Yves Ternon, Mardin 1915 (RHAC IV - 2002) ► Livre I ►Première partie, entre Tigre et Euphrate.
Le mot « Mésopotamie », le pays entre deux fleuves est ici pris au sens restrictif puisque cette étude ne considère que la région située au nord de Mossoul, en grande partie montagneuse et que sa limite septentrionale est floue : au nord, les deux branches de l’Euphrate prennent leur source dans les montagnes d’Arménie ; la plaine de Mésopotamie bute sur le massif du Taurus – les monts du Kurdistan ; à ce niveau, le Tigre et l’Euphrate sont séparés par une distance d’environ 400 kilomètres, l’Euphrate poursuit sa descente vers le sud, tandis que le Tigre fait une boucle avant de s’infléchir vers le sud-ouest.
Cette région de l’Asie antérieure est une de celles où se sont développées les plus anciennes civilisations. La limite naturelle de la Mésopotamie est donc au nord la chaîne du Taurus tendue selon une ligne nord-est sud-ouest qui la sépare du plateau arménien. Le relief de cette chaîne est différent à l’est et à l’ouest. Le Taurus oriental avec ses crêtes à plus de 4 000 mètres – le mont Resko dans le massif du Cilo Dagh culmine à 4 710 mètres – est un « énorme bourrelet de plus de 150 km d’épaisseur qui sépare la cuvette du lac de Van des plaines du Tigre moyen »1. Vers le sud, ce Taurus oriental est flanqué de plis bordiers qui se redressent à l’ouest et atteignent dans le Bohtan près de 3 000 mètres. Le Taurus s’abaisse entre le Tigre et l’Euphrate en des plateaux qu’encadrent deux chaînons : un puissant massif de basalte noir, le Karadja Dagh qui s’élève jusqu’à 1900 m et la montagne de Mardin – le Masios des anciens – flanquée à l’ouest du plateau du Tur Abdin – le mont Kashyari des Assyriens. Une longue brèche sépare à 800 mètres d’altitude le Karadja Dagh de la montagne de Mardin. Elle constitue une voie de passage vers la rivière Khabour entre une croupe occidentale de basalte et une assise orientale de calcaire. Le plateau du Tur Abdin est appelé par les Occidentaux Djebel Tour, mais cette dénomination est un pléonasme puisque les deux mots signifient montagne, le premier en arabe, le second en syriaque. Tur Abdin vient du syriaque et signifie « la montagne des serviteurs », sous-entendu des « serviteurs de Dieu ». Le Tur Abdin constitue sur la rive droite du Tigre un plateau calcaire de 5 000 km2 inférieur à 1 200 mètres d’altitude et qui se relève au nord jusqu’à près de 1 500 mètres. Délimité au nord et à l’est par la boucle <p.21> du Tigre, il « tombe au sud, vers Nisibe, sur la plaine de Mésopotamie par un rigide rebord tectonique d’un commandement de près de 800 mètres »2. Ce plateau se situe en dehors des voies de communication. Les monts de Mardin présentent de nombreuses dépressions qui font communiquer les bassins du Tigre et de l’Euphrate, autant de vallées abondamment irriguées, avec de riches pâturages, des vignobles, des vergers et des champs de cotons étalés sur les coteaux.
Le Tigre, le moins long des deux fleuves, prend sa source principale dans les montagnes de l’antique Sophène, près du lac Göldjuk. Il a une pente beaucoup plus inclinée que l’Euphrate et fuit rapidement entre ses rives, d’où son nom de « Tigre » ou de « Flèche » donné par les Mèdes – remplaçant le nom assyrien de Hiddekel, « fleuve aux bords élevés »3 –, selon une direction sud-est qui le conduit à 620 mètres d’altitude dans la plaine de Diarbékir. Là il fait un coude, puis se dirige vers l’est et reçoit sur sa rive droite les rivières venues du Karadja Dagh. Il arrose ensuite Djezireh et, selon une direction sud-est, gagne la plaine de Mossoul. Dans cette partie de son cours il ne reçoit de grands affluents que sur sa rive gauche, dont le Grand Zab issu des hautes vallées du Taurus oriental. Cette rivière – encore appelée Zab supérieur – reçoit elle-même les affluents creusant dans les monts du Hakkari des « gorges sauvages prodigieuses »4 et se faufile vers le sud-est vers la plaine de Mossoul avant de se jeter dans le Tigre au sud de cette ville. « Dans toute l’Anatolie, il n’est pas de pays plus rude que cette gorge du Grand Zab et les sauvages montagnes d’Oramar découpées par ses affluents torrentiels »5.
