LA TURQUIE CONDAMNE SES CHEFS DE GUERRE
Une Cour Martiale Condamne à Mort Enver Pacha, Talaat Bey, et
Djemal Pacha
TOUS LES TROIS SONT EN FUITE
Djavid Bey et Alusa Metssa Ecopent de Quinze Ans de Travaux
Forcés Pour leur Participation à la Guerre
Publié le 13juillet 1919
CONSTANTINOPLE, 11 juillet. —
Enver Pacha, Talaat Bey et Djemel Pacha, les dirigeants du
gouvernement turc pendant la guerre, ont été condamnés à mort
aujourd'hui par une cour martiale turque chargée de juger leur
conduite pendant la période de guerre.
Enver et ses deux dirigeants associés du gouvernement Jeunes
Turcs se sont enfuis de Turquie il y a plusieurs mois, et on
ignore où ils se trouvent.
Djavid Bey, l'ancien ministre des finances et Alussa Mussa
Kiazim, ancien Sheikh-ul-Islam, ont été condamnés à quinze ans
de travaux forcés.
La cour martiale a acquitté Rifaat Bey, ancien président du
sénat, et Hachim Bey, ancien ministre des Postes et du
Télégraphe.
Henry Morgenthau, ambassadeur américain à Constantinople, et sir
Louis Mallet, l'ambassadeur britannique à la même capitale,
n'ont laissé planer aucun doute dans leurs dépêches, livres,
articles et entrevues, sur la culpabilité des dirigeants Jeunes
Turcs dont les jugements viennent juste d'être prononcés par une
cour martiale turque, ordonnée par le nouveau Grand Vizir Damad
Ferid Pacha et convoquée par Ahmed Abouk Pacha, le Ministre de
la guerre.
C'est le point final d'une longue série de poursuites
entreprises par les dirigeants du nouveau régime, afin que le
peuple turc réponde de sa participation à la guerre et des
atrocités commises contre les Arméniens, les Grecs et les
Syriens, ainsi que des déportations qu'ils ont subies. Le point
d'orgue a été atteint en pratique le 12 avril, lorsque Kemal
Bey, ancien Ministre de l'alimentation et Gouverneur de
Diyarbékir, a été en fait exécuté sur la place Bayazid de
Stamboul.
Pour ce qui concerne la présente instance, les sentences ne
seront pas exécutées aussi sommairement. Enver, Talaat et Djemal
se sont enfuis en Allemagne quelques jours avant
Le Sultan Mohammed VI avait dépêché son envoyé personnel, à fin
du mois d'octobre, auprès du vice-amiral britannique Calthrop,
pour annoncer la capitulation de la Turquie. Par la suite, en
mars, Djavid Bey s'était lui aussi enfui lorsqu'il est devenu
évident que la falsification opérée par lui sur les comptes du
trésor et que son projet de réformes financières n'avaient pas
convaincu la Commission Interalliée.
La plupart du temps au cours de la guerre, Talaat Bey était
Grand Vizir et Ministre de l'intérieur et Enver Ministre de la
guerre, tandis que Djemal était Gouverneur Militaire de la
Syrie, position à laquelle il accéda, comme Ministre de la
marine, après avoir placé la flotte sous le commandement d'un
amiral allemand.
Enver était un pro-allemand enthousiaste, un élève du général
von der Goltz, dont les exercices proposés à l'armée turque
entre 1910 et 1912 ne l'ont pas empêchée en cette année 1912
d'être défaite par les Serbes, les Grecs et les Bulgares. Dans
un rapport du Foreign Office britannique, le 20 novembre 1914,
sir Louis Mallet déclarait que l'arrivée au pouvoir d'Enver et
la domination de l'Allemagne datait de la dernière semaine de
juillet. Dans la tourmente de la campagne de Gallipoli, un an
plus tard, Enver, dans une entrevue, déclara sans aucune honte
que la Turquie serait secourue à l'automne suivant par
l'Allemagne par le nord – ce qui se produisit en fait lorsque la
Bulgarie rejoignit les empires centraux. Dans des entrevues avec
l'ambassadeur mentionné, non seulement Enver, mais Talaat et
Djemal avec lui, justifiaient les massacres des Arméniens parce
qu'ils gênaient.
Comme gouverneur militaire de Syrie, le rôle de Djemal a été
déterminant dans la mise en œuvre des massacres contre la Ligue
de Beyrouth pour la Réforme, prétendant d'abord d'être en
sympathie pour leur programme et les trahissant ensuite, après
avoir obtenu la liste de ses membres. En Arménie, comme agent
spécial de Talaat, il déclencha les atrocités des Kurdes contre
la population.
Même après que Tewfik soit devenu Ministre des finances le 17
mars, Djavid Bey se mêlait encore des affaires du Trésor. Il
montra dans ses registres qu'il avait vraiment trompé
l'Allemagne et que si les puissances alliées et associées
prêtaient à la Turquie 500 000 000 de dollars-or, il leur aurait
remis une reconnaissance de dette de 850 000 000 de dollars, une
somme qu'ils n'auraient aucun mal à récupérer étant vainqueurs,
dégageant de ce fait un profit de 350 000 000 $. Lorsqu'ils
rejetèrent cette offre et que les experts commencèrent à auditer
ses comptes, il disparut. Selon les ambassadeurs, Djavid n'était
pas ouvertement germanophile.
Mussa Kiazim, qui comme Djavid, a été condamné à quinze ans, est
un Kurde de la circonscription de Kharpout et un protégé de
Enver. Il a été élevé à la fonction de Sheikh-ul-Islam après la
mystérieuse disparition de Haïri Bey, qui était à cette fonction
de chef religieux du pays lorsque la guerre a été déclarée. Dès
1913, Mussa Kiazim, comme assistant au Sheikh, était connu pour
ses sympathies avec l'Allemagne, qui s'opposait à l'anglophilie
de Haïri.
Bien avant que la cour n'ait acquitté Rifaat Bey et Hachim Bey,
ces hommes étaient considérés comme des outils dans les mains
des dirigeants Jeunes Turcs plus puissants – le soi-disant
Comité Union et Progrès.
UN MILLION D’ ARMÉNIENS TUÉS OU EXILÉS – Politique
d’extermination
Le Comité de secours américain dit que le nombre de victimes des
Turcs augmente progressivement
D'avantages d’atrocités sont citées confirmant l’accusation que
la Turquie agit délibérément
Publié le 15 Décembre 1915
15 décembre 1915
Dans une déclaration reçue hier des bureaux du Comité américain
de secours arménien et syrien, de la 75ème avenue, de
nouvelles atrocités commises par les Turcs envers les Chrétiens
arméniens, ont été précisées, et une preuve supplémentaire a été
fournie en confirmation de l’accusation de Lord Bryce, que les
massacres résultent d’un plan délibéré du gouvernement turc pour
« se débarrasser de la Question arménienne ».
Le Professeur Samuel T. Dutton,
Secrétaire du Comité, écrit :
« Conformément à toutes les
preuves que le Comité américain a reçues, il est probable qu’en
vérité, sur les deux millions d’Arméniens vivant en Turquie il y
a un an, au moins un million ont été tués ou convertis de force
à l’Islam, ou obligés de fuir ce pays, ou sont morts sur la
route de l’exil, ou sont maintenant sur la route vers les
déserts du nord de l’Arabie, ou y sont déjà arrivés.
Le nombre des victimes est en
augmentation constante. Il est certain qu’il ne peut y avoir un
plus grand besoin d’aide dans l’immédiat, même en ces temps
troublés, que le besoin désespéré des réfugiés arméniens. Le
Comité américain a déjà fait beaucoup en rassemblant et en
envoyant des fonds, de même que le Comité anglais, mais il y a
toujours un besoin tragique de contributions généreuses.
Toutes les contributions doivent
être adressées à Charles R. Crane, Trésorier, 75me Avenue. »
Walter H. Mallory, Secrétaire
administratif du Comité américain, dit que le Comité est en
contact étroit avec le Comité du Lord Maire de Londres et
que « des rapports authentiques quotidiens signalent des
atrocités presque incroyables ».
Dans la déclaration rendue
publique, il y avait un extrait d’une lettre reçue par le Comité
américain , en provenance du Comité anglais, qui disait : « Le
Comité sait qu’il y a encore 180 000 réfugiés dans le Caucase,
en plus des 30 000 qui y sont morts, et 70 000 qui sont
retournés dans diverses parties de Turquie et de Perse. »
Une grande partie de la
déclaration est accompagnée d’une lettre reçue par le Comité
américain, en provenance d’un missionnaire en poste à Konia. En
particulier, la lettre dit : « Peu après la grande déportation
qui a précédé l’arrivée du nouveau Vali, Miss C ; et moi-même
sommes partis à Kachin Han, la première gare de chemin de fer
vers Eregli. Juste pour suivre la foule, car une grande partie
avait été emmenée à pied dans l’espoir de monter dans le train
plus tard. Hachin Han est à environ trois heures d’ici en
chariot, et même si près de Konia, nous avons trouvé environ
cent personnes, assises ou couchées autour de la gare,
complètement affligées. Elles étaient là depuis trois jours ; la
plupart avaient fini de manger toutes les provisions qu’elles
avaient, et paraissaient hagardes et extrêmement amaigries,
véritables victimes de famine, telles qu’on les voit sur les
images de scènes en Inde.
« Le train de Konia est arrivé
pendant que nous étions là, et le plus grand nombre de personnes
se sont traînées jusqu’aux wagons en essayant d’y monter, mais
ont été repoussées par les gendarmes, soit parce qu’elles
n’avaient pas de billet, soit parce qu’il n’y avait plus de
place ; aussi les pauvres gens furent-ils forcés de retourner
autour de la gare. »
UNE FEMME DÉCRIT LES MEURTRES DE MASSE DES
ARMÉNIENS
Un missionnaire allemand dit que les Turcs ont proclamé leur but
: l’extermination
Le travail des démons à Harpout
« Que votre Christ vous vienne en aide ! » Le Cri de torture
a continué – Dr.Knapp, une
victime.
Publié le 12 Décembre 1915
12 décembre 1915
Le Comité américain pour le secours arménien et syrien, au 70,
cinquième avenue, a annoncé la réception hier d’une dépêche du
Consul américain à Tiflis, dans laquelle il disait qu’il y avait
plus de 180 000 Arméniens dans la ‘situation la plus pitoyable’
dans différentes provinces sous sa direction immédiate. Parmi
ceux-ci, 110 000 sont dans la province d’Ervian, 20 000 à
Elisavethol, 201 000 à Kars et 50 000 Tiflis.
Le comité a annoncé également
qu’il devait recevoir très bientôt une dépêche du Dr. Wilson, le
chef de la Commission envoyé à Tiflis. Les détails des scènes de
massacres parviennent au Comité tous les jours. Ils proviennent
d’officiels, de missionnaires, et d’autres personnes bien
connues de ses membres. L’un, d’une missionnaire allemande, qui
demeure non loin de la frontière du Caucase, et reçu au cours de
trois derniers jours, et bien que non destiné à la publication,
donne un tableau approfondi du sort terrible des Arméniens.
« Vers la mi-avril, écrit-elle, nous avons appris de grandes
perturbations. Nous avons entendu les déclarations faites à la
fois par des Turcs et des Arméniens, et comme ces rapports
coïncident à tous points de vue, il est tout à fait certain
qu’ils contiennent une vérité, c’est-à-dire que le gouvernement
de Turquie a donné des ordres aux Arméniens de livrer leurs
armes, que les Arméniens ont refusé, affirmant qu’ils en avaient
besoin en cas de nécessité. Cela a causé un massacre habituel.
Tous les villages habités par les Arméniens ont été incendiés.»
Il semble que le Dr. Knapp ait été assassiné :
Début juin, nous avons appris que toute la population arménienne
de Bitlis avait été supprimée. C’est à ce moment-là que nous
avons reçu la nouvelle que le Dr. Knapp, le missionnaire
américain, avait été blessé dans une maison arménienne, et que
le gouvernement turc l’avait envoyé à Diarbekir. Dès la première
nuit à Diarbekir, il est mort, et le gouvernement a expliqué que
sa mort était due à une indigestion, ce à quoi personne ne
croit. Lorsqu’il n’est plus resté personne à massacrer à Bitlis,
l’attention s’est dirigée sur Mouch. Jusqu’à ce jour, de
cruautés ont été commises, mais pas trop publiquement.
Maintenant, ils ont commencé à abattre les gens sans motif, ils
les battent à mort, parce qu’ils éprouvent du plaisir à le
faire.
« A Mouch même, qui est une grande ville, il n’y a que 25 000
Arméniens ; chaque village comprend environ 500 maisons, et plus
aucun Arménien n’est visible ici maintenant, à part quelques
femmes.
« Début juillet, la première semaine du mois, 20 000 soldats
sont venus de Constantinople à Harpout et Mouch, avec des
munitions et onze fusils, et ont assiégé Mouch. En fait, la
ville avait été encerclée depuis la mi-juin. A ce moment-là, le
Mutasserif donna l’ordre aux deux missionnaires allemands de
quitter la ville et de se rendre à Harpout. Nous l’avons supplié
de nous laisser ici, car nous avions à notre charge tous les
orphelins et les malades, mais il se mit en colère et nous
menaça de nous chasser de force si nous ne suivions pas ses
instructions. Comme nous n’étions pas en forme tous les deux,
nous eûmes la permission de rester à Mouch. Cette permission me
fut accordée à condition que je quitterais Mouch en emmenant nos
orphelins avec nous ; mais lorsque je demandai l’assurance de
leur sécurité, la réponse fut : « Vous pouvez les emmener, mais
étant Arméniens, il se peut qu’on leur coupe la tête sur la
route ».
Le 10 juillet, Mouch fut bombardé pendant plusieurs heures, le
motif invoqué était que quelques Arméniens avaient essayé de
s’enfuir. J’ai été voir le Mutasserif, et lui demandai de
protéger nos maisons, et sa réponse fut : ‘Il vaudrait mieux
pour vous de rester au lieu de partir, comme ordonné. Les fusils
sont là pour en finir avec Mouch. Mettez-vous à l’abri avec les
Turcs. Cela naturellement n’était pas possible, car nous ne
pouvions pas abandonner nos charges. Un nouvel ordre nous
parvint le lendemain, prévenant les Arméniens qu’ils allaient
être expulsés, et qu’on leur donnait trois jours pour être
prêts. On leur dit de s’enregistrer au bureau du gouvernement
avant de partir. Les familles pouvaient rester, mais leurs
propriétés et leur argent leur seraient confisqués.
« Les Arméniens étaient incapables de partir, car ils n’avaient
pas d’argent pour payer le voyage, et ils préféraient mourir
chez eux plutôt que d’être séparés et d’endurer la mort lente
sur la route. Comme il a été dit précédemment, trois jours
étaient donnés aux Arméniens pour s’en aller ; mais deux heures
s’étaient à peine écoulées, que les soldats entrèrent par
effraction dans les maisons, arrêtèrent tout le monde et les
jetèrent en prison. Les canons se mirent à tirer, empêchant
ainsi les gens de se faire enregistrer au bureau du
gouvernement. Nous avons tous dû nous réfugier à la cave de
crainte que notre orphelinat soit touché.
« Je suis allé voir le Muttasserif et l’ai supplié d’avoir pitié
au moins des enfants, mais en vain, il me répliqua que les
enfants doivent périr avec leur nation. Tous nos malades et
orphelins furent ôtés de l’hôpital et de l’orphelinat. Ainsi
Mouch fut incendié de cette façon monstrueuse. Chaque officier
se vantait du nombre de personnes qu’il avait personnellement
massacrées, débarrassant ainsi la Turquie de la race arménienne.
Nous avons quitté Harpout ; Harpout était devenu le cimetière
des Arméniens.
« Maintenant, que votre Christ vienne à votre secours ! »
A Harpout et à Mezre, les gens ont subi de terribles tortures,
telles que sourcils arrachés ; seins coupés, ongles arrachés,
pieds coupés, ou fers cloués dessous, comme on fait pour les
chevaux. Les soldats criaient ensuite : « Maintenant, que votre
Christ vienne à votre secours ! »
Début juillet, 2000 soldats arméniens reçurent l’ordre de se
rendre à Alep pour construire des routes. Les habitants de
Harput furent terrifiés en entendant cela, et la panique saisit
la ville. Le Vali appela le missionnaire allemand, Mr.Eheman, et
le pria de calmer les gens, répétant encore et encore qu’aucun
mal ne serait fait à ces soldats. Mr. Eheman fit confiance au
Vali, et tranquillisa les gens. Mais à peine les soldats
furent-ils partislamentations turques sur les expulsions
des Arméniensés
et jetés dans une caverne. Très peu parvinrent à s’échapper, et
nous ont fait leur rapport.
Il était inutile de protester auprès du Vali. Le Consul
américain de Harpout protesta plusieurs fois, mais le Vali a
traité ses dires de « paroles en l’air » de la manière la plus
effrontée.
« Vers le début du mois d’avril, en présence du Major Lange et
plusieurs autres officiels, tels que les consuls américain et
allemand , Ekran Bey dit tout à fait ouvertement que leur
intention était d’exterminer la race arménienne. Tous des
détails montrent que les massacres étaient planifiés. Il est
très dangereux maintenant pour tous les missionnaires de rester
à l’intérieur du pays, les officiels montrent leur haine trop
ouvertement, et nous ont souvent dit qu’ils ne voyaient pas la
nécessité de notre présence. »
Le Comité américain a déjà envoyé plus de 100 000 dollars à
l’Ambassadeur Morgenthau, et beaucoup plus est nécessaire pour
alléger les conditions terribles des Arméniens restants.
Les contributions pour leur secours doivent être adressées à
Charles R. Crane,
70 Fifth Avenue, New York. »
Il se peut que le Pape fasse de nouveau appel au Kaiser
9 décembre 1915 –
T.P. O’Connor apprend qu’il va être appelé
à faire quelque chose pour sauver les Arméniens.
Le Comité britannique a résolu de travailler en dépit des
terribles événements qui ont arrêté son œuvre en Arménie.
Londres, le 20 novembre. -
« T.P. O’Connor est bien connu pour ses activités, il est l’ami
des Arméniens depuis longtemps, et il a fait une déclaration
aujourd’hui, relatif aux récents massacres, et au débat à la
Chambre des Lords. Il a dit :
« S’il n’y avait pas 250 000
réfugiés nécessitant de l’aide, un abri et de la nourriture, et
si je devais céder à mon humeur, je me sentirais trop
plein de désespoir au sujet de l’Arménie, pour dire un mot de
plus sur ce sujet’.
Il y a trois ou quatre ans, quand
il semblait impossible de soulever de nouveau la question
arménienne, nous avons formé avec des amis le Comité arménien ;
et pendant deux ans, tout a paru aller en notre faveur.
Après des négociations pendant
deux ans, nous avons enfin réussi à concevoir un schéma pour la
réforme en Arménie, pour lequel nous avons obtenu l’accord de
tous les gouvernements européens, et deux inspecteurs généraux
furent désignés pour entreprendre ces réformes d’une façon
réaliste, juste avant que la guerre ne soit déclarée. Et
aujourd’hui, la conséquence est le massacre des Arméniens, le
plus hideux et le plus cruel qui se soit jamais produit. Vous
reconnaitrez que j’aie quelque motif d’être abattu.
Cependant, le Comité arménien
britannique a résolu de continuer ce travail, et il a été
immensément encouragé par l’information de la grande vague de
sympathie, et d’horreur, venue d’Amérique, et la création d’un
Comité américain arménien, et l’aide magnifique envoyée
d’Amérique aux réfugiés de Russie et d’Egypte.
Nous nous sommes adressés au
Foreign Office Britannique, pour la possibilité de
soulever un débat à la Chambre des Lords, et Lord Robert Cecil,
qui est le meilleur sous-secrétaire du Foreign Office, a soutenu
immédiatement ma demande, et le résultat fut le débat de mardi
dernier.
Ce fut un bref débat, mais l’un
des plus exaltants auxquels j’aie jamais assisté.
Il avait été lancé par Aneurim
Williams qui est le Président de notre Comité.
Je l’ai suivi ; ensuite il y a eu
un petit discours de Lord Robert Cecil. Cela fera sans doute
plaisir au Comité américain arménien d’apprendre que leur
travail a complété largement nos documents. Le matin du débat
une brochure avait été distribuée sur l’Arménie, écrite par
Arnold Toynbee, un homme de lettres brillant, à tous les membres
de la Chambre. J’ai été surpris de découvrir que parmi la masse
de littérature à cette époque, cette brochure avait été lue par
la majorité de la Chambre, et son histoire épouvantable avait
ému tout le monde. Mais il faut reconnaître que la plupart des
documents de la brochure avaient été fournis par le rapport du
Comité américain arménien. Je pourrais aller plus loin, et dire
que la masse de tous les discours était due à l’Amérique plus
qu’à toute autre nation, et que nous devrions considérer avec le
plus grand espoir la prévention d’autres massacres et l’aide à
ceux qui ont échappé aux massacres.
Il y avait toutefois une légère
différence d’opinion à propos d’une requête non officielle faite
par moi, et la réponse officielle de Lord Robert Cecil sur la
manière dont l’Amérique pourrait apporter la meilleure aide. Je
me permettais de suggérer que le gouvernement britannique
pourrait faire appel au Président Wilson et au Gouvernement
américain en vue de prendre une action officielle.
Lord Robert Cecil, cependant, fit
remarquer qu’il était impossible au Gouvernement britannique de
dicter ou même de suggérer aux gouvernements des pays neutres
indépendants, ce qu’était leur devoir. ‘C’est, dit-il, à chaque
gouvernement, de fixer exactement ce qu’il devrait faire
vis-à-vis des gouvernements étrangers.’
J’ai pourtant proposé une seconde
action que nous devrions faire : lancer un appel fort à la
sympathie et au soutien du peuple généreux et humain des Etats
Unis eux-mêmes, pour aller au secours des Arméniens opprimés, et
Lord Robert, cordialement, accepta cette suggestion.
Nous considérons aussi avec
espoir l’intervention du Pape. Lord Robert Cecil a pu informer
la Chambre que l’humanité était reconnaissante envers le Pape
pour les mesures qu’il avait déjà prises, et il me semble que le
Pape va être conduit à faire un appel direct au Kaiser allemand,
en plus de l’appel qu’il a déjà lancé au Sultan.
Une autre de nos demandes au
Gouvernement était que les armées britanniques et leurs
vaisseaux puissent, là où c’est possible, faire de leur mieux
pour sauver les Arméniens ayant réussi à échapper aux massacres,
comme ont fait les navires français dans le cas des 4000
réfugiés qu’ils avait pu débarquer en Egypte, et j’ai
l’impression que des instructions à ce sujet ont déjà été
données, et avec quelques bons résultats.
Finalement, je voudrais suggérer
que les Comités américain et britannique restent en contact
permanent l’un avec l’autre, si nécessaire par dépêche. Moi-même
et d’autres avons déjà échangé une correspondance avec Mr. Osca
Straus et Mr. Samuel Dutton, et je suis sûr qu’en travaillant
ensemble nous pourrons faire quelque chose, spécialement pour
les réfugiés.
L’argent nous arrive en quantité
considérable, surtout après toutes les autres appels à la
générosité du peuple britannique, et nous avons déjà pu envoyer
au Catholicos arménien environ 8 000 ou 10 000 £ et nous en
enverrons davantage dès que l’argent arrivera ».
LA POSITION HÉROIQUE DES ARMÉNIENS DANS LES MONTAGNES .
Hommes, femmes et enfants ont combattu avec des couteaux, des
faux et des pierres.
Les femmes qui avaient planté des couteaux sur les Turcs, se
sont ensuite suicidées.
Rapport reçu de Bryce
Samedi 27 novembre 1915
Londres le 26
novembre – Le Vicomte Bryce a rendu publics ce soir les détails
des massacres arméniens suivants, lesquels, écrit-il dans une
lettre jointe, ‘surpassent en horreur, si cela était possible,
ce qui a été publié jusqu’à ce jour’.
