Der ez-Zor, le camp de la mort et de la reconnaissance du génocide arménien
En 1915 et 1916, des centaines de milliers d’Arméniens de Turquie ont été déportés par l’armée turque et massacrés dans les déserts de Deir ez-Zor, en Syrie. Deir ez-Zor est situé dans les sables du désert syrien sur les rives de l’Euphrate, à 450 km de Damas et 320 km d’Alep. Deir ez-Zor, destination finale des cohortes de déportes arméniens en 1915-1916.
Aujourd’hui, Deir ez-Zor est un lieu de recueillement pour le génocide arménien, comme Auschwitz l’est pour la Shoah. Un gigantesque monument en souvenir des déportés a été érigé en face de l’entrée principale d’un mausolée. Un Khatchkar (stèle de pierre sur laquelle se détache une grande croix en relief) s’y dresse, il a été amené d’Arménie et devant lequel brille la flamme de l’éternité.
A gauche de la place, se dresse une église arménienne. A l’intérieur de l’église, les restes des os des victimes du génocide provenant de Der Ez-zor, ont été enterrés sous la colonne de la résurrection, en mémoire de cette extermination de masse.
Les rescapés du génocide aveint émigré vers l’Arménie de l’est, c’est-à-dire la République d’Arménie actuelle, les autres se sont dispersés un peu partout à travers le monde. En France, à partir de 1915, les Arméniens qui fuyaient les massacres perpétrés par le gouvernement ottoman, vinrent souvent de zones rurales. Ils débarquèrent à Marseille puis remontèrent le Rhône, s’installant à Lyon, Valence, Saint-Étienne, puis Paris. Aujourd’hui, la communauté d’origine arménienne en France compterait environ 600 000 membres.
Ceux-ci représentent ce qu’on appelle la diaspora arménienne. Quant aux Arméniens qui ont émigré en Syrie - le pays qui les a accueillis, ils ont été fidèles à ce pays d’accueil. Mais, aujourd’hui, à Der Ez-zor, les combats qui y opposent les rebelles et le régime de Bachar al-Assad depuis l’été 2011, ont fait de quelques quartiers de la ville de véritables champs de ruines.
Et, la quasi-totalité des Arméniens de Der ez-Zor ont choisi de quitter la ville et le pays... Tandis qu’aujourd’hui c’est la localité de Kessab, dernière survivance de la présence arménienne dans la région, qui s’est vidée de ses habitants à la suite d’une attaque djihadiste lancée depuis la Turquie.
Que retiendrons-nous de ces événements tragiques ? Qui perpétuera le souvenir des massacres de 1915 ? Et est-ce qu’un jour les communautés arméniennes de Der ez-Zor et de Kessab pourront rentrer chez elles ?
La Turquie qui est pourtant un très grand pays (et le peuple turc un très grand peuple) refuse toujours de reconnaître le génocide qui a coûté la vie à 1,5 million d’Arméniens entre 1915 et 1917. Elle affirme qu’il y a eu cinq fois moins de victimes et qu’elles ont été tuées ou déportées dans le contexte des désordres internes qui ont accompagné la chute de l’Empire ottoman. Et ce déni turc est particulièrement incompréhensible et malheureux. Pourquoi la Turquie n’est-elle pas en mesure ou ne peut-elle pas reconnaître les crimes qui ont été commis par l’Empire ottoman ? Et plus généralement, quel être humain épris de justice et d’Humanité pourrait rester insensible à ce drame ? Quel être humain pourrait rejeter d’un revers de main ou feindre d’ignorer que le peuple arménien a été victime d’un terrible génocide ? Quel être humain pourrait occulter que près de la moitié de son peuple a été décimé ? Quel être humain ne saurait réclamer que toute la lumière soit faite sur cette tragédie ? Les Juifs qui ont été persécutés et ont été décimés lors de la Shoah doivent marquer leur solidarité avec la communauté arménienne. Il y a un devoir de reconnaissance et de juste solidarité.
A vous, Arméniens, je dis ma solidarité, ma fraternité.
Et j’ajoute que vous n’êtes pas seuls. Nos destinées sont semblables. Lorsque votre cœur bat, lorsque vous éprouvez de la peine, nous vous comprenons et tout comme vous viendrez vers nous, nous venons vers vous pour déposer notre salut fraternel.
Arméniens, Juifs, enfants de France et amis de toujours.
Marc Knobel
Historien - Directeur des études du CRIF