AztagDaily

Interview du professeur Fatma Müge Goçek

Fatma Muge Gocek Fatma Muge Goçek, sociologue et historienne turque, enseigne à l'université du Michigan Ann Arbor. Elle est l'initiatrice de la plateforme de dialogue « Armenian and Turkish scholars workshop. » Ce texte est un extrait de l'interview réalisée par Khatchig Mouradian pour Aztagdaily.

Ce qui m'a aussi ouvert les yeux fut qu'en Turquie, quand la question a été soulevée, les Turcs à qui j'ai parlé se sont mis terriblement en colère. Je me suis alors rendu compte à quel point là-bas l'historiographie officielle avait évincé ce qui était arrivé dans le passé.

« Les historiens se sont d'abord préoccupés de protéger les intérêts de l'Etat. Ce fut l'historiographie dominante depuis la fondation de la République turque » dit Muge Fatma Göcek dans cette interview. Elle ajoute toutefois : « Aujourd'hui, il y a de nouveaux travaux, comme les ouvrages de Taner Akcam et les interviews de Halil Berktay, qui ont une approche critique des points de vue de l'Etat.

Ceux-ci, joints au fait que récemment - dans les deux dernières décennies - la maison d'édition Aras, en particulier, en Turquie, a traduit la littérature turco-arménienne en langue turque, me fait penser, ou espérer, et souhaiter qu'il puisse y avoir un développement narratif critique post-national ».

Fatma Muge Göcek, Professeur associé de sociologie et d'Etudes sur les femmes à l'Université du Michigan 'Ann Arbor', fait beaucoup plus cependant qu'espérer et souhaiter ce qu'elle appelle 'une narration critique post-nationale'. Elle est l'une des rares voix turques dans le désert, qui organise des conférences rassemblant des érudits turcs et arméniens prêts à mettre de côté les préjugés et à affronter l'Histoire dans toute sa laideur. Elle écrit des articles et prononce des conférences sur le génocide arménien, et prépare actuellement un livre sur ce sujet.

Le nombre d'érudits turcs qui contestent le point de vue de l'Etat concernant le génocide arménien (n'importe quel diplomate turc va immédiatement vous dire « le soi-disant génocide arménien ») n'est pas terrible. Cependant leurs ouvrages parlent pour eux. Ils ont déjà attiré l'attention de leurs collègues arméniens, ainsi que des historiens, des éditeurs et des politiciens.

L'élite turque dominante aura-t-elle le courage d'affronter son passé et de reconnaître la souffrance que le gouvernement des Jeunes Turcs dans l'Empire ottoman a infligée à une partie considérable de ses sujets ? Les âmes de plus d'un million d'Arméniens qui ont péri à cause des tueries organisées par l'Etat, vont -elles finalement reposer en paix ? Pour ce qu'ils croient être pour le bien des deux côtés du litige, Göcek et quelques-uns de ses collègues turcs du même avis, veulent s'assurer que les réponses à ces questions sont toutes affirmatives.

On peut les appeler« rénégats » ou bien « pionniers ». Ils ne se sentiront ni offensés par la première étiquette, ni aveuglés par la seconde. Si l'on tient quand même à les qualifier, une chose est certaine: leur travail est précurseur de choses à venir.

________________________________________

Aztag : Comment vos recherches vous ont-elles conduite à vous intéresser aux Arméniens du début du 20ème siècle dans l'Empire Ottoman ?

Muge Göcek : Quand je suis venue ici aux USA pour préparer mon doctorat, je m'intéressais au déclin de l'Empire Ottoman, particulièrement aux éléments qui l'avaient mené à sa disparition, et aussi à la naissance de la République turque. Ma dissertation était intitulée: « L'arrivée au pouvoir de la bourgeoisie et la disparition de l'Empire ». Au cours de ma recherche, j'ai été intriguée par le rôle que les minorités religieuses avaient joué dans l'Empire Ottoman, et la façon dont ces minorités, avec l'émergence de l'Etat-nation avaient été retirées du tableau, et leur exclusion avait conduit à la formation d'un type différent de société en Turquie. Mais à ce moment-là, mon intérêt pour les minorités n'a pas été plus loin.