‘Je sens’, continue-t-il dans sa lettre, ‘que de tels crimes
devraient être exposés au plus haut point, et que la charité des
autres nations va, plus que jamais, aller vers les malheureux
réfugiés, quand elles sauront ce que nos amis et compatriotes
ont souffert.’
Décrivant la dernière position arménienne dans la région
montagneuse de Samsun, un rapport de Lord Bryce dit :
« Les guerriers survivants se sont trouvés encerclés dans des
quartiers clos par 30 000 Turcs et Kurdes. Puis ont suivi les
luttes pour la vie, héroïques et désespérées, qui ont toujours
été la fierté des montagnards.
Hommes, femmes et enfants ont combattu avec des couteaux, des
faux et des pierres, et tout autre objet qu’ils ont pu trouver.
Ils ont poussé des blocs de pierre du haut des pentes, tuant une
partie de leurs ennemis. Dans les effroyables combats au
corps-à-corps, les femmes enfonçaient des couteaux dans la gorge
des Turcs.
« Pour chaque guerrier tombé, plusieurs jeunes femmes, en danger
de tomber aux mains des Turcs, se jetaient du haut des rochers,
quelques-unes avec leurs enfants dans les bras ».
La lettre de Lord Bryce
Lord Bryce écrit que les détails confirment et amplifient
l’histoire épouvantable des déportations lors desquelles les
Arméniens du nord et de l’est de l’Anatolie ont été conduits à
la mort avec une cruauté abominable.
La première partie de la preuve, dit-il, a été reçue par le
Comité d’Enquête des Etats Unis, et le seconde partie vient d’un
Arménien de Tiflis, qui en a été informé par les réfugiés
rescapés des régions où ces événements se sont produits.
« Les souffrances des paysans et des montagnards des régions de
Van, Mouch et Samsoun, dit Lord Bryce, semblent avoir été encore
plus terribles que celles des gens de la paisible ville décrites
dans la première partie de ce rapport. Chacune de ces preuves
augmente l’horreur de l’histoire, et confirme l’effroyable
certitude de sa vérité.
« Ces atrocités ne sont pas des produits de l’imagination. La
plupart sont attestées par plusieurs témoignages concomitants.
Elles sont toutes conservées, la preuve est tout à fait
évidente, et quelques-unes sont les plus terribles. A cette
phase actuelle des événements, le monde civilisé est impuissant
pour intervenir, mais nous devons garder ces crimes indicibles
constamment en mémoire pour le jour où ils seront connus. »
LES NOUVELLES PREUVES -
Après avoir
donné en partie les preuves reçues des Etats Unis, Lord Bryce
dit que les extraits suivants ont été émis par son correspondant
à Tiflis :
«Vers la fin du mois de mai, Djevdet Bey, le gouverneur
militaire, fut renvoyé de Van. Djevdet s’enfuit vers le sud et
entra à Séirt avec environ 8000 soldats qu’il appela «
Bataillons de Bouchers ». Il fit massacrer la plupart des
Chrétiens de Séirt, massacre dont on ne connaît aucun détail.
On a apprit cependant de source sûre qu’il a ordonné à ses
soldats de brûler sur les places publiques, l’évêque arménien,
le Vartabed (archimandrite, ndt) et l’évêque chaldéen, Addai
Shér.
« Le 25 juin les Turcs encerclèrent la ville de Bitlis, et
coupèrent toutes les communications avec les villageois
arméniens des alentours. La plupart des hommes bien portants
furent séparés de leur femme par des visites à domicile, et
emmenés.
Au cours des jours suivants les hommes arrêtés furent abattus
hors de la ville et enterrés dans de profondes tranchées
creusées par les victimes elles-mêmes. Les jeunes femmes et les
enfants furent distribués parmi la foule.
Le reste, le lot inutile, fut conduit vers le sud et l’on pense
qu’ils ont été noyés dans le Tigre.
« Toute tentative de résistance, si brave soit-elle, fut
réprimée par les troupes régulières. De nombreux Arméniens,
après avoir brûlé leurs dernières cartouches, prirent du poison
par familles entières, ou se suicidèrent chez eux afin de ne pas
tomber entre les mains des Turcs.
Arméniens torturés à mort.
C’est l’usage que les Turcs disposent d’environ 15 000 Arméniens
à Bitlis.
A Mouch, début juillet, les autorités exigèrent des Arméniens
leurs armes, et une forte somme en rançon, des notables de la
ville. Les personnalités du village furent soumis à des tortures
révoltantes. Leurs ongles, et les ongles des orteils arrachés de
force ; les dents extirpées ; et dans certains cas, les nez
étaient taillés au couteau, et les victimes laissées pour mortes
après une longue et choquante agonie.
« Les parentes des victimes qui étaient rescapées furent violées
en public devant les yeux de leurs hommes mutilés. Les cris
stridents et les hurlements à la mort des victimes remplissaient
l’air ; mais n’émouvaient pas la brute turque.
« Dans la ville même de Mouch, les Arméniens, sous la direction
de Gotoyan et d’autres, s’enfermèrent dans les églises et les
maisons en pierre, et luttèrent pendant quatre jours en
auto-défense, mais l’artillerie turque, dirigée par des
officiers allemands, mit rapidement fin aux positions
arméniennes, et tous les dirigeants arméniens et leurs hommes
furent tués dans le combat.
« Quand le silence et la mort régnèrent sur les ruines des
églises et des maisons, le reste de la foule musulmane se
précipita sur les femmes et les enfants, les sortit de la ville
et les fit rentrer dans de vastes camps, qui avaient déjà été
préparés pour les femmes et les enfants.
Les femmes et enfants brûlés.
Les scènes épouvantables qui suivirent peuvent sembler
incroyables, néanmons ces rapports ont été confirmés sans aucun
doute. Le moyen le plus rapide pour se débarrasser des femmes et
des enfants dans les différents camps, fut l'incendie. On mit le
feu aux abris de bois d’Alijan, Mograkom, Khasjogh et autres
villages arméniens, et ces femmes et enfants absolument
impuissants furent brûlés vifs.
« De nombreuses femmes devinrent folles et jetèrent leurs
enfants au loin. Quelques-unes s’agenouillèrent et prièrent
parmi les flammes qui brûlaient leur corps. D’autres hurlaient
au secours, mais aucune aide ne leur parvint de nulle part, et
les exécutants, que cette sauvagerie inouïe n’émouvait pas,
saisissaient les enfants par une jambe et les lançaient dans le
feu, criant aux
femmes en train de brûler : ‘Voici vos lions’.
« Des prisonniers turcs, qui furent apparemment témoins de ces
scènes, furent horrifiés et rendus fous au souvenir de ce
spectacle. L’odeur de la chair brûlée, dirent-ils, est restée
dans l’air pendant de longs jours ».
DÉMENTIS À PROPOS DES ACCUSATIONS EN ARMÉNIE
Lord Robert Cecil Dit que les Agents Britanniques n'ont pas
incité à la Révolte
17 Novembre 1915
LONDRES, 16
novembre. – Au cours d'une conversation à la Chambre des
Communes cette nuit sur les massacres d'Arméniens, Lord Robert
Cecil, Sous-secrétaire d'état pour les Affaires étrangères, a
réfuté les accusations émanant des États-Unis selon lesquelles
des agents britanniques auraient poussé les Arméniens à se
révolter, et qu'en conséquence, la Grande-Bretagne serait
responsable des massacres.
" Il n'y a pas eu de provocation quelle qu'elle soit ", a dit
lord Robert. " Les massacres étaient prémédités, avec l'
intention de la part de leurs instigateurs, les membres du
comité Union et Progrès, non de punir les insurgés, mais
d'exterminer la race arménienne ".
Saisi d'une invitation à promettre que le gouvernement engagera
les ressources de l'armée et de la marine pour le sauvetage des
Arméniens, lord Robert a refusé
L'HÔPITAL LADY PAGET DEVRAIT RESTER EN ACTIVITÉ
William Prickett, spécialiste de Rhodes, qui l'a secondée,
arrive à Londres
IL A VU DES SCÈNES DE PANIQUE À DEDEAGAT
Effets du Tout Récent Débarquement Allié auquel on vient
d'assister à Salonique
17 Novembre 1915
Câble Spécial au NEW YORK TIMES. LONDRES, 16 novembre . –
William Prickett, Princeton, 1915, et titulaire de la chaire de
Rhodes au Trinity College d'Oxford, vient d'arriver en
Angleterre venant de Serbie, où il a été détaché pendant quatre
mois à l'Hôpital Lady Paget.
M. Prickett qui avait quitté la Serbie le 12 octobre, persuadé,
comme l'étaient la majorité des gens en Serbie, que la peur
bulgare avait cessé, s'est rendu à Constantinople porteur de
lettres pour l'ambassadeur américain Morgenthau.
" L'ambassadeur Morgenthau, investi de la charge des affaires de
dix nations, est tout à fait surmené, mais il est en bonne forme
et on le tient généralement pour la personne la plus populaire
de Constantinople. Il m'a fait visiter, en compagnie d'un autre
de ses amis, deux des hôpitaux où se trouvent des Turcs blessés.
M. Morgenthau avait fait envoyer, la veille, des centaines de
fleurs à ces hôpitaux, et les blessés, apprenant qui les avait
envoyées, s'en étaient réjouis. La suite des hôpitaux français
et anglais a été prise par la Croix rouge américaine.
" Le charbon à Constantinople coûte à présent presque 3 dollars
la tonne; on dit que l'alimentation est vendue deux à trois fois
son prix normal, et il y a une pénurie des médicaments les plus
courants. Le blocus russe à l'entrée du Bosphore n'est pas
efficace en totalité et il a été rapporté que quatre cargos
charbonniers ont atteint Constantinople venu de la côte turque
de la Mer Noire.
" Il est dit des massacres d'Arméniens qu'ils ont été dus au
vouloir des Turcs de s'approprier les biens des Arméniens, qui
constituent la classe la plus riche en Turquie. Le prétexte turc
est qu'ils étaient déloyaux. On dit des Arméniens blessés dans
l'armée turque qu'ils sont renvoyés chez eux, où ils ne font
qu'apprendre que leur famille a été massacrée.
" Il a fallu cinq journées pour faire le voyage depuis Salonique
jusqu'à Hatoniki, au cours duquel nous n'avons trouvé à acheter
que du pain. Les vitres des trains avaient été enduites de
blanc, en sorte que de jour comme de nuit, nous n'avons rien pu
voir. Le débarquement français et anglais à Salonique étaient en
cours lorsque nous y sommes arrivés. À Salonique, au cours de
l'opération de débarquement, j'ai vu au moins un officier
bulgare, et on m'a rapporté que le fils du Kaiser en route pour
Athènes, était passé à Salonique. Le consul bulgare à Salonique
a dit que les Bulgares craignaient que la Grèce n'entre dans la
guerre.
" J'ai entendu dire à Constantinople et à Salonique que la
Turquie avait accepté de donner en deuxième concession tous les
territoires jusqu'à la ligne Enos-Media, y compris,
naturellement, la ville d'Andrinople ".
APPEL DE L'ÉGLISE POUR L'ARMÉNIE
Pétition de Anglican and Eastern Union au Président Wilson
14 novembre 1915
L'Anglican and Eastern Orthodox Churches Union [Union des
Églises Anglicane et Orthodoxes Orientales] et les organisations
de membres résidents aux États- Unis des églises orientales
orthodoxes russe, grecque et syrienne, ont adressé une pétition
au Président au nom des Arméniens.
La pétition insiste pour qu'il communique au gouvernement
allemand, allié de la Turquie, une demande ferme pour que cesse
la destruction, par centaines de milliers, de Chrétiens
arméniens.
" Nous pensons avec conviction ", écrit la pétition, " que, par
la présentation des profondes inquiétudes du peuple américain et
des préjudices qui sont portés dans le pays à l'encontre de
l'Allemagne par l'absence de tout effort de sa part pour
empêcher l'extermination délibérée d'un peuple chrétien par son
allié turc, le gouvernement impérial [l'Allemagne], obtiendra du
gouvernement ottoman qu'il donne des ordres pour mettre fin à
cette persécution et à ce massacre ".
La pétition demande également que les écoles des missions
américaines soient protégées, et que des moyens de transport
soient envoyés pour déplacer autant d'Arméniens que possible
vers les pays chrétiens.
UN MISSIONNAIRE EMPOISONNÉ
Le Révérend F.H. Leslie du Michigan tué à Urfa
Publié le 13 Novembre 1915
BOSTON, 12 novembre. – La mort par empoisonnement du Révérend
Francis H. Leslie de Northport, Mitch., missionnaire à Urfa,
Turquie asiatique, a été annoncée aujourd'hui par le Conseil
d'Administration Américain des Missions étrangères.
L'Ambassadeur Morgenthau à Constantinople, qui avait informé de
sa mort le Département d'état à Washington, a fait savoir qu'il
engageait une enquête approfondie pour en déterminer la
responsabilité, et qu'en attendant les résultats de cette
enquête, il n'avait aucune opinion arrêtée sur cette affaire.
Les informations de l'Ambassadeur étaient basées sur un
télégramme du Consul à Alep. M. Leslie, qui avait représenté 300
réfugiés Britanniques, Français, Italiens et Russes internés à
Urfa, était en contact étroit avec le Consul.
Il avait été désigné agent consulaire par les États-Unis pour
faciliter sa gestion des dotations mensuelles adressées aux
personnes internées, mais le gouvernement turc avait refusé de
reconnaître cette nomination, d'après le Révérend James A.
Barton, secrétaire du Conseil Américain.
M. Leslie avait été le seul missionnaire à Urfa, qui est un
poste éloigné du Nord de la Mésopotamie, à la frontière arabe,
depuis 1912. Le poste comportait une importante unité de
production industrielle, employant plusieurs milliers de
personnes.
LES TURCS A L'ORIGINE DE LA MORT D'AMÉRICAINS
Cinq Missionnaires Succombent, Choqués par le Spectacle des
Horreurs Arméniennes,
Écrit le Compte-rendu
Publié le 3 novembre 1915
La tension et le choc des tragédies que la guerre a provoquées
en Turquie au cours de l'année écoulée sont à l'origine de la
mort de cinq des missionnaires américains effectuant leur
mission dans l'Empire ottoman depuis le premier mai de l'an
passé, période au cours de laquelle les Turcs ont mené campagne
contre les Arméniens, selon le rapport annuel du Révérant Dr
James L. Barton, secrétaire pour l'étranger du Conseil des
Administrateurs des Missions étrangères rendu public hier ici
même.
Les missionnaires dont la mort est attribuée à la terrible
situation en Turque où Mrs Mary E. Barnum est morte le 9 mai à
Kharpout, après cinquante-six années de service en Turquie ; Mrs
Charlotte E. Ely est morte à Bitlis, le 11 juillet après
quarante-sept ans de service ininterrompu ; le Révérend George
P. Knapp, est mort à Diyarbakir, le 10 août après vingt-cinq ans
de service à Kharpout et à Bitlis ; Mrs Martha W. Reynolds,
épouse du Dr George C. Reynolds, est morte le 27 août des
blessures reçues lors d'une attaque au cours du voyage de Van à
Tiflis en Russie, et Mrs Elizabeth Ussher, morte de la fièvre
typhoïde à Van, le 14 juillet, après seize ans de service.
Le rapport donne des détails sur les effets de la guerre. Parmi
les centaines de milliers d'Arméniens et d'autres Chrétiens qui
sont morts en Turquie, déclare le Dr Barton, se trouvaient " des
professeurs et enseignants de nos écoles, des pasteurs et des
prêtres, des élèves, ceux de beaucoup d'autres écoles. Tous, "
ajoute-t-il, " sont misérablement morts chez eux, ou sont morts
des agressions qu'ils ont subies sur les routes du nord de
l'Arabie et d'ailleurs, vers où ils avaient été déportés
massivement ".
" Jamais, dans toute l'histoire, probablement, " continue le Dr
Barton, " deux cents missionnaires n'ont traversé des épreuves
aussi terribles que celles subies en Turquie par nos
missionnaires dans les neuf à dix mois écoulés, et ce n'est pas
fini ".
Se référant au traitement que les autorités font subir aux
Arméniens, le Dr Barton dit que lorsqu'il se trouvait à Kharpout,
transformé en centre militaire, plusieurs édifices parmi ceux de
l'Euphrates College avaient été réquisitionnés par les autorités
militaires turques. Un grand dortoir n'en faisait pas partie et
le Consul américain avait scellé la porte avec le sceau officiel
des États-Unis d'Amérique.
" Ce sceau ", ajoute le Dr Barton, " a été ostensiblement brisé
par le Kaïmakan de Kharpout, et en conséquence, depuis mars,
l'université a complètement cessé son activité. Le gouvernement
s'était rapidement approprié les édifices de la mission à Afion
et à Kara Hissar et il en avait été de même pour les
établissements scolaires à Adabazar.
" Vis à vis des Américains, les fonctionnaires ont supposé que
le décret d'abrogation des capitulations avait placé tous les
étrangers sous le contrôle des officiels locaux. En conséquence,
leur établissement, tout comme leur propre personnel, ont fait
l'objet de contrôles réitérés, leur communication avec les
consuls des États-Unis ou même avec l'Ambassadeur a souvent été
interdite, leurs mouvements considérablement entravés; à
Diyarbékir, le Dr et Mme Smith ont même été arrêtés et conduits
à la frontière par la cour martiale. Aucune accusation
particulière n'a été invoquée. Plusieurs missionnaires ont subi
des brèves périodes d'emprisonnement ".
VAISSEAUX DE GUERRE TURCS À VARNA
Le Goeben et le Breslau et des Lance-torpilles Mouillent dans
le Port Bulgare
Publié le 1er novembre 1915
PARIS. 31 octobre.- Dans une dépêche envoyée à l'Agence
Havas depuis Bucarest, datée de samedi, on lit :
" On annonce que les croiseurs Goeben et Breslau, sous
pavillon allemand, et deux lanceurs de torpilles turcs sont
arrivés à Varna hier. Un sous marin arrivé à Varna en pièces
détachées est en cours d'assemblage à l'arsenal de Varna ".
Le Breslau et le Goeben, qui avaient été transférés à la
Turquie peu après le commencement de la guerre, et
respectivement baptisés Midullu et Sultan Selim, étaient
mentionnés dans une dépêche datée de Copenhague samedi soir
comme ayant participé à une attaque par des bâtiments de guerre
turcs contre une escadrille russe dans la Mer Noire.
L'AIDE AUX ARMÉNIENS BLOQUÉE PAR LES TURCS
Les Efforts Pour Envoyer des Denrées Alimentaires aux
Réfugiés sont Entravés, Selon le Comité Américain
LE NOMBRE DE VICTIMES PORTÉ À 1 000 000
Une Étude précise montre que 55 000 Personnes Ont Été Tuées
dans le Seul Vilayet de Van
Publié le 1er novembre 1915
Le Comité Américain sur les Atrocités Arméniennes, dont sont
membres le Cardinal Gibbons, Cleveland, H. Dodge, l'Évêque David
H. Greer, Oscar S. Strauss, le Professeur Samuel T. Dutton,
Charles S. Crane, et beaucoup d'autres personnes éminentes, a
publié hier une déclaration dans laquelle il est dit que selon
des rapports authentiques venus de Turquie, que la guerre
d'extermination engagée par les Turcs contre les Arméniens était
si terrible que lorsque tous ces faits seront connus, le monde
réalisera que ce qui s'est passé aura été " la plus grande, la
plus pathétique, et la plus arbitraire tragédie de l'histoire ".
Les efforts pour faire parvenir des denrées alimentaires aux
Arméniens déportés de force aux endroits éloignés de l'empire
ont été bloqués par les autorités turques, rapporte le comité,
les officiels turcs ayant déclaré qu' " elles souhaitaient que
rien ne soit fait qui prolonge leur vie ".
Dans son communiqué, le Comité a rendu public un rapport reçu
d'un représentant officiel des puissances neutres, qui relatant
les conditions de l'un des camps arméniens a dit :
" J'ai visité leur campement et un spectacle plus pitoyable
est impossible à imaginer. Ils sont tous, presque sans
exception, en loques, affamés et malades. Cela n'est pas
surprenant, ayant été sur les routes pendant près de deux
mois, sans vêtements pour se changer, sans la possibilité de
prendre un bain, sans abri et avec très peu à manger. Je les
ai regardés une fois alors qu'on leur a donné à manger. Des
animaux sauvages ne pourraient être pire. Ils se sont rués
sur les gardes qui portaient à manger et les gardes les ont
fait reculer en les frappant à coups de bâton, suffisamment
fort quelquefois pour les tuer. A les voir, on peut
difficilement croire que ce sont des êtres humains.
Lorsqu'on traverse le camp, les femmes présentent leur
enfant en vous demandant de les prendre avec vous. En fait,
les Turcs se sont servis, les prenant ces enfants comme
esclaves ou pire. Il y a très peu d'hommes parmi eux, étant
donné que pour la plupart, ils ont été tués sur la route.
Des femmes et des enfants ont eux aussi été tués. Le
mouvement, dans son ensemble, semble être le massacre le
plus organisé dans les moindres détails et le plus efficace
que ce pays n'ait jamais vu ".
" Ils sont concordants ", ajoute le comité se référant aux
rapports, " s'agissant des méthodes et des façons de
procéder, de la minutie et de la cruauté du travail de
destruction, et du but avoué du plan pour exterminer la
nation arménienne. Le fait que le gouvernement central, à
Constantinople; refuse de permettre aux Arméniens qu'ils
quittent le pays est une preuve de plus que leur objectif
est l'extermination.
" Les Turcs ne nient pas les atrocités mais soutiennent que
ce sont des mesures militaires pour se protéger contre la
possible attaque d'une race qui est déloyale.
" Il est impossible d'évaluer le nombre de ceux qui sont
morts jusqu'à présent. Une étude précise, dans le vilayet de
Van a réuni les noms de 55 000 personnes qui ont été tuées.
D'autres ont réussi à en réchapper en s'enfuyant en Perse et
en Russie. Un témoin oculaire qui a récemment fait une
longue marche à travers l'Asie mineure a vu 50 000 réfugiés
démunis, aveuglés, sans aide aucune, affamés, campant au
bord de la route dans une région presque désertique, sans
aucune ressource alimentaire. Ce n'est sans doute pas une
estimation excessive de dire qu'un million des deux millions
d'Arméniens en Turquie au début de la guerre sont morts ou
dans des harems musulmans, ou convertis par force à l'Islam,
ou font partie du voyage vers les déserts et la mort ".
Le comité dit avoir transféré 106 000 dollars à l'Ambassadeur
Morgenthau à Constantinople dont 100 000 pour secourir les
Arméniens en Turquie et le reste pour ceux d'entre eux qui se
sont réfugiés en Égypte. Le bureau du Comité, dont M. Crane est
le trésorier se trouve 70, Cinquième Avenue.
Le mensonge des "déportations" opposé par les
négationnistes turcs butte dans cet article sur la
réalité : l'objectif des autorités turques qui
interdisent le passage de denrées alimentaires
destinées à ces gens qui meurent de faim, c'est
l'extermination. GB |
Protestation d'Enseignants de la Langue Allemande Contre les
Massacres d'Arméniens
NYT Current History
Novembre 1915
Cette lettre adressée au
Ministère allemand des Affaires étrangères a été écrite et
signée par les enseignants du Lycée allemand d' Alep,
Turquie, et elle a été transmise au Gouvernement britannique
par les services de censure du courrier. L'une des copies de
cette lettre a été trouvée dans un courrier envoyé le 7
[1er] juillet par l'un des signataires, le Dr Edward
Graetner de Bâle en Suisse, à un distingué théologien
allemand depuis un pays neutre. Elle est reprise ici, avec
la lettre privée du Dr Graetner, comme document de
confirmation des comptes-rendus actuels des atrocités
commises par les Turcs contre les Arméniens Chrétiens en
Turquie.
