Y.Ternon, Mardin 1915, RHAC IV. Annexes.
Ces fiches viennent en complément de la liste des victimes. Les premières sont établies d’après les renseignements fournis par le père Armalé [al Qouçara, chapitre xvi, pp. 226-236, intitulé « Le martyr et la souffrance de certains chrétiens », tr. B]. Certaines figurent aussi dans J. Naslian, op. cit., vol. 1, pp. 328-341. La liste de ces « notables » lui est remise par l’archiprêtre Ahmaranian (l’orthographe des noms dans le livre de Naslian figure entre crochets quand elle diffère de celle d’Armalé). Les dernières sont extraites des témoignages de Positio.
Fils de Hanna Adam. Arrêté le 25 mai, il est envoyé au couvent des sœurs franciscaines et soumis à des tortures. Déshabillé, on lui verse de l’eau glacée ; il reçoit des coups de bâton jusqu’à fatiguer ses bourreaux qui le pressent d’apostasier. Il est ramené agonisant chez ses parents qui le soignent. Puis il est à nouveau arrêté le 10 juin et aussitôt déporté. II meurt le 11 juin.
Torturé, suspendu par un câble au plafond de la « chambre du diable ». Memdouh dirige la séance, l’insulte et le frappe. Déporté et tué le 11 juin.
Arrêté, il est torturé en prison : fouet, bastonnade. On l’oblige à marcher jusqu’à la terrasse de la prison d’où il est jeté à terre. Ses membres sont fracturés et ses camarades le portent lors de sa déportation. Il meurt le 11 juin.
Torturé en prison, il est, comme Naoum Djinandji, conduit sur la terrasse et jeté à terre. Il est ensuite enfermé dans le « cabinet d’aisances », puis à nouveau battu. Déporté et tué le 11 juin.
Arrêté et torturé dans la « chambre du diable » : il reçoit 550 coups donnés avec des cannes de grenadier (les prisonniers situés à l’étage inférieur les comptent). Revenu dans sa cellule, il leur apprend que ses tortionnaires étaient cinq et qu’ils l’ont ensuite frappé aux pieds avec des barres, jusqu’à ce que ses orteils se détachent. Il est tué avec le deuxième convoi d’hommes, le 29 juin.
Muktar de la communauté arménienne catholique à Mardin, il est chargé par le gouvernement de percevoir les taxes et les impôts. Arrêté le vendredi 11 juin, il demande de partir de chez lui avec son fils, Yacoub et son cousin, Naoum, afin qu’ils meurent ensemble. Ils sont conduits tous les trois en prison. La nuit suivante, Saïd est amené dans la « chambre du diable » et frappé jusqu’à ce qu’il révèle une cache d’armes. Puis Memdouh le contraint à aller avec lui chez les notables pour confirmer l’existence d’armes. Il l’emmène chez les familles Adam, Djinandji, Kaspo, sans en trouver, bien entendu. Ramené en prison, il est placé dans une cellule isolée. Son corps est brûlé avec des barres de fer. Lorsque sa cousine Naïma vient à la prison, le 12 juin, prendre de ses nouvelles, on lui montre Saïd et son fils, dans un état misérable. Il part avec son fils dans le deuxième convoi, puis revient à Mardin. Naoum Ibn-Nassi Hammal raconte que, le 28 juin, il est à nouveau torturé. Il a décompté 3 000 coups donnés en alternance. Au terme de ces tortures, il est littéralement écorché. Le mardi 29 juin, il est déporté et tué avec les survivants arméniens du deuxième convoi revenu à Mardin, dont Samuel Hantcho, Salim Hailo.
Arrêté, il est torturé dans la « chambre du diable » par Memdouh qui s’acharne sur lui. Sa barbe est arrachée ; on le frappe sur les pieds jusqu’à ce que ses orteils se détachent. Puis il est jeté à l’étage inférieur et <p.364> tué avec les personnes du deuxième convoi, assassinées en dehors de Mardin, le 29 juin
Torturé avec les autres Arméniens du deuxième convoi à leur retour de Diarbékir. Assassiné avec eux, le 29 juin.
Ligoté et torturé avant son assassinat, le 17 juillet, dans les cavernes.
Sacristain de la cathédrale Saint-Georges. Il est arrêté lors de la perquisition de la cathédrale, le 4 juin. Il est torturé, les mains clouées au mur. Puis il est libéré et arrêté à nouveau, le 7 juin. On veut le faire avouer où il a caché des armes. On lui arrache les ongles ; on lui applique des barres de fer chauffées sur la poitrine. Puis on suspend des clochettes à son cou et on l’oblige à marcher ainsi sous les quolibets de ses bourreaux. Il rejoint le deuxième convoi d’hommes et est tué dans la nuit du 14 au 15 juin.
