Le 3 août 1914, la mobilisation commença. Les hommes de 20 à 45 ans furent appelés sous les drapeaux. Je fus donc enrôlé de force.
Sous l’instigation du Gouvernement, des bandes de brigands furent organisées. Celles-ci faisaient irruption dans les villages arméniens, dévalisant les paisibles habitants et s’emparant de leurs biens. Ces malheureux protestaient en vain. Le Gouvernement, pour donner une apparence de satisfaction à leurs légitimes plaintes, commença par emprisonner une grande partie des hommes de ces villages. Parmi ceux-ci se trouvaient beaucoup de prêtres.
J’étais soldat, appartenant au neuvième cops d’armée, au moment où le gouvernement déclara la guerre. Nous partîmes pour le champ de bataille, dans les plaines de Coroum. Nous marchions depuis quatre jours lorsque l’ennemi, nous assaillant, nous fit 5.000 tués et prisonniers. <p.109>
Nous revînmes alors à Hassan-Kalé. Nous quittâmes cette localité pour nous dirige vers la frontière russe, à Kupru-Keuy, village arménien de 400 maisons. Nous n’y vîmes aucune trace d’Arménien. Le lendemain, nous partîmes pour un autre village appelé Pazatchour, près de Kizil-Bache. J’interrogeai un villageois.
– Perva, luis dis-je, les Arméniens de ce village, où donc sont-ils allés ?
Il me répondit :
– Ce ne sont pas seulement les Arméniens de Keupru-Keuy qui sont partis, mais encore les paysans de Kiouvréren, de Komajour, de Takhadja, de Véli-Baba, de Kazan et de Chéïkh-Bek.
Lorsque les Russes s’avancèrent de ce côté-là tous les villageois se réfugièrent chez eux. Alors tous les Arméniens qui se trouvaient dans l’armée furent séparés des autres soldats et tués secrètement.
Au début de 1915, les soldats se mirent en marche. C’est alors qu’Enver Pacha vint à Erzeroum où se trouvaient sept corps d’armée et prit le commandement en chef, assisté de 14 officiers allemands de l’état-major. On s’avança vers Larman pour se diriger sur Tortoum. L’armée passa au-delà du fleuve Tchokhor pour gagner la montagne de Allah-Ekber. Nous nous emparâmes de la ville russe <p.110> d’Artevène dont les habitants, 700 personnes, furent faits prisonniers et envoyés à Erzeroum. Partie pour Bartès-Keuy, l’armée entra à Olté. Au bout de trois jours, les soldats prirent la fuite. A leurs officiers, qui leur en demandaient la cause, les soldats répondaient :
– Les Russes cachés dans la forêt ont vomi sur nous leur mitraille ; nous avons fui pour échapper à la mort.
Les Russes continuant leurs tirs d’artillerie parvinrent à disperser et à culbuter de la montagne tous les corps d’armée à la tête desquels était Enver Pacha. L’armée turque dut battre en retraite dans un vaste champ couvert de neige. Nous étions littéralement ensevelis sous la neige et les glaçons. Alors un soldat arménien nommé Tigrane Boulanikdji, prenant Enver Pacha sur ses épaules, le porta à Ilanlikhan, situé à trois heures de là, et le remit au chef du village. Quant au beau-frère d’Enver, Ismaïl Hakki, enseveli sous la neige, il eut tous les membres gelés.
Malade, je vins à Erzeroum. Pour ne plus être militaire, je payai le droit d’exonération. Un mois ne s’était pas écoulé lorsque j’appris, un jour, que les villageois d’Erté, district de Hassa-Kalé, avaient été exilés et étaient venus camper hors des murs d’Erzeroum. Nous demandâmes le motif de leur exil et on nous répondit : <p.111>
– Ils sont là afin qu’ils ne puissent pas finir comme les autres « gaours » qui ont passé en Russie.
Tous les habitants de la plaine d’Erzeroum, qui comprend 36 villages, furent déportés pour le même motif. Conduits sur le bord de l’Euphrate, entre Kugurdli et Terdjani, ils furent massacrés et jetés dans le fleuve.