L’Euphrate, le « Fleuve par excellence » naît de la confluence de ses deux rivières maîtresses, le Mourad et le Kara Sou, nées dans les montagnes d’Arménie. Avant de sortir des montagnes, il se grossit de quelques affluents qui le rejoignent sur sa rive gauche au sommet de la grande courbe qu’il décrit à l’ouest du Taurus et qui l’amène à 150 km de la Méditerranée. Après une série de rapides – ou cataractes – il échappe aux gorges du Taurus pour entrer dans la plaine de Mésopotamie. C’est là qu’il reçoit son principal affluent, le Khabour, dont les affluents prennent leur source sur le versant méridional du Karadja Dagh et des monts de Mardin.
Lorsqu’ils sortent du Taurus, les deux fleuves sont séparés par une steppe de 400 km, que les Arabes appellent la Djezireh – l’île – et qui <p.22> forme un couloir naturel entre la haute vallée du Tigre et les plaines de la Syrie du nord. Au sud, jusqu’à Mossoul, la plaine de Mésopotamie est barrée par le relief du mont Sindjar – l’ancienne Singara – un plateau très fertile qui culmine à 1 463 m. Bien après Mossoul, le Tigre et l’Euphrate se rapprochent à la hauteur de Bagdad pour diverger ensuite et ne mélanger leurs eaux qu’à 100 km au nord de Bassora et former le Chatt al-Arab. Dans l’Antiquité, ils suivaient des cours séparés jusqu’au golfe Persique.
Dans le cadre de ces montagnes sont construites les principales villes de ce qui constitue dans la seconde moitié du XIXe siècle le vilayet de Diarbékir. Ce sont, en amorce de cette étude, avec les montagnes et les eaux les quelques points qui jalonnent l’histoire de ce pays et de son peuplement. Diarbékir – en arabe, le « pays de Bekr », du nom du clan qui la conquit au VIIe siècle – est l’ancienne Amida. Bâtie sur la rive droite du Tigre, elle est située à l’extrémité d’une coulée basaltique descendue des noirs volcans du Karadja Dagh et domine une riche plaine alluviale. Sur la route des caravanes qui relient l’Asie Mineure à la Mésopotamie, la ville est entourée d’une double enceinte de murailles construite au IVe siècle par les Romains pour protéger la Mésopotamie de la Perse. Surmontée de soixante-douze tours, cette muraille de cinq km est percée aux points cardinaux de quatre portes : la porte de Mardin au sud ; celle de l’ouest vers l’Asie Mineure ; celle du nord, vers la montagne ; celle du Tigre à l’est. Cette antique cité construite en pierres de basalte noires qui lui confèrent un aspect austère est sombre, triste, humide et insalubre ; ses rues sont étroites, tortueuses et boueuses. C’est seulement au centre qu’elle possède des rues plus larges, bordées de grandes maisons et d’édifices civils et religieux dont certains sont bâtis sur un rocher qui surplombe le Tigre par un à-pic de cent mètres.
A 80 km au sud-est de Diarbékir, adossée au versant méridional du mont Massius, haut de 1 100 mètres, Mardin, l’ancienne Mardé ou Miridé, domine la plaine de Mésopotamie. Elle est bâtie sur un rocher calcaire crevassé couronné d’une forteresse blanche qui dans l’antiquité, était au cœur d’un réseau de fortifications et qui était réputée imprenable, d’où son nom : en araméen Mardin signifie « les forteresses ». La ville est construite sur une route stratégique, mais les caravanes qui vont de Diarbékir à Nisibe la contournent car elle est difficile d’accès. Près de la forteresse, les ruines de la ville haute avec la muraille d’enceinte en basalte et les maisons en pierre de taille. Au pied de la forteresse, les maisons sont disposées en gradins et construites avec de solides pierres blanches ou jaunes. Mardin est orientée vers le sud. Les plaines les plus fertiles de Haute-Mésopotamie s’étendent à ses pieds, à perte de vue. Elle est entourée au nord de collines verdoyantes couvertes d’arbres fruitiers et de <p.23> vignes. Le climat est très sain. Un air pur, une abondante irrigation, un été tempéré en font un lieu de séjour privilégié. A 42 km à l’est de Mardin, Midiat occupe le centre géographique du plateau du Tur Abdin. Bien qu’ancienne elle ne conserve aucun vestige.