C’est un garçon d’à peine quinze ans lorsque les assassins de son père l’enlèvent et l’emmènent dans la maison d’Hussein, le samedi 5 juin. Ils le battent et lui appliquent des barres de fer incandescentes sur la poitrine. Il meurt. Le lendemain, ils le déshabillent, le ligotent et tirent le corps jusqu’à la porte d’une maison voisine, celle de la famille Touma. Les occupants de cette maison couvrent le corps puis appellent sa mère qui l’enveloppe et le fait ensevelir dans le cimetière.
C’est un jeune homme de seize ans, modeste et intelligent. Il vit avec sa famille dans la maison de Monseigneur Maloyan. Arrêté après la déportation du premier convoi d’hommes, il part avec le deuxième convoi et revient de Diarbékir. On trouve sur lui un collier et une croix. Il est battu pendant quinze jours en prison et souffre patiemment sans murmurer. Le 2 juillet, il est tué avec les autres déportés arméniens du deuxième convoi.
Le père et l’enfant sont arrêtés ensemble. La mère est torturée. Le petit garçon est accusé d’appartenir à une organisation arménienne. La perquisition de leur maison ne donne rien. Les tortionnaires s’acharnent sur Georges qu’ils battent en présence de son père, plusieurs jours de suite. Chaque fois, on oblige le père à conduire son fils à la « chambre du diable » et à le ramener dans sa cellule. Le 2 juillet, tous deux sont déportés et tués.
Arrêté et torturé, il devient fou. Tué avec le convoi du 2 juillet.
Il est personnellement visé par un des chefs de la milice khamsin, le cheikh Ibn Ossa, de la tribu des mechkaouieh, ennemi juré de la famille Handcho. Les hommes du cheikh se chargent de torturer Thomas pendant sept heures. Il est redescendu dans sa cellule couvert de sang. Il y reste jusqu’au 2 juillet où il est déporté et tué.
On le suspend dans la chambre du diable par les pieds et on le frappe avec des barres de fer pendant une nuit entière. Déporté et tué le 2 juillet.
Monseigneur Ahmaranian cite aussi les noms de : Chukri Kaspo, Yakoub et Youhanna, fils d’Abdulmessih Noujaïm, Youssef Kerjerka et son fils, Mikhael, Rizkallah Tazbaz ; de la famille Bero, dont le chef, un homme riche et influent, est tué avec toute sa famille <p.365>
[Al qouçara, p. 401]
Fils de Joseph Caragualla, le docteur Caragualla rentre à Mardin en 1912, diplômé. Il s’installe avec sa femme Stella, une jeune Arménienne de Baltimore. En 1914, il reçoit l’ordre de soigner les militaires stationnés à Mardin. En mars 1915, il est envoyé à Midiat comme médecin du bataillon de Rauf bey. Il emmène avec lui sa femme et son fils, Philippe. Il assiste aux massacres des jacobites du Tur Abdin. Rauf bey lui annonce ensuite qu’il va être transféré à Mardin et qu’il peut s’y rendre avec sa famille, encadré par des soldats. Ils partent à cheval. En cours de route, les soldats les font descendre, les déshabillent et les frappent. Madame Caragualla est violée, trois heures durant, sous les yeux de son mari qu’ils tuent ensuite (19 juillet). Ils les décapitent, jettent leurs corps dans un puits, s’emparent de leurs vêtements et ramènent le garçon à Rauf bey. Auparavant, le père de Naaman, Joseph, son frère Sélim, ont été tués avec le convoi du 11 juin.
Le commandant Rauf garde le garçon. Sa femme insiste pour que son mari le remette à des proches parents. Il fait alors venir le cheikh Moussa ibn-el Khoussi et lui confie l’enfant. Celui-ci se rend à Mardin, le remet à sa tante contre dix livres. Un mois plus tard, il réclame encore 4 livres pour lui envoyer la mère du garçon, Stella. Elle les remet de bonne foi, ignorant que Stella a été assassinée. Philippe meurt trois semaines plus tard.
Des témoins interrogés par le vice-postulateur ont donné des détails sur d’autres victimes chrétiennes de Mardin ou de la région. Leur témoignage figure dans Positio.