A cette époque-là, les Turcs d’Erzeroum commencèrent à contraindre les notables arméniens à détruire de leurs mains le monument élevé à la mémoire des soldats russes morts à la guerre. Ceux qui s’y opposèrent furent frappés et menacés de mort. Le prélat arménien, Mgr Sembat Sentétis, demanda au gouverneur général que le dit monument fût détruit par des ouvriers spéciaux. Le gouverneur le réprimanda et lui dit qu’il ne devait pas s’immiscer dans des affaires qui ne le regardaient pas.
Les arrestations continuaient de plus belle. Le 16 mai, on arrêta 130 notables arméniens et on les emprisonna. L’évêque Sembat, aidé en cela par des membres influents de la nation, ayant pu démontrer l’innocence des prisonniers, ceux-ci furent relâchés sous garantie. Toutefois, on en garda cinq sous l’inculpation d’appartenir au comité Tachnakiste. C’était Aram Adourni, Filipos Verghian, le <p.112> photographe Stépan Stépanian, Héran Héssian, Keussé Elidjézi.
Le 1er juin un communiqué officiel informa la population qu’Erzeroum étant une ville forte devait être évacuée par la classe riche d’abord. Seuls, les gens ayant un métier pouvaient rester. La population, confiante, obéit aux ordres du gouvernement qui promit toute sécurité au sujet du voyage. On donna aux intéressés, soit 130 familles riches, un délai de huit jours pour quitter définitivement la ville.
Mais les Russes ayant bombardé Karakeupik, à cinq heures d’Erzeroum, un nouveau délai de huit jours fut accordé. Quelques jours ne s’étaient pas écoulés que 30 familles furent conduites à Kharpout pour être dirigées ensuite sur Ourfa, accompagnées de cavaliers.
Ce convoi était arrivé entre Kharpout et Palo près de Chéïk-Keuy, quand, sur un coup de sifflet, signal convenu, des bandits et des Kurdes, postés là d’avance, firent irruption et immolèrent tout le convoi. Quelques personnes blessées purent gagner Kharpout. Parmi celles-ci se trouvait seulement Mme Ticran Ticranian, de laquelle nous tenons ces détails et qui se trouve aujourd’hui à Alep.
Le 19 juin, un samedi, alors que la pluie et la grêle tombaient avec violence, on nous ordonna de partir immédiatement. A peine <p.113> étions-nous sortis de la ville qu’on nous fouilla à fond. Ce jour-là, nous atteignîmes, en douze heures, un village nommé Ker, distant seulement d’une heure et demie de notre point de départ. Nous arrivâmes le lendemain à Elyédjé, trempés jusqu’aux os et dans un état d’abattement complet. Nous étions lamentables. Des soldats allemands nous photographiquement. Le lendemain, nous traversâmes Evrani-Khan, Garabrkikhon, Achkala, Pernagaban, Kopaler, Kopakhan, Maden, Bayerbout qui est un village de 800 maisons à population arménienne. Nous n’y trouvâmes aucune trace d’Arméniens. En ayant demandé la cause, on nous répondit :
– Ils ont été déportés.
En effet, à dix heures de là, près du village Peloum, ils avaient été parqués dans un vaste champ et massacrés sans pitiés. On pouvait voir encore leurs cadavres. Les femmes et les jeunes filles furent seules épargnées. On les dirigea sur les harems, pour les marier à des Musulmans.
Nous restâmes huit jours à Baïbourt. Nous traversâmes ensuite Hindi-Keuy, Kéranta, Sourptogoz, la montagne de Sourpkrikor ; nous arrivâmes enfin à Erzindjian. Un capitaine nommé Mouhtar nous accompagnait ayant sous ses ordres 4.000 soldats environ <p.114> qui se pourvoyaient aux dépens des émigrés arméniens.
A notre arrivée à Erzindjian, nous fîmes toujours la même constatation : on ne voyait nulle trace d’Arméniens.
