R. H. kévorkian , La cilicie (1909-1921) - RHAC III ► Première partie : les massacres de Cilicie d'avril 1909.
évoquant les conséquences de la Révolution de juillet 1908 à Van, le gérant du vice-consulat français de la ville remarque, dans sa dépêche du 1er septembre 1908, qu’« un Comité Union et Progrès a été formé, se composant de 21 membres, dont 7 militaires, 7 Arméniens et 7 Turcs, lequel comité est en correspondance avec Salonique, dont il reçoit ses instructions »33. Tel est, semble-t-il, le rôle dévolu à l’armée un peu partout dans l’Empire ottoman et celui occupé par la direction jeune-turque qui contrôle la situation dans le pays à partir de Salonique à travers les clubs locaux qu’elle met rapidement en place grâce à des délégués itinérants. La Cilicie ne faisait évidemment pas exception à la règle, même s’il faut tenir compte des particularismes locaux et de la personnalité de certains militants «jeunes-turcs » qui s’intéressent souvent plus au pouvoir des Unionistes qu’aux idées qu’ils véhiculent.
En Cilicie, la formation du Comité local a surtout permis de régler leur compte aux deux principaux représentants de l’ état dans la région, dont la politique d’apaisement menée à l’égard des Chrétiens ne plaisait guère dans cette région encore toute imprégnée de mœurs tribales. Ainsi, après avoir obtenu un changement de fériq (commandant militaire), le Comité jeune-turc d’Adana, formé des principaux notables turcs de la région, s’en prend au vali du vilayet, Bahri pacha, et exige sa démission. Accusé d’être « un sympathisant des chrétiens », il a dû quitter la ville en secret, mais il a été « arrêté par les villageois à la frontière du vilayet, à la demande de son ennemi personnel, Baghdâdi Zadé34, puis remis en liberté sur ordre du Comité d’Adana [...] Il aurait résisté cinq heures durant à la pression du Comité d’Adana qui réclamait sa démission, prétendant que 30 000 Arméniens se soulèveraient en sa faveur. Le comité lui aurait répondu : “ Essayez, vous n’en trouverez pas trente” »35. Ces quelques indications sont révélatrices de l’ambiance qui règne à Adana au lendemain de la Révolution et montrent ce que pensent réellement les notables turcs locaux des potentialité de rébellion des populations arméniennes de Cilicie dont ils vont faire grand cas au cours des mois suivants.
Dans un second temps, le remplaçant de Bahri pacha, Djévad bey, est arrivé à Adana le 15 octobre et « Il a demandé un renfort de troupes à Damas en prévision de tout événement [...] Les pessimistes parlaient même d’un massacre des Arméniens pour cette date [la fin du Ramadan], mais cette éventualité semble peu probable, à moins que ceux-ci ne persistent dans leur attitude outrecuidante et impolitique au possible [...] Cette attitude des Arméniens est bien faite pour leur aliéner les Jeunes Turcs. Jeunes et vieux Turcs paraissent maintenant se réconcilier sur le terrain du patriotisme et de l’islamisme. Déjà, dans les mosquées, les mollahs invitent les fidèles à maintenir énergiquement “leurs droits” [...] Le meneur des Turcs est Baghdâdi Zadé, celui-là même qui, dit-on, arrêta Bahri pacha dans sa fuite [...] »36.
On trouve ici réuni tous les éléments constitutifs de la question ottomane : les premières rumeurs de massacres — la rumeur semble institutionnalisée dans ces sociétés — et une première allusion aux « provocations » de certains militants arméniens. Soit la mise en place de la dialectique officielle provocations-révolte-massacre, que reprend complaisamment ce vice-consul français, dont les compatriotes officiers et missionnaires noteront l’inconsistance et la lâcheté lors des événements d’avril 1909.
De fait, l’ambiance est lourde en Cilicie en octobre 1908, durant les fêtes du Ramadan. En milieu musulman, on a du mal à digérer les changements provoqués par la Révolution constitutionnelle et notamment que les chrétiens, surtout les Arméniens, adoptent un profil aussi haut — traduisons qu’ils défendent avec autant de vigueur la Constitution. Une rumeur invérifiable circule même dans les quartiers turcs d’Adana, rapportant que les chrétiens vont attaquer la caserne et en prendre le contrôle, puis attaquer les Turcs37.
Cela dit, il nous faut examiner le bien fondé des accusations de provocation et de révolte que certains Turcs et quelques observateurs étrangers notent de manière récurrente, en Cilicie ou ailleurs dans les provinces arméniennes, pour essayer d’en comprendre l’origine et le contenu.
Les dépêches envoyées par les agents consulaires de province au ministre des Affaires étrangères et à l’ambassadeur à Constantinople constituent à cet égard une source non négligeable pour mesurer les tensions qui persistent ici et là malgré la proclamation de la Constitution.