(témoignage de Jamil Sioudfi) [Positio, p. 222]
« Madame Nedjeh Garabed, ma tante, m’a raconté la mort de Youssef Azer, qui est le frère de son mari. Ledit Youssef vivait à Derikeh [Derik] avec ses douze enfants et sa femme. Il était connu pour sa force. Lorsque les déportations ont commencé, Youssef fut appelé auprès du gouverneur qui lui proposa d’embrasser l’islam pour vivre, car c’est dommage qu’un « homme fort » et des hommes comme lui meurent ». Youssef refuse. Il est conduit avec sa famille avec un convoi en dehors de Derik, près de cavernes et tué avec sa femme et ses enfants.
(témoignage de Jamil Sioudfi) [Positio, p. 223]
Un maître maçon, élie Kisso, construit le minaret de Mardin. Il appelle Girges, le cousin maternel de Jamil Sioudfi, pour travailler avec lui et d’autres ouvriers. Lorsque la construction du minaret est achevée, les autorités obligent maître Kisso à embrasser l’islam. Il monte dans le minaret et appelle à la prière. Lui et ses enfants sont sauvés. Mais les autres ouvriers, dont Girges, refusent et sont envoyés à la prison de la citadelle. La veille de la fête du Ramadan, ils sont assassinés à la porte de la citadelle.
(témoignage de Jamil Sioudfi) [Positio, p. 223]
C’est le cousin germain de Monseigneur Maloyan. On lui demande de révéler la cache d’armes de l’évêque. Il est torturé, puis il demande à ses tortionnaires de le conduire au « puits des monticules », qui est le cimetière. Là, il se jette dans le puits et on l’achève à coups de revolver.
(témoignage de Madame Zakjié, fille de Rizkallah Toumadjian, épouse d’Ibrahim Garabed, née en 1903 à Mardin. Témoignage recueilli à Damas, le 19 mars 1966) [¨Positio, pp. 224-225]
Ce sont les quatre oncles maternels du témoin. Les trois premiers sont déportés ensemble, le 11 juin. Leur assassin s’appelle Hamouda. Après les avoir tués, il revient à Mardin et il dit au père de Madame Zakjié Toumadjian : « Nous nous sommes beaucoup fatigués en tuant ces infidèles. Servez-nous le déjeuner ». Sa mère [la sœur des victimes] refuse, mais son père insiste et elle lui sert à manger. Amsih, le quatrième frère, était <p.366> soldat à Erzeroum, attaché au service d’un lieutenant turc. Lorsque l’ordre de tuer les Arméniens est donné, le lieutenant lui propose de se convertir à l’islam. Il refuse et est tué d’un coup de pistolet. C’est son cousin, Fardjo, qui lui a raconté ce fait : il était soldat comme Amsih, mais il s’est converti à l’islam.
(témoignage de leur frère, Elias, Arménien catholique, né à Mardin en 1908. Ce témoignage est recueilli le 15 mars 1966) [Positio, pp. 227-228].
Son frère, Alexandre, âgé de dix-huit ans en 1915, est emmené par la milice hors de Mardin et tué. Son autre frère, François, est l’un des 417 compagnons de Monseigneur Maloyan. Il se rappelle que sa famille habitait à Mardin la maison d’un musulman, Hassan Madé. Celui-ci proposa à son père, Joseph, de lui donner sa fille, Bahia, pour épouse. Le père refusa. à la fin du mois de juin (ou au début de juillet), la famille Barich est déportée avec un groupe de cinq cents personnes environ. Près de Ras-ul-Aïn, le convoi est presque anéanti. Il ne reste que des enfants et des jeunes filles. Trois Kurdes se battent pour ravir sa sœur, Bahia. Deux sont tués. Lorsque le troisième veut l’enlever, elle refuse et déclare qu’elle vit et meurt pour la religion du Christ. Le Kurde la poignarde et elle meurt.
Cette liste est établie par Monseigneur Ahmaranian qui la transmet à Monseigneur Naslian (op. cit., vol. 1, pp. 335-338). Le frère Simon (op. cit., pp. 156-177) rend un hommage particulier à « notre famille dominicaine ». Il relève surtout les noms des anciens séminaristes des dominicains de Mossoul et des tertiaires dominicaines. Sa liste est complémentaire de la première : elle concerne des religieux chaldéens et syriens catholiques. Les récits de la mort de plusieurs prêtres et sœurs ont été faits soit dans le livre premier, soit dans le livre second. Leur nom sera seulement rappelé avec la mention : cf. supra.
Le diocèse de Mardin était desservi par 19 prêtres, sous la responsabilité de Monseigneur Maloyan. Celui-ci est tué le 11 juin 1915 (cf. supra) (les trois premiers prêtres de cette liste sont desservants à Mardin :
Jean (Ohannès) Potourian [Sarian], doyen du clergé (né en 1835). Desservant de la cathédrale Saint-Georges Emprisonné jusqu’au 15 juillet dans une pièce étroite de l’évêché, il est tué avec le convoi parti à cette date.