Quelques jours après, un convoi d’exilés de Trébizonde arriva à Erzindjan. Il n’y avait que des femmes. En cours de route, on avait égorgé leurs maris. Ces femmes étaient complètement dépouillées de leurs biens, nues, affamées, dans un état pitoyable.
Nous croyant en sûreté nous retirâmes du convoi les familles Machokian, Gaitzakian et Minassian en payant pour cela une certaine somme à l’officier. Les auteurs furent conduits au loin.
Nous demeurâmes 18 jours à Erzindjan. Le gouverneur général d’Erzeroum et celui de Kharpout vinrent nous voir le jour m^me de notre arrivée. Puis ils s’entretinrent entre eux, se communiquant leurs projets, – projets que nous comprimes, hélas ! dans la suite.
Les notables d’Erzeroum, demandèrent au gouverneur de ne pas leur faire traverser le défilé de Kamah car c’était justement là que les bandits attendaient et qu’ils avaient déjà assassiné les habitants d’Erzindjan. Mais le gouverneur leur répondit :
Sur ma religion et sur ma femme, je jure qu’il n’y a aucun danger dans les limites de <p.115> ma province et par conséquent vous devez partir non par la route de Sivas, mais par celle de Kamah.
Deux autres convois composés l’un de 1.400 et l’autre 1.600 familles étaient aussi partis d’Erzeroum. Le groupe de 1.400 familles s’était joint à notre convoi. Parmi eux, se trouvaient aussi des arméniens catholiques du village de Katmérou avec leur curé Der Garabit. A ce moment, le chef de notre convoi était le capitaine Kiamil Effendi.
Le 3/16 juillet, nous quittâmes Erzindjan nous dirigeant vers les rives de l’Euphrate par le défilé de Kamah. Nous traversâmes ainsi Krache, Kassanova, Kafa, Pagach, Tache, Kamah. En cette dernière ville, des bandits postés sur le pont de l’Euphrate, s’emparèrent de 270 jeunes gens. D’aucuns purent s’échapper. Le convoi fut conduit par une vallée extrêmement difficile à traverser où il fut divisé en deux groupes : l’un placé sur un côté de la montagne et l’autre sur le versant opposé.
Ce voyage fut si effrayant et si douloureux que je me sens impuissant à le décrire.
Le lendemain, tous réunis, près de Rafa, nous fûmes dirigés, le matin, vers la montagne de Tchilkoros. Là, quittant les chariots, ceux qui avaient de l’argent louèrent des chevaux ; ceux qui n’en avaient pas, les suivirent <p.116> à pied, trois jours durant, dans les montagnes, marchant à la file, au prix de mille difficultés. Nous descendîmes à Takhta-Keupru, où nous rejoignit le kaïmakan à Edjin. Nous y demeurâmes deux jours. Là non plus aucune trace de chrétiens. Nous observâmes que le gouvernement faisait vendre aux enchères leurs bien confisqués.
Nous nous rendîmes ensuite aux villages de Eyri-Keuy, d’Athanos, de Perventi, d’Atchochta, de Chépik et d’Arabkir d’où les Arméniens étaient encore absents. Tout au long du parcours, des cadavres étaient comme semés sur les deux côtés du chemin : nos regards ne rencontraient que des spectacle de mort. De Arabkir, nous allâmes à Saradjoukh et enfin à Keurk-Gueuz. Nous y vîmes le convoi des déportés d’Amasia, dont les hommes furent séparés, transportés de l’autre côté de la montagne et tués sous nos yeux. Les bourreaux rentrèrent chez eux, vêtus des habits de leurs victimes.
Enfin nous atteignîmes Malatia : tansportés dans un grand champ, à deux heures de là, au bord d’un fontaine, nous y restâmes cinq jours. Le mutessarif de Malatia appela cinq de principaux membres de notre convoi et leur posa des questions au sujet de notre voyage : <p.117>
– Avez-vous été tranquilles et en sûreté sur votre route ?
Puis, se trournant vers le commandant de la gendarmerie, en présence des exilés :
– Vous avez demandé, dit-il, que les Erzeroumiens viennent ici : les voici. Je pense bien qu’ils m’apporteront des mouchoirs de soie et 500 livres.