Cependant, en tant que sociologue historienne, j'ai trouvé très intéressant d'écrire les histoires des groupes sociaux qui n'avaient pas eu une voix dans l'Histoire; c'était éventuellement dû à mon intérêt pour l'absence de démocratisation et le manque de participation des groupes sociaux à la détermination de la structure politique turque. J'étais spécialement bouleversée par ce qui arrivait aux Kurdes et autres groupes minoritaires en Turquie aujourd'hui.

La venue des Arméniens dans le tableau est reliée à mon installation particulière aux USA. A chaque fois que je disais aux Arméniens que j'étais une Turque, j'étais immédiatement priée de rendre compte du meurtre de ces Arméniens, je continue encore à leur dire que je n'avais honnêtement rien à voir avec cela !

Au départ, la question était extrêmement politisée pour moi, de m'aventurer sur ce terrain. De toute façon, à cette époque, je travaillais sur d'autres projets et c'est pourquoi je remis à plus tard mon implication dans cette affaire. Mais ensuite, tout mon intérêt revint, et après avoir acquis ici ma qualification professionnelle et obtenu ma titularisation, je décidai, qu'en tant qu'universitaire, je devais faire une recherche sur cette question pour un certain nombre de motifs. La raison principale est quelque chose qui n'est pas souvent évoqué, et qui concerne l'aspect émotionnel de ce qui est arrivé. Les Arméniens auxquels j'ai parlé étaient si blessés à cause de cette chose horrible qui était arrivée dans le passé ! ils ne pouvaient pas du tout faire leur deuil, car cela n'était pas reconnu. Indépendamment de ce qui était arrivé, si on ne reconnaît pas quelque chose qui est arrivé à quelqu'un, et quelque chose qui a été une épreuve extrêmement traumatisante, cela augmente le trauma encore plus, et provoque un déséquilibre émotionnel. C'est pourquoi quand j'ai dit: « "Ecoutez, je sens que vous êtes un être humain, je veux entendre ce qui vous a fait tant souffrir, a rendu votre vie si malheureuse, dites-moi ce qui vous est arrivé » les gens étaient tellement soulagés qu'ils en sont presque restés sans voix. C'était pour moi une expérience qui m'a vraiment ouvert les yeux. Je n'avais jamais réalisé combien le fait de reconnaître et de partager les émotions et les souffrances des gens pouvait nous rendre tous meilleurs, faire partie de la communauté humaine.

Ce qui m'a aussi ouvert les yeux fut qu'en Turquie, quand la question a été soulevée, les Turcs à qui j'ai parlé se sont mis terriblement en colère. Je me suis alors rendu compte à quel point là-bas l'historiographie officielle avait évincé ce qui était arrivé dans le passé. J'ai reçu la meilleure éducation que la Turquie avait à offrir avant de venir aux USA, et je ne savais pas moi-même ce qui était arrivé, car il n'y a pas de sources que j'aurais pu avoir lues et étudiées d'une façon critique, à part celles présentées par la version de l'Histoire de l'Etat turc. C'était naturellement très difficile à surmonter, et j'ai pu le faire quand j'ai pu venir en Amérique et continuer mes études. La position qui émerge en Turquie est malheureusement basée sur l'ignorance de notre propre passé, en partie à cause de la connaissance partielle qui existe là-bas sur ce qui se passe, dans la scolarité turque; et en partie aussi à cause des réformes de l'alphabet dont la conséquence est que les gens ne peuvent pas lire eux-mêmes les textes ottomans originaux, et la traduction de ces sources ottomanes en écriture latine a été également contrôlée par le gouvernement. Toutefois, à cause d'expériences personnelles et des ouï-dire, il y a dans la société une opinion générale selon laquelle les choses ne sont pas telles qu'elles sont décrites et qu'il y a dans la version publique des éléments manquants. En Turquie, il y a aujourd'hui une critique générale du contrôle de l'Etat sur le savoir, et je pense que cette critique se reflète également sur la question arménienne.

