Il est indispensable de donner un coup d'œil général à la guerre, au moins dans ses grandes lignes, telle qu'elle se déroulait pour la Turquie et se voyait, par exemple, de la capitale, pour avoir le fond politique et militaire de ce que j'ai vu, pendant les vingt mois de mon séjour, chez les Turcs. Il faut donner ensuite un bref aperçu des conditions économiques et financières du pays.
La Turquie avait déjà vu la première campagne d'hiver en Caucasie et venait de voir la grande attaque de la flotte alliée contre les Détroits, à ce point culminant des événements dramatiques du 18 mars 1915, quand je mis le pied sur le sol de Constantinople. Une censure de guerre extrêmement rigoureuse avait caché au public le grave échec de Sarykamych et les défaites sanglantes par lesquelles s'écroula cette offensive pour la délivrance du Caucase, qui avait été une conception personnelle de la vanité et de la mégalomanie d'Enver Pacha, et qu'il avait dirigée avec un manque total de mesure pour les moyens de réalisation. Avec une légèreté vraiment digne d'un joueur Enver avait entrepris cette offensive, pour devenir plus vite célèbre et pour pouvoir montrer rapidement des résultats palpables aux ultra-nationalistes jeunes-turcs qui avaient les yeux fixés sur le Turkestan et le Touran et pensaient à réaliser le programme de « la plus grande Turquie » par la guerre mondiale. Par cet acte de vraie mégalomanie qui ne pouvait qu'échouer piteusement, Enver Pacha a prouvé, pour la première fois pendant cette guerre, qu'il n'est point si capable qu'il en à l'air. Nous aurons à parler encore du caractère d'Enver Pacha, qui est beaucoup trop estimé en Europe. Vinrent les terribles combats des Dardanelles et de la presqu'île de Gallipoli qui dominèrent toute la situation depuis mars 1915 jusqu'en janvier 1916. On n'ignore maintenant plus, dans les pays de l'Entente, que lors de la gigantesque tentative de percée du 18 mars, un sacrifice de quelques vaisseaux de plus et une prolongation du combat de quelques heures aurait décidé du sort des Dardanelles. A leur grand étonnement, les braves défenseurs des forts côtiers ont soudainement vu cesser les attaques ; des douzaines de marins artilleurs allemands qui avaient servi, en ce jour historique, les batteries de Tchanak-Kaléh, m'ont raconté plus tard qu'ils avaient déjà été au bout de leur force de résistance et s'attendaient à la percée immédiate de l'ennemi. Et, dans la capitale, on s'attendait également à voir se produire l'événement fatal d'une heure à l'autre : archives, caisses, or, tout avait déjà été transporté à Konia, en Anatolie, comme les personnes compétentes me l'ont raconté elles-mêmes. Il est étrange qu'une fois de plus dans la suite, dans les premiers jours de septembre, le sort de Constantinople ne tînt vraiment plus qu'à un fil. Et ce fait non plus ne doit pas être resté ignoré entre temps dans les pays alliés. Les Anglais venaient d'élargir leur front d'attaque, en amenant de nouveaux effectifs importants, d'Aribournou à Anafarta, vers le nord, et par un assaut sanglant et héroïque les « Anzacs » avaient en effet réussi à mettre le pied sur la colline de Kodja-Djémen-Dagh, qui est la plus grande hauteur de la presqu'île et domine tous les revers peu résistants des forts situés sur ce côté du détroit. Jusqu'à ce jour on ignore, à Constantinople, pour quelle raison les troupes britanniques n'ont pas pu profiter d'une façon décisive de ce succès si difficilement atteint. En tout cas, c'est un fait, que cette fois aussi, les archives et l'or filèrent en toute hâte en Anatolie. Même un officier allemand, à Constantinople, doué de bonne humeur, m'a raconté qu'il avait déjà songé, ce jour-là, à louer une fenêtre dans la Grand'Rue pour permettre à sa famille de voir l'entrée solennelle des Alliés ! On pourrait peut-être savourer le comique d'un tel épisode, si seulement il n'était pas assombri par un tragique si terrible. J'ai déjà fait allusion aux tristes doutes qui me déchiraient l'âme lors de mon premier et second séjour sur le front de Gallipoli. Je me demandais vers lequel des deux adversaires devaient se porter mes sympathies : vers l'héroïque défenseur turc se battant pour l'existence de sa patrie, il est vrai, mais eu même temps pour une cause injuste et immorale, le militarisme allemand et le chauvinisme jeune-turc; ou plutôt vers ceux qui étaient formellement mes ennemis, mais que je ne pouvais plus, conscient du crime de cette guerre mondiale, considérer comme tels. Et dans ces jours de septembre, j'avais pu voir déjà quelque chose des méthodes politiques turques et de la façon dont on foulait aux pieds tout sentiment d'humanité, et il me fallait voir encore des milliers d'hommes d'élite, de magnifiques troupes coloniales, un matériel humain comme on en trouve rarement, se sacrifier dans un dernier et vain effort meurtrier qui, s'il avait pu durer peut-être une seule heure de plus, aurait décidé du sort des Détroits et marqué par là le premier pas décisif vers l'écroulement militaire de notre groupement, car sans doute la chute de Constantinople aurait été le commencement de la fin. Je n'ai pas honte de l'avouer aujourd'hui comme Allemand que ce fut alors ma seule pensée, quand j'appris la victoire initiale et la défaite finale des « Anzacs » à Anaforta ! La bataille d'Anaforta fut la dernière grande tentative désespérée de briser la résistance turco-allemande dans les Détroits.