Au bout de trois jours, on confia notre convoi à Hadji Bedri Agha, du village de Gué-lak, à son frère Zaînal Agha, à Mohamed Bey, kaïmakam de Adiaman, frère de Ali Pacha, et à Emin Effendi, de Bitlis, qui était lieutenant.
De Malatia, ils nous transportèrent, le 21 août, à Béguepounar où était la maison de campagne de Bédri Agha. Ce jour-là, ils tuèrent la famille Féréan, restée avec le convoi. Nous demeurâmes trois jours à Bekpounar. Nous pûmes voir, aux environs, plus de 2.000 cadavres de chrétiens ramassés les uns les autres dans les champs. Quelques jours plus tard, on vit arriver le convoi des émigrés de Samsoun, tous dans un état effrayant de maigreur, presque morts : le chef des Kurdes en avait distrait 18 jeunes filles et les avait emmenées. Elles furent données en cadeau au mtessarif, au chef de la correspondance, (Tahrirat-Mudiri) et aux autres employés. Les <p.118> autres jeunes filles furent partagées entres les Kurdes et les gendarmes.
Le convoi de Samsoun fut conduit plus avant. Le nôtre quitta Bekpounar le 25 août pour se diriger vers la plaine de Sivré. Ce chemin était très difficile à traverser. Pour nous, mourant de désir d’étancher notre soif et d’apaiser la faim qui nous tourmentait, à peine avions-nous la force de continuer à marcher. Telle était notre détresse, si grandes nos angoisses, qu’il nous était dur de poser simplement le pied sur le sol. Là, on commença à séparer les hommes des femmes. On ligota les hommes et on les conduisit vers la pleine. Celui qui se trouvait d’un côté de la montagne, ignorait ce qui se passait du côté opposé. Je subis le sort de ceux qui furent envoyés dans la plaine. L’officier chef du convoi, Emin Effendi, contemplait avec satisfaction les hommes liés, qui poussaient des cris plaintifs et déchirants :
– Grâce, disaient-ils, grâce, oh ! Emin effendi, sauvez-nous de la mort !
Moi aussi, je poussai les mêmes supplications. Ermin Effendi me répondit :
– Mon fils, tu es tailleur, toi ! ne crains rien, je te sauverai.
Je lui répétai ma prière et lui demandai une cigarette. Il me la donna. Mais quand il vit qu’avec mes bras liés je ne pouvais rien, il <p.119> s’approcha de moi et détacha mes liens. Il y avait un Kurde en armes chargé de veiller sur chaque groupe des personnes liées. Un kurde survenant, me menaça :
– Qui t’a permis de fumer, dit-il ?
– Emin Effendi, lui répondis-je. C’est lui qui a délié mes bras et qui m’a offert une cigarette.
Il ne me crut point, et il m’entraîna dans un endroit où, sur un tapis, était assis Zaïnal Bey et ses frères. C’est là que les victimes déliées étaient examinées ; après avoir été fouillées, elles étaient liées à nouveau et conduites dans un champ voisin où on les tuait. Quand je fus présent, le bey kurde demanda pourquoi mes bras étaient libres.
– Je suis le tailleur d’Emin Effendi ; c’est pourquoi il m’a laissé les bras libres.
A cette réponse, l’agha ordonna à un Kurde de me faire rejoindre notre convoi. Ainsi délivré de la mort, j’avançai avec notre groupe de l’autre côté de la montagne. Le nombre des hommes liés était de 3.300 environ dont 120 seulement à peu près furent délivrés comme moi par une chance inespérée.
Le lendemain, deux inspecteurs venus de Malatia, sous prétexte de contributions militaires, ramassèrent tout ce que nous avions gardé sur nous de précieux.
