ou de religion, ces minorités se verront assurer une part équitable dans le bénéfice et l'affectation des sommes qui pourraient être attribuées sur les fonds publics par le budget de l’État, les budgets municipaux ou autres, dans un but d'éducation ou de bienfaisance.
Les fonds en question seront versés aux représentants qualifiés des communautés intéressées.
Article 149
Le Gouvernement ottoman s'engage à reconnaître et à respecter l'autonomie ecclésiastique et scolaire toute minorité ethniques en Turquie. A cette fin et sous réserve des dispositions contraires du présent Traité, le Gouvernement ottoman confirme et soutiendra à l'avenir, dans toute leur étendue, les prérogatives et immunités d'ordre religieux, scolaire ou judiciaire, accordées par les Sultans aux races non musulmanes en vertu d'ordonnances spéciales ou de décrets impériaux (firmans, hattis, berats, etc.), ainsi que par des ordres ministériels ou ordres du Grand-Vizir.
Tous décrets, lois, règlements et circulaires émanant du Gouvernement ottoman, et comportant des abrogations, restrictions ou amendements desdites prérogatives et immunités, seront considérés à cet égard comme nuls et non avenus.
Toute modification du régime judiciaire ottoman introduite en conformité des dispositions du présent Traité, sera considérée comme l'emportant sur les stipulations du présent article, en tant que cette modification affectera les individus appartenant à des minorités ethniques.
Article 150
Dans les villes ou régions, ou réside une proportion considérable de ressortissants ottomans de religion chrétienne ou juive, le Gouvernement ottoman s'engage à ce que ces ressortissants ottomans ne soient pas astreints à accomplir un acte quelconque constituant une violation de leur foi ou de leurs pratiques religieuses, ni frappés d'aucune incapacité s'ils refusent de comparaître devant les tribunaux ou d'accomplir quelque acte légal le jour de leur repos hebdomadaire. Toutefois cette disposition ne dispensera pas ces ressortissants ottomans, chrétiens ou juifs, des obligations imposées à tous autres ressortissants ottomans en vue du maintien de l'ordre public.
Article 151
Les Principales Puissances alliées, après examen en commun avec le Conseil de la Société des Nations, détermineront quelles mesures sont nécessaires pour garantir l’exécution des dispositions de la présente Partie. Le Gouvernement ottoman déclare dès à présent accepter toutes décisions qui seront prises sur ce sujet.
[Articles 152-225 non repris]
Article 226
Le Gouvernement ottoman reconnaît aux Puissances alliées la liberté de traduire devant leurs Tribunaux militaires les personnes accusées d’avoir commis des actes contraires aux lois et coutumes de la guerre. Les peines prévues par les lois seront appliquées aux personnes reconnues coupables. Celle disposition s'appliquera nonobstant toutes procédures ou poursuites devant une juridiction de la Turquie ou de ses Alliées.
Le Gouvernement ottoman devra livrer aux Puissances alliées, ou à celle d’entre elles qui lui en adressera la requête, toutes personnes qui, étant accusées d’avoir commis un acte contraire aux lois et coutumes de la guerre, lui seraient désignées soit nominativement, soit par le grade, la fonction ou l’emploi, auxquels ces personnes auraient été affectées par les autorités ottomanes.
Article 227
Les auteurs d’actes contre les ressortissants d’une des Puissances alliées seront traduits devant les tribunaux militaires de cette Puissance.
Les auteurs d’actes contre les ressortissants de plusieurs Puissances alliées seront traduits devant les tribunaux militaires composés de membres appartenant aux tribunaux militaires des Puissances intéressées.
Dans tous les cas, l’accusé aura droit à désigner lui-même son avocat.
Article 228
Le Gouvernement ottoman s’engage à fournir tous documents et renseignements de quelque nature que ce soit, dont la production serait jugée nécessaire pour la connaissance complète des faits incriminés, la recherche des coupables ou l’appréciation exactes des responsabilités.
Article 229
Les dispositions des articles 220 à 228 s’appliquent également aux Gouvernements des États auxquels ont ou auront été attribués des territoires appartenant à l’ancien Empire ottoman, pour ce qui concerne les personnes accusées d’avoir commis des actes contraires aux lois et coutumes de la guerre et qui se trouvent dans le territoire ou à la dispositions desdits États.
Si les personnes dont il s’agit ont acquis la nationalité d’un desdits États, le Gouvernement de cet État s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer leur poursuite et leur punition, sur la requête de la Puissances intéressée et d’accord avec elle ou sur la requête conjointe de toutes les Puissances alliées.
Article 230
Le Gouvernement ottoman s’engage à livrer aux Puissances alliées les personnes réclamées par celles-ci comme responsables des massacres qui, au cours de l’état de guerre, ont été commis sur tout territoire faisant, au 1 er août 1914, partie de l’Empire ottoman.
Les Puissances alliées se réservent le droit de désigner le tribunal qui sera chargé de juger les personnes ainsi accusées, et le Gouvernement ottoman s’engage à reconnaître ce Tribunal.
Dans le cas où la Société des Nations aurait constitué en temps utile un tribunal compétent pour juger lesdits massacres, les Puissances alliées se réservent le droit de déférer lesdits accusés devant ce tribunal et le Gouvernement ottoman s’engage également à reconnaître ce tribunal.
Les dispositions de l’article 228 sont applicables au cas prévus par le présent article.
[Articles 231-433 non repris]