Pendant que les fils de Stamboul et du pays turc par excellence, de l'Anatolie, défendaient ainsi la ville du khalife devant les portes des Dardanelles, remplacés en partie, en automne 1915, sur fatigués, par des régiments arabes, qui se battaient non moins bravement, dans l'autre moitié de la capitale, dans le quartier cosmopolite de Galata-Péra, on tremblait pour le bien-être des Alliés, et l'on vivait, pendant ces longs mois, dans une tension extrême de nerfs, soupirant après le moment de la délivrance. L'attitude probable de la Bulgarie jouait alors un grand rôle dans tous ces calculs nerveux, du côté turc non moins que chez les centaines de milliers de sujets ottomans foncièrement anti-turcs, qui formaient le milieu de la capitale. Par suite du manque d'informations et vu que que la Bulgarie hésita en réalité assez longtemps avant de se déclarer, l'optimisme l'emporta plutôt jusqu'au dernier moment chez ceux qui désiraient ardemment la défaite turque. La résistance turque à Gallipoli était sur le point de se briser par le manque de munitions. Les rares convois de munitions qu'on réussissait à recevoir, moyennant des bakchiches énormes et des miracles d'art de persuasion, à travers la Roumanie, excitaient un vif intérêt, mais dans un sens bien ambigu. J'ai vu déjà au commencement de juillet, à Sedd-ul-Bahr, que l'artillerie turco-allemande, à cause des stocks de munitions très réduits, ne pouvait plus que riposter par un seul coup à dix coups anglo-français. Dans les usines d'artillerie de Top-Hané et de Zeitoun-Bournou encore outillées d'une façon primitive, le général Pieper, l'organisateur des munitions turques, fabriquait jour et nuit des grenades avec des matières premières de qualité très médiocre, et même les places d'armes de l'intérieur lointain avaient reçu l'ordre urgent de vider leurs dépôts d'obus souvent vieux, en faveur de la défense des Dardanelles. Tout le dramatique d'une situation qui pouvait peut-être mûrir des décisions historiques du jour au lendemain, fit alors grande impression sur le spectateur de ces combats. Et on comprend facilement que tout le monde fût dans l'attente fiévreuse de voir de quel côté se rangerait enfin la Bulgarie voisine. Mais, malgré tout, les Turcs ont mis assez de temps pour s'habituer de nouveau à la vue des premiers soldats bulgares, qui, avec des ordres spéciaux, tirent pour la première fois, en automne 1915, leur apparition en plein uniforme, à « Tsarihrad ». La rétrocession de la rive orientale de la Maritza jusqu'à la gare d'« Edirné » (Andrinople), sacrée nationale, avait été nécessaire pour gagner la Bulgarie, et cela a fait faire du mauvais sang aux patriotes turcs, et même l'issue heureuse des combats aux Dardanelles, rendue possible seulement par l'adhésion finale de la Bulgarie au groupe des Puissances centrales, n'a pas suffi pour acquérir à la nouvelle alliée de véritables sympathies turques. Ce ne fut que beaucoup plus tard, par le sang versé dans les combats communs en Dobroudja, que cela s'est accompli. Avec agacement et méfiance, le vrai Turc, de vues chauvines et étroites, avait fixé les yeux, pendant presque toute l'année 1916, sur son « Edirné » presque mutilé, le symbole de la renaissance nationale, et toute l'ambition de certains politiciens se concentrait vers le but de se faire rétrocéder un jour le territoire ainsi perdu, par la Bulgarie. J'ai parlé à des Turcs du «Comité » qui, jusqu'en 1916, persistaient à voir dans le Bulgare l'ancien ennemi méchant, et surtout doué d'un opportunisme sans scrupules et qui, un jour, pouvait devenir de nouveau dangereux pour la Turquie et ai fait avouer sans façon, à bien des Turcs, qu'ils préféraient de beaucoup le caractère des Serbes, «leurs plus honnêtes adversaires de la guerre balkanique». Feu le prince héritier Youssouff Izzedine Effendi, dont j'aurai encore à raconter la mort tragique, fut toujours un ennemi déclaré de cette cession de la région de la Maritza. Et la chance de récupérer peut-être le terrain perdu, par un accord amical avec la Bulgarie, dans le cas d'une expansion de celle-ci vers l'ouest, à la suite d'une intervention de la Grèce aux côtés de l'Entente, et peut-être même la possibilité d'acquérir beaucoup plus, ont contribué beaucoup à ce que, pendant toute l'année 1916, les hommes dirigeants de la Turquie aient caressé l'idée de voir s'ajouter la Grèce au nombre de leurs ennemis, de sorte qu'ils ont cherché à jouer avec le feu en chicanant les Grecs en Turquie, tant sujets ottomans que hellènes, sans distinction et dans la mesure du possible. Toutefois, dans ces chicanes, le fanatisme de race et la cupidité jeune-turque étaient les motifs prépondérants, comme nous le démontrerons. Vu l'importance capitale que