Etant donnée la situation actuelle - les fortes émotions des Arméniens d'ici et les fortes émotions en Turquie - et le fait que j'ai maintenant fait mes preuves comme universitaire, j'ai pensé qu'il était temps pour moi de reprendre ce sujet pour une analyse plus poussée. Naturellement, la première chose à faire, pour moi, était de prouver que je n'étais réellement pas une Arménienne. Il fallait que ce soit fait, car les nationalistes turcs pensaient que je devais avoir un peu de sang arménien en moi, puisque aucun Turc ayant tous ses esprits n'allait s'engager dans un tel comportement 'destructif' envers l'Etat turc, car ils voient bien que ce que je suis en train de faire mène à la destruction de l'Etat-nation turc. De même, à chaque fois que j'exprimais mes idées devant une audience arménienne ici aux USA, ils disaient que je devais être arménienne, car ils ne pouvaient pas croire qu'une Turque puisse dire de telles choses, ils croyaient que les Turcs en général n'étaient pas capables d'être raisonnables ou d'énoncer des critiques de la Turquie et des Turcs. Ce qui est naturellement très frappant ici, c'est que les deux côtés ont le même préjugé. Voilà comment je vais probablement commencer à écrire mon livre sur ce sujet. Mais je devais faire un retour en arrière et repérer tous mes ancêtres pour voir s'il y en avait qui étaient arméniens.

Aztag : Ils ont réellement réussi à vous faire douter, n'est-ce pas ?

Muge Göcek : Eh bien, s'il y avait là-dedans un élément de vérité, je voulais être sûre que ce soit moi qui le découvre en premier, plutôt que de le voir découvrir ailleurs. Mes ancêtres venaient tous d'Anatolie - je n'ai pas du tout d'origine des Balkans. L'un de mes ancêtres était d'Agn (Kemaliye), d'un village appelé Bashvartenik pourtant. J'y suis allée pour essayer de découvrir qui étaient mes ancêtres - Le grand-père de ma mère avait quitté ce lieu en 1903 - et il voilà que nous sommes devenus des Musulmans Sunnites jusqu'à la moelle, venus du Caucase au 16ème siècle. J'ai demandé aux habitants pourquoi ce village s'appelait Bashvartenik, un mot arménien qui signifie : de grands buissons de roses, et ils m'ont dit: "avant notre arrivée, il y avait des Arméniens ici, mais ils étaient partis à Agn. Il est évident que mes ancêtres n'avaient aucun lien avec les Arméniens, en aucun façon, surtout en 1915. Cependant, je n'arrive toujours pas à convaincre autrui que je ne suis pas une Arménienne.

Ce que j'essaie de faire est d'accepter la façon dont l'historiographie sur 1915 a été créée en Turquie. J'écris là-dessus un livre en ce moment, avec l'espoir que si nous voyons les forces derrière la création de cette historiographie, si nous comprenons la dynamique, les gens pourront passer du déni au souvenir à respecter.

Je dis aussi à mes auditeurs d'ici que la reconnaissance de ce qui s'est passé en 1915 sera un grand soulagement pour les Arméniens, mais pour les Turcs ce sera le début d'un très long processus, un processus ardu car il y a de nombreux autres groupes sociaux dans l'histoire turque qui ont également souffert; ce sont les Grecs, les Assyriens, naturellement, les Kurdes, et à certains moments les Islamistes. La Turquie a beaucoup de choses à accepter et cela va être un processus très long et difficile.

Aztag : Dans l'un de vos articles, vous mentionnez "les autres silences" de l'histoire turque.

Muge Göcek : Exactement ! Au départ, j'allais écrire sur les silences de l'histoire turque, et parler des différents groupes qui avaient souffert - en plus de ceux que j'avais mentionnés auparavant, je m'intéressais aussi au sort terrible des intellectuels gauchistes en Turquie, et comment eux aussi avaient été éliminés. Mais Ronald Suny était ici, et nous nous sommes rencontrés et avons parlé de ces choses. Il pensait que j'étais la seule Turque qui critiquait l'histoire turque et le problème arménien. Je lui dis: non, il y en a d'autres, et c'est ainsi que nous avons commencé à vouloir réunir des érudits des deux côtés. La première séance de travail eut lieu à l'Université de Chicago en 2000, et nous en avons eu une autre à l'Université de Michigan en 2002 et une au Minnesota en 2003. Dans toutes ces séances de travail, ce que nous avons essayé de faire d'abord a été de développer un langage commun. Je pense que nous avons réussi à le faire, le groupe continue à augmenter, et j'espère que nous pourrons maintenant commencer à travailler ensemble sur des projets communs.

Aztag : Sans aucun doute vous avez parcouru un long chemin. Au tout début, de nombreux historiens (généralement arméniens) ont fait des réserves sur ce projet et ont refusé de participer aux séances.