Alep, 8 octobre 1915
Nous vous prions humblement
de rendre compte au Ministère des Affaires étrangères de ce
qui suit :
Nous pensons de notre devoir
d'attirer l'attention du Ministère des Affaires étrangères
sur le fait que notre travail d'enseignants, la constitution
d'une base pour la civilisation, et l'instillation du
respect aux populations indigènes sera dorénavant impossible
s'il n'est pas possible au Gouvernement allemand de mettre
un terme aux brutalités infligées aux femmes et enfants
déportés d'Arméniens assassinés.
Face aux horribles scènes
qui se déroulent chaque jour à proximité de notre
établissement, devant nos yeux mêmes, notre travail
d'enseignant est tombé à un point qui est une insulte à tous
les sentiments humains. Comment des maîtres peuvent-ils lire
les histoires telles " Blanche-Neige et les Sept Nains " à
nos élèves Arméniens, comment peut-on en venir aux
déclinaisons et à la conjugaison, lorsque dans les cours, de
l'autre côté de la rue et en face de notre établissement
scolaire, la mort fait sa moisson parmi les compatriotes de
nos élèves mourant de faim?
Les filles, les garçons, et
les femmes, tous pratiquement dénudés, gisent sur le sol,
poussant leurs derniers gémissements au milieu des mourants
et près des cercueils déjà sortis pour eux.
Quarante à cinquante
personnes réduites à l'état de squelette sont tout ce qui
reste des 2 000 à 3 000 solides femmes des campagnes
conduites ici depuis la Haute Arménie. Celles qui sont
attrayantes sont décimées par le vice de leurs geôliers,
tandis que celles qui sont laides sont persécutées, battues,
mortes de faim, et de soif. Même ceux près des points d'eau
ne sont pas autorisés à boire. Il est interdit aux Européens
de leur distribuer du pain. Plus de cent cadavres sont
sortis d'Alep chaque jour.
Tout cela se déroule sous
les yeux d'officiers turcs de haut rang. Quarante à
cinquante personnes réduites à l'état de squelettes sont
étendues, empilées dans un jardin près de notre école.
Ils ont pratiquement perdu
l'esprit, et ont oublié comment manger. Si quelqu'un leur
donne du pain, ils le repoussent de côté avec indifférence.
Ils poussent des faibles gémissements et attendent la mort.
Ta-a-lim el alman ( le culte
des Allemands) est responsable de cela, déclarent les
autochtones.
Cela restera comme une tâche
terrible sur l'honneur de l'Allemagne parmi les générations
à venir.
Les habitants les plus
éduqués d'Alep maintiennent que les Allemands n'approuvent
pas vraiment ces agressions. Le peuple allemand, lui aussi,
est peut-être ignorant de ces événements. Comment,
autrement, la presse allemande, habituellement attachée à la
vérité, pourrait-elle évoquer le traitement humain
d'Arméniens accusés de haute trahison? Mais il se peut aussi
que les mains du Gouvernement allemand soient liées par
certains contrats. Non – lorsqu'il est question de milliers
de femmes et enfants sans défense conduits à une mort
certaine par les privations, les mots " opportun " et " kompetenzvertage "
ne peuvent plus avoir aucun sens. Tout être humain cultivé
est compétent pour intervenir, et c'est en fait, son devoir
sacré de le faire. Notre estime en les générations à venir
est en jeu. Les Turcs et les Arabes les plus raffinés
hochent la tête avec tristesse lorsqu'ils voient des soldats
brutaux conduire les convois à travers la ville de femmes en
état de grossesse très avancée, qu'ils frappent avec des
gourdins, ces pauvres êtres étant tout juste capables de se
traîner encore.
Il y a en outre, les
hécatombes effroyables d'êtres humains comme on peut le voir
dans le décret joint de Djemal Pacha.
C'est la preuve qu'en
certains lieux, on craint la lumière, mais les gens n'ont
pas encore la volonté de mettre fin à ces scènes, qui sont
dégradantes pour l'humanité.
Nous savons que le Ministère
des Affaires étrangères a déjà reçu par d'autres sources la
description de la situation locale. Dans la mesure
cependant, où le processus de déportation n'a été amélioré
en aucune manière, nous pensons qu'il est de notre devoir,
plus que jamais, de soumettre ce rapport à votre lecture.
Par-dessus tout, nous
mesurons tout le danger auquel le prestige de l'Allemagne
est exposé ici.
Directeur Huber
Dr Niepage
Dr Graetner
M. Spieler
Dans sa lettre personnelle,
le Dr Graetner donne plus de détails sur les faits dont il a
été témoin:
Je vais vous en dire plus
sur le sort des Arméniens; cette fois-ci, la question
n'était pas celle des massacres traditionnels, il s'agissait
de rien de plus ou de moins que la complète extermination
des Arméniens en Turquie. Ce fait, les officiels turcs de
Talaat Bey l'ont admis, cyniquement mais avec quelque
embarras tout de même, devant le consul allemand. Le
gouvernement avait fait savoir de prime abord qu'il voulait
seulement dégager la zone de guerre et installer les
migrants dans d'autres lieux d'habitation.
Ils ont commencé par déloger
de leurs retranchements les plus farouches des montagnards.
Ils l'ont fait avec l'aide des services de sécurité de
l'Empire turc, celles de leur propre chefs Église, des
missionnaires américains et de l'un des consuls d'Allemagne.
Par la suite, les expulsions ont commencé partout, y compris
dans les régions où la guerre ne se déroulera jamais. La
façon dont se sont passées ces expulsions est démontrée par
le fait que sur les 18 000 personnes chassées de Kharpout et
Sivas, seulement 350 ont atteint Alep, et onze seulement sur
les 1 900 d'Erzéroum. Une fois arrivés à à Alep, les plus
démunis sont loin de voir la fin de leurs problèmes. Ceux
qui n'étaient pas morts ici (les cimetières sont pleins)
avaient été conduits de nuit dans les steppes syriennes,
vers Zor sur l'Euphrate. Là, un petit pourcentage d'entre
eux ont continué de survivre, avant de mourir de faim.
Je déclare tout cela en tant
que témoin direct. Je me trouvais là-bas en octobre de l'an
passé et j'ai vu de mes propres yeux plusieurs cadavres
d'Arméniens flottant sur l'Euphrate ou étendus dans la
steppe.
Les Allemands, avec de
louables exceptions, étaient les témoins tout à fait
imperturbables de ces choses, s'en tenait à l'excuse
suivante:
" C'est que nous avons
besoin des Turcs, voyez-vous! ".
Je sais comme étant un fait,
en outre, qu'on a interdit à un employé de l'Association
Allemande du Coton et à l'un des employés du train de Bagdad
d'aider les Arméniens. Des officiers allemands ont eux aussi
formulé des plaintes dénonçant la sympathie manifestée par
leur consul envers les Arméniens, et un enseignant allemand,
bien qu'étant le plus compétent, n'a pas été engagé dans une
école de l'Association Turco-allemande parce que sa femme
est Arménienne. Ils craignent que les Turcs prennent cela
pour une offense. Les Turcs manifestent moins d'égards.
" La question est une
affaire intérieure turque; nous ne devons pas nous en mêler
! ", voilà ce qu'on entend dire constamment par les gens.
Lorsqu'il était question cependant, de persuader les
Arméniens de se rendre, ils s'en sont vraiment mêlés !
Les Arméniens d'Urfa, voyant
le sort qui s'était abattu sur leurs compatriotes d'autres
régions, ont refusé de quitter leur ville et ont résisté.
Cette fois, pas moins que le conte Wolf von Wolfskehl
ordonna que la ville soit bombardée, et après la reddition
de 1 000 hommes arméniens il n'a pas eu le pouvoir d'éviter
qu'ils soient massacrés.
CLUBS DES FEMMES PHILATÉLISTES DE LA VILLE
Résolution de Miss Helen Boswell, d'Indore, Après une
Discussion Animée
UNE PROTESTATION EN FAVEUR DES ARMÉNIENS MISE AUX DÉBATS
Refus De Délégués d'Agir à Propos des Atrocités Turques – La
Convention divisée sur le Vote
30 octobre, 1915
La Position de la Fédération Reste la Neutralité.
Une deuxième tumulte se produisit lorsque Miss Amy Fay, en
tant que représentante de la Société Philarmonique des
Femmes, présenta à la Fédération une résolution protestant
contre les atrocités turques subies par les Arméniens et
enjoignant à l'organisation de faire tout en son pouvoir
pour obtenir l'intervention du Gouvernement des États-Unis.
Il y eut des cris de " Nous sommes neutres ! " au cours de
la lecture du texte de la résolution, et plusieurs femmes se
sont levées en criant que la démarche n'était pas
admissible. L'opposition avait pris de l'ampleur, et à la
fin, une motion sur l'examen de la résolution fut mise aux
voix.
Quelques 1 800 femmes étaient présentes lorsque Mme Eugénie
J. Grant déclara ouverte la convention. Au moment où la
convention commença ses travaux la salle était pleine et
dans la confusion, à la porte, nombreuses étaient celles qui
s'efforçaient d'y entrer. La convention prit acte de la
présence de 381 déléguées et 186 suppléantes, représentant
245 clubs. Dix sept nouveaux clubs ayant été admis dans la
fédération, le plus important étant le National Opera Club
of America, dont fait partie Mme la Présidente, et qui
compte 800 membres […].
DES TURCS S'OPPOSENT AUX ALLEMANDS
À Constantinople, les Mouvements Hostiles seraient de plus
en plus Nombreux
30 octobre, 1915
PARIS, 29 octobre. – Selon des nouvelles venues de
Constantinople de sources bien informées, le mouvement
antiallemand augmente de jour en jour, et Ahmed Riza, chef du
Parti Jeune Turc, qui souhaitait interpeller le gouvernement sur
les raisons de l'entrée en guerre de la Turquie, n'a pas été
autorisé à le faire. Le gouvernement a interdit aux sénateurs
et aux députés de discuter la politique étrangère turque.
Des nouvelles sont parvenues, faisant état de récents massacres
d'Arméniens dans la région d'Ourfa.
LONDRES, samedi 30 octobre. – Une dépêche de l'agence Reuters
d'Athènes fait état d'un prochain retrait du décret sur la
confiscation des biens des belligérants, suite à la menace des
puissances de l'Entente de confisquer les biens allemands dans
les pays belligérants.
AMSTERDAM, 29 octobre. – Hakki Pacha, l'ambassadeur turc en
Allemagne, déclare dans un entretien publié dans un journal
allemand, que le " fiasco " des puissances de l'Entente à
Salonique a montré la folie de la tentative de cette opération
militaire avec 50 000 à 100 000 hommes. Si le champ de bataille
devait être étendu à la Syrie, a-t-il ajouté, la Turquie serait
prête à y envoyer les troupes nécessaires, en particulier parce
que désormais, les munitions peuvent être acheminées vers
Constantinople par le Danube.
DES ESPIONS TURCS DANS UN HOTEL
Observaient un Arménien, mais le Détective de l'Hôtel les a
Chassés
Publié le 29 octobre 1915
Une recherche d'espions turcs avait été commencée hier à midi au
Waldorf-Astoria par le détective de l'hôtel John Dillon
lorsqu'on lui a rapporté que quatre personnes d'allure suspectes
étaient passées plus d'une fois près d'une table à laquelle
Vahan Cardashain, jusqu'à récemment Commissaire turc de
l'exposition Canada-Pacific, dînait en compagnie de plusieurs
amis. M. Cardashain, un sujet arménien de Turquie, a cessé
d'être commissaire peu après qu'une lettre qu'il avait écrite à
William Jennings Bryan en confirmation des atrocités arméniennes
ait été transmise à l'Ambassadeur von Bernstorff.
L'ex-commissaire tardait un peu à arriver au déjeuner, et ses
amis étaient quelque peu anxieux. Lorsqu'il arriva finalement,
ils lui firent part de leurs craintes, mais cela fit plutôt
sourire M. Cardashain. Cependant, lorsque les quatre étrangers
passèrent plusieurs fois devant la table de M. Cardashain, le
regard menaçant, le détective de l'hôtel fut appelé. Aussitôt
qu'il est apparu, les suspects se sont éloignés en prenant la
cinquième avenue. M. Cardashain a pris un train pour Washington.
Où l'on voit que Taalat n'hésite pas, pour la réussite du
Génocide, à s'occuper des Arméniens en pays étrangers, quelques
mois seulement après l'avoir déclenché. Il avait donc envoyé ses
agents jusqu'aux USA pour surveiller l'activité des patriotes
arméniens en Amérique, les forcer au silence par la menace,
voire peut-être les assassiner, pour les empêcher de témoigner…
Une preuve s'il en fallait contre la thèse négationniste selon
laquelle les massacres et les crimes n'étaient pas organisés par
le gouvernement turc.GB
LA LUMIERE QUI
POURRAIT S'ÉTEINDRE EN TURQUIE
Ce que les Arméniens Ont Fait Pour Soutenir la Chrétienté et la
Civilisation Occidentale dans la Famille du Prophète
Publié le 28 octobre
1915
Par ARSHAG MAHDESIAN
Éditeur et Publiciste Arménien
À l'Éditeur du New York Times:
L'éminent et acharné défenseur des atrocités turques, Zia Mufty-Zadé,
dans l'incohérence de ses propos pour atténuer et justifier le
comportement criminel du Gouvernement ottoman, demande: " Où est
l'Arménie? "
Il pense que parce que l'Arménie est divisée entre trois
puissances – Russie, Perse et Turquie- elle n'existe plus. Mais
la Pologne est elle aussi divisée en trois puissances.
Demandons-nous : " Où est la Pologne? "
Les provinces d'Alep, Adana, Trébizonde, Erzeroum, Van, Bitlis,
Diyarbekir, Mamouret-ul-Aziz et Sivas, habitées d'Arméniens,
constituent l'Arménie en Turquie. Le Gouvernement turc lui-même
a reconnu l'existence de l' Arménie au cours de la guerre
russo-turque. Lorsque les armées furent détruites le Sultan et
ses conseillers réalisèrent que le vainqueur, la Russie,
pourraient demander l'annexion d'Erzeroum, Diyarbekir et Sivas.
Ils s'empressèrent de demander aux Arméniens de réclamer, pour
les provinces habitées par eux, l'autonomie politique sous
suzeraineté ottomane.
L'arrivée de l'escadron britannique devant Constantinople,
cependant, encouragea la Turquie à changer d'idée, et au cours
des négociations à San Stefano, ils refusèrent d'accepter le
texte proposé par le plénipotentiaire de la Russie en faveur de
l'autonomie administrative arménienne. Finalement, la phrase
" autonomie administrative " de l'Article XVI du traité de San
Stefano fut remplacée par " réformes et améliorations " que la
Russie garantirait par l'occupation du territoire turc. Au
congrès de Berlin, suite aux efforts de la Grande Bretagne, la
clause concernant l'occupation russe fut éliminée et l'Article
XVI du traité de San Stefano fut substitué par l'Article LXI du
traité de Berlin. Les négociations diplomatiques qui ont résulté
en les Articles XVI du traité de San Stefano et LXI du traité de
Berlin sont une reconnaissance irréfutable de l'existence de
l'Arménie dans l'empire turc.
L'existence d'une nation, outre son indépendance politique, est
indiquée par ses activités citoyennes. La population de l'Empire
ottoman est estimée à 32 000 000, dont 1 100 000 sont arméniens.
Et cependant, les Arméniens ont 785 établissements
d'enseignement, avec plus de 82 000 élèves, tandis que les Turcs
peuvent tout juste avancer 150 écoles recevant seulement 17 000
lèves.
Pour donner une idée de la puissance économique de Arméniens
dans l'Empire turc, Marcel Leart rapporte le fait que des 168
importateurs de Sivas, qui comporte la plus faible population
arménienne des six provinces arméniennes, 141 sont des
Arméniens, 18 des Turcs et 12 des Grecs.
De 150 exportateurs, 127 sont des Arméniens, et 23 des Turcs.
Sur 37 banquiers et financiers, 32 sont des Arméniens et
seulement 5 des Turcs.
Des 9 800 commerçants et artisans, 6 800 sont des Arméniens et
seulement 2 550 sont des Turcs, les autres se répartissant sur
diverses autres nationalités.
La même chose est vraie pour l'industrie locale. Des 153 usines
et minoteries, 130 appartiennent à des Arméniens, 20 à des
Turcs, et 3, ateliers du tapis, à des étrangers ou compagnies
mixtes. Le personnel de tous ces établissements est
exclusivement arménien,. Le nombre d'employés est d'environ
17 000 dont 14 000 sont des Arméniens, 3 500 des Turcs et 200
Grecs et autres.
Les Turcs appartiennent à la race touranienne d'Asie Centrale.
Avec leur apparition en Syrie, Mésopotamie, Byzance, Arabie,
Égypte Arménie et Grèce, la civilisation a régulièrement cédé la
place. Victor Hugo a admirablement décrit cette influence
néfaste des Turcs dans les termes qui suivent: " Les Turcs ont
passé là, tout est ruine et deuil ". Le Turc n'a aucun lien,
aucune consanguinité avec les Arabes, et n'a aucune paternité
sur la civilisation. Il est méprisé du fond du cœur par les
Arabes qui chantent :
Trois choses ne sont que l'œuvre du mal…
La sauterelle, la vermine et le Turc.
Entourés de toutes parts par les hordes destructrices turques,
les Arméniens ont été les représentants de la civilisation
occidentale, d'abord par leur religion chrétienne, ensuite par
leur culture. Alors que les Turcs fournissent les criminels dans
l'Empire ottoman, les Arméniens fournissent les médecins, les
artisans, et les érudits. C'est un architecte arménien, Sinan,
qui a conçu et construit la célèbre mosquée d'Andrinople et la
Mosquée de Soliman à Constantinople, et ce sont des architectes
arméniens, les Balian, qui ont construit les palais de Cheragan,
de Beyler-bey, et de Dolma Bahche, " qui peut être pris ", selon
Théophile Gautier, " pour un palais vénitien, en plus riche,
plus vaste et plus hautement orné – transporté depuis le Grand
Canal sur les rives du Bosphore ".
Même l'introduction de l'imprimerie turque et du théâtre turc
ont été faites par les Arméniens, et ce sont deux distingués
Arméniens, Odian et Servicen, qui collaborèrent avec Midhat
Pacha pour élaborer la Constitution turque. Les Turcs n'auraient
pas une grammaire de leur propre langage s'il n'y avait pas eu
les philologues arméniens. On doit rendre hommage à Sherif
Pacha, distingué Turc exilé à Paris, lorsqu'il déclare, comme il
l'a fait dans les colonnes du THE TIMES du 10 octobre, que :
" S'il est une race qui a été associée de près aux Turcs
par sa fidélité, par ses services au pays, par les hommes d'état
et fonctionnaires de talent qu'il a donnés, par l'intelligence
qu'il a montré dans tous les domaines – le commerce,
l'industrie, la science et les arts - c'est certainement la
[race] arménienne ".
En outre, l'Arménie en Turquie, donne de la force aux Turcs. Les
deux paragraphes qui suivent, extraites de la lettre qu'un Turc
a envoyée à son fils dans ce pays, en attestent :
" Je te retourne le chèque que tu m'as envoyé, parce que nous ne
pouvons pas l'encaisser, il n'y a plus de raya ici…Les temps
sont mauvais mon fils, le raya était tout pour nous…Je te dis
que lorsque l'hiver sera là, ce sera notre tour de mourir de
faim, parce que, comme tu sais, nous vivons tous sur les
récoltes du raya ".
Au vu de ces faits, ne pourrait-on pas demander à Zia Mufty,
" C'est où, la Turquie? "
Comme le mois précédent,
le dix-sept septembre 1915, sous la plume de Vincent Yardum, le
New York Times ouvre largement ses colonnes à un citoyen
Américain, Arménien d'origine. Cette fois, rappelant l'apport
arménien à l'empire ottoman, c'est le sauvetage d'une nation sur
ses terres (qui ne s'appelait pas encore autrement qu'ARMÉNIE)
que le journaliste demande à son pays. GB
TOUS LES ARMÉNIENS DE LA VILLE DE KERASUNT
MASSACRÉS
Les Turcs Balaient la
Totalité de la Population dans une Ville de la Mer Noire.
Publié le 26 Octobre 1915
LONDRES, mardi 26 octobre. -- Une dépêche d'Odessa au Daily Mail
écrit :
" Les Turcs ont massacré la totalité de la population arménienne
de Kerasunt sur la Mer Noire. "
Kerasunt est un port de mer en Turquie asiatique, à environ 110
km à l'ouest de Trébizonde. Il est situé sur un promontoire
rocheux, avec une large baie du côté est. Les hauteurs
environnantes sont recouverts d'une végétation luxuriante. La
population de Kerasunt est d'environ 24 000.
Une dépêche. Quelques lignes dans un journal New Yorkais mais un
drame terrible.
GB
ON NE PEUT DÉFENDRE LES ARMÉNIENS
L'Homme d'état Turc dit que le Gouvernement n'a pas de
Gendarmes à l'Intérieur
Publié le 25 Octobre 1915
BERLIN, 24 octobre, (via Londres.) — Le correspondant du
Tageblatt, Emil Ludwig, envoie le récit d'une entrevue qu'il a
eue avec Halil Bey, Président de la Chambre des Députés, au
sujet des Arméniens. Halil Bey a déclaré:
" Ce sont des traîtres. Vous avez en tête certains excès et
bévues, mais, croyez-moi, le Gouvernement n'en est pas
responsable, et les regrette aussi sincèrement que quiconque.
Mais nous n'avons plus de gendarmes à l'intérieur. Tout le monde
est sous les armes comme soldat. Ainsi, il en résulte que nous
n'avons pas été partout capables de contenir la rage des
Mahométans contre ces traîtres à leur pays. Le Gouvernement
lui-même ne fera que garder les Arméniens si loin du théâtre de
la guerre qu'ils ne pourront pas conspirer avec l'ennemi ".
Halil Bey a relevé, dit le correspondant, que les Arméniens se
sont ralliés aux Russes par milliers lorsque ces derniers
avaient pris la route de Van, ajoutant :
" Défendrez-vous de telles choses ? "
Commentaires -
Qu'est-ce qu'il pouvait dire, le Président de la Chambre
des Députés turc en octobre 1915 ? Il dit ici ce que les
négationnistes du Génocide des Arméniens disent encore:
tous les hommes valides étaient mobilisés pour défendre
le pays, dans la guerre que d'ailleurs, les Turcs
eux-mêmes avaient déclenchée. Mais si tous les hommes
valides portaient l'uniforme, qui donc massacrait les
Arméniens par centaines de milliers ? Les femmes turques
? les vieillards ? L'élu du peuple turc ne fait que
mentir : quelques semaines seulement avant cette
entrevue, dans les colonnes du même journal, le New York
Times du 3 septembre, il est fait état de massacres de
la population Arménienne à Izmit, à 90 km d'Istanbul,
soit à environ 1 500 kilomètres du front…
GB |
L'ALLEMAGNE DIT NE PAS POUVOIR
ARRÊTER LES TURCS
Représentations faites sur les Massacres Arméniens, Mais
Trouvé les Dirigeants Indifférents
Publié le 23 octobre 1915
WASHIINGTON, 22 octobre —
Des notes confidentielles reçues aujourd'hui par le
Département d'Etat disent que le gouvernement allemand a
fait officiellement des efforts pour mettre fin aux
atrocités rapportées dont seraient victimes les
Arméniens en Turquie, mais que les responsables
politiques on apparemment montré un manque d'intérêt
envers de telles démarches.
Des représentations
avaient été faites par les États-Unis par
l'intermédiaire de leur Ambassadeur Morgenthau à
Constantinople il y a quelques temps, avertissant la
Turquie que la continuelle persécution des Arméniens
mettrait fin à l'amitié du peuple américain. Un certain
nombre de dépêches sur le sujet ont été reçues de M.