la question de savoir de quel coté la Bulgarie entrerait enfin dans la lutte, présentait également pour la Turquie, qu'on me permette d'ajouter quelques détails à ce sujet, d'après mes informations toutes personnelles. J'ai appris une fois, d'une source particulièrement bien informée, un trait assez intéressant au sujet des tentatives allemandes pour gagner la Bulgarie. On était, dans le temps, bien étonné de voir combien la propagande de notre ministre à Sofia, le Dr Michahelles, auprès du roi, paraissait peu habile. Il est vrai que le caractère du roi Ferdinand causait aussi de grandes difficultés ; n'a-t-il pas dit, dans une phase déjà très avancée des négociations germano-bulgares, à son premier ministre, M. Radoslavoff : « Laissez-moi donc tranquille avec ces juifs allemands, acceptez donc le bon or français ! » (il voulait dire l'emprunt que la France avait offert) ; et il fallut la menace de M. Radoslavoff de démissionner immédiatement, pour gagner enfin à la cause des Puissances centrales le roi rusé mais peu capable en politique, et pas sûr de sa cause, parce qu'il était dépourvu de tout idéal et seulement empreint d'un ignoble opportunisme. Le fait que notre ministre a ensuite été transféré en un autre poste, dans une capitale Scandinave, n'a que confirmé cette impression qui régnait alors dans les milieux politiques de Sofia, qu'il avait laissé à désirer en ardeur propagandiste. Mais, en vérité, il avait, pendant un certain temps, des ordres tout à fait contradictoires de la part du ministère de Berlin, ce qui ne lui permettait point de faire jouer toutes ses ressources pour gagner le roi à la cause germanique. Il semble que le chancelier de l'Empire, peu après la grande offensive de Mackensen contre la Russie, croyait alors très sérieusement à la possibilité de conclure une paix séparée avec cette puissance, et qu'il se rendait parfaitement compte que la Russie ne pourrait jamais déposer les armes sans avoir puni la Bulgarie au cas où celle-ci trahirait la cause slave par une attaque contre la Serbie. Dans les milieux diplomatiques de Berlin, la notion de ce fait et aussi la manie de courir après la chimère d'une paix séparée avec la Russie (preuve d'une si grande naïveté en politique mondiale) semblent l'avoir emporté d'une étrange façon, même sur la crainte aiguë que les choses ne tournent bientôt mal aux Dardanelles par le manque de munitions, et avoir même, au moins pendant une certaine période assez critique, paralysé l'initiative allemande dans les pourparlers avec Sofia ! Il n'est peut-être pas très connu que ce furent encore les militaires qui prirent en main résolument la direction de la politique à ce moment-là et réalisèrent en très peu de temps l'adhésion définitive de la Bulgarie. Ce fut M. le colonel von Leipzig, alors attaché militaire d'Allemagne à l'ambassade de Constantinople, qui se chargea de cette tâche difficile et la mena à bonne fin au bout d'un séjour de quinze jours à Sofia. Ce voyage lui fut fatal. Après avoir, en rentrant de Sofia, visité encore le front des Dardanelles, M. von Leipzig — qui personnellement était un des hommes les plus sympathiques qui aient porté jamais l'uniforme gris — trouva une mort subite et mystérieuse dans une petite station de chemin de fer en Thrace, à Ouzounkeupru. Le hasard a voulu que j'aie été le seul Européen à assister, en me rendant à cheval sur le front de Gallipoli justement en ces jours de juin 1915, à cet incident tragique qui n'a pas manqué de porter à son point culminant la tension immense pesant sur Constantinople en ces semaines de manque de munitions aigu, d'attaques furieuses des Alliés contre les positions turques, et de bruits sensationnels sur l'attitude de la Bulgarie. L'incident fut exploité ensuite, comme toute chose dans cette guerre, par l'intrigue politique. J'ai écrit dans le temps, dans mon journal, des adieux sincèrement sentis, comme homme, à cet officier distingué, que je connaissais très bien personnellement. Alors et pendant longtemps après, des semaines après mon retour du front, j'ignorais complètement que dans certains milieux haineux allemands la mort subite du colonel von Leipzig, qui rentrait à peine d'une mission politique d'une importance si immense, et était maintenant étendu dans une mare de sang, sur le sol de la petite salle d'attente d'une misérable station de chemin de fer thrace, une balle de revolver dans la tête, serait exploitée comme un meurtre politique commis à l'instigation de l'Angleterre, et exécuté par les espions de l'ancien premier drogman à l'ambassade britannique à Constantinople, M. Fitzmaurice. Je fus témoin oculaire, c'est-à-dire je suis accouru aussitôt que j'ai entendu la détonation, et je fus sur les lieux à peine