RHAC II ► Partie 3. Autres témoignages sur les déportation et les camps de concentration
de Syrie et de Mésopotamie (1915-1916)
[...] 3 - Orphelins et enfants trouvés. J’ai confiance que, grâce à votre bon cœur, désormais il n’y aura plus de danger de voir confisqués les établissements pour orphelins et enfants trouvés dirigés par les Filles de la Charité à Beyrouth et dans le Liban. J’ai toutefois la douleur de vous dire qu’à Tripoli les Sœurs ont été chassées de leur maison avec leurs orphelins et leurs enfants trouvés. Il s’agit d’asiles qui devraient être non seulement respectés, mais protégés et favorisés par le gouvernement. Quant aux Filles de la Charité, elles sont bien vues dans le monde entier. De plus, celles qui nous restent sont presque toutes ottomanes, ont leurs proches parents à l’armée, et elles sont toujours prêtes à se sacrifier pour soulager les misères et les infirmités du prochain. Votre excellence a vu avec quel empressement elles ont répondu dernièrement à votre appel à Alep, avec les Sœurs de Saint-Joseph. Pour moi, je les ai encouragées volontiers à se mettre à votre disposition. Je ne vous cacherai pas cependant que j’ai été très peiné d’apprendre que le soir même où ces bonnes sœurs prenaient le train pour Alep, les Filles de la Charité étaient chassées de leur maison, sise près la Quarantaine, à Beyrouth; et elles ont été chassées de nuit, comme des malfaiteurs, à l’heure même où les sœurs partaient pour répondre à votre appel [...]
6 - Sur les missions arméniennes en particulier. Plusieurs couvents des pères franciscains de Terre Sainte se trouvaient sur des territoires habités par des Arméniens, et ils administraient spirituellement une partie de cette population qui avait voulu embrasser le catholicisme dans le rite latin. Ces endroits sont Kessab, Aïntab, Marache, Jénigé-Kalé, Dan-Kalé dans le vilayet d’Alep; Kars-Bazar dans le vilayet d’Adana; Baghgeagaz dans le vilayet de Beyrouth. Toutes ces résidences ont été abandonnées ou presque par les missionnaires pour la raison aussi que tous les latins administrés par eux ont été transporté ailleurs. Or, je puis vous assurer, Excellence, que ces populations se sont faites catholiques et ont embrassé le rite latin précisément parce qu'elles ne voulaient avoir rien de commun avec les autres Arméniens non unis. Une chose qui fera certainement plaisir à votre excellence, c’est que dans les écoles des susdites missions on n’enseignait que le turc; c’est en turc aussi que les missionnaires prêchaient à l’église; en turc ils enseignaient le catéchisme; en turc ils faisaient prier leurs fidèles. Ce fait avait rendu autrefois ces missions sympathiques au gouvernement. Maintenant ces missionnaires m’écrivent en me suppliant d’intercéder auprès de qui de droit, afin que ces fidèles et loyaux sujets de l’empire, conservés comme tel grâce à leurs soins, puissent retourner dans leur pays en même temps que leurs pères spirituels. Et si cela n’est pas possible, ils demanderaient au moins un sauve-conduit pour aller les rechercher dans les environs de Hama et Homs, où ils sont relégués, afin de les réconforter au moins par l’assistance religieuse dont ils sont privés depuis longtemps. Puis-je avoir quelques espoirs d’être exaucé? [...]
* Archivio segreto Vaticano, Delegatione Apost. di Turchia, Mgr Angelo Maria Dolci, fasc. «Persecuzionee massacri contri gli Armeni», vol. V, 93, non fioloté.