Par Harut Sassounian, The California
Courier
Dans mon
article de la semaine passée,
je parlais des déclarations de Talaat
Pacha, le concepteur du Génocide des
Arméniens, disant en 1921 à l’agent du
renseignement britannique Aubrey Herbert
qu’il avait écrit “Un mémorandum sur les
Massacres d’Arméniens “.
Je voudrais aujourd’hui présenter
quelques extraits du long compte-rendu
publié dans le numéro de novembre 1921
de Current History, l’édition mensuelle
du New York Times, sous le titre “
Posthumous Memoirs of Talaat Pasha “
[Mémoires Posthumes de Talaat Pacha], et
sous titré “ Le propre récit de l’ancien
Grand Vizir, écrit peu avant son
assassinat, sur les raisons et sur la
façon dont la Turquie est entrée en
guerre - L’alliance secrète qui précéda
le conflit - Les causes des massacres
des Arméniens selon les déclarations de
celui qui en donna l’ordre “.
Dans une note d’introduction, les
éditeurs de Current History expliquent
comment ils ont pu obtenir une copie de
ce rapport révélateur : “ ... quelques
temps après la mort de Talaat, le
manuscrit fut remis à son épouse, qui
est restée en Allemagne ; elle ne l’a
pas encore publié en totalité, mais à la
suite de l’acquittement de l’assassin de
son mari, elle a autorisé le
correspondant à Paris de Yakit, un
journal libéral turc publié à
Constantinople, afin que les passages
les plus intéressants en soient
reproduits. Lesdits passages ont été
traduits du turc pour Current History
par M. Zekeria, une personne native de
Constantinople. Ils reprennent à peu
près cinquante pages du manuscrit
original, dont la phrase initiale, “je
ne dirais pas toute la vérité, mais tout
ce que je dis est vrai“ éveilla en
Turquie un vif intérêt.
Dans ses mémoires, comme dans son
interview à Aubrey Herbert, Talaat
s’efforce d’exonérer sa personne en
accusant les autres - les Arméniens, les
Russes et même le Turcs - des massacres
des Arméniens. Il ne nie pas “ les
déportations des Arméniens, des Grecs
dans certaines localités, de quelques
uns des Arabes en Syrie “, mais soutient
que de tels comptes-rendus “ étaient
excessivement exagérés “. Talaat
poursuit “ en disant cela, mon intention
n’est pas de nier les faits. Je veux
simplement éliminer les exagérations et
raconter les faits tels qu’ils se sont
passés “.
L’ancien Grand vizir confesse : “
J’admets que nous avons déporté beaucoup
d’Arméniens de nos provinces de l’est,
mais nous n’avons jamais agi sur ce
point selon un schéma préétabli. La
responsabilité pour ces actes revient en
premier lieu sur les personnes déportées
elles-mêmes. La Russie, pour mettre la
main sur nos provinces de l’est, avait
armé et équipé les habitants arméniens
de ce district, et avait organisé des
fortes bandes d’hors-la-loi arméniens
dans ces régions “.
S’efforçant de redorer son image quelque
peu ternie, Talaat reconnaît les
brutalités turques contre les Arméniens.
“J’admets aussi que la déportation ne
s’est pas déroulée partout conformément
à la loi. Dans certains endroits, des
actes répréhensibles ont été commis...
Quelques fonctionnaires ont abusé de
leur autorité, et en beaucoup
d’endroits, des gens ont pris eux-mêmes
l’initiative de mesures préventives et
des personnes innocentes ont été
brutalisées. Je l’avoue “.
Continuant sa rhétorique pour sauver la
face, Talaat concède : “J’avoue
également, que le devoir du gouvernement
était d’éviter ces abus et ces atrocités
ou au moins de poursuivre et punir
sévèrement leurs auteurs. En beaucoup de
lieux, où les biens des personnes
déportées étaient pillés, et les
Arméniens agressés, nous avons arrêtés
ceux qui en étaient responsables et les
avons punis conformément à la loi.
J’avoue, cependant, que nous aurions dû
agir plus sévèrement, et ouvert une
nquête générale avec l’objectif
d’identifier tous ceux qui y avaient
poussé et les pillards pour les punir
avec sévérité. Mais nous ne pouvions pas
le faire. Bien qu’ayant punis beaucoup
de coupables, la plupart y ont échappé
“.
Talaat continue sur le ton des excuses
pour n’avoir pas poursuivi les auteurs
des massacres d’Arméniens, des gens “ à
la vue courte, des fanatiques, mais des
gens tout de même sincères dans leur
conviction. Le public les a encouragés,
et derrière eux, l’approbation était
générale. Ils étaient nombreux et forts.
Les punir au vu et au su de tout le
monde aurait provoqué un grand
mécontentement parmi les gens, qui était
favorables à leurs agissements. Un
mouvement pour arrêter et pour punir
tous ceux qui s’y sont livrés aurait
créé l’anarchie en Anatolie à un moment
où nous avions grandement besoin d’unité
“.
Pour rétablir les choses, les
affirmations de Talaat selon lesquelles
les Arméniens ont poignardé la Turquie
dans le dos pendant la Première guerre
mondiale sont totalement fausses. Le
Ministre de la guerre Enver, commandant
en chef des Forces armées ottomanes,
dans une lettre à l’évêque de Konya,
rendait hommage à la bravoure des
soldats arméniens-turcs combattant
l’armée russe au cours de l’hiver
1914-15.
Ironiquement, la déclaration de Talaat
selon laquelle son gouvernement aurait
agi brutalement contre des Arméniens
même “en temps de paix“, confirme une
nouvelle fois les pratiques depuis
longtemps génocidaires comme montré
précédemment par les massacres hamidiens
et les massacres d’Adana qui eurent lieu
à une époque où il n’y avait pas la
guerre.
Jeudi 11 février 2016,
Jean Eckian ©armenews.com
traduction Gilbert Béguian pour Armenews
et Imprescriptible