une minute après ; j'ai vu de mes yeux la gaine du revolver du colonel, percée d'une balle, j'ai écouté les récits sans préjugés de tous les Turcs qui furent présents, depuis le policier accouru le premier de tous, jusqu'aux médecins-majors, et j'ai télégraphié du lieu de l'incident même mes impressions à mon journal. Aussitôt rentré, je fis, sur demande, ma déclaration sous serment, devant le consulat général d'Allemagne, et le protocole de ce que j'ai pu dire se trouve encore là : ce fut un accident pur et simple. Je ne veux pas manquer de dire, ici aussi, que cette conviction qu'un assassinat devait être exclu, a pénétré ensuite les autorités allemandes également, et d'une telle façon que la malheureuse veuve du défunt, ayant appris cette autre version, et venue personnellement à Constantinople pour faire elle-même son enquête, eut toutes les peines du monde à être reçue par l'ambassade et le consulat. Elle s'en est elle-même plainte vis-à-vis de moi dans un entretien au "Péra-Palace".
Je me suis arrêté un peu à cet épisode, qui montre combien de fils politiques convergeaient tout le temps vers la capitale turque, et combien la tension des nerfs était constante. Mais le jour vint où les troupes de l'Entente évacuèrent d'abord Aribournou-Anaforta, et ensuite, après une sanglante recrudescence des combats, la dernière position, Sedd-ul-Bahr, et que toute la presqu'île de Gallipoli et les Dardanelles furent complètement dégagés. Ce fut la fin de l'attaque contre Constantinople ! L'impossibilité absolue de briser la résistance tenace turque dans des positions pour ainsi dire imprenables, les souffrances des soldats gelés dans les tranchées, sous le vent violent de la mer, les difficultés du ravitaillement en eau, en vivres, et en matériel de guerre sur une côte sans port, la mer agitée par les tempêtes hivernales, la crainte d'une artillerie lourde ennemie de beaucoup supérieure, qui était déjà en route après l'écrasement de la Serbie, tout cela a fait trouver plus prudent au haut commandement allié de renoncer à cette entreprise. Alors les soldats turcs pouvaient de nouveau librement descendre sur la plage de la mer, d'où les bateaux de guerre ennemis avaient disparu ; la vie guerrière intense, concentrée pendant tant de mois sur l'étroite presqu'île de Gallipoli, refluait, de lourdes batteries de mortiers et d'obusiers autrichiens montaient la garde menaçante de la cote, où restait seulement une petite garnison de quelques milliers de soldats turcs, tandis que toute la grande armée de Gallipoli fut conduite, par des transports continuels, de nuit et de jour, pour le terminus du chemin de fer en Taurus, contre les Russes qui avançaient d'une façon menaçante en Arménie. Et Constantinople n'était pas délivrée! Une lourde résignation, une accablante pression de déception et de pessimisme vinrent maintenant remplacer la tension nerveuse de tous ceux qui avaient langui après la chute de la capitale turque. Les Turcs déliraient de joie. Et on ne peut pas leur en vouloir trop d'avoir fait une victoire éclatante et éblouissante de l'Islam sur les plus grandes puissances du monde, de l'issue de cette affaire de Gallipoli. Il était naturel, pour l'esprit officiel turc, de fausser tous les faits, de parler des assauts irrésistibles à la baïonnette de leurs « Ghazis » (héros), et demilliers et milliers d'Anglais faits prisonniers ou jetés à la mer. Cependant, tout Péra savait bien que la retraite des Alliés avait été opérée avec une remarquable maîtrise et presque sans pertes d'hommes, et que cette fois-ci il y eut même une défaillance des troupes turques dans le moment décisif ; mais mentir est un défaut humain, et pour rehausser leur prestige et pour donner une meilleure base a leur propagande pour la Guerre Sainte, toujours inefficace, les Turcs avaient besoin d'avoir remporté une grande victoire militaire ; et en somme la retraite des Alliés de Gallipoli ne fut pas autre chose qu'une victoire turque. Ce qu'il y eut de vraiment dégoûtant dans tous ces mensonges et exagérations, ce fut la naïveté insolente avec laquelle ils s'obstinaient à vouloir imposer leurs commentaires officiels, comme la stricte vérité, à un public pourtant déjà mieux informé, et qui n'avait rien à faire avec cette Guerre Sainte. La chute de Kut-el-Amara, qui vint ensuite comme deuxième grand événement heureux pour les Turcs, a été exploitée par ceux-ci presque davantage encore pour leurs buts de propagande. Le général Townshend devenait leur prisonnier de guerre à étaler, et ils mirent toute une villa à sa disposition, sur l'île de Halki dans la mer de Marmara, et lui donnèrent une suite d'officiers de la marine turque, qui faisaient en même temps office d'interprètes,lors de ses