Morgenthau, mais aucune réponse claire de la part du
Gouvernement Ottoman n'a été annoncée.
LES JUIFS ALLEMANDS AIDENT LES
TURCS
Envoi de Deux Wagons de Fournitures Hospitalières à
Constantinople
Publié le 22 octobre 1915
BERLIN, 21 octobre (Par radiotélégraphe envoyé à
Sayville, N.Y.).- Des paroisses juives d'Allemagne ont
envoyé à Constantinople deux wagons remplis de fournitures
hospitalières pour l'armée turque. Herr Nossig, le délégué
juif, a été reçu en audience par le Sultan, l'héritier au
trône, le Ministre de la Guerre Enver Pacha et par d'autres
représentants du gouvernement turc.
Les officiels turcs ont exprimé leur satisfaction pour
le comportement de la population juive et donné des
assurances sur l'amitié du gouvernement envers ce peuple. À
Constantinople, une union Musulmane-Israélite avait été
fondée pour la promotion de la solidarité entre Juifs et
Turcs. Les gouvernements turc, allemand et austro-hongrois
ont échangé leurs vues dans le but de parvenir à un accord
concernant l'amélioration de la condition des Juifs dans
l'est.
IL NE RESTE A PRÉSENT EN TURQUIE QUE
200 000 ARMÉNIENS
Plus de 1 000 000 Tués, Réduits en Esclavage ou Exilés
Selon un Journal de Tiflis
Publié le 22 octobre 1915
TIFLIS, Transcaucasie, 19 octobre (via Petrograd et
Londres, 21 octobre).
Selon une l'estimation du journal arménien Mshak, des 1
200 000 Arméniens vivant en Turquie avant la guerre il
ne reste pas plus de 200.000. Cet effectif restant, dit
Mshak, pourrait disparaître avant la fin de la guerre,
du fait de la
politique turque d'extermination.
Les chiffres de Mshak sont fondés sur l'estimation du
Patriarche Arménien de Constantinople selon qui 850 000
Arméniens ont été tués ou réduits à l'esclavage en plus
des 200 000 Arméniens dont on pense qu'ils ont fui en
Russie.
LES ARMÉNIENS ACCUSÉS DE FAIRE DU TORT AUX
TURCS
Les Autorités Ottomanes Portent des Accusations Formelles
d'Attentats Répétés
LE LONG DE LA FRONTIÈRE CAUCASIENNE
Les Troupes Russes Associées à des Civils Grecs et Arméniens
sont les Auteurs
Spécial au New York Times
Publié le 22 octobre 1915
WASHINGTON, 21 octobre. — A la suite des accusations venues
du monde entier de traitement barbare des Chrétiens
d'Arménie, le Gouvernement turc nous a communiqué des
accusations dans l'autre sens, selon lesquelles des actes
barbares ont été commis contre des Musulmans par les troupes
russes le long de la frontière caucasienne, aidés par des
membres de la population grecque et arménienne de cette
région.
La contre-accusation est adressée par le Gouvernement turc à
son ambassade de Washington. Elle a pris la forme d'une
communication qui a été remise au Secrétaire Lansing
aujourd'hui par Abdul Hak Hussein Bey, premier secrétaire et
chargé d'affaires de l'ambassade depuis le 4 octobre 1914,
lorsqu'il a pris ses fonctions lors du retour de
l'ambassadeur A. Rustem Bey en Turquie.
Après avoir remis la communication au secrétaire Lansing, le
chargé turc en a remis un résumé à la presse.
Après avoir dit qu'il n'avait pas eu la possibilité
d'examiner le document, le Secrétaire Lansing n'a pas fait
d'autres commentaires sur la communication. On ne s'attend à
aucune action du Département d'État pour l'instant. On pense
que la communication sera classée pour une référence future.
Le résumé remis par Hussein Bey dit :
"L'ambassade ottomane vient juste de recevoir un rapport
du quartier général ottoman concernant les actes de
barbarie commises par les troupes russes, assistées par
les populations grecques et arméniennes, contre les
Musulmans habitant le long de la frontière du Caucase.
Ces actes atroces, commis sous les yeux des autorités
russes dans les circonscriptions de Tavashguerd,
Pensguerd, Olti et Ardanuche ont été établis après une
enquête approfondie de Seifullah Effendi, un membre
d'Erzeroum du Parlement ottoman. Quelques uns des cas
les plus typiques sont relatés ci-dessous, en omettant
cependant certains détails qui ne peuvent être imprimés
en raison de leur horreur indescriptible.
" Une bande de Russes et d'Arméniens s'était introduite
dans la maison de Murad Bey, un riche villageois de
Kirechud bien connu pour ses actes charitables envers
tous les habitants, quelle que soit leur race ou leur
croyance, avec visiblement l'intention d'agresser sa
vieille épouse. Murad Bey, réalisant l'impossibilité de
la préserver du déshonneur, l'a tuée avec son propre
fusil, et il a été par la suite abattu par les
agresseurs. La rage de ces derniers a ensuite été
dirigée contre la belle-fille de Murad Bey; dont le
fils, Suleyman, suivant l'exemple de son père, a été tué
lui aussi.
" Les coupables se sont rendus après cela au village
d'Izensur, et pour éviter la répétition de tels actes,
ont commencé par enfermer dans une grange la population
de sexe masculin et ont ensuite agressé les femmes. Les
Musulmans des villages environnants, ayant été prévenus
du danger, se sont précipités sur les lieux, mais trop
tard pour porter secours aux femmes; parmi elles deux
filles de 13 ans sont mortes de honte et de torture.
" Des femmes musulmanes qui avaient trouvé refuge dans
le village de Parishur ont été agressées par des Grecs
et des Arméniens, et certaines d'entre elles ont été
soumises au pire traitement. La plupart d'entre elles,
cependant, préférant la mort à la honte, se sont jetées
d'une colline haute de 200 mètres dans un précipice
rocheux, où elles ont toutes péri.
" Un grand nombre de femmes musulmanes d'Ardanuche, qui
s'étaient enfuies à Tavashguerd ont du endurer le même
sort.
Alors qu'elles étaient laissées à moitié mortes, leurs
agresseurs russes, arméniens et grecs ont porté la
cruauté au point de percer de leurs baïonnettes les
joues des enfants afin de les empêcher de s'allaiter au
sein de leurs mères. C'est ainsi que les mères et les
enfants périrent d'une mort lente et terrible sous les
yeux de leurs persécuteurs.
" L'épouse et la fille d'Ibrahim Alias Ibo ont été
emmenées par des Grecs et des Arméniens du village de
Mokdjalar à celui de Pertek, dans la circonscription
d'Olti, et ont été agressées. Deux Musulmans, se
précipitant pour leur venir en aide, ont sauvé la jeune
fille. La mère est morte après avoir reçu vingt et une
blessures. La jeune fille est morte deux mois plus tard
des conséquences du choc qu'elle avait subi.
" Des Arméniens et des Grecs, servant de guides pour les
troupes dans l'attaque du village d'Erghenes, ont
agressé avec une cruauté inouïe la femme de l'Imam Oglou
Osman Agha, sous les yeux de son mari impuissant. Ce
dernier a ensuite été tué et son corps coupé en
morceaux.
" Zebra, la femme de Mouhib Oglou Mohammed Ali, aussi du
village d'Erghanes, âgée de 18 ans , a été torturée par
les mêmes malfaiteurs pendant trois jours, après quoi
elle a été tuée et son corps horriblement mutilé.
" Les Arméniens du village de Dauzaute ont décapité une
certaine personne nommée Chérif, et quatre autres
Musulmans qui avaient trouvé refuge dans ce village.
" Un Grec, nommé Yani, a tué en pleine rue et devant un
attroupement nombreux, Garib Agha du village de
Karnavas, dans la circonscription de Tavaarguerd , qui
s'était réfugié dans le village d'Azort, dans le
district de Tortum. Les Arméniens qui avaient assisté à
cette scène ont tout de suite rejoint Yani et traîné
vingt cinq Musulmans hors de leur maison où ils
s'étaient cachés. Conduits dans la rue, ces infortunés
ont été rassemblés et tués jusqu'au dernier, après avoir
subi d'horribles tortures rappelant le Moyen Âge. Leur
corps, coupés en morceaux, ont été ensuite exhibés à
tous les coins de rues.
" Les mêmes tueurs de sont dirigés vers le village de
Djihan, et là ils se sont attaqués à cinq hommes âgés.
Des septuagénaires. Ceux-ci ont d'abord été couverts de
blessures, et arrosés ensuite de kérosène et brûlés
vifs.
" Ces quelques événements pourraient être multipliés,
mais ils sont suffisants à montrer l'esprit barbare avec
lequel les Russes, aidés d'Arméniens et de Grecs, font
la guerre dans le Caucase. "
LES ARMÉNIENS REMERCIENT LE PAPE
Le Patriarche Exprime Sa Gratitude pour la Requête de Benoît
XV au Sultan
Par Câble Spécial au New York Times
Publié le 21 octobre 1915
ROME, 21
octobre. — La nouvelle faisant état des remerciements du
Patriarche des Arméniens au Pape pour son intervention en
faveur des Arméniens en Turquie a été reçue avec une grande
satisfaction, dans la mesure où on pensait ici que le
Patriarche aurait gardé le silence si la remontrance du Pape
adressée au Sultan n'avait eu aucun effet.
L'agitation en faveur des Arméniens n'a pas cessé cependant,
les gens ici ayant trop d'expérience envers les promesses
turques pour croire que le danger des attentats soit écarté.
Le projet d'un chef arménien d'organiser un corps de ses
compatriotes de tous les pays pour combattre les Turcs a été
reçu ici avec enthousiasme, et il n'aura pas de difficulté à
réunir des volontaires parmi les Arméniens en Italie.
PROJET DE CORPS ARMÉNIEN POUR COMBATTRE POUR LES ALLIÉS
L'Officier Russe Propose d'Accueillir les Recrues de Beaucoup de
Pays, y Compris d'Amérique
Publié le 19 Octobre 1915
LONDRES, 18 octobre. — Une dépêche à la Reuter's Telegram
Company reçue de Petrograd annonce:
" Le Capitaine Torcom prévoit de constituer un corps de
volontaires parmi les Arméniens résidant actuellement dans les
Balkans, en Égypte, en Italie, France, Grande-Bretagne et aux
États-Unis pour combattre dans les rangs des Alliés contre la
Turquie.
" Dans un appel dans ce sens, le Capitaine Torcom dit que les
Arméniens n'ont pas été en mesure d'empêcher le massacre des
Arméniens en Asie Mineure par les Turcs, mais que ceux qui
vivent dans les autres pays peuvent aider au combat contre la
Turquie et que les puissances alliées ne leur refuseront pas
l'honneur de se joindre à la guerre contre leurs oppresseurs.
" Le projet du Capitaine Torcom prévoit la formation d'un
maximum de 30 bataillons et un minimum de 10 bataillons. Le
Capitaine Torcom a été blessé dans le récent combat en Galicie,
mais est à présent sur le point de quitter l'hôpital pour se
rendre à Londres pour mettre son projet à exécution. "
LES ARMÉNIENS VUS PAR LES TURCS
Ils Trahissent leurs Gouvernants, se Réfugient dans les Missions
Chrétiennes et Doivent être Traités comme des Dangereux Rebelles
Publié le 18 octobre 1915
Commentaires
Par ZIA MUFTY-ZADE BEY
New York, 15 octobre 1915,
A l'éditeur du New York Times:
La campagne menée par un petit nombre de personnes essayant
d'entraîner l'opinion publique américaine vis-à-vis des
soi-disant massacres d'Arméniens a récemment pris une telle
proportion que je me considère obligé de mettre en avant
quelques considérations. Je le fais avec regret, dans la mesure
ou avant tout, j'ai des scrupules à exposer au regard
d'étrangers les imperfections de quelques uns parmi notre
peuple, et ensuite, je suis d'avis que dans la vie publique,
comme dans la vie privée, chacun ne devrait s'occuper que de ses
affaires.
Quoi qu'il en soit, je voudrais poser une question à ceux qui
emploient librement le terme " Arménie " mentionné même dans les
communiqués officiels de la Société de la Croix Rouge et dans
d'autres institutions. L'Arménie, c'est où ? S'ils entendent par
ce terme les provinces et autres villes accueillant un certain
nombre d'Arméniens, l'Arménie doit ensuite inclure non seulement
tous les territoires inclus entre l'Inde et la Grèce mais aussi
New York City, où résident un grand nombre d'Arméniens. Mais le
problème est que dans aucun de ces territoires la population
arménienne n'a de majorité légitime. Tout comme à New York, où
sont représentées beaucoup d'autres nationalités, dans les
territoires mentionnés dans ce qui précède, il y a des millions
de Perses, de Russes, de Turcs, de Kurdes, d'Arabes, de Syriens,
de Bulgares, etc.
S'ils entendent par Arménie le territoire contigu à la frontière
russe, où les implantations arméniennes sont plus denses, alors
le terme devrait inclure également toutes les provinces russes
du Caucase, où ladite population est plus dense. Bien sûr, cela
ne doit pas être oublié, parce qu'une résurrection de l'Arménie,
priverait de quelques provinces le " Petit Père " russe dont la
pureté, la largeur des idées, l'amour de la liberté et de
l'égalité des droits ont allié la Russie aux puissances
occidentales, championnes des petites nationalités !
La vérité de la chose est qu'il n'y a aucune Arménie constituée,
et que les Arméniens de Turquie ne sont que des citoyens
ottomans, comme il y a des citoyens russes en Russie et des
citoyens américains aux États-Unis et qu'on attend d'eux qu'ils
respectent les lois qui ont cours dans ces pays.
Voyons à présent les caractéristiques nationales des Arméniens.
Il convient de dire que partout où ils se sont installés, que ce
soit en Turquie, en Asie, en Europe ou en Amérique, ils
constituent un élément turbulent dont les rapports avec les
affaires ont largement contribué à donner une réputation
douteuse à tous les Orientaux. Ainsi, loin d'être la race calme
et paisible qu'on décrit pour aggraver le traitement auquel les
Turcs les soumettent, on admet généralement que la majorité
d'entre eux forme un élément indésirable pour quiconque vient à
leur contact, n'importe où dans le monde.
Avant de porter un jugement définitif sur les actes du
gouvernement ottoman, dans cette triste occurrence, jugement
qui, pour employer les propres mots de M. Lansing, " mettrait en
danger les sentiments amicaux entre les peuples des deux pays ",
je veux que le public américain se souvienne des photographies
largement publiées dans quelques journaux en Amérique et de
nombreux autres en Europe. L'une des dernières éditions de The
Outlook les reproduit à nouveau. Ces photos montrent des
" Volontaires arméniens dans des tranchées et tirant sur les
troupes ottomanes ". Je voudrais que le public américain
considère ce qu'ils penseraient s'ils voyaient des " Arméniens
dans des tranchées tirant sur les troupes américaines ", si une
partie des Arméniens américains avaient choisi cette ligne de
conduite à une époque où l'Amérique était en guerre avec une
puissance étrangère.
Les rapports, remis au parlement britannique et cités comme
ayant été initiés à Tiflis, une ville russe, tout comme les
rapports donnés par la Commission d'Enquêtes présidées par Lord
Bryce, sont pour le moins grossièrement exagérés. Le parti pris
des rapports faits par nos ennemis qui ont un intérêt vital à
nous décrire sous un mauvais jour est tellement évident qu'il
n'y a nul besoin de s'y attarder davantage. L'exactitude des
enquêtes rapportées par la Commission Lord Bryce peut très bien
être mise en doute lorsqu'on cesse de penser que ladite
commission a enquêté sur des actes supposés commis à une
distance de plusieurs milliers de miles à l'intérieur d'un pays
en guerre, et donc en des lieux qu'il est matériellement
impossible d'atteindre.
Les seuls rapports qui pourraient donner une base permettant de
les considérer comme valables sont ceux rédigés par les
missionnaires américains qui sont récemment revenus dans ce
pays.
De ce point de vue, pour ne citer que la seule déclaration de
l'un des plus récents témoins oculaires, je reprends les mots du
Dr Yarow, membre du Conseil Américain des Missions Étrangères,
tels qu'ils sont repris dans l'édition du New York Times du 8
octobre. Le Dr Yarow dit: " Pendant vingt-sept jours, 1 300
Arméniens déterminés ont tenu Van contre 5 000 Turcs et
Kurdes ".
A présent, notez bien ce que je vous dis : Van est une ville
ottomane, et donc, les actes de ces Arméniens déterminés ne sont
rien d'autre qu'un acte de rébellion déclaré qui devait être
traitée comme il convient par la force légale organisée. Assez
singulièrement, le Dr Yarow transforme en crime le fait que les
Turcs étaient commandés par un officier allemand et recourrait à
un obusier pour étouffer la rébellion, comme si on pouvait
attendre d'un gouvernement institutionnalisé qu'il agisse
différemment pour écraser la révolte d'un certain nombre de ses
citoyens " déterminés ". Assez singulièrement, le Dr Yarow
transforme en crime le fait que les Turcs aient délibérément
tiré sur les immeubles de la mission sur lequel flottaient cinq
drapeaux américains et un drapeau de la Croix-Rouge " en
protection " (sic), bien que selon sa propre confession il admet
le recours illégal auxdits drapeaux en avouant le soutien
effectif que lui-même et ses collègues de la mission apportaient
aux Arméniens rebelles, lorsqu'il dit : " Et pendant le siège,
il NOUS fallait non seulement combattre les Turcs mais presque
toutes les maladies connues en même temps ", montrant ainsi
manifestement que leur premier et principal objectif était de
" combattre les Turcs ", admettant ainsi manifestement l'emploi
du drapeau américain à mauvais escient. Est-il surprenant que
dans ces conditions, les Turcs aient ouvert délibérément le feu
sur les immeubles de la mission? Je me risquerais à dire que si
les missionnaires américains à Van ou en toute autre région de
la Turquie, au lieu de " combattre les Turcs ", s'étaient
contentés de prêcher, enseigner l'amour fraternel et les
principes généraux chrétiens, tâche pour laquelle je présume,
ils ont été envoyés en Turquie par le Conseil Américain, les
propriétés des missions dans l'Empire ottoman auraient été
préservés et exempts de toute attaque.
S'il y a eu un quelconque crime commis sur des femmes ou des
enfants nous sommes les premiers à les déplorer profondément et
sincèrement, mais avec ma connaissance du pays et des gens je me
considère en position de nier l'existence d'un mouvement général
concerté impliquant des massacres et des atrocités. Si des
femmes et des enfants ont été tués dans la bataille je répète
que je le déplore mais je veux insister sur le fait que de tels
accidents apparaissent inévitablement tous les jours même sur
les champs de bataille occidentaux, où les nations supposées
civilisées sont en guerre. On doit par conséquent considérer
cela comme le mal inévitable de la guerre.
S'agissant de l'expulsion " en masse " et le convoyage des
Arméniens de ces lieux de l'Empire ottoman qui sont, ou qui
pourraient être sous la menace de l'invasion étrangère, je vois
la justification de cet acte du Gouvernement ottoman dans l'aide
que les Arméniens ont donnée aux Russes. Il est bien de
remarquer que ne serait-ce qu'à Van et ses environs, où la
révolte interne des Arméniens est devenu effective, les Russes
sont parvenus à envahir le territoire. On conçoit par
conséquent, d'un gouvernement légalement constitué, trompé par
un certain élément de la population, qu'il prenne nécessairement
des mesures sévères pour empêcher la répétition de trahisons
similaires, et les conséquences qu'elles auraient en tout autre
lieu du pays, en concentrant, en un endroit facile à contrôler,
tous les membres d'un élément à ce point turbulent.
Bien sûr une expulsion à une échelle à ce point grande crée
inévitablement des souffrances, des maladies et même des actions
immorales. Cela est encore une fois mis en évidence par les
effets que les réfugiés belges ont rapportés en Angleterre, en
Hollande et dans d'autres pays. Il est des plus regrettable que
de telles souffrances soient tombées sur les épaules d'une race
incluse dans la famille ottomane elle aussi, mais les Arméniens
n'ont à s'en prendre qu'à eux-mêmes. ZIA MUFTY-ZADE BEY
Commentaires -
Au mois d'octobre 1915, les
témoignages, les reportages, les prises de position, les
appels sur ce qui se passe en Arménie affluent au New
York Times. Ils sont à ce point convergents que le
quotidien new-yorkais a demandé au consul turc de donner
le point de vue du gouvernement turc et n'a pas hésité à
le publier le 15 octobre. Quelques jours plus tard, le
New York Times ouvre ses colonnes au Mufty Zia, auteur
d'un livre
Speaking about Turks, et cité encore de nos jours
dans un site négationniste d'Internet. On y voit que le
mensonge, le recours à des termes ambigus qui
constituent l'essentiel de l'argumentation turque,
datent de 1915. Le Mufty emploie le terme soi-disant (so-called)
là où le consul parle de fabrication. D'après
lui, les USA feraient mieux de s'occuper de leurs
affaires. Pour lui, l'Arménie, ce pays peuplé
d'Arméniens n'existe pas
; ces sujets chrétiens
représentaient une menace pour la Turquie en guerre, une
guerre dans laquelle elle est entrée délibérément.
La légitime défense des Arméniens de
Van, le 20 avril 1915, pour répondre et à la
confiscation des armes organisé par le gouverneur turc
et aux massacres qui ont suivi (l'ambassadeur Morgenthau
consacrera à ces événements héroïques un chapitre entier
de ses mémoires), est qualifiée de rébellion et
même de révolution. Les faits repris dans le
Livre Bleu de Lord Bryce sont
grossièrement exagérés. Les témoignages des
missionnaires américains sont suspects parce qu'issus de
Chrétiens.
Revenant sur la menace que selon lui,
les femmes, les enfants, les vieillards faisaient peser
sur une Turquie envahie par la Russie, le Mufty
recourt aux guillemets pour contester que ces
déportations soient organisées " en masse ".
Il y a tout de même un argument qu'on
n'entend plus aujourd'hui, peut-être parce qu'au fond,
c'est celui des Turcs. C'est un jugement sans appel, le
même que les nazis reprendront à l'égard des Juifs pour
justifier la Shoah. Au détour d'une phrase, le Mufty Zia
écrit : on admet généralement que la majorité d'entre
eux forme un élément indésirable
pour quiconque vient à leur contact, n'importe où dans le
monde.
Il ne suffisait pas dès lors, de
déporter les Arméniens où que ce soit, puisqu'ils
constituaient, où qu'ils soient,
un élément indésirable.
Il fallait les exterminer.
GB |
DES MANIFESTANTS PAR MILLIERS PROTESTENT CONTRE
LES MASSACRES D'ARMÉNIENS
Un Seul Homme et Une Seule Femme Se Déclarent en Désaccord Avec
la Dénonciation des Massacres
LES TURCS ONT TUÉ 500 000
________
Des Preuves, Détenues par le Département d'État, Montrent qu'un
Quart de Million de Femmes ont été Violées.
Publié le 18 octobre 1915
L'audience nombreuse qui s'était réunie au Century Theatre,
Central Park West et Soixante Deuxième rue, hier après midi,
avait à peine acclamé son approbation d'une résolution déplorant
les atrocités commises contre les Arméniens par les Turcs, qu'un
homme disant s'appeler Brown, se leva et demanda qu'on lui donne
le droit de discuter les résolutions.
Une femme, qui disait s'appeler Mme Brooks, hurla son
encouragement au fauteur de trouble et demanda qu'il soit
entendu. Il a été éjecté de force hors du théâtre, mais il était
de retour quelques minutes plus tard, demandant à s'exprimer.