Muge Göcek : Oui, un certain nombre d'entre eux n'ont pas voulu venir au début. Quelques-uns nous ont demandé d'écrire une déclaration attestant que nous reconnaissions le génocide arménien, avant même que nous ayons commencé. C'était intéressant car Ron lui-même a dit: « Ecoutez, nous sommes des érudits et cela est contre la nature de l'érudition ». Nous avons continué avec ceux qui acceptaient de prendre le risque de venir, et puis naturellement, l'avenir a prouvé que nous avions raison.

Aztag : Certains ont même confondu vos séances avec les réunions de la Commission de Réconciliation Arméno-Turque (CRAT), n'est-ce pas ?

Muge Göcek : Oui, c'est très intéressant, car la confusion était présente des deux côtés. Les Arméniens ainsi que quelques-uns des Turcs à qui j'ai parlé pensaient que je les avais invités là pour défendre le point de vue de l'Etat turc. Cela montre à quel point est enraciné et dominant le discours politique de l'Etat turc en cette matière. Les gens ont du mal à admettre qu'il existe une érudition acquise indépendamment de l'Etat, qu'il y a une société turque distincte de l'Etat turc. Même dans quelques journaux de la République arménienne, des éditoriaux sont parus disant que la programmation et les dates de nos séances de travail avaient été stratégiquement planifiées relativement aux réunions de réconciliation. C'était vraiment risible, car la programmation était faite selon le temps libre dont Ronald Suny, moi-même et les autres disposions en dehors de nos heures d'enseignement...

Toutes les intrigues politiques autour du sujet furent réellement l'une des raisons pour laquelle nous avons décidé dès le début que les séances de travail seraient fermées au public. Nous ne voulions pas que des participants interviennent et déclarent ce que nous devrions faire, mais néanmoins nous pensions qu'il devrait y avoir un public avec lequel nous partagerions les résultats de nos séances de travail. Maintenant nous avons à chaque séance une session de présentation publique, où nous résumons ce que nous avons accompli. Nous invitons également quelques journalistes à assister à nos séances afin qu'ils puissent voir par eux-mêmes ce qui se passe et le communiquer à un public plus large.

Aztag : Vous parlez de trois phases dans l'historiographie turque. D'après quels critères avez-vous fait cette distinction ?

Muge Göcek : Quand Ronald Suny et moi avons décidé de faire ces séances de travail il me dit que nous devrions commencer par la présentation des historiographies existantes de 1915, suggérant qu'il regarderait les historiographies en langue anglaise et que je pourrais regarder celles en langue turque. Il pensait que l'analyse critique de l'historiographie donnerait très bien le ton des séances. J'ai dit: « ok, pas de problème ». Je m'imaginais que ça ne me prendrait pas beaucoup de temps de consulter l'historiographie officielle, vu qu'elle se répète tout le temps. Cependant, comme je suis une spécialiste ottomane, je ne me suis pas limitée à l'historiographie officielle turque, j'ai été plus loin en arrière, j'ai recherché l'historiographie ottomane des Arméniens à partir des années 1800.

Et là j'ai réalisé qu'au début, il y avait une interrogation, l'Etat ottoman essayait de comprendre ce qui se passait, il essayait de déchiffrer, et il en a été ainsi jusqu'au règne d'Abdul Hamid. En 1878, quand la question des réformes a surgi, quand les fonctionnaires ottomans ont parlé de la réforme, quelques-uns, comme Ahmed Izzet Pacha, ont essayé d'en entreprendre, les autres s'y opposèrent totalement. De plus les premiers incidents se produisirent car les sujets étaient mécontents de la situation, et à l'origine il n'y avait pas de discours à leur opposer. L'hostilité contre les Arméniens se développa plus tard, quand il furent peu à peu perçus comme « l'autre ».

Le discours du Comité Union et Progrès pour justifier ce qui se passait était bien plus différent et proto nationaliste, et cette rhétorique fut alors adoptée par l'Etat-Nation turc. La période républicaine qui lui a succédé a adopté une position défensive car les historiens étaient d'abord portés à protéger les intérêts de l'Etat. Ce fut l'historiographie dominante depuis la fondation de la République turque. Je l'appelle la narration républicaine défensive.