fréquentes sorties. On l'a vu plusieurs fois chez « Tokatlian », où il dînait en cabinet particulier avec des personnes invitées qui savaient bien apprécier cette distinction. A l'occasion de ses visites dans le mondain Prinkipo voisin, presque tout le inonde, sans exception, lui a rendu hommage ; une fois même on improvisa pour lui un concert auquel prit part toute l'élite de la société présente; les Turcs, flattés, et vaniteux d'avoir un prisonnier de si haute marque, et les Levantins et Grecs par sympathie politique pour le général de l'Entente, qui leur apportait, tout en étant là contre sa volonté, au moins un souffle de ce monde avec lequel ils avaient perdu tout contact depuis presque deux ans, malgré leur désir. A l'occasion de la fêle de Baïram, la plus grande fête musulmane, le gouvernement turc ne manqua pas de donner une permission spéciale, pour venir à Constantinople, à un groupe de soixante-dix officiers anglo-indiens musulmans, prisonniers de guerre de la garnison de Kut-el-Amara et tenus au camp d'Eski-Chéhir. Ils furent logés et nourris comme les hôtes du Comité jeune-turc, dans quelques hôtels purement turcs de Stamboul, pendant une dizaine de jours, et on leur montra la « Sainte Cité du khalife » et tout ce qui pouvait être utile à la propagande pour la Guerre Sainte. J'ai pu parler à quelques-uns de ces officiers, très discrètement seulement, il est vrai, à cause des innombrables espions qui les entouraient ainsi que moi, un soir, au moment où ils faisaient, à la sensation de tous, leur apparition dans le jardin mondain des « Petits Champs », à Péra, pendant la soirée de concert. Et j'ai pu me convaincre que malgré le traitement naturellement très bon dont ils jouissaient et malgré les influences continuelles de la propagande turque qu'ils avaient à subir, celle-ci n'avait pas eu le moindre succès auprès de ces officiers et que leur loyauté pour la Grande-Bretagne n'était nullement atteinte. On ne m'en voudra pas si j'avoue qu'agacé et dégoûté par tout ce que j'avais vu des machinations jeunes-turques (c'était peu après la scène dramatique de l'Arménien torturé, scène qui m'avait valu la malédiction contre mon propre pays de la part de ma femme), j'ai dit à un groupe de ces Indiens — mais pas un mot de plus ! — qu'ils ne devaient rien croire de tout ce que les Turcs leur racontaient, et que la guerre mondiale allait finir tout autrement que les Turcs prétendaient ! Les yeux tout rayonnants, un de ces officiers a cru devoir me remercier de ces quelques paroles, qui furent une vraie consolation pour eux, qui n'avaient à se plaindre de rien, sauf d'être complètement coupés de toutes nouvelles non officielles turques !
Donc tout fut exploité pour la Guerre Sainte, dans ces événements de Gallipoli et de Kut-el-Amara, avec la plus ardente fantaisie. Mais en dépit de tous ces efforts, la propagande a piteusement échoué, comme il sera démontré plus tard. De graves échecs au contraire, comme la chute d'Erzeroum, de Trébizonde, d'Erzindjian, n'ont jamais été annoncés même par la moindre allusion jusqu'à ce jour par les communiqués officiels destinés à la population du pays. Toujours les communiqués étaient rédigés en sens différents, soit pour la Turquie même, soit pour l'étranger. Ce ne fut que bien plus tard, lorsque la contre-offensive turque eut remporté quelques succès du côté de Bitlis, que quelques faits furent communiqués au parlement, en évitant toutefois de donner tout nom de localités, et que le gouvernement autorisa les journaux à faire quelque peu d'allusions à «cette passagère évacuation stratégique de peu d'importance ». Par contre, les cadavres anglais qui gisaient après chaque engagement en Irak, devant les lignes turques, étaient toujours 3000 ou 5000, et les pertes turques étaient toujours minimes... Ce sont Erzeroum et ces morts de l'Irak qui, plus que toute autre chose, ont eu l'effet d'anéantir le dernier faible reste de confiance qu'une partie du public avait conservée dans les communiqués ottomans. Mais chaque fois qu'une véritable victoire des Puissances centrales était à fêter, alors par ordre rigoureux de la police tout le monde sans exception aucune était obligé de pavoiser ; ce n'est peut-être possible que dans un pays comme la Turquie «moderne» d'avoir l'occasion de voir, par exemple, lors de la chute de Bucarest, les drapeaux victorieux des Puissances centrales flotter ensemble avec le croissant turc sur tous les balcons, aussi bien sur ceux de sujets roumains, parce que la stricte menace de réquisitionner tout dans la maison et d'emmener la famille en captivité dans l'intérieur de l'Anatolie en cas de refus, rendait toute résistance inutile. C'est cela la conception jeune-turque de la dignité humaine !