à Van, le gérant du vice-consulat, le capitaine Dickson, indique au ministre que « pour essayer d’améliorer la situation fort tendue, j’ai vu les chefs tachnakistes, Aram [Manoukian] et le Docteur [Vahan Papazian], et je leur ai donné quelques avis. Je leur ai conseillé de se conduire avec prudence et modération, d’abandonner momentanément leurs idées exagérées de traiter les gens compromis de l’Ancien régime bien plutôt avec douceur qu’avec une arrière-pensée de vengeance et de ne pas exiger des punitions outrées. Heureusement, ils ont prêté l’oreille à ces conseils [...]»38. Ce premier témoignage est déjà riche d’enseignements. Il nous rappelle que sous l’Ancien régime, la politique d’Abdul-Hamid consistant à armer et à lâcher les régiments kurdes hamidiés sur les populations des provinces arméniennes a donné un sentiment de toute puissance et d’impunité aux tribus kurdes locales, qui ont profité de la situation pour acquérir des biens immobiliers considérables en spoliant les Arméniens. La Constitution rétablie, les leaders arméniens locaux, comme leurs collègues parlementaires de Constantinople, qui ont lutté dans la clandestinité pour faire tomber l’Ancien régime, ont, fort de leur nouvelle légitimité et du soutien apparent de l’ Ittihad, exigé que ces abus soient punis ou pour le moins corrigés en procédant à une restitution des biens. Ce qui impliquait le règlement de milliers de litiges et la remise en cause des positions acquises par des chefs tribaux qui ont gardé un pouvoir considérable dans leurs régions d’origine et siègent même pour certains dans les clubs jeunes-turcs de province, voire au Parlement ottoman. Cependant, comme le remarque le chargé d’affaire de France à Constantinople, Boppe, « Les Kurdes étaient mal préparés aux réformes que la Constitution a introduit dans l’Empire [...] Les Kurdes oublient difficilement les faveurs dont ils jouissaient sous le règne d’Abdul-Hamid. Ils regrettent les distinctions et les gratifications qui leur étaient envoyées de Yildiz en récompense des crimes et des déprédations qu’ils commettaient sur la population arménienne »39.
S’affronter aux dignitaires locaux, en remettant en cause leurs positions acquises, était bien dans la tradition des révolutionnaires arméniens, dont on sait qu’ils n’hésitèrent pas à « punir » les chefs kurdes qui s’étaient rendus coupables des exactions les plus ignobles. Exiger une part de responsabilité dans la direction des affaires régionales était aussi assez logique pour ces militants imprégnés d’idées progressistes qui parlaient de progrès social. Il est clair que ces anciens « terroristes », rentrés en grâce et accueillis avec les honneurs à leur retour d’exil ou de clandestinité, ne pouvaient qu’inspirer un sentiment de méfiance chez les hauts fonctionnaires qui venaient de passer les trente dernières années à les pourchasser et à malmener les populations arméniennes avec la bénédiction de la Sublime Porte. Il devait effectivement être difficile pour ces individus ayant acquis des automatismes de pensée de comprendre rapidement les mutations que la société ottomane était censée vivre. Il est tout aussi vraisemblable que l’intégration dans les nouvelles instances démocratiques des anciens clients d’Abdul-Hamid, leurs bourreaux, devait en choquer plus d’un et qu’ils dénoncèrent avec véhémence cette manière de récupérer ces hommes localement puissants. Et c’est sans doute dans cette exigence de justice, certes un peu idéaliste, qu’il faut voir ce qu’on appelle alors des «provocations», surtout dans une société qui, nous l’avons dit au début de cette étude, considère encore qu’il ne peut être question d’égalité entre tous les sujets de l’empire. Le fait même d’exiger y est en soi une provocation intolérable, ce dont les observateurs étrangers semblent avoir conscience.
Le retour en Cilicie des militants hentchakistes ou Dachnakistes, qui intègrent souvent les clubs jeunes-turcs locaux, irrite même certains agents consulaires habitués à raisonner selon les critères de l’ état, quel que soit la nature de celui-ci. Le vice-consul de France à Mersine et Adana remarque par exemple que « leur meneur principal [aux Arméniens] est un certain [Garabèd] Gueukdérélian, longtemps emprisonné pour le rôle joué par lui dans les affaires d’Arménie »40. Curieux jugement visant un militant persécuté durant des années, avocat de renom, chargé, au lendemain de la Révolution, en compagnie du capitaine Abdullah, de fonder un club jeune-turc à Hadjın pour y développer un climat favorable entre les différents éléments de la population — notons cependant qu’après avoir été reçus par les notables locaux et avoir consommé un peu d’alcool, le même capitaine exprime à l’évêque arménien le fond de sa pensée : « Si, sous la Constitution, les Arméniens continuent de cultiver des idées séparatistes, nous les tuerons tous jusqu’au dernier »41. G. Gueukdérélian reste en fait, aux yeux de certains, suspect d’être un ancien activiste hentchak et provoque surtout l’irritation ou la jalousie des notables locaux, car ceux-ci supportent mal son influence soudaine qui vient empiéter sur leur propre pouvoir.
Mais, outre les accusations générales, on observe une concentration exceptionnelle de charges contre la principale bête noire des autorités turques, l’évêque d’Adana Mouchègh Séropian, unanimement accusé d’être le principal provocateur et responsable des massacres de Cilicie42. Son cas est encore plus révélateur des différences de « mentalité » ou des «malentendus » qui ressortent alors. Homme éduqué, Mgr Mouchègh symbolise la nouvelle génération de prélats arméniens. Il a accompli un travail considérable pour développer les structures scolaires de la communauté arménienne et améliorer le niveau général d’éducation de la population, ne laissant passer aucune occasion pour favoriser l’éclosion d’une vie démocratique locale. Cet « homme de 35 ans environ, intelligent et énergique », est toutefois jugé, selon le contre-amiral Pivet, qui rapporte sans doute ici ce qu’il a entendu de la bouche des hauts fonctionnaires turcs locaux, dont il fait grand cas, et de missionnaires passablement amers, « d’une ambition effrénée, schismatique d’apparence mais n’ayant au fond aucune religion »43.