Stéphane Holozo (né en 1845, ordonné prêtre à Mardin, le 20 août 1870). Vieux curé de l’église Saint-Joseph. Torturé pour avoir caché des armes, ce qui était bien entendu faux. Tué avec le convoi du 2 juillet.
Jacques (Yakoub) Fardjo (né à Tell Armen en 1850, ordonné prêtre à Mardin en 1871). Desservant de l’église Saint-Joseph. Arrêté et torturé avec l’abbé Holozo. Tué le 2 juillet, dans le même convoi que l’abbé Holozo.
André Bedrossian (né à Mardin en 1844, ordonné prêtre à Mardin le 30 août 1871). Curé de Direk, il est tué dans cette ville.
Athanase Batanian [Battané] (né en 1862, ordonné prêtre à Mardin, le 25 mars 1884). Tué dans le convoi du 11 juin.
Antoine Ahmaranian (né en 1862, ordonné prêtre à Mardin, le 21 octobre 1888). Curé de Tell Armen. Il est amené de Tell Armen à Mardin. Il est obligé de s’agenouiller au milieu de la place publique avec le voile de son chapeau dans la bouche. Un cortège de gens le suit jusqu’à la prison en l’accablant de moqueries et d’insultes. Tué le 11 juin avec le premier convoi.
Minas Naamian (né en 1874, ordonné prêtre à Mardin en 1903). Enlevé <p.367> de Tell Armen séparément de l’abbé Ahmaranian, il est déporté et tué à Dara, le : 27 juillet 1915.
Sahak Holozian [Holozo] (né en 1877 à Mardin, ordonné prêtre à Mardin, le 27 janvier 1895). Curé de Véranchéhir, il est arrêté le 3 juin puis emprisonné à Diarbékir où il est torturé pendant quinze jours. Conduit sur une colline près de Diarbékir, il y est tué.
Léon (Levon) Nazarian (né en 1866, ordonné prêtre à Mardin, le 19 janvier 1892). Déporté de Diarbékir, où il se trouve alors pour affaires, il est tué au cours du trajet.
Meguerditch Kalioundji [Calioundjian] (né en 1878, ordonné prêtre à Mardin, le 19 janvier 1898). Torturé : on lui arrache les ongles. Déporté et tué à Dara., le 27 juillet.
Nersès Tchéro [Tchéroyan] (né en 1879, ordonné prêtre à Mardin, le 18 mai 1904). Tué à Séert.
Paul Kasparian (né à Mardin en 1880, père mekhitariste ordonné à Saint-Lazare en 1906). Secrétaire de Monseigneur Maloyan, il est à ses côtés dans le convoi du 11 juin et il est tué dans ce convoi.
Ignace Chadian [Boghos Chahadian] (né à Mardin en 1889, élève du séminaire Saint-Louis de Constantinople). Ordonné prêtre à Mardin quelques semaines avant l’arrestation de Monseigneur Maloyan afin de le faire exempter de la conscription, il est déporté et assassiné à Dara, le 27 juillet.
Augustin Baghdassarian (né en 1887, ordonné prêtre à Mardin en 1911). Tué avec le convoi du 2 juillet.
Vartan Sabbaghian (né en 1888, ordonné prêtre en 1911). Tué en déportation, le 2 juillet.
Gabriel Katmardjian (né le 13 mai 1888, élève du séminaire Saint-Louis de Constantinople). Desservant de l’église Saint-Joseph. Après son arrestation, on lui rase la barbe, on le bat et lui arrache les ongles des orteils. Puis on le fait marcher avec les déportés du premier convoi du 11 juin. Avant d’être tué, il avale une relique de la Sainte Croix pour la protéger de la profanation [Positio, Témoin XIII (D), pp. 239-240].
Paul Chadian (né à Mardin en 1880, ordonné prêtre en 1909). Curé de Dara.
à cette liste de 17 prêtres (sur 19) s’ajoute le nom de Gabriel Saccate, petit cousin de la sœur Marie de l’Assomption. Ordonné prêtre depuis deux ans, il part dans le second convoi d’hommes avec les prêtres syriens catholiques [récit M. 1a]. Il est un des rescapés de second convoi : il rentre de Diarbékir avec l’abbé Kremo [récit M. 1c] à Mardin où il est emprisonné et tué peu après d’une balle derrière l’oreille (Récit de la sœur Marie, Positio, pp. 270-271).
<p.368>