La réunion, organisée pour condamner les atrocités commises en
Arménie, avait lieu sous les auspices d'un comité d'Américains
en vue et d'Arméniens bien connus. Hamilton Holt, éditeur de The
Independant présidait, et les intervenants étaient le Révérend
James L. Barton del'American Board of Commissioners for Foreign
Missions [ Conseil Américain des Commissionnaires pour les
Missions à l'Étranger], le Rabin Stephen S. Wise, le Révérend
Père John J. Wynne, de la Société de Jésus, éditeur de la
Catholic Encyclopedia, W. Bourke Cockran, le Docteur Ernest
Yarrow, de Van en Turquie, et le Révérend Docteur William J.
Haven.
Le texte des résolutions adoptées est le suivant :
Attendu, Le monde civilisé a été choqué par les massacres et les
déportations en série des Arméniens dans l'empire turc; et
Attendu, Ces crimes et outrages commis sur un peuple
industrieux, économe et pacifique, ne trouvent aucune
justification ni au regard du droit ni à celui de l'humanité, et
Attendu, Ces Arméniens qui survivent sont dans un grand besoin
de secours et de soins, par ces motifs et dès à présent
Décidons, En tant que citoyens américains, d'élever la plus
solennelle protestation contre ces actes cruels et inhumains et
faisons appel à tous les officiels et aux autres personnes ayant
une influence dans l'Empire turc, afin que cessent ces atteintes
et que soit apportée toute leur aide à l'Ambassadeur américain
et à ceux qui pourraient sauver et rapatrier un peuple qui, par
son histoire et ses réalisations, a constitué un actif pour
l'empire.
Décidons, En Outre, Que la guerre, quels que soient les lieux où
elle se déroule, et quelles que soient les nations qui y sont
engagées, ne saurait justifier les traitements inhumains de
personnes innocentes. Le massacre d'hommes non combattants, les
tortures, les mutilations et les outrages sur les femmes et les
enfants, ont donné aux plus beaux endroits de la terre des
allures d'enfer. Au nom du Dieu des Nations et de notre humanité
communes, nous en appelons aux nations en guerre pour que
cessent ces crimes contre la civilisation et la morale.
Le Père Wynne ayant proposé les résolutions et M. Holt les
présentaient pour approbation lorsque Brown s'est dressé, rouge
d'excitation.
Plusieurs personnes ont empoigné le fauteur de trouble et l'ont
conduit dans l'allée. Mme Brooks a alors demandé que l'homme
soit entendu, avant de suivre ceux qui l'éjectaient.
L'audience était debout, tout comme ceux qui se trouvaient sur
la scène; parmi eux se trouvaient Mgr Lavelle, qui représentait
le Cardinal Farley, Charles R. Crane de Chicago, le Révérend
Docteur H/P/ Mendes, le Professeur William W. Rockwell; le
Professeur Samuel P. Dutton, et une vingtaine d'autres personnes
en vue.
Dénonçant avec colère ceux qui le poussaient vers la sortie et
luttant tout au long du chemin, l'homme a été sorti de force du
théâtre.
" Cette réunion ", a dit M. Holt dans son entrée en matière, " a
été organisée afin de déplorer la plus grande hécatombe connue
de l'histoire. Les massacres qui sont perpétrés en ce moment en
Turquie sont les plus atroces de l'histoire du monde, et si on
veut y mettre fin, il faut persuader l'Allemagne chrétienne de
l'exiger, car elle seule est en mesure de sauver les Arméniens.
Il se peut que l'appel ne soit pas écouté à Constantinople, mais
il peut être entendu à Berlin ".
Le Docteur Barton a été le premier intervenant. " Nous sommes
ici ", a-t-il dit, " pour considérer des faits qui écrasent les
Arméniens de l'empire turc, des faits qu'il nous est impossible
d'ignorer ".
Faisant référence au rapport écrit par l'Armenian Atrocities
Committee [Commission sur les Atrocités Arméniennes], le Docteur
Barton a dit que les révélations qu'il comporte étaient issues
pour la plupart des documents officiels du Département d'État à
Washington.
' La commission ", a-t-il dit, " a tenu à ne prendre en
considération que des faits; elle s'est rendue pour cela à
Washington et a examiné les rapports officiels au Département
d'État. On nous demande pourquoi les noms des personnes qui ont
rédigé les rapports ne sont pas mentionnés. La raison est
évidente. L'une des règles de la Turquie est la rétorsion. L'un
de nos consuls a demandé que son nom ne soit pas indiqué parce
que si son nom était connu, il devrait quitter son poste ".
Le Docteur Barton détient une grande masse de documents, copies
de rapports officiels destinés au Département d'État. Des
extraits ont été lus décrivant des tortures terribles, qui se
sont terminées, dans des milliers de cas, par la mort.
Le Docteur Barton a lu la déclaration d'un Arménien bien connu,
diplômé d'une université américaine, qui vient d'arriver dans ce
pays. Elle traite du sort de 1 215 hommes. Ces hommes ont été
d'abord réunis pour être ensuite séparés par groupes de
vingt-cinq pour être, " par ordre du Gouvernement, tous
brutalement abattus ". Les exécutants, a-t-il dit, étaient des
gendarmes turcs et des assassins et autres malfaiteurs libérés
des prisons pour aider dans les tueries d'Arméniens.
" La récompense de ces meurtriers ", disait la déclaration,
" était l'argent et objets de valeur trouvés sur les corps de
leurs victimes. L'un de ces hommes se vantait d'en avoir tué
cinquante en une nuit et d'en avoir tiré 150 livres en monnaie
turque pour sa nuit de travail ".
Bourke Cockran a dit avoir été informé qu'entre 500 000 et
800 000 Arméniens ont été massacrés et que 250 000 femmes et
filles ont été outragées. Le problème de l'Arménie, a dit M.
Cockran, est le problème de Cuba de 1898 aggravé un million de
fois.
Le dernier intervenant fut le Rabin Wise. Il était présent, non
comme un opposant à la Turquie, ni comme champion de l'Arménie,
mais pour protester contre les traitements inhumains, qu'ils
soient commis par les Allemands contre les Belges, par les
Russes contre les Juifs, ou par les Turcs contre les Arméniens.
Il a dit que l'Allemagne et l'Autriche pourraient faire en sorte
qu'il soit mis fin aux atrocités arméniennes, et que si elles ne
le faisaient pas, ces nations pourraient bien s'apercevoir que
" certaines victoires sont plus désastreuses qu'une défaite ".
" Si ces outrages se poursuivaient , a-t-il dit, " les Allemands
s'aliéneraient la bonne volonté de ceux qui sont encore neutres.
S'ils voulaient se réhabiliter, il devraient demander aux Turcs
: ' plus aucune goutte de sang ne doit être versée ' ".
A toutes les places se trouvait une pétition à signer à
l'emplacement prévu, pétition adressée au Kaiser et au peuple
d'Allemagne, les implorant d'employer leurs bons offices pour
mettre fin aux atrocités en Arménie.
LES DIRIGEANTS ARMÉNIENS RÉPONDENT À DJELAL BEY
Qualifient les Dénégations sur les Atrocités d'être un Amas
d'Inexactitudes
EXPLIQUENT LES COMBATS DE VAN
Disent que les Chrétiens Agissaient en Etat de Légitime Défense
– Manifestation aujourd'hui au Century Theatre
Publié le 17 octobre 1915
Le Dr M. Simbad Gabriel,
Président de l'Armenian General Progressive Association
[Association Arménienne pour le Progrès Général], la principale
organisation arménienne aux États-Unis, et Arshag D. Mahdesian
de la Society of Armenians in America [Société des Arméniens
d'Amérique], ont donné les réponses hier à la déclaration faite
la semaine passée à THE TIMES par Djelal Munif Bey, le Consul
général turc à New York, qui qualifiait de fabrication le
rapport fat par l'American Committee on Armenian Atrocities
[Comité Américain sur les Atrocités Arméniennes], et ajoutait
quelles qu'aient été les mesures que les Turcs ont été forcés de
prendre contre les Arméniens, elles étaient dues aux activités
hostiles de ces derniers.
M. Mahdesian a dit que la déclaration du Consul général était un
amas d'inexactitudes, et consistait en une tentative faible de
la part de Djelal Bey pour démontrer la culpabilité de ses
compatriotes dans les plus terribles atrocités commises contre
une race entière de personnes au cours des siècles.
" Une déclaration qui est faite par Djelal Bey ", a dit M.
Mahdesian, " et qu'il sait être inexacte, c'est lorsqu'il en
réfère à une visite à Van de Noel Buxton, membre du Parlement,
tendant à faire croire au lecteur que M. Buxton a rendu visite à
Van après que la guerre actuelle n'ait été déclenchée, et qu'il
avait, selon lui, tenté de pousser à la révolution contre le
gouvernement turc. Cette visite qu'il décrit finement comme une
justification de ce qui s'est passé, a eu lieu au début de
l'année 1914, des mois avant que la guerre n'ait commencé, et
personne ne le sait mieux que Djelal Bey. Bien évidemment, M.
Buxton n'a jamais essayé de provoquer une quelconque révolution
avant la guerre, pendant la guerre ni à aucun autre moment.
Pourquoi les noms n'ont pas été dévoilés au public
" Là encore, Djelal Bey demande pourquoi le comité, auquel
participent des hommes tels que l'évêque Greer, le cardinal
Gibbons, le Rabin Wise, Oscar S. Straus, et Cleveland H. Dodge,
n'a pas donné les noms des personnes qui leur ont rapporté les
atrocités que les Turcs font actuellement subir contre les
Arméniens dans l'empire ottoman. Eh bien, je vais le lui dire.
C'est parce que le comité savait que s'il l'avait fait, Djelal
Bey aurait câblés tous ces noms à la Turquie, et que cela
signifierait la mort et la torture pour toutes les personnes
nommées.
Tout aussi " horribles ", que soient les révélations faites dans
le rapport du Comité sur les Atrocités, elles sont loin de
révéler toutes les horreurs de la situation actuelle. Il n'a pas
mentionné, par exemple, les mutilations faites aux jeunes
filles, les dépeçages opérés sur leur corps, et l'exposition sur
les marchés des restes de leur pauvre corps portant sur leurs
membres et leur torse la mention " bir metallik " la livre. Un
metallik, c'est un cent aux USA, C'est l'une des choses les plus
effrayantes à laquelle ils ont recouru pour terrifier les
personnes arméniennes, et cela s'est passé à Harput, à Hadjim, à
Maliltleh et en d'autres endroits. Cette information nous
parvient de sources absolument crédibles.
" Et en plus, ce rapport n'a pas mentionné que l'ordre turc de
bombarder le " sale quartier arménien " de Van était signé du
nom allemand d'un officier et que le bombardement était dirigé
principalement contre les quartiers arméniens et contre les
locaux des missionnaires américains, alors que pendant ces
bombardements, cinq drapeaux américains étaient criblés par les
tirs dirigés par l'officier portant un nom allemand ".
Le Dr Gabriel, qui était l'un des délégués ottomans au congrès
international de la Croix Rouge tenu à Washington en 1912 a
dit :
" Il semblerait que les Turcs aient seulement ' tué ' les Grecs,
Maronites, Bulgares, Arméniens, sans les avoir jamais massacrés.
Les Turcs les ont tués lorsqu'ils se sont rebellés contre le
pouvoir turc. Les Arméniens de Van, dit le consul turc, se sont
dressés les armes à la main contre les autorités turques, et en
conséquence, ils n'ont pu être considérés autrement que comme
des rebelles, et on ne pouvait attendre les troupes turques,
après la reprise de la ville, qu'elles traitent ces
révolutionnaires avec des gants.
" Tel est l'argument du consul. Cela vaudrait d'être entendu
s'il ne s'agissait pas d'une distorsion de la vérité pour les
besoins de sa cause. La vérité, c'est que les Turcs avaient déjà
instauré à nouveau le règne de la terreur et du massacre dans la
province de Van, et que Van avait été contrainte à la légitime
défense, du fait de la survenance d' "événements marquants " qui
l'ont décidée à y recourir. Les Arméniens d'autres villes et
villages qui, croyant aux engagements des autorités turques de
ne leur faire subir aucune violence avaient remis leurs armes,
avaient été traîtreusement passés au fil de l'épée. Les
habitants de Van, alertés par le sort des habitants de ces
autres villes, refusèrent de remettre leurs armes, sans
commettre aucun acte révolutionnaire jusqu'à ce que les Turcs ne
les aient attaqués et pilonné leurs quartiers, n'épargnant même
pas les habitations de missionnaires américains.
" Si quelques Arméniens dans une ville comme Trébizonde
faisaient partie d' " éléments suspects ", on aurait pu les
déplacer " à l'intérieur du pays ", dans des provinces comme
celles de Sivas et Harpout, situées à l'intérieur de l'Asie
Mineure, mais alors pourquoi les 10 000 Arméniens de Trébizonde
auraient-ils dû être chassés de leur maison, et pourquoi
aurait-t-il fallu, hommes, femmes et enfants, les jeter
par-dessus bord dans la Mer Noire? Le consul italien a été
témoin de cette inimaginable sauvagerie. Qui a le front de le
nier ? L'Ambassadeur Morgenthau a télégraphié depuis
Constantinople que la majorité des Arméniens en Turquie ont été
tués. L'Ambassadeur dirait-il cela s'il n'en était pas certain
de ce fait ?
" Majorité, qu'est-ce que cela veut dire ? Au moins 800 000.
C'est le nombre qui est mentionné dans les derniers rapports, et
c'est un nombre très conservatif. Tout porte à penser que le
nombre de victimes est au-delà de un million. "
Des délégations de plus d'un millier d'églises et
d'organisations religieuses assisteront à la grande
manifestation qui se déroulera aujourd'hui au Century Theatre
pour protester contre le massacre des Arméniens par les Turcs.
Elles représenteront toutes les confessions.
Il a été annoncé hier que le cardinal Farley avait
officiellement désigné Mgr Lavelle, recteur de la cathédrale
Saint Patrick, pour le représenter à la manifestation. Quelques
uns parmi ceux qui prendront la parole sont des missionnaires et
des voyageurs qui viennent juste d'arriver des lieux où se
produisent ces massacres. D'autres orateurs prendront la parole,
W. Bourke Cockran, le Rabin Stephen, S. Wise et le Dr James L.
Barton de Boston. Hamilton Holt présidera.
Les portes du théâtre seront ouvertes à 3 heures. L'entrée sera
libre.
Commentaires -
Van c'est une réaction de légitime défense (qui
démontre la préméditation des turcs qui avaient massacré
les Arméniens des villages de la province de Van, mais
aussi dans la province de Kharpout,
- Trébizonde, c'est un pur massacre des femmes des
enfants et des vieillards sous les yeux du consul
italien,
- On y dénombre une des premières fois le nombre de
victimes comme dépassant probablement le million...
et c'est un article structuré et convaincant.
G B. |
SEULE L'ALLEMAGNE PEUT SAUVER LES ARMÉNIENS
Lord Bryce Déclare que les Opinions des Pays Neutres Pourraient
la Forcer à Agir
Publié le 16 octobre 1915
LONDRES, 15 octobre – " Il n'y a qu'une seule puissance qui
puisse mettre fin aux atrocités arméniennes, et c'est
l'Allemagne ", a déclaré le Vicomte Bryce dans une réunion qui a
eu lieu aujourd'hui à la Mansion House, pour soutenir le fond du
Lord Maire créé pour soutenir les Arméniens qui souffrent. Il a
déclaré que le seul remède est la pression que l'opinion
mondiale, en particulier dans les pays neutres, pourrait faire
sur l'Allemagne pour la forcer à agir.
Lord Bryce, qui a proposé une résolution condamnant les
atrocités qui sont rapportées, a rendu hommage à l'intelligence
et à la volonté de progrès des Arméniens qui, a-t-il dit,
étaient très supérieurs aux Mahométans; il a déclaré que
l'origine du problème n'était pas le fanatisme religieux mais
l'extermination délibérée d'un peuple jalousé par les Turcs.
Les horreurs des massacres vont au-delà de toute persécution
connue dans l'histoire, a déclaré l'orateur. Des femmes et des
enfants, a-t-il dit, ont été conduits par le fouet à travers les
déserts arabes par les Turcs, qui étaient devenus fous; et à
Trébizonde, ils ont transporté leurs victimes sur la mer dans
des bateaux et les ont noyés. " Des femmes, dont beaucoup
d'entre elles étaient tout aussi hautement civilisées que nous
le sommes ", a-t-il affirmé, " ont été vendues, en état
d'esclavage; où elles ont été ensuite islamisées. Il a déclaré
contraire à la vérité, l'excuse donnée par les Allemands aux
Turcs, selon laquelle les Arméniens se seraient rebellés, disant
que les Arméniens étaient tranquilles et inoffensifs jusqu'à ce
qu'ils aient été forcés de se défendre eux-mêmes.
Soutenant la résolution, le Cardinal Bourne a dit que les
preuves étaient si fortes que même les Allemands ne pouvaient
pas nier les massacres. Les pays neutres, a-t-il dit, devraient
suivre l'exemple du Pape Benoît, qui a émis personnellement une
protestation et une requête au Sultan.
Sir Edwin Pears, qui a été bâtonnier du barreau britannique de
Constantinople, a apparemment surpris l'auditoire lorsqu'il a
dit que les persécutions n'étaient pas inscrites dans la foi
musulmane et que les massacres étaient déplorés par une masse de
Turcs.
T.P. O'Connor a fait état du travail des Américains, qui ont
créé un fonds, et a aussi rendu hommage aux initiatives prises
dans le même sens par le Lord Maire.
LES ARMÉNIENS REMERCIENT WILSON
Des étudiants Envoient un Message de Gratitude au Consul
Américain
Publié le 16 Octobre 1915
PETROGRAD, 16 octobre .—John A. Ray, Consul américain à Odessa,
d'après une dépêche reçue de cette ville, a reçu aujourd'hui la
visite d'une délégation d'étudiants arméniens de l'université
d'Odessa, qui lui ont demandé de transmettre au président Wilson
la gratitude des Arméniens pour la défense de leur cause en
Turquie par le gouvernement américain.
NOUS NE POUVONS RIEN FAIRE DE PLUS
Position du Département d'État Quant aux Actions pour l'Arménie
Publié le 16 octobre 1915
WASHINGTON, 15 octobre – Le Gouvernement des États Unis a fait
tout ce qu'il a pu, officiellement, pour porter secours aux
Arméniens en Turquie, selon l'opinion des personnalités
officielles du Département d'État. Ils ont dit au Représentant
John J. Eagan du New Jersey aujourd'hui que, au-delà des
représentations informelles au Gouvernement turc par
l'intermédiaire de l'Ambassadeur Morgenthau, insistant sur les
effets néfastes dans l'opinion publique aux États Unis du
traitement des Arméniens, il n'y a rien qui puisse être fait.
Le Représentant Eagan avait demandé, relativement aux
conditions dont les Arméniens sont victimes, quelle était la
position des États Unis sur ce point.
UN RESPONSABLE TURC NIE LES ATROCITÉS
Le Consul Général Local Qualifie les Récits de Crimes sur les
Arméniens de Fabrication
MAIS IL ADMET QUE DES TRAITEMENTS SÉVÈRES ONT LIEU
Djelal Bey Dit Qu'un Complot Révolutionnaire Était en
Préparation à Van et que des Suspects Devaient Être Déplacés
Publié le 15 octobre 1915
Commentaires -
The New York Times reproduit la réponse du consul général
de Turquie aux États Unis à qui le quotidien avait
ouvert ses lignes pour des explications.
Nous sommes le 15 octobre 1915, et ce membre de l'exécutif
turc campe l'argumentation officielle qui sera reprise
jusqu'à aujourd'hui par les gouvernements successifs et
les chantres officiels de la tolérance ottomane, par
Recep Erdogan, par Yusuf Halacoglu, Egemen Bagis et
autres Bernard Lewis, Gilles Veinstein et Dogu Perincek.
Peu importent les anachronismes et les mensonges,
l'essentiel est d'affirmer en laissant aux victimes la
charge de prouver qu'ils le sont.
C'est ainsi que le rapport des missionnaires américains
est une fabrication; que tous les Arméniens ont du sang
sur les mains; que tous, femmes, enfants et vieux sont
des rebelles, voire des révolutionnaires poussées par
les pays de l'Entente, ou des informateurs potentiels en
temps de guerre qu'il convient de déplacer loin du
théâtre des opérations ; que le Livre Bleu de Lord
Bryce, même s'il corrobore (!) celui des missionnaires,
ne peut s'apparenter à un rapport sur des atrocités; que
ces missionnaires prennent une part active à la guerre
contre les Turcs…
Pour finir, et même si ces atrocités ne sont qu'une
fabrication, les Arméniens ne doivent s'en prendre qu'à
eux-mêmes s'ils les ont subies. Une simple expression de
la fameuse subtilité de la diplomatie ottomane?
GB |
Djelal Munif Bey, le Consul général à New York, dans une
déclaration officielle au journal THE TIMES hier, a déclaré que
le rapport rendu public dimanche passé par l'American Committee
on Armenian Atrocities [Comité Américain sur les Atrocités
Arméniennes], qui affirmait que jamais, dans le millénaire qui
vient de s'écouler, aucun peuple n'avait subi d'agression aussi
terrible que celle que les Turcs sont en train de faire subir
aux Arméniens, est une fabrication. Le rapport décrivait les
atrocités comme étant officiellement une sanction décidée à
Constantinople, et déclarait que la situation était celle d'une
tentative d'élimination d'une race entière.
Parmi les hommes qui ont signé le rapport se trouvaient l'évêque
David H. Greer, Cleveland H. Dodge, Oscar S. Straus, le rabbin
Stephen S. Wise, le révérend Dr James L. Barton, William Sloane,
le professeur Samuel P. Dutton, Charles R. Crane, et Arthur
Curtiss James. Le cardinal Gibbons, après que le rapport ait été
émis, a accepté d'être membre du comité.
Le comité, dans une préface du rapport, a déclaré se porter
garant de sa véracité et a ajouté que " ce mouvement contre les
Arméniens constituait un volet d'une action concertée contre
tous les non-Turcs et les missionnaires et éléments
progressistes, y compris les Sionistes ".
THE TIMES a demandé hier à Djelal Bey, représentant turc le plus
haut placé à New York, si comme représentant du gouvernement
ottoman, il avait une réponse à apporter aux accusations portées
par l'Armenian Atrocities Committee.
Il a par la suite dicté la déclaration qui suit :
" Les quotidiens ont récemment publié des rapports approfondis
de massacres à grande échelle d'Arméniens en Turquie, certains
allant jusqu'à déclarer que 800 000 Arméniens avaient été
massacrés par tous les moyens concevables et imaginables.
" THE NEW YORK TIMES, dans son numéro du 4 octobre, a publié un
rapport émis par le " Committee on Armenian Atrocities "
autoproclamé et qui était signé de quelques noms, dont celui
d'Américains de renom. Le rapport comporte des accusations
d'assassinats à grande échelle de femmes et d'enfants par les
Turcs, fondant ses affirmations issues de quelques missionnaires
nouvellement arrivés en Turquie, et d'autres rapports supposés
reçus de diverses sources en Turquie, mais dont les auteurs ne
sont pas révélés; en d'autres termes, les rapports qui ne sont
pas ou ne peuvent pas être réputés, même corroborés par Lord
Bryce, de rapports d'atrocités qualifiés.
" Ces accusations grossières contre le gouvernement turc et la
nation ont été communiquées à la presse sans que la moindre
tentative n'ait été faite pour vérifier à quel point elles sont
vraies.
" A présent, ce qui s'est passé : Lorsque la guerre a éclaté
l'an passé, même avant que la Turquie l'ai rejointe dans le camp
de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie, les Arméniens en
Turquie, qui rêvaient d'une Arménie indépendante, étaient
convaincus, comme beaucoup d'autres, que l'Allemagne et son
allié allaient être balayés de l'Europe en six semaines; en
conséquence, la Turquie serait divisée entre les Alliés de ma
Triple Entente, et une Arménie indépendante créée sur ce qui
était précédemment provinces turques. Les Arméniens voyaient
déjà cela comme une situation réglée d'avance et ont donné libre
cours à leurs sentiments.