Un événement rapporté par le journal libéral turc Serbesti et le quotidien arménien Puzantion donne une idée de ce personnage. Pour protester contre le projet de loi sur la presse, réduisant sa liberté et imposant la censure, les libéraux turcs et arméniens d’Adana ont, contre l’avis du préfet, organisé dans le jardin municipal un meeting réunissant près de 10 000 personnes le 14 février 1909. Un comité mixte a été fondé pour l’occasion, avec notamment Ihsan Fikri, le président du club jeune-turc d’Adana et rédacteur en chef de l’organe officiel du CUP dans la région, l’ Ittihal, l’imam Tevfik, Hadji Suleïman de Sis, et, côté arménien, deux notables, Garabèd Tchalian et Krikor Keledjian, ainsi que l’évêque Mouchègh. Après que plusieurs personnes aient pris la parole, ce prélat tient le discours suivant : « Tous les crimes qui ont souillé la Turquie et la patrie ottomane ont provoqué sa ruine. Ils étaient la conséquence de la réduction en esclavage de la population. L’esclavage est, sous toutes ses formes, insupportable, mais celui de la parole et de la plume est la pire de toutes les formes de soumission. Si, jusqu’à présent, tant de crimes et d’injustices ont été commis, si la ruine de l’Empire ottoman a jusqu’à présent systématiquement progressé, la raison principale à cela est que nous étions privés de parole, du droit de protester, de notre droit de défendre les droits légitimes de notre patrie sacrée: on coupait la langue de ceux qui exigeaient la justice ; on brisait la plume qui s’exprimait contre l’injustice [...] »44.
C’est ce même prélat « provocateur » qui, le 10 janvier 1909, adresse au vali Djévad bey le fameux rapport relevant les provocations diverses et exactions qui ont été commises contre les Arméniens au cours des dernières semaines, afin que celui-ci prenne les mesures nécessaires pour les faire cesser. Il y dévoile surtout les menées du sous-préfet de Djébèl Bérékèt, Assaf bey, qui excite déjà les populations musulmanes en leur disant qu’il est inadmissible que les Arméniens aient les mêmes droits qu’eux et que ceux-ci s’arment et se préparent à les attaquer. Or, cette intervention officielle apparut intolérable au vali qui adressa au ministère de l’Intérieur plusieurs rapports (notamment le 16 janvier) demandant le remplacement de l’évêque qui « excite les Arméniens contre le gouvernement et les lois et empoisonne progressivement l’esprit de ses concitoyens »45. Le patron de la flotte française de Méditerranée orientale, le contre-amiral Pivet, confirme à sa manière ces accusations, en affirmant que les Arméniens, « Quoiqu’ils sussent parfaitement que les Turcs d’Adana étaient généralement dévoués à l’Ancien régime, ou plutôt parce qu’ils le savaient, ces Arméniens n’ont pas cessé de les taquiner, de les menacer depuis le 11 juillet 1908, date de la publication de la Constitution nouvelle. à l’instigation de leur évêque nommé Mouchegh, ils ont formé des comités insurrectionnels, fait circuler des proclamations où étaient désignés les ministres et principales autorités du futur royaume d’Arménie. Bien plus, ils se sont munis d’armes perfectionnées qu’ils prenaient plaisir à montrer aux Turcs »46.
On lit aussi, dans les extraits du rapport adressé par le vali Djévad le 16 janvier 1909, que ce même Mouchègh s’est affublé d’un costume de roi de Cilicie et s’est fait photographier ainsi ; qu’il organise des représentations théâtrales mettant en scène des rois d’Arménie « mythiques » ou encore qu’il encourage la population chrétienne à ne plus payer les taxes militaires et locales.
Nous voyons donc que le dossier à charge contre Mouchègh Séropian est lourd. Il l’est d’autant plus qu’on lui impute le rôle de responsable principal des massacres. Mais pourquoi charge-t-on tout particulièrement le prélat des Arméniens ? S’agit-il d’accusations justifiées ou d’une interprétation erronée des actes du prélat ? Telles sont les questions auxquelles nous tentons à présent de répondre.
On peut d’abord remarquer que l’évêque est une forte personnalité, peut-être intransigeante et entière qui a, pour l’Ancien régime et ses serviteurs — son discours du 1er février 1909 le montre bien —, une répulsion marquée. Il fait manifestement parti de ces jeunes hommes porteurs des valeurs de la Révolution constitutionnelle et qui se sentent investis d’une mission sociale. à ce titre, il a très probablement dû heurter les milieux réactionnaires d’Adana que tous les témoins s’accordent à trouver encore influents. Or, le vali Djévad est d’une autre génération et, comme l’acte d’accusation de la Cour martiale le montre, un pur produit hamidien de Yıldız. Tout semble donc opposer les deux hommes. Aussi, lorsque le jeune prélat rédige son fameux rapports du 10 janvier 1909, relevant tous les débordements qui se produisent dans le vilayet, il heurte doublement la sensibilité du vieux fonctionnaire. D’abord parce qu’il met le doigt sur des pratiques qui sont pour lui parfaitement légitimes dès lors qu’elles ne touchent que les Arméniens, ensuite parce qu’il ne peut supporter l’idée qu’un clerc chrétien puisse se mêler de questions qui relèvent de sa seule compétence. Si l’on lit son rapport du 16 janvier, exigeant que Mouchègh Séropian soit muté, en prenant en compte ces antagonismes, on peut mieux saisir pourquoi il le charge excessivement, avec une bonne dose de malveillance, sans parler des pressions qu’il doit subir de la part de certains milieux turcs d’Adana.