A 37 km au sud-est de Mardin, Nisibe – Nisibin, Nisibine – occupe l’emplacement de l’ancienne Nisibis, sous les Séleucides la plus célèbre ville de la province de Mygdonie. Alors que les vastes prairies des environs nourrissaient dans l’Antiquité de grand troupeaux et produisaient du riz, du coton et des céréales, Nisibe n’est plus au XIXe siècle qu’un village insalubre, aux rues étroites et sans pavés, aux maisons basses de toits de pailles, recouvertes de pisé. Les canaux d’irrigation sont comblés et les eaux se répandent par torrents à la saison des pluies.
Djezireh ibn Omar – « l’île du fils d’Omar » – est située sur la rive droite du Tigre, au pied du Djoudi Dagh, à l’est du Tur Abdin. Entourée de murailles, Djezireh est proche de belles forêts de chênes et de plaines bien arrosées et cultivées. Au XIVe siècle, une importante colonie juive s’y trouvait et tenait une célèbre école rabbinique. Au début du XIXe siècle, c’était une place forte des Kurdes Yézidis6, mais ils furent tués par les Turcs et d’autres tribus kurdes les remplacèrent.
Qui furent les premiers habitants de Haute-Mésopotamie ? Comment se nommaient, comment vivaient ces peuples, ces tribus qui, de leurs montagnes, menaçaient les grands empires de Mésopotamie dont ils convoitaient les richesses et coupaient les voies de communication vers le nord ? Sorties peu à peu des sables, les milliers de plaquettes couvertes d’inscriptions permettent aux savants de brosser un tableau de plus en plus précis de cette haute antiquité. Les scribes travaillaient pour leurs maîtres et fixaient pour l’éternité ce que ceux-ci tenaient à faire connaître. Les peuples de la périphérie ne sont donc que rarement mentionnés au cours de cette longue période de trois millénaires dont on démêle à peine, grâce à l’épigraphie, l’histoire embrouillée. Par recoupements on parvient cependant à apercevoir, sans bien les distinguer, les diverses identités de ces nomades devenus sédentaires, les villes qu’ils édifièrent et les campagnes militaires qui les détruisirent. Ces sources épigraphiques découvertes dans des tertres – tells – qui marquent l’emplacement des villes ou villages enfouis permettent d’imaginer l’époque lointaine où le Tigre et l’Euphrate étaient de larges fleuves se frayant une issue à travers les contreforts du Taurus puis irriguant une plaine fertile, parcourue par des <p.24> eaux vives, aujourd’hui un désert semé d’oueds asséchés7.
Ce long mouvement des empires commence avec la naissance dans la partie sud de la Mésopotamie, au-dessous du point où les deux fleuves se rapprochent – l’actuelle Bagdad –, dans ce jardin d’Eden – du sumérien « edin », plaine –, des royaumes d’Akkad et de Sumer. Vers la fin du XXIVe siècle, les sémites d’Akkad soumettent le pays de Sumer, remontent les vallées du Tigre et de l’Euphrate et constituent un immense empire qui s’étend jusqu’au Taurus. Cet ensemble est éphémère, mais le rêve de le reconstruire sera pendant deux mille ans celui des Sumériens, des Babyloniens et des Assyriens. Le royaume d’Ur s’étend au XXIe siècle dans les monts du Kurdistan où il combat les Hourrites qui contrôlent la route commerciale du Nord. Après la chute d’Ur s’ouvre la longue domination de Babylone, construite près de l’Euphrate, au sud de l’actuelle Bagdad. Le sol est fertile, les eaux fluviales habilement distribuées dans les campagnes riveraines. Par l’érosion de sa rive droite, l’Euphrate s’éloigne du Tigre en amont de Babylone. C’est à cette période que l’on identifie dans le royaume de Mari, en Haute-Mésopotamie, deux grandes tribus amorites – les Amorites sont un peuple mêlé d’Akkadiens et de Hourrites –, dont l’une, au nord, se sédentarise dans la région du Khabour, jusqu’au pied du plateau du Tur Abdin8. Toujours à la fin du troisième millénaire, dans le Kurdistan, les Mitanniens se fondent avec les Hourrites et se taillent de la Méditerranée au Zagros un royaume dont le centre se situe entre le Tigre et l’Euphrate. Ce peuple, venu de lointaines contrées, appartient au groupe ethnolinguistique des Indo-européens. Pendant cinq siècles, tandis que les royaumes du sud se détruisent les uns les autres, le seul à se maintenir est le Mitanni dont la limite méridionale se situe dans la steppe entre le Tigre et l’Euphrate.