Cela nous fournit l'occasion de parler un peu de la façon dont on traitait les prisonniers en Turquie. Je ne veux pas manquer de dire tout de suite qu'elle était en général bonne. Le sentiment de justice nous oblige à avouer que le Turc, si toutefois il ne fait d'habitude que très peu de prisonniers, en usant de la baïonnette avec une force brutale dans l'attaque, traite chevaleresquement et avec bonhomie ceux qu'il a capturés vivants. Il est à noter d'ailleurs que sauf quelques centaines d'hommes tombés dans la main des Turcs aux Dardanelles et sur le théâtre russe de la guerre, et les équipages de quelques sous-marins capturés, les habitants des camps de prisonniers en Turquie se composent exclusivement de la garnison rendue de Kut-el-Amara. Naturellement, puisque le Turc primitif lui-même manque tellement de confort, ses prisonniers en sont privés davantage encore, et sans l'œuvre de la commission qui travaille en Turquie, attachée à l'ambassade
d'Amérique, pour soulager le sort des prisonniers alliés, et qui envoie dans les camps d'A-
natolie des montagnes de vêtements chauds, d'excellents souliers — qui excitent plus que tout les envies des Turcs — du chocolat, des plumcakes, etc., les soldats habitués à la vie européenne seraient dans une situation bien insupportable. Certainement, il eût été préférable d'épargner, aux prisonniers de guerre, les transports répétés et humiliants à travers les rues de Constantinople, pour les montrer à une population puérile et très impressionnable par les dehors. Et ce n'était certainement pas joli de voir des officiers anglais blessés défiler à pied devant le sultan au «Sélamlik» du vendredi ; cela rappelait trop le moyen âge et les pratiques des chasseurs d'esclaves. Mais une seule fois j'ai dû voir — ce fut un peu avant mon départ de Constantinople — comme on exploitait, avec une ignoble cruauté, les souffrances de pauvres prisonniers de guerre pour des buts de spéculation politique. Toute une grande troupe de près de 2000 prisonniers roumains, venus des combats en Dobroudja, fut conduite plusieurs fois à travers les rues dePéra et Stamboul dans un état intentionnellement si négligé et misérable que les pauvres diables, baissant la tête d'épuisement, avaient perdu toute allure militaire et devaient bien faire, d'après le calcul turc, l'impression qu'on avait à faire avec les Roumains à des adversaires de très peu de valeur militaire qui seraient bientôt réduits. C'est par de tels expédients qu'on songeait à soutenir la confiance d'une population devenue pessimiste ! Il semble que l'escorte n'avait même pas donné à boire à ces pauvres prisonniers pendant tout le voyage à Constantinople, — quoique le Turc, grand buveur d'eau, sache parfaitement ce dont l'homme a besoin au cours d'un long et poussiéreux trajet en vagon de chemin de fer! — car j'ai vu de mes yeux comme ils se sont jetés, arrivés au bassin, par terre par douzaines comme des bêtes sauvages pour étancher leur soif terrible. On n'avait donc pas honte de vouloir stimuler, aux dépens de l'humanité, l'optimisme des masses ignorantes par des trucs si mesquins, cela sans aucun doute par ordre d'Enver Pacha, car l'humble soldat turc a beaucoup trop bon cœur pour ne pas partager son pain et son eau avec son prisonnier ! — En ce qui concerne les ressortissants civils des pays de l'Entente restés en Turquie, le gouvernement turc n'a en général pas procédé à l'internement, et s'est borné à quelques cas de représailles, où cependant il a fait preuve d'autant plus de brutalité et d'instinct de primitif. Et cette abstention avait ses bonnes raisons. D'abord, une très grande partie de ces Européens, dans les mains desquels se trouvait le commerce le plus important et par lesquels furent exécutés les métiers les plus difficiles, étaient absolument indispensables aux Turcs dans la vie quotidienne et économique même pendant la guerre. Ensuite un gouvernement qui mettait tant de système à exterminer les Arméniens, à pendre les notables arabes, à chicaner brutalement les Grecs, ne pouvait pas si facilement renoncer aux dernières apparences de civilisation dans ses relations avec l'Europe ; et enfin il se peut qu'aussi la crainte d'avoir un jour à répondre de ce qu'on avait fait, ait fait juger plus prudent aux Turcs de s'abstenir d'étendre les mesures aux Européens. N'avons-nous pas donc pu voir que la crainte croissante des Russes, lors des débâcles militaires turques sur le théâtre oriental de la guerre, a eu comme conséquence une diminution passagère des persécutions des Arméniens? Il fallait considérer aussi que des milliers de Turcs vivaient dans les pays ennemis, et il fallait leur épargner des représailles de la part de l'Entente. Par conséquent, le gouvernement turc se contentait de lancer de temps en temps une menace chicaneuse contre les « sujets ennemis », après une première tentative brutale et cynique d'emmener dans la zone du feu des canons de la flotte alliée un grand nombre de Français de Constantinople, tentative qui avait échoué devant la résistance énergique des fonctionnaires de l'ambassade d'Amérique qui avaient accompagné jusqu'à Gallipoli, sans les lâcher, ces victimes choisies de la bestialité turque. Et par tous les moyens, même par le vote au parlement d'un crédit «destiné aux baraquements de l'intérieur pour les ressortissants des pays de l'Entente, habitant la zone côtière», et en annonçant des mesures dans les journaux, on veillait même à ce que leurs femmes et leurs enfants sentissent toujours l'épée de Damoclès suspendue sur eux et ne puissent trouver la tranquillité d'âme.