Ainsi, la fable du déguisement en roi d’Arménie est une interprétation extensive de la tenue vestimentaire d’un prélat arménien lors des offices festifs, tandis que la photographie incriminée, prise sous le porche de l’église à la sortie de la messe, n’est rien d’autre qu’un cliché prit pour immortaliser un jour de fête. La représentation théâtrale qui semble tant inquiéter les autorités ottomanes et la population locale est une mise en scène de la fête du Vartanants, qui concerne les martyrs de la bataille d’Avaraïr, tombés contre les Perses zoroastriens en 451 et fêtés chaque année par l’ église arménienne. Les encouragements qu’il aurait donné pour ne plus payer les taxes militaires et locales se réduisent en fait à la réclamation qu’il a formulé pour que les excès qui ont été commis à l’occasion de la perception de ces impôts dans le sandjak du Djébèl Bérékèt soient corrigés.
En définitive, c’est le véritable réquisitoire du contre-amiral Pivet qui semble le mettre, lui et ses ouailles, le plus gravement en cause. Nous n’avons pas pris le temps d’étudier la personnalité de ce haut gradé, dont on peut au demeurant se faire une idée en lisant ses rapports au ministre publiés en annexe. Nous relèverons seulement que les déclarations, certes tardives, des autorités centrales ont rendu justice de ces accusations qui n’étaient que le fruit de rumeurs. Militaire de haut rang, ayant fait sa carrière dans une France coloniale, dont on mesure aujourd’hui l’énormité des préjugés, le conformisme et l’arrogance naturelle, le contre-amiral Pivet a bien digéré les propos tenus par ses collègues turcs. L’outrance de ces propos, faisant allusion au « cabinet fantôme » d’« un futur royaume d’Arménie », ne pouvait d’ailleurs que faire sourire toute personne connaissant un tant soit peu la situation intérieure de l’Empire ottoman. L’un des meilleurs témoins, le major Doughty-Wylie, dont tout le monde s’accorde à louer l’intelligence et le dévouement, écrit dans son rapport : « Je ne crois à aucune révolution arménienne visant à créer un royaume indépendant à la faveur d’une intervention étrangère. Si les Arméniens avaient poursuivi un but semblable, ils se fussent retirés en masse dans les montagnes, où ils auraient pu mieux se défendre. Ils n’auraient jamais laissé tant de milliers de moissonneurs [...] épars, sans armes, dans la campagne. De plus, il est ridicule de supposer que même les Arméniens armés, qui ne l’étaient que de revolvers et de fusils de chasse, se pussent croire capables de faire face à l’armée ottomane. Quant à une intervention étrangère, la plus mince connaissance de la politique les eût convaincus de l’absurdité d’une telle idée »47.
C’est toutefois la circulaire adressée le 11 août 1909 à tous les valis de province par le grand-vizir qui pose le mieux, dans une perspective bienveillante, mais avec quelques euphémismes de la plus belle facture, les problèmes d’«incompréhension » qui ont « engendré » le massacre des Arméniens: « Il n’est pas douteux qu’au temps de l’Ancien régime où se pratiquaient les abus du despotisme, certaines classes de la communauté arménienne travaillaient dan un but politique. Mais quelle que soit la forme dans laquelle ce travail s’opérait, il n’avait d’autre but que de s’affranchir des vexations et des méfaits insupportables d’un gouvernement despotique. Par contre, en ces derniers temps, il a été constaté que les Arméniens ont aidé beaucoup à ce que la nation obtienne la Constitution et ont de ce fait prouvé leur sincère attachement à la Patrie ottomane.
Après l’octroi de la Constitution surtout, convaincus que, hors la fidélité à la Constitution ottomane, il ne pouvait y avoir ni salut ni bonheur pour leur nation, ils ont concentré leurs efforts pour travailler d’un commun accord au bien-être de la nation ottomane. En conséquence, la mauvaise opinion qui fait soupçonner par ceux qui ignorent la vérité la communauté arménienne d’entretenir des visées politiques blâmables n’a certainement pas sa raison d’être.
Quant à l’origine des événements déplorables d’Adana, les conclusions des enquêtes poursuivies par des commissions spéciales et les circonstances dans lesquelles ces faits regrettables se sont déroulés ont démontré que l’allégresse et les sentiments de joie témoignés par les Arméniens furent mal interprétés par les gens naïfs : derniers et déplorables vestiges du temps de l’absolutisme qui voulait étouffer le sentiment de fraternité patriotique. Et la populace qui, jusqu’alors, ignorait le nom et le programme des comités « Tachnak-Zoutioun » et « Hintchak », voyant leurs membres se montrer spontanément au grand jour, s’est fait des illusions et s’est livrée à des suppositions sans fondement et à des interprétations erronées »48.
Outre les « provocations », dont nous avons déjà précisé les limites et le manque de crédibilité, l’accusation concernant un « Royaume arménien » en gestation — elle est évoquée de manière voilée dans la circulaire du grand-vizir — et la rumeur évoquant un projet d’insurrection devant aboutir à la création d’un état arménien indépendant ne se limitant pas à la Cilicie, méritent qu’on s’y arrête. Ce point est, en effet, d’autant plus essentiel qu’il est au centre de la dialectique développée par les autorités ciliciennes et le pouvoir central pour accréditer la thèse de l’autodéfense turque contre des Arméniens qui s’organiseraient en vue de les attaquer.