Par une campagne fulgurante qui le conduit du Sindjar aux monts de Mardin et au Karadja Dagh, le roi d’Assyrie, Teglath-Phalazar i er, détruit le royaume de Mitanni (1115-1110). De nouvelles migrations transforment alors le peuplement de cette région : les Araméens pénètrent en Haute-Mésopotamie. L’origine de ce peuple est mystérieuse. La plus ancienne mention se trouve dans une inscription de Teglath-Phalazar Ier : « Aramaia ». On sait seulement qu’à partir du Xe siècle les Araméens s’étendent vers la Syrie du Nord, puis gagnent la région comprise entre la boucle de l’Euphrate et le Khabour, région qui prend le nom d’« Aram <p.25> des deux rivières », pour gagner au nord l’actuelle Diarbékir et parvenir à Nisibe, à mi-chemin entre le Khabour et le Tigre9. Ce sont ces nomades, fraîchement sédentarisés, qui vont, dans la seconde moitié du premier millénaire av. J.-C., imposer leur langue à tout l’Orient, à l’Assyrie puis aux Perses achéménides. On les retrouve au VIIe siècle sous le nom de Chaldéens, une appellation qui englobe les tribus araméennes de Babylonie alliées aux Mèdes contre les Assyriens pour prendre Ninive en 61210. Ce peuple d’Aram est l’exemple d’un peuple politiquement assimilé, mais culturellement dominant.
Au Xe siècle, la Haute-Mésopotamie est constellée de principautés araméennes qui tiennent les grandes routes commerciales et menacent l’Assyrie – alors réduite à une bande étroite sur la rive gauche du Tigre – d’asphyxie. En 911, l’armée assyrienne chasse les Araméens de la vallée du Tigre et des monts de Mardin, occupe la partie orientale de la Djezireh et le Kurdistan oriental. La formation de l’Empire assyrien par Assurnasirpal II (883-859) est le résultat de campagnes menées chaque année, au printemps, dans la plaine mésopotamienne ou dans les montagnes du Taurus et du Zagros par l’armée assyrienne pour protéger des voies commerciales indispensables à la survie de l’Assyrie, des guerres de rapine et de conquêtes conduites avec une extrême cruauté, que majore volontiers le récit épigraphique destiné à inspirer la terreur. Assurnasirpal II traverse le Tur Abdin en 879, lorsqu’il part à la conquête du royaume d’Amida. Il proclame : « J’ai soumis Matiate [Midiat] et ses villages ».
Plus au nord, au XIIIe siècle, l’Ourartou commence à se développer, un royaume qui n’acquiert une certaine importance qu’au IXe siècle, sous le roi Aramé – sans doute éponyme du futur nom d’Arménie. Le royaume, dont la capitale est Touchpa – Van – s’étend vers le sud, dans le pays montagneux de Naïri, à la frontière de l’Assyrie, qu’il menace. La puissance assyrienne renaît sous Teglath-Phalazar III, véritable fondateur du grand empire qui s’épanouit au VIIe siècle. D’autres peuples guettent, venus en deux vagues successives : par le Caucase, à l’ouest de la Caspienne, les Mèdes et les Perses ; et par les rives orientales de la Caspienne, les Parthes. A la fin du VIIe siècle, l’Assyrie et l’Ourartou disparaissent. Les Mèdes s’emparent de la nouvelle capitale de l’Assyrie, Ninive, en 612, puis occupent le royaume d’Ourartou. A la fin du Ve siècle, le Proche-Orient est occupé par la Perse achéménide : Cyrus devient roi en 558, l’extension de l’empire est achevée par Cambyse en 522. On sait par Hérodote que Darius partagea son empire en vingt satrapies et on connaît, par l’inscription de Behistun, la chronologie des <p.26> révoltes qu’il dut mater. Il cite, en vieux perse – l’inscription est trilingue – le pays « Armina » et le peuple des « Arminiya », ce qui indique la substitution progressive de l’Arménie à l’Ourartou11. Le Tigre marque la limite entre cette XIIIe satrapie et la IXe où se trouve le Taurus oriental. La langue officielle de l’Empire perse est l’araméen. C’est aussi la langue de l’ancien royaume d’Israël où l’hébreu est relégué au rang de langue liturgique et littéraire. Ce sera donc la langue de Jésus et de ses disciples, comme celle des rabbis.