Depuis la chute de Kut-el-Amara jusqu'à la déclaration de guerre de la Roumanie, les grands événements militaires et politiques intéressant de près la Turquie manquaient. (Je parlerai de la catastrophe arabe plus tard.) Le temps passait bien lentement pendant cette période de relative stagnation dans le mouvement de la guerre turque, mais la frousse des Russes ne diminuait pas. On n'ignorait pas que la force offensive de l'armée turque était déjà affaiblie, on connaissait bien le mauvais état des moyens de transport de l'armée ; la famine et une épidémie de typhus exanthématique avaient fait leur apparition partout dans l'inté-rieur comme dans la capitale, et même le choléra asiatique faisait des victimes en plein Péra européen; on le combattait, il est vrai, très efficacement par la vaccination préventive. On s'attendait, après la chute d'Erzindjian, et étant donné la grande ambition et la haine personnelle contre la Turquie du Grand-Duc Nicolaï Nicolajevitch qui avait le haut commandement sur ce théâtre de la guerre, à de nouveaux coups énergiques vers l'ouest et dans la direction du golfe d'Alexandrette ; et certains optimistes, très peu versés en géographie, passaient leur temps à calculer quand les Russes, partant de l'Arménie, auraient conquis Constantinople. Des gens doués de plus de sens pour la réalité parmi ceux qui désiraient être délivrés de la dictature militaire des chauvins jeunes-turcs, mettaient plutôt leurs derniers espoirs en l'intervention de la Roumanie qui ne manqua pas de se réaliser enfin. Sur l'attitude que celle-ci allait probablement adopter, on avait des idées assez justes dans tous les milieux de la capitale turque. Après les nouvelles opérations militaires dont la péninsule balkanique devint le théâtre à la suite de l'intervention roumaine, et de la recrudescence de l'activité de combat sur le front de Salonique, les regards de tous se fixaient ensuite de nouveau sur la Grèce toujours douteuse. L'élément grec en Turquie, Grecs ottomans et Hellènes, se chiffre par quelques centaines de mille rien que dans la capitale. Nulle part peut-être les sympathies vénizélistes n'étaient si prononcées, l'esprit irrédentiste si développé que parmi les Grecs vivant en Turquie, et qui avaient été depuis 1909 en butte aux chicanes des Jeunes-Turcs. Contrairement aux Arméniens, dont la grande masse avait encore eu des sentiments tout à fait loyaux, comme sujets ottomans, jusqu'à très dernièrement, c'est-à-dire jusqu'au jour où la politique sans merci d'extermination de Talaat et d'Enver fut inaugurée envers eux, mais qui, à cause du manque de protection de l'étranger, devinrent d'autant plus facilement victimes de la rage de persécution nationaliste, on peut bien dire que depuis la guerre turco-hellène de 1912-1913 et le grand essor que l'Hellénisme prit à la suite de son issue si heureuse pour la Grèce, on ne vit plus un seul Grec en Turquie, de si basse couche sociale qu'il fût, ne pas désirer ardemment la fin de l'Empire ottoman. Mais le Grec est trop rusé pour laisser voir ses sentiments; et il n'est pas dépourvu de toute protection comme l'Arménien. Pour ces raisons, abstraction faite de quelques parages lointains — surtout de la côte de la mer Noire, où de véritables massacres, très semblables à ceux des Arméniens, mais seulement d'étendue beaucoup moindre, durent être enregistrés, — les pratiques du gouvernement turc contre l'élément grec se sont bornés plutôt à des chicanes. Mais les sympathies vénizélistes et le désir irrédentiste de voir la Grèce intervenir enfin aux côtés de l'Entente, ont toujours trouvé, chez les Grecs vivant en Turquie, un fort contrepoids dans les graves soucis que leur inspirait le propre bien-être en cas de rupture entre les deux Etats. La haine des Turcs contre les Grecs ne connaît pas de limites, et ce fut peut-être pour de bonnes raisons que les Grecs de Constantinople, malgré leur joie politique, tremblaient pour leur existence en ces jours d'automne 1916, lorsque les bruits sur l'abdication du roi Constantin et l'entrée immédiate en guerre de la Grèce aux côtés des Alliés circulaient avec persistance dans les milieux les mieux informés de la ville. Il est vrai que les opinions