RHAC II ► Partie II. Témoignages sur les camps de concentration de Syrie et de Mésopotamie ►
Lorsque le directeur du camp de Meskéné, Husseïn Avni bey, est venu me rendre visite à Alep, après la chute de la ville, il me raconta, au cours de la conversation, que c’est le chef du conseil municipal de Mounboudj, Mahmoud Nédim, qui institua ce mode de transfert par chahtours des déportés. Les attaques des Arabes contre les convois de chahtours se faisaient sur ses ordres. C’est lui qui ordonnait de faire chavirer les chahtours et de jeter dans le fleuve les déportés, après, bien sûr, les avoir pillés.
Il fit également dévaliser les gens d’Ayntab, distribua aux gendarmes, en guise de cadeaux, les femmes et les filles qu’il avait fait enlever, et renforça globalement sa position et son influence en offrant aux fonctionnaires et aux notables locaux les plus belles femmes et filles prélevées dans les convois. Il fut à l’origine de la mort de nombre de personnes. Grâce à ces pillages, il fit aménager une quantité de domaines à Mounboudj, d’une valeur de plusieurs milliers de livres/or. Là aussi, le propriétaire des lieux, en sa qualité de chef du conseil municipal, eut un comportement particulièrement sinistre à l’égard des déportés arméniens. Une ligne de crédit gouvernementale avait été instituée pour faire distribuer du pain aux déportés arméniens. A son niveau, Mahmoud Nédim accaparait ces crédits, laissant les émigrés affamés et obligeant ces derniers à vendre leurs biens à bas prix*.
Mounboudj fut à un moment donné un camp très important, car la plupart des convois en provenance de Birédjik étaient obligés d’y faire halte. C’est alors que Mahmoud Nédim sélectionnait des femmes et des jeunes filles, dont les parents, s’ils tentaient de s’opposer à lui, étaient immédiatement, sans leur laisser le temps de se reposer, expédiés à Meskéné par ses soins. Nous étions en hiver. Aussi les convois qui furent expédiés alors, sans un temps de récupération, apportaient le plus souvent la mort.
* BNu, Fonds Andonian, Matériaux pour l’histoire du génocide, P.J.1/3, liasse 52b, La ligne de l’Euphrate, Meskéné, f° 71.
** Voir également, au sujet de Mahmoud Nédim, la partie consacrée à Deir-Zor et ses environs.