" Une visite secrète rendue par les frères Buxton, Président du
comité des Balkans à Londres, aux dirigeants des comités
révolutionnaires à Van, ville principale de la province turque
du même nom. Il arrivait venant de Tiflis, dans le Caucase, où
il avait eu des conférences avec les comités arméniens de
Russie, et discuté de plans pour une action concertée avec ceux
de Turquie contre le gouvernement turc. Ces comités
révolutionnaires sont ensuite devenus actifs, et armés par les
Russes, aidèrent ceux-ci à prendre Van, qui n'est pas très
éloignée de la frontière russe.
" Immédiatement après, sous les auspices des Russes, un
gouvernement autonome arménien a été créé à Van, et un homme
nommé ' Aram ' en assuma les fonctions – les journaux de
New-York ont publié, il y a quelques temps, un appel adressé à
l'Amérique pour une aide financière signé du nom de ce rebelle,
(qui signait lui-même comme ' Gouverneur de Van ') et celle de
l'évêque arménien de Van.
" Pour le dire brièvement, les Arméniens de cette section de
l'empire avait pris les armes contre l'autorité turque, en
faveur du pire ennemi de la Turquie, et en conséquence, ne
pouvaient être considérés autrement que comme des rebelles. Bien
sûr, à un tel moment, dès lors qu'il s'agissait d'une question
de vie ou de mort pour l'Empire turc, on ne peut pas attendre
des troupes turques, en toute bonne foi, après qu'elles aient
capturé Van à nouveau et en aient éjecté les Russes, qu'ils
traitent ces révolutionnaires en prenant des gants, en
particulier s'ils avaient eu recours à une résistance armée.
Tous ceux parmi eux qui ont été tués faisaient partie de ces
éléments rebelles capturés avec du sang sur les mains ou avaient
commis des actes de traîtrise contre le gouvernement turc, et
non les femmes ou les enfants, comme quelques uns de ces
rapports fabriqués voudraient le faire croire aux Américains.
" En outre, afin d'empêcher que des informations précieuses ne
soient divulguées aux réseaux ennemis, le gouvernement turc
considéra qu'il était impératif de déplacer à l'intérieur du
pays ceux des éléments suspects qui pourraient mettre en péril
l'empire entier.
" Il se peut qu'il y ait eu des cas où des personnes
inoffensives aient partagé le sort des coupables, et je ne suis
pas avec les derniers qui déplorent ces navrantes occurrences.
Malheureusement, en temps de guerre, un tel discernement est
tout à fait impossible, et le coupable n'est pas seul à souffrir
de la sanction pour les actes qu'il a commis, mais aussi
l'innocent qu'il entraîne avec lui.
" Tout déplorables que soient ces événements atroces, en dernier
lieu, tout ce qu'on peut dire est que les Arméniens ne peuvent
en blâmer qu'eux-mêmes.
" Je ne pense pas que ce moment soit opportun pour discuter des
motivations sous-jacentes des associations de missionnaires qui
se montrent maintenant aussi âprement antiturques et annoncent
pour dimanche prochain, dans les quotidiens newyorkais, une
manifestation pour dénoncer le gouvernement et le peuple turcs.
Apparemment;, ces mêmes associations dont le siège est 70,
Cinquième avenue, sont également à l'origine du rapport
mentionné plus haut publié dans le NEW YORK TIMES du 4 octobre.
Mais leurs motivations sont connues de nous et pourraient être
mises en lumière dans un futur pas très éloigné ".
Le Consul général a été prié de développer la dernière partie de
sa déclaration, dans laquelle il affirme que les motivations de
l'homme qui " est à l'origine " du Rapport sur les Atrocités
Arméniennes étaient connues par les Turcs et "pourraient être
mises en lumière dans un futur pas très éloigné ".
" Pour l'instant, il ne m'importe aucunement de dire quoi que ce
soit de plus sur ce point ", a-t-il répondu.
Mémoires d'Henry Morgenthau :
http://www.imprescriptible.fr/documents/morgenthau
http://net.lib.byu.edu/estu/wwi/comment/morgenthau/MorgenTC.htm
Plaider la cause des Arméniens
UNE IMPORTANTE RÉUNION SE TIENDRA AU "CENTURY THEAtER"
15 Octobre 1915
Le Comité de
la '70 Fifth avenue' des atrocités commises envers les
Arméniens, a annoncé hier, par son secrétaire, le Professeur
Samuel T. Dutton, qu'une importante réunion se tiendra au
'Century Theater' dimanche prochain l'après-midi, où la
situation en Turquie sera discutée. Ce sera sous les auspices du
Comité et de l'Organisation connue comme "Armenian Sympathizers'
qui a dans ses listes les noms de plus de 20 000 personnes. Le
Révérend D. James L. Baton de Boston, Ex-Président de Euphrates
College ; Le Rabin Stephen S. Wise, et plusieurs Arméniens
éminents vont prendre la parole. Plusieurs missionnaires
récemment rentrés de Turquie sont attendus pour être présidents,
et vont raconter leurs expériences en Arménie.
La réunion prévue principalement, ne fera aucune déclaration de
la part des comités concernant une protestation au nom du peuple
américain contre ce qui semble être une politique
gouvernementale de la part de la Turquie pour exterminer
la totalité de la population non-musulmane de Turquie.
Le second but de la réunion publique est d'intéresser le public
à la nécessité de lever des fonds pour les besoins des activités
de l'Ambassade à Constantinople. Ce fut un soutien de tout cœur
de notre Ambassadeur en Turquie, Henry Morgenthau, qui a déjà
reçu 100 000 dollars du Comité américain.
Il a été annoncé hier que le Cardinal Gibbons de Baltimore avait
accepté de faire partie du Comité, qui compte parmi ses membres
le Bishop Greer, le Dr. Barton, Cleveland H. Dodge, Osca S.
Strauss et autres personnalités.
Le Comité va proposer des tickets d'admission, qui peuvent être
obtenus auprès du Prof. Dutton, au 70 Fifth Av. ou au siège des
'Armenian Sympathizers' au 175 Fifth Avenue.
LES PROTESTATIONS ARMÉNIENNES MISES À LA CHARGE
DES ALLIÉS
Les Allemands disent que ce sont les Fausses Informations de
l'Entente qui ont Provoqué les Doléances de l'Amérique
L'EXTERMINATION EST JUSTIFIÉE
Publié le 13 Octobre 1915
Un Journaliste dans le Vossische
Zeitung Ironise sur les Informations
de Massacre de 800 000 Chrétiens Massacrés par les Musulmans.
De notre Correspondant Particulier
Câble Spécial à THE NEW YORK TIMES
BERLIN, 12 octobre.- Les
développements de la question arménienne entre la Turquie et
l'Amérique sont suivis ici avec un intérêt croissant, pas
seulement dans les cercles officiels, mais aussi dans les
discussions publiques.
On pense dans certains
milieux que les protestations américaines adressées à la Turquie
visent en réalité l'Allemagne, se produisant justement au moment
où l'armée du Général von Mackensen a engagé une offensive en
Serbie. On a tendance à considérer les protestations arméniennes
comme une hypocrisie, tandis que de nombreux Allemands sont
convaincus qu'elles sont le résultat d'une manœuvre des alliés
pour entraîner l'Amérique dans le conflit mondial. L'opinion des
Allemands en général est exprimée par George Bernhard dans le
Vossische Zeitung qui écrit:
" En Amérique, les
sentiments de l'ensemble des philanthropes se portent tout à
coup sur les Arméniens. Le gouvernement turc, à la suite de
certains événements, depuis que la guerre a éclaté dans la
région frontalière du Caucase, a eu recours à des mesures
rigoureuses contre les Arméniens. Plus de la moitié des
Arméniens, en gros, vivent en Turquie, et le reste en Russie.
Une vielle hostilité existe entre les Turcs et les Arméniens. Il
est tout simplement naturel que ces derniers rêvent d'une
victoire de la Russie.
" Partout où cela se
produisait, les dirigeants de la politique turque ont décidé de
rendre les Arméniens inoffensifs par le processus d'éviction et
éviter ensuite le processus qui avait concerné les Autrichiens
dans les régions ruthéniennes de Galicie à une grande échelle.
" Je n'entrerai pas du tout
dans le débat concernant les atrocités. On peut supposer sans
risque de se tromper que les hommes d'état responsables de
Turquie n'ont pas demandé que des atrocités se produisent.
" Il est tout à fait
possible qu'en exécutant les ordres de l'éviction certaines
choses se soient produites qui peuvent être considérées dans le
monde civilisé avec les plus profonds regrets. Il est certain
que les rumeurs qui ont cours en Amérique que 800 000 ou plus
encore d'Arméniens aient été massacrés sont des mensonges, mais
il est tout aussi certain que ces mensonges sont faites
sciemment en Angleterre dans le but de provoquer des nouvelles
frictions entre les États Unis et la Turquie et par conséquent
entre les États Unis et l'Allemagne.
" Que signifie cette
indignation relative à ces questions? La quadruple Entente ne
doit pas croire que cette dernière manœuvre, qui porte le sceau
du désespoir, puisse provoquer aucun désagrément à
l'Allemagne. Nous avons parcouru un long chemin pour satisfaire
les Américains dans les affaires arabes. Jusqu'à quel point ils
le sont, n'ayant pas reçu pour l'instant le rapport officiel de
l'Ambassadeur, nous l'ignorons de façon authentique.
" Si, contrairement à ce
que nous espérons, tel n'était pas le cas, le contenu de la
lettre de l'Ambassadeur von Bernstorff's au Secrétaire Lansing
le prouve, comme l'a écrit Reuters dans un câble, que nous avons
considérablement dépassé la limite que beaucoup d'Allemands
considèrent supportable, dans notre compromis.
" Je tiens à réserver mon
jugement définitif, mais quoiqu'il en soit, il faut simplement
déclarer aujourd'hui que les affaires arabe et du Lusitania sont
du domaine qui concerne le Peuple américain et le Président
américain.
" La question arménienne
relève d'une discussion purement théorique d'humanité. Nous
sommes engagés actuellement dans des combats qui mettent en jeu
notre existence même. Le sens politique des hommes d'état
d'Amérique doit leur dire à quel point la situation particulière
aujourd'hui est différente de ce qu'elle était il y a deux mois.
La Quadruple Entente n'aura pas plus de succès avec les
boules puantes de l'hypocrisie et la calomnie qu'elle lance
aujourd'hui qu'elle n'en a eu jusqu'à présent avec ses armes
honorables sur les champs de bataille de l'Europe de l'ouest. "
LONDRES, 12 octobre. - Toute
l'information en possession du Gouvernement britannique,
relative aux massacres et aux déportations des Arméniens en
Turquie, a été rendue publique dans le discours que le Marquis
de Crewe a fait récemment à la Chambre des Lords, a
annoncé Sir Edward Grey à la Chambre des Communes cet
après-midi.
" On ne peut ressentir
qu'horreur et indignation à ce propos " a ajouté le Secrétaire
du Foreign Office.
Commentaires
-
Selon le " Vossische Zeitung ", il ne s'agit pas de
déportation, encore moins de massacres, mais d'
" éviction ". Il oublie de dire que les Turcs "
évincent " de ses terres un peuple qui s'y trouvait
depuis la nuit des temps. Et les Arméniens doivent
leurs épreuves au sentiment " humain " qu'ils
éprouvent pour l'ennemi russe! Pour le quotidien
berlinois, les témoignages de missionnaires
américains, ceux de l'Ambassadeur américain, ceux du
consul italien de Trébizonde, ne sont que
" rumeurs ", " mensonges ", " calomnies ", et
"hypocrisie ".
Aux
considérations politiciennes et aux affirmations
creuses du journaliste d'opinion allemand, le
NEW YORK TIMES fait répondre le ministre des
Affaires étrangères britannique, par son discours au
Parlement britannique.
GB |
LES MASSACRES REPRENNENT, RAPPORTE MORGENTHAU
Nouvelles agressions sur les Arméniens à la Suite de la Prise de
Position de la Bulgarie en Faveur de la Turquie
Publié le 13 Octobre 1915
Washington, 12 octobre 1915.- Les massacres arméniens en Turquie
asiatique ont repris avec vigueur depuis l'entrée de fait de la
Bulgarie dans la guerre comme alliée de la Turquie. Cette
information est parvenue au Département d'état aujourd'hui de
l'Ambassadeur Morgenthau, qui a déclaré que la majorité des
Arméniens en Turquie d'Asie ont été tués.
Bien que des démarches aient été faites par ce gouvernement, il
y a quelques jours, mettant la Turquie en garde contre plus
d'atrocités contre les Arméniens, ce qui lui ferait perdre la
sympathie du peuple américain, aucune réponse n'a été reçue.
Des démarches précédentes avaient abouti à deux concessions, la
promesse que ceux des Arméniens qui souhaitaient quitter le pays
seraient autorisés à le faire sans entraves, et en outre, que
les Arméniens protestants seraient épargnés. L'information qui
nous arrive dans ce pays cependant, indiquent que ces mesures
n'ont pas été strictement suivies. Dans certaines milieux, on
soutient qu' " elles ont été écartées dès le lendemain ".
Bien que 100 000 dollars de souscriptions privées aient été mis
à la disposition de l'Ambassadeur Morgenthau, pour les
distribuer parmi les réfugiés arméniens déplacés à présent dans
des villes du désert, aucune mesure n'a été prise pour
accueillir des gens dans ce pays, comme on l'avait initialement
envisagé, à part l'envoi d'amis ou de parents vers eux. Ces
Arméniens qui en ont réchappé sont à présent rassemblés entre
les rivières Tigre et Euphrate.
LES TURCS REDOUTENT LES ARMÉNIENS
Un Américain Attribue en Grande Partie le Massacre à la Peur
d'un Soulèvement
La peur que les Arméniens ne se soulèvent contre eux est la
principale raison pour laquelle les Turcs massacrent leurs
voisins chrétiens, selon la lettre présentée hier par le Comité
Américain sur les Atrocités contre les Arméniens, envoyée par le
professeur américain d'une université en Turquie.
Le professeur dit que lors de la dernière semaine d'avril, le
professeur d'arménien de son université a été arrêté et
emprisonné en même temps que vingt-cinq autres personnalités
arméniennes importantes. I a été par la suite transféré à Sivas,
où il est mort le 26 juin. Beaucoup des personnalités
importantes et fortes de la ville, parmi lesquels les
professeurs Hagopian et Manasdjian ont été emmenés dans les
casernes des soldats jusqu'à ce que leur nombre atteigne 1 215.
" Ces 1 215 Arméniens ", écrit le professeur, ont été ligotés
par groupes de cinq ou six hommes et emmenés dans la nuit sous
la garde de la gendarmerie par ordre de gouvernement. A un
endroit distant de trois heures de la ville, sur une route
isolée menant à Zileh, tous ces hommes ont été brutalement
massacrés par la gendarmerie et par des hommes appelés chétés.
Les chétés sont des meurtriers relâchés des prisons expressément
dans le but d'exécuter des Arméniens ".
L'auteur décrit également la déportation à grande échelle, en
juillet, de 12 000 personnes de ces " quartiers de la ville les
plus proches de nos administrations ", et de quelle façon, dans
un lieu éloigné de la ville, les hommes et les garçons ont été
séparés des femmes et des filles, et comment la plupart d'entre
eux, sinon tous, les hommes ont été abattus, et les femmes et
les filles emmenées et soustraits à la garde et pris par les
Turcs en leur possession pour leurs harems ou mourir au bord des
routes ".
" Un fonctionnaire du gouvernement ", poursuit l'auteur, " a
déclaré que la destination des exilés devait être Mossoul, une
ville distante de près de 900 ou 1 000 km des régions
désertiques de Mésopotamie. Ces mêmes officiels nous ont déclaré
qu'il était pratiquement impossible que des gens puissent jamais
atteindre ce lieu.
" La ville de Samsun a été de la même façon vidée de sa
population arménienne, ainsi qu'Amasia, Vezir Kopru, Chorun et
toutes les autre villes et villages du voisinage de Marsovan.
" A la fin d'août, le long de la voie ferrée anatolienne,
d'Ankara à Constantinople, j'ai vu 50 000 Arméniens éparpillés
dans les champs et les gares le long de la route, sans aucun
ravitaillement ni aucun moyen de se Mettre à l'abri. Rien qu'à
Merkedjie, le chef e gare nous a dit qu'il y avait 30 000
exilés. Beaucoup était affaiblis par la faim, d'autres presque
morts ".
L'auteur dit que le gouvernement turc avait l'intention
d'exterminer les Arméniens.
Commentaire
-
Deux articles parus dans le même numéro qui
démontrent la volonté du gouvernement turc
d'exterminer les Arméniens, cette volonté délibérée
de l'état turc que les négationnistes nient jusqu'à
ce jour.
Et leur mauvaise foi est évidente: autoriser
certains Arméniens à quitter la Turquie, en épargner
d'autres (les Arméniens Protestants), ne se conçoit
que si les autres, ceux qui restent ou ceux d'entre
eux dont la confession est- différente, sont
condamnés à disparaître. En d'autres termes, si
l'exception ce sont les Protestants et ceux qui s'en
vont, la règle c'est la mort pour tous les autres.
Le second article décrit le sort des Arméniens de
Constantinople: ils sont arrêtés et exécutés par
ordre du gouvernement. La " déportation " des
Arméniens organisée par le gouvernement couvre en
fait un mode opératoire spécifique : on arrête les
Arméniens, puis on met les hommes et les garçons
d'un côté, les femmes avec leurs enfants et les
filles de l'autre. Pour finir, on massacre les uns
et on accompagne les autres soit pour se les
approprier, soit pour les " exiler " dans les
déserts de Mésopotamie qu'il est pratiquement
impossible d'atteindre.
A en croire les négationnistes, la volonté
d'exterminer les Arméniens n'est pas prouvée. Ils
affirment que seule la déportation avait été
décidée. Comment se fait-il qu'ils n'en ont jamais
montré la preuve ?
GB |
ÉPARGNEZ LES ARMÉNIENS DEMANDE LE PAPE AU
SULTAN
A la Suite du Rapport de Constantinople, Benoît XV écrit à la
Porte
________
LES ALLEMANDS NE SUPPORTENT PAS LE BLAME
La Gazette de Cologne dit que l'Angleterre essaie de Détourner
l'Attention de " l'invasion de la Grèce "
Publié le 11 octobre 1915
________
ROME 10 octobre. – Monseigneur Dolci, Délégué apostolique à
Constantinople, ayant fait un rapport au Saint Siège sur les
souffrances des Arméniens, le Pape Benoît a écrit une lettre de
sa main au sultan de Turquie, intercédant pour le peuple
infortuné.
BERLIN, le 10 0ctobre (par radio à Tuckerton, New Jersey)
" La Gazette de Cologne se réfère aux accusations de Lord Cromer
et du Marquis de Crewe à la Chambre des Lords, disant que les
diplomates consulaires allemands ont encouragé la population
turque à attaquer les Arméniens " écrit " Overseas New Agency "
" Le journal affirme que le but de ces assertions infondées est
facile à comprendre.
L’Angleterre souhaite détourner l’attention des neutres de la
violation de la neutralité grecque, et puisque la question belge
n’est plus assez nouvelle, elle se tourne vers de nouvelles
accusations. ".
LES DEMANDES POUR L'ARMÉNIE PAR L'ALLEMAGNE NE SERVENT À RIEN
L'Ambassadeur d'Allemagne ne Peut Empêcher la Répression qu'à
Constantinople
AUCUN EFFET À ATTENDRE POUR LES PROVINCES
Rendus Furieux par les Désertions de Soldats Chrétiens en Faveur
des Alliés, les Turcs ne Mettront pas Fin à Leurs Actes
Publié le 10 octobre 1915
CONSTANTINOPLE, 20 septembre, (correspondance de The Associated
Press) –
Ayant supprimé toute nouvelle sur le sujet, le Gouvernement turc
est parvenu à jeter un voile opaque sur ses actes à l'encontre
de tous les Arméniens. On ne peut rien obtenir de précis à
Constantinople sur le sort de ce peuple dans les provinces, mais
il est bien connu que des mesures rigoureuses dans la capitale
ottomane n'ont pas été entreprises grâce aux objections du
Gouvernement allemand.
S'agissant de l'affaire arménienne, trois notes différentes ont
été présentées au Gouvernement ottoman par l'Ambassadeur
allemand par intérim, le Prince Hohenlohe-Langenburg. Si The
Associated Press est bien informée, ces notes n'auront aucun
effet en profondeur, parce que dans les conditions actuelles, le
Gouvernement allemand était forcé de n' intervenir qu'avec
retenue. La Turquie est toujours une alliée de l'Allemagne et
les Arméniens semblent avoir diminué considérablement la bonne
volonté du Gouvernement et du peuple allemands, ayant ouvert une
controverse avec les puissances de l'Entente. Beaucoup d'entre
eux ont rejoint les forces russes près de Van, et à Zeitoun et
Dort Jul, ils se sont révoltés contre les autorités turques. Les
trois notes qui s'y réfèrent ne sont rien d'autre que des
incidents officiels émaillant des semaines d'efforts pour
persuader le Gouvernement turc d'approcher l'affaire arménienne
de façon plus raisonnable et humaine. L'une des notes attirait
l'attention sur la grande injustice qui fait subir à tous les
Arméniens la conséquence des actes de peu d'entre eux. Le
Gouvernement turc, cependant, semble être resté inflexible.
Comme il a déjà été dit, il a été impossible d'obtenir des
informations détaillées. Les officiels turcs ont soit refusé de
discuter de la situation, soit en ont imputé la faute aux
Arméniens; ces derniers, pour leur part, ont refusé d'en parler
soit par peur d'être eux-mêmes persécutés, soit en ont rejeté
toute la responsabilité sur les Turcs. De nombreuses
déclarations irréconciliables en ont résulté, allant, de la part
des officiels turcs, de l'affirmation absurde que les Arméniens
étaient bien traités, jusqu'à la déclaration qu'à Zeitoun, Dort
Jul et ailleurs, 50 000 Arméniens avaient été massacrés.
Que les Turcs aient été coupables dans de nombreux cas, de
sévérité inutile, et aient permis dans quelques cas des actes de
violence barbares, y compris des assassinats et des viols,
semble bien établi. Dans le camp adverse, les Arméniens dans le
pays de Van ont été accusés d'excès similaires contre la
population turque, et les Turcs, ayant le pouvoir de leur côté,
leur ont rendu la monnaie de leur pièce, dit-on dans les cercles
de Constantinople bien informés.
On ne peut pas dire que sur ce point, les actes du Gouvernement
turc aient obtenu l'approbation des classes évoluées de la
capitale, qui, en majeure partie, sont favorables à une
politique de conciliation, et dont certaines vont jusqu'à
soutenir la création d'un état arménien séparé en Asie Mineure
sous l'autorité du Gouvernement impérial ottoman. Entre temps,
l'attitude du Gouvernement ottoman, soit qu'il nie totalement
que les Arméniens soient persécutés soit qu'il donne à ses actes
une base et un caractère manifestement fictifs, ne peut avoir
qu'un résultat : démontrer qu'il est à la fois honteux et
effrayé que la vérité soit connue. Les nombreuses tentatives
faites par le correspondant The Associated Press pour mettre un
peu de lumière sur la situation des Arméniens n'ont eu aucun
résultat, parce que les officiels turcs refusent de parler et
parce que la censure ne permettrait pas que des dépêches sur ce
sujet soient librement passées.