Une des premières rumeurs concernant cette question est rapportée par le vice-consul de France à Sivas, H. Rouland, qui écrit à S. Pichon, le 29 janvier 1909 : « Le bruit court ici que les Arméniens auraient l’intention, dès qu’ils seraient armés, de se soulever contre le gouvernement ottoman, de proclamer leur indépendance et de reconstituer l’ancien Royaume d’Arménie. Ils n’attendraient qu’une occasion favorable »49.
Cependant, la suspicion à l’égard des Arméniens ne se limite pas à la diffusion de rumeurs. En Cilicie, les hauts fonctionnaires locaux semblent prendre au sérieux le danger potentiel qu’ils représentent et mènent une politique destinée à leurs yeux à lutter contre ce risque. Le télégramme adressé par le vali d’Adana au ministre de l’Intérieur, en date du 16/29 mars 1325/1909 (n° 23)50 est des plus révélateurs à cet égard : « Réponse au télégramme chiffré de votre excellence du 13/26 mars. Dernièrement, au cours de la réunion du Conseil général de la province, le représentant arménien du canton de Kozan a proposé que, compte tenu du fait que Hadjın est situé dans un site accidenté et que ses terres agricoles sont rares — ce qui empêche la population pauvre de pouvoir en cultiver — d’établir cinq cents foyers de celle-ci soit à Kozan, soit dans un autre lieu du tchiftlik de Tchoukour Ova, ou un autre lieu à préciser par les autorités locales [...] Ce projet a été soutenu par les membres chrétiens [du Conseil], mais compte tenu qu’il y a des tribus nomades à installer dans la province, compte tenu du fait que si nous acceptons cette proposition pour un endroit donné, des populations d’autres régions, qui se plaignent également du manque de terres agricoles, vont à leur tour réclamer publiquement qu’on leur attribue des terres non cultivées, de multiples problèmes et d’innombrables requêtes vont être soulevées et les cas de déplacements de villages se multiplier [...] Nous avons [donc] suggéré que dans la mesure du possible les nécessiteux d’Hadjın améliorent leurs conditions de vie en s’occupant de commerce et d’artisanat ».
D’apparence anodine, cette note souligne le soucis du préfet de limiter au maximum la présence arménienne dans la plaine cilicienne et de la confiner dans les « montagnes refuges », afin de favoriser la sédentarisation des tribus nomades qu’on projette d’y installer ; elle illustre les préoccupations « démographiques » du pouvoir central, la suspicion qui règne à l’égard des Arméniens.
On retrouve ces arguments développés de manière plus explicite dans le discours justificatifs rédigé par la Cour martiale chargée du dossier cilicien. Constituant une sorte de synthèse des rumeurs qui circulaient durant les mois précédant les événements, le rapport qu’elle expédie à Constantinople remarque : les Arméniens cherchaient à provoquer des incidents dans les régions côtières traversées par le Bagdadbahn, « où les étrangers ont comparativement plus d’intérêts » ; « ils ont choisi Adana comme centre des provocations et des désordres qu’ils s’apprêtaient à commettre » ; «notre enquête nous a permis de constater qu’après cela, afin d’augmenter l’élément arménien dans la région, un grand nombre d’Arméniens des régions proches et lointaines sont arrivés et s’y sont installés » ; « cependant, le fait qu’ils aient fait preuve d’autant de hardiesse en usant de la liberté et de l’égalité qu’ils venaient d’acquérir n’a pas été très apprécié par les musulmans, dont la suspicion et la mauvaise opinion se sont accentuées lorsque les comités Hentchak, Drochak ou Dachnak, qui étaient auparavant odieux aux yeux de l’opinion publique, ont créé de partout des clubs [et] lorsque les d’Arméniens se sont établis en aussi grand nombre au même endroit » ; « à peine la Constitution rétablie [...], ils ont commencé à fomenter des coups pour obtenir leur indépendance, et en diffusant des armoiries arméniennes fictives, des illustrations représentant des rois imaginaires et des héros [nationaux], ils ont excité les sentiments des Arméniens »51.
Bien que rédigé pour justifier après coup la violence qui s’est déchaînée contre les Arméniens de Cilicie, ce discours n’en est pas moins révélateur de l’état d’esprit dominant dans l’opinion publique musulmane, lequel n’est pas seulement imputable aux provocations orchestrées par les cercles conservateurs. Imprégnée de la propagande hamidienne qui présenta durant des décennies les Arméniens comme des traîtres et des séditieux, elle continue à réagir selon des critères de jugement anciens, incapable, par exemple, de concevoir que des partis politiques qualifiés de terroristes voici peu soient soudain légalisés et puissent créer des clubs locaux. On pourrait résumer le problème en disant que la société ottomane du temps a du mal à intégrer les apparences mêmes d’un système démocratique... et la Cilicie n’échappe pas plus que les autres provinces ottomanes à ce phénomène. Il faut d’ailleurs souligner qu’après la publication du rapport, les principaux membres de la Cour martiale furent invités à démissionner, et que la circulaire publique du grand-vizir — citée plus haut — répond pratiquement point par point aux accusations portées dans ce rapport, ce qui montre bien que certains cercles ottomans étaient parfaitement conscients de l’état de leur opinion publique et ressentaient parfois le besoin de faire une mise au point pour calmer les esprits ou dédouaner les personnes visées.