L’Empire achéménide disparaît avec la campagne d’Alexandre le Grand qui fonde un empire s’étendant jusqu’à l’Inde. Alexandre passe par Nisibe, occupe Ninive en 331, mais laisse au royaume de Grande Arménie la région située au nord de Nisibe, dans les monts de Mardin. A sa mort, l’Asie Mineure méridionale et la Syrie reviennent au royaume séleucide. La frontière entre ce royaume et celui d’Arménie, sans doute vassal, passe toujours au nord de Nisibe. C’est sans doute sous les rois arméniens orontides, vers 250, qu’est fortifiée Mardin.
Les Séleucides disparaissent au début du Ier siècle avant J.-C., sous la pression de Rome, du royaume d’Arménie et des Parthes qui s’installent en Perse. Pour affronter Rome, le roi du Pont, Mithridate, s’allie au roi d’Arménie, Tigrane, dont les possessions s’étendent en 70 de la Caspienne à la Méditerranée. La capitale de ce vaste empire arménien est à Tigranocerte, une ville située dans le Taurus oriental, au nord du Tigre, à l’est d’Amida – Diarbékir. La lutte entre Rome et l’Arménie s’achève en 66 : Tigrane se rend à Pompée, mais il conserve un territoire dans les limites de l’Arménie d’avant l’expansion. La poussée parthe s’accentue. Au Ier siècle après J.-C., de petits royaumes vassaux des Parthes surgissent à la frontière sud du royaume d’Arménie. L’Adiabène, dont une dynastie est convertie au judaïsme, occupe la région de Nisibe ; sa frontière nord-est suit le Tigre, au nord d’Amida. Le royaume d’Osrhoène, plus à l’ouest, a pour capitale édesse et s’ouvre sur le monde arabe. Le protectorat romain s’étend sur la Haute-Mésopotamie, en particulier sur le royaume d’Osrhoène et la partie occidentale de l’Adiabène, de Nisibe à Amida12. C’est dans ce contexte politique – entre Rome et la Perse – que la Haute-Mésopotamie est évangélisée. Dès lors, pour l’intelligence de cette histoire, le récit est centré non plus sur les nations et les états, mais sur les controverses de la christologie qui déterminent la géographie religieuse si complexe de cette région. <p.27>
1) Michel Chevalier, Les montagnards chrétiens du Hakkâri et du Kurdistan septentrional, Paris, Département de Géographie de l’Université de Paris-Sorbonne, 1985, pp. 18-19.
2) Ibid., p. 288.
3) Elysée Reclus, Nouvelle géographie universelle (vol. IX, L’Asie antérieure), Paris, Hachette, 1884, p. 391.
4) M. Chevalier, op. cit., pp. 21-22.
5) Pierre Rondot, Les Chrétiens d’Orient, Paris, Peyronnet, 1955, p. 155.
6) Sur les Yézidis, cf. infra, p. 215 et suiv.
7) N’étant pas un spécialiste de l’antiquité, je me suis limité à extraire du livre de Georges Roux (La Mésopotamie, Paris, Seuil, 1995) les éléments qui me permettaient de rédiger ce chapitre. Pour les périodes ultérieures, Claude Mutafian m’a fait l’amitié de corriger mon texte.
8) C’est grâce à la découverte des riches fouilles de Mari que l’on peut identifier ces populations.
9) G. Roux, op. cit., p. 319.
10) Claude Sélis, Les Syriens orthodoxes et catholiques, Bruxelles, Brepols, 1988, p. 12.
11) Claude Mutafian & éric Van Lauwe, Atlas historique de l’Arménie, Paris, Autrement, 2001, p. 20.
12) Ibid., pp. 30-33.