L'un des principaux témoins au procès Tehlirian était un pasteur allemand, Johannes Lepsius, qui avait déjà parcouru en 1896 les provinces ravagées par les massacres. Il avait alors publié un livre, attribuant ceux-ci à des mesures visant à rendre inexécutables les réformes demandées par les Puissances. Il y stigmatisait la politique de ces dernières et prédisait la reprise des « troubles d'Arménie ». En juillet 1915, Lepsius revint à Constantinople. Bien qu'alliée de l'Empire ottoman, l'Allemagne avait tout intérêt à son enquête, afin d'avoir le cas échéant un moyen de se disculper. Lepsius publia dès 1916 son Rapport secret sur les massacres d'Arménie, puis en 1919 son recueil d'actes diplomatiques L'Allemagne et l'Arménie, 1914-1918. Les documents relatifs au personnel de l'ambassade allemande et aux consuls en place à des endroits stratégiques (Adana, Alep ou Erzeroum) forment un ensemble irréfutable.
On y lit les lettres envoyées à son chancelier par l'ambassadeur allemand Wangenheim. Connu pour sa turcophilie et désireux de ménager ses alliés turcs, il dut pourtant lui-même reconnaître, dès le 17 juin 1915 : « Il est évident que la déportation des Arméniens n'est pas motivée par les seules considérations militaires ». Le 7 juillet, il précisait : « La manière dont s'effectue la déportation démontre que le gouvernement poursuit réellement le but d'exterminer la race arménienne dans l'Empire ottoman ». Le 2 août, son remplaçant Hohenlohe dénonçait « la détermination du gouvernement de se débarrasser des chrétiens indigènes des provinces orientales ». Les rapports des consuls, témoins directs, sont encore plus détaillés.
Ces enfants ont été photographiés au camp de Ras ul-Aïn par Armin Wegner, un officier de la Croix-Rouge allemande qui rapporta des témoignages visuels. épargnés par le gouverneur en place, ils ont tous été mis à mort par son remplaçant nommé en mars 1916 par Talaat
En fait, tous les Allemands présents dans l'Empire savaient ce qui se passait. Certains, comme le journaliste Harry Stürmer, furent outrés devant la non-intervention de leur pays : « Je dis que cet acte fut commis avec le lâche consentement du gouvernement allemand en pleine connaissance des faits ». D'autres, comme le général Liman von Sanders, restèrent dans le cadre de leur fonction. à Smyrne, lorsqu'il apprit l'ordre d'extermination, il avertit le gouverneur turc : « Si l'on touche encore à un seul Arménien, je ferai abattre tous vos gendarmes par mes soldats ». Il sauva ainsi la population arménienne de Smyrne. Plus tard il témoigna lui aussi au procès de Tehlirian. Son interprète, Heinrich Vierbücher, a laissé, lui, un rapport accablant. Quant à Armin Wegner, officier de la Croix-Rouge allemande, il rapporta une série de photographies dont certaines glacent d'horreur.