Cela dit, le développement économique attire effectivement en Cilicie des migrants arméniens des provinces malmenées d’Anatolie orientale, qui prenaient tout aussi bien la direction de Constantinople ou de l’ égypte, voire du Caucase, pour échapper à une misère chronique et à une insécurité sciemment entretenue. Mais peut-on parler de plan concerté pour peupler la Cilicie ? Nous ne le croyons pas. D’abord parce que ces mouvements migratoires sont surtout saisonniers — on vient travailler dans les grandes exploitations agricoles de la plaine cilicienne du printemps à l’automne — et n’ont donc qu’un caractère économique provisoire ; d’autre part parce qu’on n’observe aucunement un plan concerté dans cette région éloignée des provinces arméniennes, dont on voit mal du reste qui aurait pu le mettre en œuvre. Enfin parce que les Arméniens ont montré, sans la moindre ambiguïté, depuis que la Constitution a été rétablie, qu’ils veulent participer à l’édification d’un état moderne dans lequel ils revendiquent leur place. En sens inverse, on note par contre l’installation de milliers de familles rouméliotes et balkaniques musulmanes en Cilicie au cours des années 1908-190952.
Concernant la situation en Cilicie à la veille des massacres, le premier rapport officiel de la commission d’enquête du gouvernement — composée de deux magistrats, l’un turc, Faïk bey, membre de la présidence du Conseil d’ état, l’autre arménien, Haroutiun Mosditchian, inspecteur judiciaire de la province de Salonique — rendu public le 10 juillet 1909, soit trois jours après celui de la Cour martiale, apporte un éclairage manifestement plus objectif53.
Après avoir enquêté à Adana, Dört Yöl, Osmaniyé, Baghtché, Hamidiyé, Tarse, Hassan Beyli et Kharne, les deux magistrats constatent d’abord qu’il existait à Adana, depuis l’automne 1908, un fort antagonisme entre les partis jeune-turc et libéral, respectivement dirigés par Ishan Fikri bey, hostile au vali Djévad bey, et Ali Guerguerli, secondé par l’avocat hentchakiste Garabèd Gueukdérélian, tous deux favorables à ce même vali. Ils notent en outre le rôle assez marginal du courant conservateur d’inspiration islamiste, composé de nostalgiques de l’Ancien régime, qui contribuaient cependant à diffuser des rumeurs de massacre et à empoisonner l’atmosphère. Ce dernier groupe était dirigé par un puissant notable local, Abdul-Kader Baghdadi Zadé54, fondateur du club Ziraat d’Adana et de son organe hebdomadaire, Rehber i Ittidal. Ce cercle affirme ouvertement son opposition à la Constitution et à l’égalité de droit officiellement attribuée aux chrétiens.
C’est dans ce contexte de lutte interne que, selon des sources arméniennes, partiellement recoupées par la presse de Constantinople, plusieurs événements annonciateurs se produisent en Cilicie. Aux menaces de massacre du Baïram d’octobre 1908, évoquées plus haut, succèdent une suite d’événements, dont certains sont apparemment provoqués, d’autres exploités par tel ou tel parti, contribuant à faire monter la tension à Adana. Au début de février 1909, Këur Ahmed, le fils du mufti de Hadjın, télégraphie au préfet qu’une révolte des Arméniens de Hadjın se prépare55. La rumeur ajoute que ceux-ci marcheraient sur Adana, ce qui ne manque pas de mettre la population musulmane locale sur les nerfs. Au début du mois de mars, une autre provocation a lieu à la Grande Mosquée ( Oulou Djami ), dont la porte est souillée d’excréments au cours de la nuit, provoquant une vive colère dans la population locale qui ne manque pas d’accuser les chrétiens de sacrilège. Quelques gardes surprennent néanmoins les deux coupables le lendemain soir, alors qu’ils s’apprêtaient à recommencer, mais compte tenu du fait qu’il s’agit de softa, les autorités décident de classer l’affaire. Fort peu de temps après, le bruit circule dans les quartiers turcs d’Adana que les Arméniens s’apprêtent à attaquer le dépôt d’armes de Barracks la nuit suivante en utilisant un passage souterrain secret et qu’il faut se tenir prêt à se défendre. Au petit matin, les Arméniens d’Adana apprennent avec stupéfaction ce qui s’est produit au cours de la nuit en lisant l’organe jeune-turc local, l’ Ittidal. L’archevêque arménien proteste contre ces bruits et exige qu’une enquête soit menée pour identifier les auteurs de ces rumeurs, mais en vain. Il faut aussi souligner qu’au cours de l’hiver 1908-1909, plusieurs Arméniens ont été assassinés sur les routes de la province, créant une atmosphère d’insécurité malsaine. Suite au meurtre de trois muletiers dans les environs de Sis, on mit même la main sur les coupables qui affirmèrent qu’ils avaient agi « sur l’ordre d’une organisation secrète pour le massacre des chrétiens », car ces derniers en soutenant la Constitution visent à supprimer la Charia56. Au début du printemps, les incidents deviennent quasi quotidien et se produisent dans les environs immédiats d’Adana : plusieurs femmes et jeunes filles arméniennes sont enlevées, des hommes attaqués et battus.
