G. Sbordonne

Document Italien

L'AGENT CONSULAIRE D'ITALIE
CHARGé DES INTÉRêTS FRANçAIS à VAN,
à S. E. MONSIEUR L'AMBASSADEUR DE FRANCE,

à PETROGRAD.

Van, le 13 mai 1915.

 

J'ai l'honneur de porter à la connaissance de V. E. la situation créée par les autorités ottomanes à la Mission Française Dominicaine à Van, depuis le commencement de la guerre russo-turque, jusqu'à l'occupation russe de cette ville. Il m'a été impossible, faute de moyens sûrs de communication, d'en saisir, jusqu'ici, soit l'ambassade des Etats-Unis à Constantinople, soit le consulat d'Italie, à Trébizonde.

Avant son départ, M. de Standfort, vice-consul de France, à Van, me chargea, à défaut d'agent consulaire américain dans cette ville, des intérêts français et en fit part à l'ambassade des Etats-Unis près la Porte Ottomane et le vilayet.

Une semaine après le départ de M. de Standfort, c'est-à-dire le 15 novembre 1914, le secrétaire du vilayet et le directeur de l'Instruction Publique, accompagnés des agents de police, se présentèrent sans aucune délégation de la part de cette agence consulaire, chez les R. Pères Dominicains et les Soeurs de la Présentation, et les sommèrent de quitter immédiatement leurs couvents et de remettre tous leurs établissements scolaires et de bienfaisance au gouvernement ottoman.

Les religieux furent obligés de quitter leurs demeures le jour même, ne pouvant obtenir des fonctionnaires ottomans que la permission d'emporter avec eux quelques objets de première nécessité.

Les autorités apposèrent alors les scellés sur toute la résidence de la mission. Sur mes démarches réitérées les autorités consentirent à ce que les soeurs restassent chez elles jusqu'à leur départ. Ordre a été donné, par le vilayet, à la police d'expulser les missionnaires français dans les vingt-quatre heures. Mes représentations énergiques auprès du gouvernement ont permis aux religieux français de partir après avoir trouvé les moyens nécessaires pour pouvoir suivre l'itinéraire très difficile que les autorités ottomanes leur désignaient. (D'après cet itinéraire, les Français expulsés devaient gagner la France par Bitlis, Diarbékir, Alep, Mersine).

J'ai pu obtenir également du vali que le R. P. Bernard Goordmaghligh, supérieur de la Mission Dominicaine Française reste à Van, le voyage lui étant impossible à cause de sa santé et de son âge avancé. Les autres religieux et religieuses ont quitté Van, le 20 novembre 1914.

Après l'expulsion des missionnaires français, les établissement des Pères Dominicains furent occupés par une école musulmane, et ceux des soeurs devinrent une école ottomane de jeunes filles. Il va sans dire que les fonctionnaires turcs emportèrent la plus grande partie des meubles de la mission, laissés à leur pouvoir.

Pendant les derniers événements qui ont ensanglanté Van et ses environs, aux mois d'avril et de mai derniers, la résidence des Dominicains qui se trouve au bout du quartier musulman devint une des premières positions turques, les établissements de soeurs, situés dans le quartier chrétien furent occupés par les Arméniens, avant que les Turcs parvinssent à y mettre des forces.

Durant leur séjour d'un mois les bachi-bozouks turcs et kurdes qui s'étaient barricadés dans la résidence des Dominicains, ont saccagé tout ce qui avait échappé au pillage des fonctionnaires turcs, et, lorsque les Arméniens parvinrent à y entrer, ils n'y ont trouvé que les débris de quelques meubles.

Les établissements de soeurs ont échappé au pillage, étant sous la surveillance des Arméniens. La mission fera parvenir à V. E., par mon entremise, la liste des objets pillés.

Depuis l'occupation russe, la résidence des Dominicains est occupée par les volontaires russo-arméniens, et celle des soeurs, sert provisoirement au gouvernement comme palais gouvernemental.

Veuillez agréer, etc.

G. SBORDONE.

Reproduit d'après le livre d'Henry Barby, Au pays de l'épouvante, l'Arménie martyre
Nous écrire Haut de page Accueil XHTML valide CSS valide