Quoiqu'il en soit, il faut dire que les Arméniens ne sont pas
sans reproches. Dépossédés de tous les facteurs liés à leurs
ambitions nationales, l'attitude des Arméniens envers les Turcs
et le Gouvernement ottoman a incité des mesures constantes de
répression. Les révoltes de Zeitoun, de Dort Jul, et de Van, et
les désertions en masse des soldats arméniens vers les Alliés de
la péninsule de Gallipoli, et vers les Russes dans le Caucase,
ont rendu le cœur du Turc dur comme la pierre, envers les
Arméniens, et il demande maintenant vengeance sur les coupables
comme sur les innocents.
Constantinople a eu droit pendant des semaines à la récolte
quotidienne de rumeurs arméniennes. L'une des plus intéressantes
d'entre elles est que même le Cheik-ul-Islam a protesté contre
les excès dont les Arméniens ont souffert. Il est possible que
cela soit vrai, parce que le Cheikh-ul-Islam est un homme de
modération et de tendances très progressives.
On dit à Constantinople que le Gouvernement allemand a pendant
un temps, même au début de la guerre, prêté une attention
particulière aux Arméniens. Les Allemands craignaient dès le
démarrage des hostilités entre la Turquie et l'Entente que les
Arméniens feraient une tentative pour ré-établir leur
indépendance par la force.
Des Arméniens de premier plan avaient été informés que l'intérêt
de l'Allemagne dans ce processus serait soutenu, et même
s'accroîtrait, si une attitude raisonnable était observée
pendant la guerre. Pendant un temps, l'influence des hommes qui
avaient été approchés pour la diffusion de cette promesse eut le
résultat recherché. Mais en janvier et février dernier, plus
spécialement en mars et en avril, lorsque les Alliés attaquèrent
vraiment les Dardanelles, les services de ces intermédiaires
n'eurent plus d'effet. Des compte-rendu exagérés sur les
victoires de l'Entente enflammèrent l'imagination des Arméniens,
et en beaucoup d'endroits, ils battirent le rappel de la
révolte.
Ce qui s'est passé ensuite est encore un chapitre non écrit.
Aucun journal n'a l'autorisation de visiter les circonscriptions
affectées., et les rapports venus de ces lieux sont tous
douteux. Cependant, on ne peut voir dans la réticence du
Gouvernement turc un bon signe, sachant en particulier ce que le
Gouvernement allemand a été obligé de faire.
________
" … ma colère contre les bouchers et mon immense pitié pour les
victimes… une extermination unique dans les annales de
l'histoire "
(Mehmet Chérif Pacha) :
L'HOMME D'ÉTAT TURC DÉNONCE LES ATROCITÉS
________
Cherif Pacha Dit que les Jeunes Turcs ont depuis longtemps le
Projet d'Exterminer les Arméniens.
________
Un arrêt des Jeunes Turcs, ou Comité Union et Progrès, qui
pendant des années ont comploté pour exterminer le peuple
arménien, est mentionné dans une récente lettre de Mehmet Cherif
Pacha à l'éditeur du Journal de Genève. Cet éminent exilé a dû
s'enfuir de sa terre natale, ayant fait sécession du parti
actuellement au pouvoir en Turquie, et ses avis méritent d'être
pris en considération. Même ses ennemis – et il est évident
qu'il en a de formidables, lorsqu'on se souvient de la tentative
presque réussie d'attentat à sa vie, organisée par des agents de
la police turque il y a presque deux ans à Paris – doivent
admettre qu'il est placé idéalement pour observer la politique
des Jeunes Turcs : le régime d'Abdul Hamid une fois renversé, et
après leur prise de pouvoir, il tenait une position de premier
rang dans les réunions du comité. Dès qu'il fut convaincu que
leurs dirigeants n'avaient aucune intention de mettre en
application le programme de réformes auquel ils s'étaient
engagés, il avait quitté le Comité Union et Progrès. Il est le
fils de Saïd Pacha, ex conseiller en chef d'Abdul Hamid et
Premier grand vizir du temps de la nouvelle Constitution. Son
épouse est la princesse Emanine, fille du prince Halim, et il
est le beau-frère du prince Saïd Halim, l'actuel Grand vizir.
Lui-même a été un temps Ambassadeur de Turquie en Suède.
Après avoir décrit les atrocités commises contre les Arméniens
par ce présent régime, et qui dépassent selon lui la sauvagerie
de Gengis Khan et de Tamerlan, Chérif Pacha continue :
" Il est certain que l'état d'esprit des Unionistes a été
gardé secret envers le monde civilisé avant que le parti de
l'Allemagne n'ait été pris par eux ouvertement; mais pendant
plus de six ans, je les ai dénoncés dans le Mecheroutiete
(son journal, publié d'abord à Constantinople puis à Paris)
et dans divers journaux et revues, prévenant la France et
l'Angleterre du complot, contre elles et contre certaines
nationalités à l'intérieur des frontières ottomanes,
notamment les Arméniens, qui était en cours de préparation.
" S'il est une race qui a été proche des Turcs par sa
fidélité, par ses services au pays, par les hommes d'état et
les fonctionnaires de talent qu'elle a fournis, par
l'intelligence qu'elle a montré dans tous les domaines,
commerce, industrie, science, et les arts – c'est
certainement les Arméniens.
Cherif Pasha énumère ensuite quelques une des contributions que
les Arméniens ont apporté à la civilisation turque, dont font
partie l'imprimerie et le théâtre, et rend hommage à Odian
Effendi, pour avoir ébauché, en collaboration avec Midhat Pacha,
la Constitution ottomane, et insiste sur leurs grandes qualités
d'agitateurs contre les despotismes de la Turquie et de la Perse
– qualités, on le suspecte, qui ne les a pas beaucoup servis
auprès des " réformateurs " autocratiques du régime Jeune Turc.
Et il poursuit :
" Hélas ! à la pensée qu'un peuple aussi doué, qui a servi
de terreau pour la rénovation de l'Empire ottoman, est sur
le point de disparaître de l'histoire – non pas réduit à
l'esclavage comme l'ont été les Juifs et les Assyriens, mais
annihilés – même le cœur le plus sec doit saigner : et je
veux, par l'intermédiaire de votre estimable journal,
exprimer à cette race qui est assassinée ma colère contre
les bouchers et mon immense pitié pour les victimes.
“ Ayant rempli ce pieux devoir, je ferais quelques
exceptions se rapportant non pas à la malheureuse nation
arménienne, mais individuellement à certains Arméniens et
groupe propagandistes qui ont au cours des six années
passées se sont si maladroitement constitués défenseurs et
partisans de ce Comité Union et Progrès, l'auteur de leurs
souffrances actuelles. Combien de fois les ai-je avertis de
la mauvaise foi des unionistes, de la perversité de ces
sombres personnalités que je suis le seul à connaître aussi
bien ! En outre, le massacre d'Adana, dont l'Union a donné
l'ordre, aurait dû les informer de la réalité des choses.
Quelques eux parmi eux, par la mauvaise évaluation de leur
intérêt, ou d'autres influencés par une alliance politique
maléfique – comme ce pauvre député de Constantinople Zohrab
Effendi qui a payé ses erreurs sur l'échafaud – tous les
dirigeants politiques arméniens, ou à peu près, en
s'identifiant eux-mêmes aux fortunes politiques de l'Union,
ont compromis leur cause nationale en voulant la servir.
" Si au lieu de s'être engagés eux-mêmes sous la bannière de
cette association néfaste et traîtresse, ils s'étaient
rangés ouvertement aux côtés des vrais libéraux qui avaient
depuis longtemps prévenu des dangers de leur situation,
souvent au péril de leur vie, ils n'auraient pas seulement
été fidèles à leurs principes, mais ils auraient aussi
épargné à leurs frères infortunés les persécutions qu'ils
ont subies avant la guerre, et à leur nation dans son
ensemble la perspective d'une extermination unique dans les
annales de l'histoire ".
ref sherif Pacha
http://turquie-culture.fr/pages/histoire/anecdotes-recits.../la-premiere-guerre-balkanique-1913-vue-par-le-general-cherif-pacha.html
L'APPEL POUR LES ARMÉNIENS DANS SON INTÉGRALITÉ
Requête à l'Amérique pour son Aide sous Forme d'une Lettre à
Aneurin Williams, Membre du Parlement
_______
LE SEUL ESPOIR EST L'ALLEMAGNE
Seul ce Pays Peut Mettre Fin aux Atrocités des Turcs – Il
pourrait Tenir Compte de la Protestation Américaine
Publié le 10 Octobre 1915
Une Correspondance Spéciale du New York Times
LONDRES, 20 septembre.- L'appel à l'Amérique du Vicomte Bryce
pour essayer d'arrêter le massacre des Arméniens par les Turcs,
dont des extraits ont été télégraphiés aujourd'hui aux
États-Unis pour publication, a pris la forme d'une lettre à
Aneurin Williams, publiciste, auteur et membre du Parlement. Le
texte dans son intégralité est celui qui suit.
18 septembre 1915
Cher Monsieur Williams,
Vous avez raison de penser que le monde civilisé, et celui
d'Amérique en particulier, doit connaître les horreurs qui se
déroulent en Turquie asiatique, au cours des quelques mois qui
précèdent, parce que s'il reste une possibilité pour arrêter la
main destructrice du gouvernement turc, c'est l'expression de
l'opinion des nations neutres, et en particulier le jugement de
l'humaine Amérique.
Peu de temps après que la guerre entre la Turquie et les Alliés
ait éclaté, le gouvernement turc a conçu, et a depuis engagé
avec une cruauté implacable, le plan pour extirper la chrétienté
en anéantissant la race arménienne. Les Arméniens, paisibles
paysans et artisans des provinces de l'est de Turquie, étaient
restés calmes. Ils ne s'étaient pas rebellés. Ils étaient sans
armes. Beaucoup d'entre eux servaient dans l'armée turque. Mais
ils étaient chrétiens, et le gouvernement pensait sans doute
qu'ils n'éprouvaient pas de la sympathie avec les dirigeants qui
les oppressaient et les volaient depuis des générations, et qui,
en 1895-96, avaient massacrés plusieurs centaines de milliers
d'entre eux sans provocation.
Les massacres de cette année sont cependant très au-delà de ceux
de 1895-96. Les compte-rendu qui sont à présent parvenus en
Europe de l'ouest, compte-rendu issus de sources diverses mais
se confirmant les uns les autres, et qui, empreints de vérité,
ne peuvent être mis en doute – prouvent que dans toute l'Asie
Mineure de l'est et du nord, et en Arménie, la population
chrétienne, dans sa totalité est délibérément exterminée. Les
hommes en âge d'être mobilisés dans l'armée ont été tués. Les
femmes les plus jeunes ont été enlevées et destinées aux harems
turcs, obligées de devenir musulmanes et soumises, quelquefois
avec leurs enfants, eux aussi convertis de force, virtuellement
à l'esclavage.
Le reste des habitants, vieillards, femmes et enfants, ont été
arrachés de leur maison et conduits de force, en convois sous la
garde de soldats turcs, une garde largement composée de
criminels libérés, dans des lieux insalubres d'Asie Mineure pour
certains, ou dans les déserts entre la Syrie et l' Euphrate pour
les autres. Beaucoup meurent ou sont assassinés sur la route :
tous périssent tôt ou tard. De crainte que certains d'entre eux,
s'ils en réchappaient, essayent de regagner leur foyer, des
Musulmans ont été amenés d'autres lieux pour occuper les maisons
et les fermes dont les Chrétiens ont été expulsés.
Aucun préjudice plus grand ne peut être fait au pays que la
destruction de la partie la plus intelligente et industrieuse de
sa population, mais de cela, les hommes inconscient et
impitoyables qui contrôlent actuellement la Turquie n'en ont
cure. A Trébizonde, où les Arméniens qui comptaient plus de 10
000 personnes vivaient paisiblement avec leurs voisins
musulmans, des ordres sont venus de Constantinople d'arrêter
tous les Arméniens. Beaucoup de ces bons voisins ont essayé de
les cacher ou de les protéger, mais en vain. Les troupes les ont
pourchassés, les ont conduits sur la côte, embarqués dans des
bateaux, ont pris le large, les ont jetés par-dessus bord et
tous se sont noyés – hommes femmes et enfants. La résistance
était impossible, les hommes les plus jeunes ayant été pris dans
l'armée et les autres sans armes. Tout cela a été vu et est
décrit par le Consul italien.
" Combien ont péri à travers tout le pays, personne ne peut le
dire. Il semble que quelques uns aient pu sauver leur vie en se
convertissant à l'Islam, et environ 250 000 se seraient enfuis
au-delà de la frontière en territoire russe. Mais un nombre très
supérieur, peut-être 500 000 ont été massacrés ou déportés, et
ceux qui ont été déportés périssent rapidement du fait des
mauvais traitements, des maladies ou meurent de faim, tandis que
les massacres continuent.
La chrétienté, après s'être maintenue en Arménie pendant
dix-sept siècles, contre les attaques d'abord des Perses
adorateurs du feu, par les Sarrazins et les Turcs par la suite,
est à présent complètement extirpée de ces contrées. Les routes
et les collines, comme le rapporte un compte-rendu, sont
parsemés de cadavres, les cadavres de paisibles paysans.
L'histoire de ces horreurs doit sûrement émouvoir le cœur de
tous les Américains, quelle que soit leur origine raciale,
quelles que soient leurs sympathies avec l'une ou l'autre des
parties dans le conflit actuel. Aucun homme doté de pitié ne
peut s'empêcher d'être concerné par ces infortunées victimes de
la férocité de leur propre gouvernement. Que peut-on faire? Nous
pouvons tous, évidemment, essayer d'envoyer tous ces misérables
réfugiés en territoire russe. Mais qu'est ce qui peut arrêter
ces massacres? Pas les puissances alliées en guerre contre la
Turquie. Une seule puissance peut faire quelque chose dans ce
but. C'est l'Allemagne. La voix de l'opinion publique
américaine, exprimant la conscience des nations neutres, ne
pourrait-elle conduire l'Allemagne à exercer son influence pour
contrôler le gouvernement turc avec que son horrible besogne ne
soit terminée ?
Je suis votre dévoué,
BRYCE
Esquire Aneurin Williams, Membre du Parlement
IL DÉFEND LA RÉPRESSION DES ARMÉNIENS
Ce n'est l'Affaire de Personne, ce que leur fait la Turquie,
déclare le Comte von Reventlow
Publié le 10 Octobre 1915
BERLIN 9 octobre, (via Londres). – Le Comte Ernst von
Reventlow, rédacteur militaire pour le Tageszeitung, dans un
article dans ce journal, sous le titre " L'indignation à propos
des ' Atrocités Arméniennes ' commence " déclare tout simplement
que la façon dont la Turquie traite les soulèvements arméniens
est son affaire en propre. Son article était inspiré du rapport
qu'Henry Morgenthau, l'Ambassadeur des États-Unis en Turquie,
qui a fait savoir à la Turquie que ses relations avec les
États-Unis seraient mises en danger si les massacres d'Arméniens
n'étaient pas arrêtés.
Le comte Von Reventlow déclare qu'il ne lui est pas
possible de discuter de ce sujet comme il le voudrait, mais que
la Turquie ne se laissera pas aller à avoir peur. Il poursuit :
" Si la Turquie considère qu'il est nécessaire que les
soulèvements arméniens et autres intrigues soient éliminées par
tous les moyens possibles, afin que leur répétition soit devenue
impossible, cela ne constitue aucunement des massacres ou des
atrocités, mais simplement une mesure à caractère justifié et
nécessaire, d'autant plus justifié et nécessaire que l'Empire
turc mène son combat le plus difficile pour son existence, et
qu'il a suffisamment d'ennemis à l'extérieur. Exiger qu'elle ait
de l'affection pour un ennemi intérieur, parce que cela
arrangerait les Britanniques et les Américains, c'est beaucoup
demander.
" L'empire turc a longtemps dû supporter que les grandes
puissances qui appréciaient et souhaitaient détruire, piller ou
voler les Turcs, viennent se mêler de leurs affaires. Nous
devrions être à présent persuadés que ces temps sont révolus. Et
ils seront réellement terminés dès lors que l'empire germanique
aura décidé une fois pour toutes que ce que son allié turc fait
de ses révolutionnaires arméniens est une affaire interne qui ne
regarde qu'elle ".
L'auteur a exprimé son indignation à la suite d'un
rapport publié par le Frankfurter Zeitung selon lequel les
consuls allemands se sont efforcés de modérer leurs
souffrances; il a déclaré que pour lui, ce point de vue
était incompréhensible et qu'il le considérait comme une erreur
politique.
" Nous autres Allemands, n'avons de compte à rendre ni à
nos ennemis ni aux pays neutres de ce que les Turcs font avec
les Arméniens ou de ce que disent les consuls allemands sur ce
sujet, a-t-il déclaré. " La place de l'Empire Allemand et de
tout individu allemand est au côté de notre allié turc, et cela,
sans aucune critique ".
________
DES
LETTRES QUI FONT ÉTAT D'INDIGNATION
_________
Celle issue d'un Turk Se Lamente de l'Expulsion des Arméniens
" La cruauté des autorités dépasse toute description. Dans
certains cas, des clous et objets divers sont enfoncés au bout
des doigts; des hommes sont battus jusqu'à ce qu'ils tombent au
sol sans connaissance; la plante des pieds est frappée jusqu'au
sang et de l'eau bouillante est ensuite versée sur la chair à
vif et sanglante ; dans d'autres cas, l'homme est roué de coups,
frappé jusqu'à il soit impossible de le reconnaître, même
de ses amis proches. Toute cette torture est donnée pour
détruire les personnes, pour leur faire révéler des secrets et
pour informer le gouvernement de complots ou de plans, que de
tels actes soient prévus contre lui ou non ".
Ce qui précède est un extrait d'une lettre reçue par
l'American Board of Commissioners for Foreign Missions [Les
Membres du Conseil Américain aux Missions Étrangères] d'un
correspondant qui avait pu se déplacer dans une partie de la
Turquie, et qui dit avoir assisté aux tortures décrites au cours
d'une visite à une certaine cité de l'Arménie turque.
' Quelques cinq cents des pires criminels des prisons ",
continue la lettre, ont été libérés et envoyés à la frontière
russe pour brûler les villages et détruire la vie et la
propriété de l'ennemi. Nous avons rencontré plusieurs bandes de
ces hommes tandis que nous nous déplacions dans le pays ".
Une deuxième lettre raconte les déportations massives des
Arméniens dans le désert et en d'autres parties lointaines de
l'empire turc. Parlant d'un groupe de 150 personnes d'un village
dont le nom n'est pas indiqué, l'auteur déclare que " la liste
comportait des hommes éduqués et des chefs de la communauté,
dont certains ont été soumis à des tortures indescriptibles et
étaient incapables de marcher ".
Une troisième lettre est issue d'un Turc, un Musulman, à
son fils, qui se trouve actuellement aux États-Unis. C'est la
première lettre publiée d'une source strictement turque – une
parmi les plus fiables – qui confirme les histoires effroyables
et la torture et la mort, adressées à ce pays par des sources
non-turques.
On lit dans une partie de cette lettre qui est présentée
telle quelle dans le bulletin mensuel du Conseil :
Je te retourne le chèque que tu m'as envoyé;
il n'est pas possible de l'encaisser ici, car il ne reste ici
plus aucun Raya ( les Chrétiens). Les habitants de notre village
sont à présent tous musulmans, tous nos voisins raya ayant été
emmenés dans la nuit, personne ne sait où. Leurs maisons sont à
présent occupées par des Kurdes et des Bachi-bouzouks
tcherkesses avec chacun une ou deux filles raya esclaves.
Les temps sont difficiles mon fils. Les Raya étaient tout pour
nous, et le voleur tcherkesse ne le remplace en rien pour ce qui
nous concerne. Tous les vieux du village s'en rendent bien
compte, même si quelques uns sympathisent avec ce misérables
personnes. Je prends juste cette occasion de lettre pour te
décrire la façon dont ils ont été traités. En ces temps de
récolte, il ne restait au pauvre Raya même pas une poignée de
farine chez lui, et ils ne vivaient principalement que sur les
légumes. S'il restait à quelques uns quelques subsistances, ils
n'avaient aucune chance de les emporter avec eux. Quelques uns
avaient été arrêtés au pied de leur lit sans même avoir le temps
de s'habiller, en sorte que beaucoup parmi eux (principalement
les vieilles femmes et les enfants) n'étaient qu'à moitié
habillés et les pieds nus. Nous avons appris que beaucoup
d'entre eux étaient morts dès le premier jour.
Il n'y a plus d'activité dans les affaires dans la
totalité du…. Tout est en état d'anarchie. Les meules de blé,
encore dans les champs, sont constamment incendiées par les
Bachi-bouzouks. Je te le dis, quand l'hiver sera là, ce sera la
famine pour nous, car comme tu le sais, nous vivons tous sur la
récolte du Raya.
Les lettres ci-dessus, déclare le conseil, sont publiées sans
commentaires, car elles vont de soi.
Parmi les commentaires inspirés par l'horreur et
les souffrances endurées par les Arméniens, la
phrase du rédacteur militaire :
" ce qui est le plus
justifié et le plus nécessaire du fait que l'Empire
turc est dans son combat le plus difficile pour son
existence et a suffisamment d'ennemis "
est particulièrement terrible. Ce
chargé de propagande justifie tout simplement
l'injustifiable : l'Empire turc menacé a le droit de
faire n'importe quoi pour se défendre.
Ces propos préfigurent, irrésistiblement, les
discours de haine d'Hitler relayés par son
successeur zélé Joseph Goebbels.
Seul aveu de sincérité, (d'humanité?) de ce
personnage, il écrit qu'il n'est pas libre de ses
paroles.
GB |
" … ma colère contre les bouchers et mon
immense pitié pour les victimes… une extermination unique dans
les annales de l'histoire "
(Mehmet Chérif Pacha) :
L'HOMME D'ÉTAT TURC DÉNONCE LES ATROCITÉS
Cherif Pacha Dit que les Jeunes Turcs ont depuis longtemps
le Projet d'Exterminer les Arméniens.
Publié le 10 Octobre 1915
Un arrêt des Jeunes Turcs, ou Comité Union et Progrès, qui
pendant des années ont comploté pour exterminer le peuple
arménien, est mentionné dans une récente lettre de Mehmet Cherif
Pacha à l'éditeur du journal de Genève.
Cet éminent exilé a dû s'enfuir de sa terre natale, ayant fait
sécession du parti actuellement au pouvoir en Turquie, et ses
avis méritent d'être pris en considération. Même ses ennemis –
et il est évident qu'il en a de formidables, lorsqu'on se
souvient de la tentative presque réussie d'attentat à sa vie,
organisée par des agents de la police turque il y a presque deux
ans à Paris – doivent admettre qu'il est placé idéalement pour
observer la politique des Jeunes Turcs : le régime d'Abdul Hamid
une fois renversé, et après leur prise de pouvoir, il tenait une
position de premier rang dans les réunions du comité. Dès qu'il
fut convaincu que leurs dirigeants n'avaient aucune intention de
mettre en application le programme de réformes auquel ils
s'étaient engagés, il avait quitté le Comité Union et Progrès.
Il est le fils de Saïd Pacha, ex conseiller en chef d'Abdul
Hamid et Premier grand vizir du temps de la nouvelle
Constitution.
Son épouse est la princesse Emanine, fille du prince Halim, et
il est le beau-frère du prince Saïd Halim, l'actuel Grand vizir.
Lui-même a été un temps Ambassadeur de Turquie en Suède.
Après avoir décrit les atrocités commises contre les Arméniens
par ce présent régime, et qui dépassent selon lui la sauvagerie
de Gengis Khan et de Tamerlan, Chérif Pacha continue :
" Il est certain que l'état d'esprit des Unionistes a été
gardé secret envers le monde civilisé avant que le parti de
l'Allemagne n'ait été pris par eux ouvertement; mais pendant
plus de six ans, je les ai dénoncés dans le Mecheroutiete
(son journal, publié d'abord à Constantinople puis à Paris)
et dans divers journaux et revues, prévenant la France et
l'Angleterre du complot, contre elles et contre certaines
nationalités à l'intérieur des frontières ottomanes,
notamment les Arméniens, qui était en cours de préparation.
