Pour le punir il faut une loi
La loi du 29 janvier 2001, dans laquelle la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915, est une loi déclarative. Elle ne permet en aucun cas de condamner pénalement toute personne qui viendrait à la contredire. L'absence d'outils juridiques dans l'arsenal législatif français empêche le juge de sanctionner la méconnaissance des termes de ladite loi du 29 janvier 2001, en vertu du principe de la légalité de la peine. On se trouve alors en présence d'une opinion négationniste qui n'est pas un jugement comme un autre : c'est un crime. En effet, cet acte de négationnisme parachève le génocide en lui-même, en tentant de l'effacer de la mémoire collective. Nier un tel crime, c'est attaquer l'essence de l'humanité, car un génocide est un crime contre l'humanité tout entière. La loi, votée le 12 octobre 2006, visant à condamner pénalement le négationnisme du génocide des Arméniens va enfin permettre au juge de statuer. Quant aux historiens, pour lesquels la liberté d'entreprendre des travaux scientifiques doit être préservée, cette loi a-t-elle une valeur contraignante ? Non, elle ne les empêchera nullement d'effectuer des recherches approfondies sur les événements de 1915.
La liberté d'expression est un droit fondamental qui n'est pas menacé par cette action. En effet, celle-ci doit être encadrée, car des conclusions négationnistes instillées dans l'esprit d'une opinion mal informée ne peuvent qu'attiser la haine entre les peuples. Ce texte prévoyant la pénalisation du négationnisme du génocide des Arméniens sera le rempart de la justice et de la vérité contre le déni et le mensonge.
Cette réalité historique a été reconnue par l'ensemble du monde, à l'exception malheureuse de l'un de ses principaux protagonistes. C'est un fait regrettable et même condamnable. « En acceptant et en reconnaissant son passé, chaque pays se retrouve grandi » a déclaré le président Jacques Chirac en visite à Erevan (Arménie) le 30 septembre 2006. Le voeu le plus cher de tous les démocrates du monde entier est que la Turquie se développe, afin qu'elle puisse accepter son passé en toute sérénité. Au plan économique, les menaces de boycott contre les entreprises françaises sont aussi malfaisantes que superficielles. Est-il nécessaire de rappeler que des menaces similaires ont été proférées en janvier 2001, lorsque la France avait reconnu officiellement le génocide arménien, alors qu'en même temps, les échanges commerciaux entre la France et la Turquie augmentaient de 32 % en 2002 ?
« Je préfère avoir un livre d'histoire dans ma bibliothèque plutôt que des gros contrats », a déclaré le député Éric Raoult (UMP). J'aimerais lui dire qu'il n'a pas à s'inquiéter, qu'il disposera bien entendu d'un livre d'histoire mais aussi de « gros contrats », notre pays disposant de nombreux atouts dont il est impossible de se passer. La France, patrie des droits de l'homme et du citoyen a toujours été en tête de tous les combats pour l'épanouissement et la démocratisation de la société humaine.
C'est au nom de ses valeurs qu'elle doit continuer ce devoir de mémoire universelle qui permet à un groupe de vivre en paix et en harmonie. Elle s'est honorée en adoptant cette loi, qui plus est par une forte majorité.
Victoire pour la République, victoire pour la démocratie, cette loi annonce aussi un espoir de réconciliation.