Aujourd'hui, il y a de nouveaux travaux, comme ceux de Taner Akcam et les interviews de Halil Berktay qui jugent les points de vue de l'Etat d'une façon critique. Tout cela, joint au fait que récemment, au cours des deux dernières décennies, la maison d'édition Aras en particulier, en Turquie, a traduit la littérature turco-arménienne en turc, me fait penser, ou espérer et souhaiter, qu'il puisse y avoir un développement de la narration critique post-nationale.

Aztag : Est-ce que le fait d'être une historienne turque est un avantage quand vous consultez les archives en Turquie ?

Muge Göcek : Le problème est que le type de recherche qui est fait par des historiens turcs tend à être d'une nature extrêmement scolaire, soit il se focalise exclusivement sur le déchiffrage d'un ou deux documents, soit il décrit l'état des affaires d'après des tas de documents, avec très peu d'analyse. Naturellement, depuis que la réforme de l'alphabet a coupé brutalement la connexion de la plupart des Turcs avec leur propre passé, il n'y a pas eu un très grand nombre d'historiens en Turquie pour entreprendre ce travail. En outre, la République voulait aller de l'avant et n'avait pas envie de regarder en arrière et d'étudier son passé - elle voulait surtout s'intéresser au progrès. Il n'y a pas trop d'étudiants turcs et de facultés – c'est-à-dire comparé à la taille de notre pays – qui font des recherches dans les archives, et ceux qui s'en occupent, comme je l'ai dit, se focalisent sur les institutions et autres entités, et ne veulent pas risquer ou ne sont pas encouragés à travailler sur des questions politiquement chargées.

Ce qui m'est arrivé est que lorsque j'étais très intéressée par l'occidentalisation de l'Empire ottoman – qui est le sujet de mes deux premiers livres dont je suis le seul auteur – j'ai écrit entre-temps un mémoire sur l'éducation. Considérant le fait que les moyens par lesquels le savoir occidental arrivé dans l'Empire ottoman variaient selon le type d'école qui apportait ce savoir, j'ai pensé qu'il serait très intéressant de comparer une école d'Etat, comme le lycée de Galatasaray, avec une école quasi missionnaire comme le Robert College, ainsi qu'avec une école de minorité, comme le 'Djémaran' (institut) d'Uskudar. c'est par hasard que j'ai choisi le Djémaran - ç'aurait pu être une école grecque ou juive, mais je voulais que ce soit une école de minorité fondée à peu près vers la même période que Galatasaray ou le Robert College, et qui fonctionne encore aujourd'hui sous une forme ou sous une autre, et il se trouve que le Djémaran convenait.

Quand je me suis penchée sur les archives ottomanes pour rechercher les documents existant sur ces trois écoles, je n'ai eu aucune difficulté à obtenir les documents pour les deux premières, mais ensuite j'ai eu des difficultés avec la troisième. J'ai été très surprise, car il s'agissait d'éducation et ce que je cherchais n'avait rien à voir avec les questions politiques de l'époque. Le fait que les documents écrits par les Arméniens eux-mêmes non seulement sur cette école mais sur l'éducation en général, ne me soient pas montrés, m'a fait comprendre que même si les archives sont ouvertes, les documents que les gens veulent voir sont en fait inspectés par un groupe d'officiels, avant d'être autorisés à être présentés. On me dit que tous les documents que j'avais trouvés dans le catalogue étaient soit absents, soit mal catalogués, en réparation, ou n'avaient vraiment aucun rapport avec mon sujet. Je trouvais cela étrange, et leur ai écrit à ce sujet, et leur ai dit qu'en tant qu'érudite et citoyenne turque j'étais très déçue par le fait que ce n'était pas aussi ouvert que cela aurait dû l'être. Il se peut que les archives soient ouvertes à d'autres, qui les utilisent d'une façon sélective et disent d'avance ce qu'ils vont "trouver" dans les archives. Evidemment, ce n'est pas ainsi qu'un érudit travaille. En conséquence, quoique les archives soient là et techniquement disponibles, on peut douter de l'avantage qu'elles offrent à des érudits turcs ou à quiconque.

La totalité de l'interview est disponible en anglais et traduite en arménien :
http://www.aztagdaily.com/interviews/Interviews.htm

Traduction : Louise Kiffer

Nous écrire Haut de page Accueil XHTML valide CSS valide