sur ce que les Turcs auraient fait dans ce cas envers la population grecque et hellène, divergeaient beaucoup, même parmi ceux qui avaient vécu assez longtemps en Turquie pour connaître à fond la mentalité turque. Quelques-uns s'attendaient à des massacres immédiats; d'autres à des chicanes brutales seulement, à la ruine économique de tout l'élément grec; d'autres encore pensaient que rien, absolument rien n'allait se produire, les Turcs étant déjà beaucoup trop démoralisés pour oser quelque chose et l'élément grec, à Péra-Galeta, dominant de loin par sa supériorité numérique. Cette dernière opinion est pourtant, je pense, d'un optimisme assez mégalomane vis-à-vis d'une Turquie pas encore militairement vaincue, et il est à prévoir plutôt qu'auraient eu raison ceux qui voyaient l'alliance de la Grèce et de l'Entente comme un signal pour des brutalités plus graves, au moins dans le domaine économique, sur tous les Grecs et Hellènes sans distinction. Il aurait été assez intéressant de savoir quelle fut à ce sujet l'opinion des autorités allemandes à Constantinople à cette époque critique; je ne peux pas croire qu'on était tout à fait optimiste et qu'on ne s'attendait à rien, car ces jours-là, où l'on appréhendait la décision de la Grèce, les vaisseaux anciennement appelés «Goeben» et « Breslau» avaient quitté leur mouillage près de Sténia, au Bosphore, et, ancrés en face de la ville, avaient les canons braqués sur Péra ; la garnison allemande de Constantinople avait reçu l'ordre de se tenir prête à la moindre alarme, comme je le sais de la bouche de plusieurs militaires. Et qui était-ce qu'on voulait ainsi protéger, lorsque la fatale nouvelle arriverait d'Athènes, étaient-ce les Turcs ou les Grecs ? Est-ce que l'Allemagne, au moins dans ce cas, voulait protéger une population européenne innocente de cette décision et eût-elle sympathisé contre la rage féroce des Turcs ? Mais, ces deux navires de guerre, ne faisaient-ils pas partie, depuis longtemps, sous les noms de « Yavouz SultanSélim » et « Midilli », de la marine impériale ottomane?
Quand la Roumanie entra en lice, ce fut un délire dans tout Péra, et même les plus grands pessimistes croyaient alors que Constantinople serait délivrée dans deux mois au plus tard. Le nouveau revers terrible a brisé ensuite les derniers espoirs antiturcs, et les victoires sur les Roumains, et surtout la conquête de Bucarest, coïncidant presque avec le discours du ministre russe M. Trépoff, ne manquèrent pas de rallier autour du gouvernement les quelques personnes qui jusqu'alors avaient entretenu, au moins en théorie, une certaine opposition impuissante. Les victoires communes avec les Bulgares ont aussi eu l'effet de faire disparaître les derniers restes de rancunes contre cette alliée et de consolider l'alliance turco-bulgare. On peut dire que la troisième phase de la guerre turque commença à cette débâcle roumaine, qui avait une fois de plus écarté le danger de la capitale. La première phase comprenait la période des violentes attaques directes contre le cœur de l'empire, Constantinople, le point le plus vulnérable, et qui s'était terminée par la retraite anglo-française de Gallipoli ; la deuxième, c'était l'époque de stagnation, de chance alternative dans les opérations, où les menaces russes du côté de l'Analolie et les contre-efforts primaient tout, elle finis-sait lorsque le danger russe venant des Balkans fut encore une fois écarté ; la troisième sera la phase de l'achèvement de l'usure progressive, du gaspillage fatal de forces par l'envoi de troupes en Europe, du renouvellement victorieux de l'offensive britannique en Mésopotamie, peut-être aussi d'une offensive anglo-française contre la Syrie, et de la perte définitive de tous les territoires arabes, perte, dont la révolte et l'émancipation de l'émir de la Mecque et la fondation du royaume du Hedjaz et du khalifat purement arabe ne sont que le début. Il est inconcevable que cette troisième phase attende plus que l'an 1917 pour s'accomplir ; et elle verra aussi la décision finale de la guerre mondiale.
Harry Stuermer
Deux ans de guerre à Constantinople, études de Morale et Politique Allemandes et Jeunes-Turques
Paris, Payot, 1917.