Le 28 août, on nous mena sur la montagne <p.120> voisine et l’on nous fouilla une seconde fois. Quinze personnes venaient d’être fouillées, quand, soudain, un violent tremblement de terre secoua toute la montagne. Grâce à cette circonstance, les recherches furent moins rigoureuses. C’est alors que nous parvint une rumeur, qui annonçait que les catholiques et les protestants étaient exempts de la déportation et que leurs familles seraient libres. A cette nouvelle, Anik Effendi Djivanian, appartenant à notre groupe, se concerta avec le kaïmakam, et tous deux s’efforcèrent de convaincre les gens du convoi qui avaient de l’argent de se faire inscrire comme catholiques et en échange de céder or et parures. C’est ainsi que beaucoup de gens furent dépouillés de leurs biens qui passèrent entre les doigts du kaïmakam.
Mise en marche cinq jours après, nous atteignîmes un village kurde appelé Leuze. Là nous fûmes placés entre ces deux alternatives : ou payer 3.000 livres turques, ou être passés tous, hommes et femmes, au fil de l’épée. En présence de telles menaces, nous recueillîmes tout l’or et les bijoux que nous possédions. Nous les donnâmes au bey kurde et au kaïmakam, et on nous laissa libres.
Après une marche de huit jours à travers montagne et vallées, le célèbre négociant et correspondant des journaux européens, <p.121> Vanitzian Missak Effendi, fut tué. Sept jours après, nous arrivâmes au gros bourg de Samsat, qui se trouve sur le bord de l’Euphrate. Nous y restâmes dix jours que les soldats employèrent à rechercher parmi nous les malades. Ils les prirent ainsi que les notables qui étaient bien portants, les lièrent et les jetèrent tous ensemble dans les eaux du fleuve. Ils menaçaient les survivants et leu disaient :
– Donnez-nous de filles, ou nous vous jetons à l’eau comme les autres.
Plusieurs, désespérés, livraient, de leurs propres mains, leurs filles vierges à la soldatesque. Ceux qui n’y consentaient pas étaient noyés. On allait jusqu’à ouvrir les entrailles des victimes flottant sur les eaux, et même des personnes encore vivantes, pour voir si, par hasard, elles n’avaient pas avalé quelque argent. On en brûla beaucoup sur des tas de blés, puis, en fouillant leurs cendres, on trouva l’or qui v’avait pas été incinéré. Ici encore, le kaïmakam, grâce à un « pot de vin » de 300 livres turques qu’il reçut par l’intermédiaire de Onnik Effendi, nous permit de passer d’une rive sur l’autre du fleuve. On nous fit néanmoins signer que tout le convoi était parvenu sain et sauf à Smasat. Onick Effendi prit quelques femmes et quelques jeunes filles et se mit en route pour Alep. Le reste du convoi, placé sous la conduite et la protection de <p.122> Emin Effendi, put arriver sans encombre à Souroudj et fut remis au kaïmakam.
Nous arrivâmes à Souroudj le 24 septembre. Nous eûmes enfin une maison pour nous abriter. Nous prîmes un peu de repos et, en nous procurant de l’argent venu de Constantinople et d’Alep, nous pûmes vivre jusqu’au 14 janvier 1916. Bien des gens moururent de maladie au cours du voyage, incapables de résister aux atroces privations qu’ils avaient dû subir. Le 14 janvier, par une froide journée d’hiver où la tempête de neige faisait rage, l’ordre arriva de transporter le convoi à Raka. Après avoir subi des souffrances indicibles qui durèrent sept jours, nous arrivâmes enfin à Raka, sur le bord de l’Euphrate, couchant à la belle étoile. Nous demeurâmes 14 jours dans ce lieu. Puis le Kaimakam, qui avait perçu un nouveau « pot de vin » de 200 livres turques, nous permit de pénétrer dans la ville et de loger dans des maisons. Quant à moi, trouvant le moyen de m’enfuir, je partis pour Alep ou je demeurai caché dans une maison amie.
Erzeroum comptait une population de 4.000 familles arméniennes ; c’est à peine si une dizaine parvinrent à Alep, – en majeure partie des veuves et des orphelins. Quant aux rescapés se trouvant ailleurs qu’à Alep, je n’ai, sur eux, aucun renseignement précis. <p.123>