Toutes les sources confirment cependant que les « événements d’avril 1909 » ont pour point de départ le meurtre de deux Turcs par un jeune charpentier arménien à la périphérie d’Adana le lundi de Pâques, 9 avril. Le 4 avril, alors que le jeune Hovhannès rentre chez lui, il rencontre un groupe de brigands, dirigés par un certain Isfendiar, qui l’encerclent et lui demandent de satisfaire leurs fantaisies. Sur son refus, ces hommes le bastonnent et l’abandonnent sur place. Le lendemain matin, le jeune homme se rend à la préfecture, puis au tribunal pour y déposer une plainte contre ces délinquants notoires, mais il est éconduit sans ménagement. Il décide alors de s’acheter un pistolet pour se défendre. Le lundi de Pâques en soirée, le groupe attend Hovhannès sur la route menant à sa demeure, l’attrape et le blesse de plusieurs coups de couteaux. Le jeune homme riposte, tuant le chef de ses agresseurs et en blessant deux autres. à peine la nouvelle connue, on récupère le corps d’Isfendiar qui est exhibé dans les quartiers turcs, puis enterré dans une atmosphère particulièrement lourde. Après quoi une foule nombreuse part à la recherche de l’assassin qui s’est enfui, pille sa maison et brutalise sa famille. Informé de la situation, le préfet Djévad ne bouge pas. Quatre jours plus tard, un des deux blessés décède à son tour. Son inhumation donne lieu à une véritable émeute. La foule se rend dans le quartier périphérique de Tosbaghı kalesi où vivait le jeune assassin et exige que celui-ci soit livré, menaçant, dans le cas contraire, de mettre à feu et à sang tout le bourg57.
Le soir même, les Jeunes Turcs d’Adana organisent un meeting sous la présidence d’Ihsan Fikri, qui tient un discours enflammé hostile aux « giavour ». Dans la nuit du 12 avril, quelques personnes menées par un certain Karakeusseh oghlou Mahmoud tirent des coups de feu en l’air, puis se rendent au poste de police et racontent que deux Turcs ont été tués par « les » Arméniens. Peu après, il se révèle qu’il s’agit évidemment d’une information fallacieuse et le missionnaire américain Chambers, le pasteur Hampartsoum Achdjian et le Dr Hampartsoumian rendent visite au préfet pour attirer son attention sur la tension qui règne dans la ville. Le 13 avril, jour de marché, nombre de paysans des villages environnants affluent à Adana, comme chaque mardi, mais semblent avoir reçu l’ordre de rester sur place, car ils ne rentrent pas chez eux le soir venu. Au cours de la journée, une rumeur s’est répandue parmi eux : quatre musulmans, deux hommes et deux femmes, auraient été assassinés par les Arméniens — on apprendra après enquête que l’information était inexacte —, ce qui ne manque pas d’inquiéter les communautés chrétiennes dont les représentants se rendent le jour même auprès du préfet pour lui signifier combien la situation est sérieuse. Celui-ci se contente de répondre qu’il a «donné tous les ordres nécessaires ». Ce même mardi, les observateurs remarquent que certains Turcs se sont affublés d’un turban blanc et se font ainsi passer pour des softa. Ces individus tuent un Arménien circoncis, puis donnent l’alarme en rapportant partout qu’un autre musulman a été tué. Le médecin légiste de la ville, appelé sur place pour confirmer l’origine de la mort, constate alors qu’il s’agit d’un de ses patients arméniens qui porte en outre un tatouage en forme de croix. Le soir même, vers 21 h, la foule dirigée par des hodja (clercs musulmans) se rend à la préfecture et demande au vali l’autorisation d’aller punir les Arméniens, mais Djévad bey la renvoie. Un meeting est alors organisé dans les locaux du journal d’lIhsan Fikri, l’ Ittidal, situés dans la medresse de Demirdjilar, et dans les rues adjacentes. Au cours de la nuit, un grand rassemblement a lieu devant le bâtiment de la préfecture, sous la présidence du vali Djévad bey, en présence du fériq (gouverneur militaire) Moustapha Remzi pacha, du juge, du mufti de la ville et de deux des principaux notables de la région — Abdul-Kader Baghdadi Zadé et Guerguerli Zadé Ali —, du commissaire de police, Kadri bey, etc. Un vif débat s’engage. Malgré l’opposition du juge et du directeur de la poste, également présents, l’assemblée décide que le moment est venu de donner une leçon aux Arméniens. Le mufti confirme que le massacre de chrétiens est conforme à la loi islamique et délivre une fatva (décret religieux) confirmant la sentence58.
Cependant, malgré les provocations et la montée de la tension, aucun Turc d’Adana ne passe encore à l’acte. Dans la journée, le vali Djévad a adressé quatre télégrammes au ministère de l’Intérieur, l’informant en termes très généraux du désordre qui règne dans la ville et notamment du fait qu’il a dû « appelé sous les armes des troupes de réservistes dans tout le vilayet pour maintenir l’ordre ». Il reçut pour seule réponse un télégramme du sous-secrétaire d’ état à l’Intérieur, Hadji Adil bey [Arda], également daté du 1er /14 avril, demandant au vali de « Veillez avec la plus grande attention à ce que les sujets étrangers, leurs établissements religieux et leurs consulats ne subissent aucun dommage »59. Même si ces recommandations n’eurent pas les effets escomptés — la plupart des édifices religieux et laïques étrangers furent incendiés et deux missionnaires américains assassinés —, elles n’en témoignent pas moins de la manière avec laquelle on gère cette affaire au ministère de l’Intérieur.
13 - Plan d’Adana et des œuvres françaises (Collège Saint-Paul, paroisse latine, école des Sœurs de Saint-Joseph). CPA, coll. M. Paboudjian.
33) Archives du ministère des Affaires étrangères (dorénavant citées AMAE), Correspondance politique, Turquie, n. s., vol. 83, politique intérieure, Arménie, Anatolie, Cilicie, f° 69 r°, du vice-consul à Van, le capitaine B. Dickson, au ministre des Affaires étrangères, Pichon.
34) Celui-ci sera aussi, dix mois plus tard, un des organisateurs des massacres.
35) AMAE), Correspondance politique, Turquie, n. s., vol. 83, f° 64 r°-v°, lettre du vice-consul à Mersine et Adana à l’ambassadeur de France à Constantinople et au ministre des Affaires étrangères, Pichon, datée du 18 août 1908.
36) Ibidem, ff. 84-85, lettre du même aux mêmes, datée du 23 octobre 1908.
37) Duckett Z. Ferriman, The Young Turks and the Truth about the Holocaust at Adana, in Asia Minor, During April, 1909, Londres 1913, p. 14 ; Hagop Terzian, Guiliguio Arède [ La catastrophe de Cilicie ], Constantinople 1912, p. 12.
38) AMAE, Correspondance politique, Turquie, n. s., vol. 83, f° 86, dépêche datée du 3 novembre 1908.
39) AMAE, Correspondance politique, Turquie, n. s., vol. 83, f° 159, lettre de Thérabia, datée du 31 juillet 1910.
40) AMAE, Correspondance politique, Turquie, n. s., vol. 83, f° 84, lettre au ministre Pichon, datée du 23 octobre 1908. Malgré le climat de chasse au sorcière qui règne en Cilicie après les massacres et les condamnations politiques de la Cour martiale, G. Guvdérélian, qui est qu’emprisonné durant près d’un an, puis totalement innocenté et libéré, est qualifié par les enquêteurs venus de Constantinople d’homme de grand prestige.
41) Duckett Z. Ferriman, The Young Turks and the Truth about the Holocaust at Adana, in Asia Minor, During April, 1909, Londres 1913, pp. 13-14.
42) Azadamard, n° 9, daté du 2 juillet 1909, p. 3, publie une entrevue de la rédaction avec le grand-vizir Hilmi pacha et le général Mahmoud Chevket, au sujet de la condamnation à « 101 ans de prison » de l’évêque Mousègh Séropian, « considéré comme le responsable des massacres ».
43) Service Historique de la Marine (Vincennes), SS ED 100, 13 pp., Escadre de la Méditerranée occidentale et du Levant, dépêche n° 716, Alexandrette, le 8 mai 1909, le Contre-Amiral Pivet, Commandant l’Escadre légère de la Méditerranée, au ministre de la Marine.
44) Puzantion, n° 3764, daté du 27 février 1909, p. 1.
45) Rapport du vali Djévad bey au ministre de l’Intérieur, daté de fin avril 1909, publié par Hagop Terzian, La catastrophe de Cilicie, op. cit., p. 752.
46) Service Historique de la Marine (Vincennes), SS ED 100, 13 pp., Escadre de la Méditerranée occidentale et du Levant, dépêche n° 716, Alexandrette, le 8 mai 1909, le Contre-Amiral Pivet, Commandant l’Escadre légère de la Méditerranée, au ministre de la Marine.
47) A. Adossidès, Arméniens et Jeunes-Turcs, les massacres de Cilicie, Paris 1910, p. 117-118.
48) AMAE, corr. pol ., Turquie, n. s., vol 283, ff. 164 22 à 164 23v°, traduction française publiée en annexe ; également reprise dans Azadamard, n° 42, daté du 12 août 1909, p. 1.
49) AMAE, corr. pol ., Turquie, n. s., vol 283, f° 94.
50) Azadamard, n° 39, daté du 8 août 1909, p. 1.
51) Terzian, La catastrophe de Cilicie, op. cit., pp. 717-724, publie l’intégralité du rapport de la Cour martiale, daté du 7 juillet 1909, également diffusé par la presse stambouliote à partir de la mi-juillet (voir Azadamard, n° 22, daté du 17 juillet 1909, p. 3).
52) FO 195/2280, lettre du consul britannique à Mersine et Adana, Doughty-Wylie, de Konia, le 15 juin 1908.
53) Terzian, La catastrophe de Cilicie, op. cit., pp. 689-699, publie l’intégralité du rapport, daté du 10 juillet 1909, également diffusé par la presse stambouliote à partir de la fin juillet (voir Azadamard, nos 33 et 34, datés du 31 juillet et du 2 août 1909).
54) Dès 1906, celui-ci adressait des rapports au sultan Abdul-Hamid accusant les Arméniens de Cilicie de visées séparatistes : Ferriman, The Young Turks, op. cit., p. 12.
55) Ferriman, The Young Turks, op. cit., p. 19.
56) Terzian, La catastrophe de Cilicie, op. cit., pp. 10-19, dresse une liste chronologique précise de ces faits.
57) Ibidem, pp. 19-20.
58) Ces informations sont fournies à la fois par Ferriman, The Young Turks, op. cit., pp. 22-23 et par le rapport de la commission parlementaire rédigé par les magistrats Faïk bey et H. Mosditchian ( cf. les références de la note 51).
59) Ce fameux télégramme a été cité par pratiquement toute la presse stambouliote et le rapport de la commission parlementaire ; il a également été au cœur des débats du Parlement ottoman lors de sa séance du 19 avril 1909, durant laquelle Adil bey fut invité à s’expliquer à la place de son ministre de l’Intérieur nouvellement nommé et ignorant les détails de l’affaire ( cf. par exemple le compte rendu précis de Puzantion, n° 3806, daté du 19 avril, p. 2 et la publication in extenso des débats dans Terzian, La catastrophe de Cilicie, op. cit., pp. 592-607).
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