" S'il est une race qui a été proche des Turcs par sa
fidélité, par ses services au pays, par les hommes d'état et
les fonctionnaires de talent qu'elle a fournis, par
l'intelligence qu'elle a montré dans tous les domaines,
commerce, industrie, science, et les arts – c'est
certainement les Arméniens.
Cherif Pasha énumère ensuite quelques une des contributions que
les Arméniens ont apporté à la civilisation turque, dont font
partie l'imprimerie et le théâtre, et rend hommage à Odian
Effendi, pour avoir ébauché, en collaboration avec Midhat Pacha,
la Constitution ottomane, et insiste sur leurs grandes qualités
d'agitateurs contre les despotismes de la Turquie et de la Perse
– qualités, on le suspecte, qui ne les a pas beaucoup servis
auprès des " réformateurs " autocratiques du régime Jeune Turc.
Et il poursuit :
" Hélas ! à la pensée qu'un peuple aussi doué, qui a servi
de terreau pour la rénovation de l'Empire ottoman, est sur
le point de disparaître de l'histoire – non pas réduit à
l'esclavage comme l'ont été les Juifs et les Assyriens, mais
annihilés – même le cœur le plus sec doit saigner : et je
veux, par l'intermédiaire de votre estimable journal,
exprimer à cette race qui est assassinée ma colère contre
les bouchers et mon immense pitié pour les victimes.
“ Ayant rempli ce pieux devoir, je ferais quelques
exceptions se rapportant non pas à la malheureuse nation
arménienne mais à individuellement à certains Arméniens et
groupe propagandistes qui ont au cours des six années
passées se sont si maladroitement constitués défenseurs et
partisans de ce Comité Union et Progrès, l'auteur de leurs
actuelles souffrances. Combien de fois les ai-je avertis de
la mauvaise foi des unionistes, la perversité de ces sombres
personnalités que je suis le seul à connaître aussi bien !
En outre, le massacre d'Adana, dont l'Union a donné l'ordre,
aurait dû les informer de la réalité des choses. Quelques
eux parmi eux, par leur mauvaise évaluation de leur intérêt,
ou d'autres influencés par une alliance politique maléfique
– comme ce pauvre député de Constantinople Zohrab Effendi,
qui a payé ses erreurs sur l'échafaud – tous les dirigeants
politiques arméniens, ou à peu près, en s'identifiant
eux-mêmes aux fortunes politiques de l'Union ont compromis
leur cause nationale plutôt que l'avoir servie.
" Si au lieu de s'être engagés eux-mêmes sous la bannière de
cette association néfaste et traîtresse, ils s'étaient
rangés ouvertement aux côtés des vrais libéraux qui avaient
depuis longtemps prévenu des dangers de leur situation,
souvent au péril de leur vie, ils n'auraient pas seulement
été fidèles à leurs principes, mais ils auraient aussi
épargné à leurs frères infortunés les persécutions qu'ils
ont subies avant la guerre et à leur nation dans son
ensemble la perspective d'une extermination unique dans les
annales de l'histoire ".
LES LETTRES
PARLENT D’ATROCITÉS
10 octobre 1915
L’une des lamentations turques sur les expulsions des Arméniens
:
« La cruauté
des autorités est au-delà de toute description. Dans certains
cas, des clous et des objets pointus sont enfoncés jusqu’aux
bouts des doigts. ; les hommes sont battus jusqu’à ce qu’ils
tombent inanimés par terre. Les plantes de pieds sont pilonnés,
puis de l’eau bouillante est versée sur la chair écorchée et
sanglante ; dans d’autres cas, l’homme est pilonné et battu
jusqu’à ce qu’il lui soit impossible de savoir qui il est, même
près d’un ami intime. Toute cette torture est pratiquée pour
obliger la personne à révéler des secrets et informer le
gouvernement de complots et de plans qui pourraient ou non être
organisés contre lui. »
« Environ cinq cents des pires criminels des prisons, continue
la lettre, ont été remis en liberté et envoyés à la frontière
russe pour incendier les villages et détruire les vies et les
propriétés de l’ennemi. Nous avons rencontré des bandes de ces
hommes lorsque nous avons traversé le pays ».
Une seconde lettre parle de la déportation en masse des
Arméniens vers le désert et autres parties lointaines de
l’Empire turc… D’une certaine ville non nommée, l’auteur écrit
que « les premiers comprenaient les hommes éduqués et cadres de
la communauté, dont certains ont été soumis à d’indescriptibles
tortures et étaient incapables de marcher. »
Une troisième lettre est celle d’un Turc, un Musulman à son
fils, qui est maintenant aux Etats Unis. C’est la première
lettre publiée d’une source strictement turque, et la plus sûre,
qui confirme les récits d’effroi, de torture et de mort, envoyés
dans ce pays de différentes sources non-turques.
« Je te retourne le chèque que tu m’as envoyé, car nous ne
pouvons pas l’encaisser ici, où il n’y a plus de Raya
(Chrétiens). Les habitants de notre village sont tous musulmans
maintenant car nos voisins Raya ont été emmenés la nuit,
personne ne sait où. Leurs maisons ont été occupées par des
Kurdes et des Tcherkesses Bachibouzouks, chacun avec une ou deux
filles esclaves Raya.
Les temps sont durs, mon fils. Les Rayas étaient tout pour nous,
et le Tcherkess voleur n’est en aucun cas un substitut. Tous les
anciens du village se rendent compte de cela, bien que peu
d’entre eux aient de la sympathie pour ce malheureux peuple. Je
prends seulement le risque de t’écrire la manière dont ils ont
été traités. C’était la saison des moissons, et le pauvre Raya
n’avait même pas une poignée de blé moulu chez lui, il vivait
principalement de légumes. S’il y en avait certains parmi eux
qui avaient un peu de nourriture chez eux, ils n’avaient aucun
chance de pouvoir l’emporter. Quelques-uns furent tirés du lit,
et n’eurent même pas le temps de s’habiller, de sorte que
beaucoup (principalement des femmes et des enfants) partirent à
demi-nus et pieds nus. Nous avons entendu dire qu’un grand
nombre d’entre eux étaient morts avant la fin du premier jour.
Il n’y a plus aucune activité commerciale dans tout………….Tout est
dans un état anarchique.
Les meules de blé, toujours dans les champs sont constamment
mises à feu par les . Bachibouzouks. Je te dis que quand l’hiver
arrivera, nous-mêmes devrons mourir de faim, car, tu le sais,
nous vivons tous des récoltes des Rayas.
UN ESPOIR POUR LES ARMÉNIENS
Balfour Dit que les Germano-américains Devraient User de
leur Influence
Publié le 9 octobre 1915
LONDRES, 9 octobre, – Arthur J. Balfour, Premier Lord de
l'Amirauté, dans une lettre exprimant ses regrets de ne pouvoir
assister à la réunion organisée par le Lord Maire à Mansion
House vendredi prochain pour lancer le fonds de secours aux
réfugiés arméniens, dit en se référant au massacre des Arméniens
:
" C'est un crime dépassant les pires actes commis par les
Turcs. Les Turcs dépendant entièrement des Allemands pour
les soutenir, ceux-ci pourraient certainement, s'ils le
voulaient, mettre un terme à cette lamentable affaire, et
j'espérerais que les Germano-américains, qui devraient
vouloir sauver ce qui leur reste de réputation, useront de
leur influence pour empêcher la continuation de cette
barbarie insensée ".
ENVOI DE 100 000 $ POUR SECOURIR LES REFUGIÉS
ARMÉNIENS
Le Comité des Atrocités les a transféré par Virement
télégraphique à Morgenthau -- 300 000 Grecs Réfugiés
Publié le 9 Octobre 1915
Répondant à un appel de l'Ambassadeur Morgenthau, reçu par le
Département d'État, dans lequel il disait qu'il pourrait faire
le meilleur emploi de 100 000 $ pour secourir les Arméniens, et
que tandis que cette somme, administrée avec soin, constituerait
un bon début, elle ne suffirait pas, le Comité des Atrocités
Arméniennes, en coopération avec le Committee of Mercy
[ aux USA, Comité d'Entraide aux Orphelins et Veuves de
Guerre] a transféré par câble hier à l'Ambassadeur Morgenthau un
premier versement de 100 000 $. L'Ambassadeur a dit que l'argent
reçu sera distribué à Konitza, Afana, Tarse et
Durfa et par l'intermédiaire du Consul américain à Alep.
Comme l'a déclaré l'Ambassadeur, Cette somme, même si elle
sauvera beaucoup de vies en ce moment, est malheureusement
insuffisante en regard des terribles besoins. Elle servira,
cependant, à endiguer la vague et sauver finalement
la situation. Le Comité des Atrocités Arméniennes et le
Committee of Mercy maintiennent leur appel au nom de
l'Arménie afin que tout ce qui est possible soit entrepris pour
sauver les Arméniens de l'extinction.
Mais, même si de l'argent est envoyé à l'Ambassadeur Morgenthau
en quantité suffisante pour faire tout ce qui peut être fait
pour sauver les vies des Arméniens en Turquie, on ne peut
trouver les réfugiés qui peuvent être secourus, en majeure
partie, que là où ils se sont enfuis, en Russie, en
Égypte, en Grèce. Des milliers et des milliers d'Arméniens
seraient arrivés en Russie.
Le télégramme qui suit a été reçu par Stephen Van R. Trowbridge,
auparavant missionnaire à Aintab, en Turquie et actuellement au
Caire :
" Six mille Arméniens des villages d'Antioche, parmi lesquels
quatre congrégations de mission, sont arrivés à Port Saïd
recueillis récemment par des croiseurs français après avoir
défendu leur foyer pendant soixante et un jour contre des
violentes attaques turques. Souffrances héroïques. Enfants nés
au cours des combats. Pasteur avait hissé le drapeau de la Croix
Rouge, que le croiseur avait vu depuis la mer. Survivants sont
gravement affaiblis. Principalement des femmes et des enfants,
beaucoup sont malades. Autorités britanniques procurent la
nourriture et abris. Envoyez nous s'il vous plaît 6 000 $ pour
vêtements, médicaments et personnel infirmiers. Un comité est
organisé. Fonctionnaire diplomatique américain approuve ".
En réponse, le Comité des Atrocités Arméniennes a viré
télégraphiquement 6 000 $ à M. Trowbridge pour venir en aide aux
réfugiés arméniens en Égypte.
William H. Hamilton, Secrétaire du Committee of Mercy,
dont l'entrevue avec M. Venizélos, l'ex-Premier ministre de
Grèce, a été publiée dans les journaux de jeudi, a télégraphié
depuis Athènes que des réfugiés arméniens ont commencé à
atteindre la Grèce, en même temps que des réfugiés grecs, dont
les mauvais traitements par la Turquie ont créé un besoin
désespéré les besoins pour des secours en Grèce. M. Venizélos et
le Général Korakas, Président de la Commission des Secours du
Gouvernement, ont amélioré les plans pour prendre soin des
300 000 réfugiés qui sont arrivés à Athènes Salonique, et les
îles grecques. Les dons pour le secours des réfugiés doivent
être adressés à August Belmont, trésorier du Committee of
Mercy, au 200 Cinquième Avenue.
Le Comité des Atrocités Arméniennes et le Committee of Mercy
mettent des mesures en place pour administrer comme il
convient les réfugiés arméniens qui ont pu s'échapper de
Turquie, et avec le soutien de tout son cœur du public, des vies
peuvent être sauvées à la mesure des fonds recueillis. Les dons
pour les secours des Arméniens peuvent être adressés à Charles
R. Crane, 70 Cinquième Avenue.
Commentaire -
Un article qui souligne le rôle de l'Ambassadeur
Morgenthau, pas seulement politique mais bien concret,
qui montre la générosité aux USA et aussi l'accueil de
réfugiés en Russie, en Égypte et surtout en Grèce, en
des temps particulièrement difficile pour elle-même.
L'épisode héroïque du Moussa Dag fait son apparition
dans la presse des USA d'octobre 1915.
GB |
POURQUOI NOUS
TENONS À AIDER LES ARMÉNIENS
Reventlow Dit que c'est
l'Or Anglo-français qui Nous Motive
9 Octobre 1915
LONDRES, 8 octobre, – Le Times dit ce matin :
" Il faut relever que l'article monstrueux dont le Conte
Reventlow est l'auteur, et qui était cité par Lord Cromer à la
Chambre des Lords mercredi soir, est la seule référence aux
massacres arméniens dans la presse allemande récente. L'article
était basé sur un rapport selon lequel le Gouvernement américain
avait invité l'Allemagne à intervenir en faveur des Arméniens.
Outre les remarques brutales précédemment publiées, le Conte
Reventlow a durement critiqué toute initiative américaine.
" Après s'en être référé, sur un ton méprisant, à l'Ambassadeur
américain à Constantinople, il a dit que l'Angleterre et la
Russie utilisaient la question arménienne pour leur intérêt
propre, avant de poursuivre :
" ' Tout le monde sait probablement que c'est devenu une
habitude populaire chez les Américains, de prendre une part
aussi active que possible dans les questions de ce genre,
même quand les événements se produisent au sud–est de
l'Europe, et dès lors que ce n'est pas la doctrine Monroe
qui peut servir d'excuse. Une telle ingérence devrait
particulièrement choquer en ce moment, la Turquie étant un
pays belligérant qui lutte pour sa survie, et que les
États-Unis passent pour un pays neutre qui veut passer pour
l'être. Il ne peut y avoir de doute sur les raisons de la
fraternisation Anglo-américaine : la récente transaction
financière montre dès à présent ses conséquences dans ce
domaine ' ". .
800 000 ARMÉNIENS DÉNOMBRÉS COMME VICTIMES
Le Vicomte Bryce Annonce à la Chambre des Lords ce qu'est le
Nombre Probable de Victimes des Turcs
10 000 PERSONNES NOYÉES EN MÊME TEMPS
LES PAIRS MIS AU COURANT DE LA FAÇON DONT LA POPULATION
ENTIÈRE DE TRÉBIZONDE A ÉTÉ ANÉANTIE
Par Câble Spécial à THE NEW YORK TIMES
LONDRES, 7 octobre, – Le correspondant parlementaire de la
Chambre des Lords du Daily Chronicle déclare :
" Cette après-midi Lord Bryce a fait un récit déchirant des
circonstances dans lesquelles les Arméniens sont exterminés
par l'effet d'une politique absolument préméditée et
poursuivie par la bande au pouvoir actuellement en Turquie.
Il évalue à 800 000 le nombre d'Arméniens, hommes, femmes et
enfants, qui ont été massacrés de sang-froid, depuis mai
dernier, en Asie mineure.
" La Chambre des Lords est une assemblée peu encline aux
sentiments, mais elle a été profondément émue au récit
d'horreurs en comparaison desquelles même les atrocités
d'Abdul Hamid paraissent dérisoires . Comme Lord Bryce l'a
dit à juste titre, on n'a jamais connu dans l'histoire,
depuis Tamerlan, un crime aussi hideux et à une telle
échelle ait été enregistré. On attribue à un ex-sultan de
Turquie la phrase : ' la seule façon de se débarrasser de la
question arménienne est de se débarrasser des Arméniens ' ".
" Cette horrible politique a été mise en œuvre par le
gouvernement turc ", a poursuivi Lord Bryce, " très au-delà
de celle jamais poursuivie par Abdul Hamid. La nation
arménienne n'est pas tout à fait éteinte ; des malheureux
rescapés ont trouvé refuge dans les provinces caucasiennes ;
quelques uns sont parvenus à atteindre l'Égypte ; quelques
bandes mal armées et à demi mortes de faim se défendent
bravement elles-mêmes, contre ceux qui seraient leurs
assassins dans les montagnes de Sassoun et de Cilicie.
" De la part de ces survivants pathétiques d'une race
attachante, Lord Bryce a lancé un puissant appel aux nations
neutres. Il n'a pas mentionné explicitement l'Amérique mais
il était évident que l'ancien Ambassadeur à Washington avait
la grande république de l'ouest en l'esprit lorsqu'il en a
appelé à la conscience des pays neutres et lorsqu'il a dit
que, même commis dans les convulsions d'une grande guerre,
certains crimes ne seront pas tolérés par l'opinion publique
du monde.
" La question arménienne est apparue lorsque Lord Cromer
avait demandé si les déclarations selon lesquelles les
officiels allemands étaient au courant de ces massacres
étaient fondées sur des preuves solides. Lord Cromer pense
que bien qu'il n'y ait aucun preuve digne de foi démontrant
la complicité du gouvernement allemand ou ses agents dans
ces terribles atrocités, le Gouvernement allemand, par son
influence sur Constantinople, ne peut être déchargé de sa
responsabilité que s'il démontre avoir pris des mesures
énergiques pour empêcher ces crimes.
' Lord Crewe, répondant pour le Gouvernement, a déclaré que
les rapports consulaires britanniques confirment la thèse
des massacres et révèlent des faits horribles. La situation
des réfugiés dans les provinces caucasiennes est extrêmement
pitoyable.
" ' A propos des allégations selon lesquelles les
représentants consulaires allemands n'auraient pas seulement
assisté à ces horreurs, mais les auraient peut-être
dirigées, a dit Lord Crewe, ' nous n'avons pas de
confirmation officielle. Des déclarations dans ce sens ont
cependant été faites, librement, par les observateurs
américains, et étant donné les antécédents en d'autres
lieux, on ne peut plus les qualifier d'improbables depuis
juillet dernier, quand nous avons informé la Porte que les
individus qui avaient incité à ces massacres seraient tenus
par nous personnellement responsables ; même si aucune
déclaration sur ce point n'a été remise par notre Ministère
des Affaires étrangères au Gouvernement turc, ils savent
notre opinion ' ".
Le Daily News, commentant les massacres arméniens, écrit :
" Jusqu'à quel point Guillaume II est-il au courant ? Que
pense l'Ami de l'Islam de l'annihilation par son allié turc
d'un million de fidèles chrétiens du Dieu qu'il invoque en
permanence? Donne-t-il son aval au jugement dépassionné du
Comte Reventlow selon qui ' ce n'est pas seulement un droit,
mais aussi un devoir, de prendre des mesures énergiques
contre les éléments arméniens douteux, assoiffés de sang,
émeutiers si les autorités turques pensent qu'il est juste
de le faire? ' Pour un Allemand, ajoute-t-il, il ne peut y
avoir, bien sûr , aucune ingérence.
" Pour un Allemand, évidemment, il ne peut pas y en avoir.
De l'appel horrifié américain, l'allié de la Turquie n'en a
cure. ' Alors Pilate pris de l'eau et se lava les mains
devant la multitude, disant " je suis innocent du sang de ce
juste ' ".
UN ALLEMAND DIRIGEAIT LES TURCS À VAN
Le Dr Yarrow Dit l'Avoir Vu à la Tête des Troupes qui
Pilonnaient les Arméniens
AUCUNE PROTECTION DE LA CROIX ROUGE
Et les Drapeaux Américains sur les Immeubles de la Mission
Servaient de Cibles, selon le Missionnaire de Retour
Publié le 6 octobre 1915
Seize missionnaires de Van, en Arménie turque, viennent
d'arriver, hier, sur le paquebot scandinave et américain Hellig
Olav. Ce sont des membres de la mission créée par l'American
Board of Commissioners for Foreign Missions [Le Conseil
Américain des Chargés de Mission à l'Étranger], et ils ont
confirmé les informations selon lesquelles les Turcs et les
Kurdes se livrent à une " guerre sainte " contre les Arméniens.
Parmi les missionnaires se trouvent le Révérend Docteur Ernest
Yarrow et Mme Yarrow, le Docteur Clarence Ussher et le Docteur
Georges Reynolds. Ils ont évoqué le siège de Van qui a duré
depuis le 20 avril jusqu'au 17 mai, une période au cours de
laquelle des milliers d'Arméniens sont morts par l'épée, le feu
et les épidémies.
" Pendant vingt-sept jours, a dit le Dr Yarrow, " 1 500
Arméniens déterminés ont tenu à Van devant 5 000 Turcs et
Kurdes, et pendant les trois derniers jours, ils ont été
pilonnés par les obus d'une batterie servie par une compagnie
turque commandée par un officier allemand; je l'ai vu moi-même
diriger le tir des canons.
" Deux jours avant que les Russes n'arrivent à Van, les Turcs
ont délibérément incendié les immeubles de la mission. Ces lieux
étaient identifiables et il ne peut y avoir sur leurs occupants
aucun doute, cinq drapeaux américains et un drapeau de la
Croix-Rouge y étant placés pour les protéger. Les tirs étaient à
ce point précis que les mats ont été coupés, faisant chuter les
drapeaux à terre. Il pouvait y avoir à cette époque 10 000 à 15
000 Arméniens à Van et dans ses environs, et pendant le siège,
ils n'avaient pas seulement à combattre les Turcs et les Kurdes,
mais aussi à peu près toutes les maladies contagieuses.
Lorsqu'on l'a questionné sur les atrocités commises par les
Turcs, M. Yarrow a dit que toutes les formes concevables de
torture ont été infligées aux Arméniens à Van et dans ses
environs. Les blessures infligées aux femmes et aux enfants sont
indescriptibles.
" Les Turcs et les Kurdes ont déclaré la " guerre sainte "
contre les Arméniens ", a-t-il continué, "et ils ont fait le
serment de les exterminer ".
Le Dr Yarrow a ajouté que lorsque les Russes se sont retirés,
les missionnaires ont décidé de partir pour Tiflis. Ils ont été
attaqués deux fois par les Kurdes en cours de route. Une femme
âgée qui faisait partie du groupe a été blessée à la cuisse par
une balle.
Au moment du départ, la situation en Arménie était terrible; il
a continué en disant que beaucoup de gens mouraient du typhus et
d'autres épidémies. La moitié des missionnaires ont été touchés
par le typhus et six d'entre eux en sont morts.
Les missionnaires qui accompagnaient le Dr Yarrow ont dit que
les événements tels qu'ils ont été rapportés à New York ne sont
pas du tout exagérés quant à la situation en Arménie, et que
beaucoup reste à dire.
Le Dr J.P. Xenides, professeur de grec à l' American College de
Marsovan, en Turquie asiatique, qui a débarqué hier du vapeur
Vasilfs Constantinos, s'est entretenu hier soir au restaurant
Kismet, à West Street, avec les membres de l'Armenian Colonial
Association de New York.
" Avant que les troubles ne commencent à Marsovan ", a dit le Dr
Xenides, " il y avait quelques 12 000 à 13 000 Arméniens dans
cette ville, et nous comptions dans l'établissement soixante et
treize enseignants et leur famille et soixante trois étudiantes.
Avant mon départ, les Arméniens ont tous été tués ou chassés, y
compris les enseignants et leur familles, et les soixante trois
filles ont été enlevées par les Turcs et enfermées dans leurs
harems.
" Le Ministre turc des Affaires étrangères avait promis à
l'Ambassadeur Morgenthau que la mission américaine et les
Arméniens à Marsovan seraient préservés de toute atteinte, mais
il a donné au Gouverneur des ordres tout à fait contraires.
" Le 26 juin, un ordre est arrivé selon lequel tous les
Arméniens devaient quitter la ville et se rendre à Mossoul, sur
le Tigre, distante de vingt cinq jours de caravane. Lorsque
l'ordre de départ a été donné, les hommes ont été conduits dans
une direction et les femmes et les enfants dans une autre,
montés sur des charrettes à bœufs. On n'a plus jamais entendu
parler des hommes, et on m'a dit qu'ils avaient tous été tués ".
MORGENTHAU PORTE SECOURS
Les Consuls Américains Feront Tout ce Qu'ils peuvent pour
Aider les Arméniens
Publié le 6 octobre 1915
WASHINGTON, 5 octobre. – Beaucoup d'Arméniens dans ce pays ont
contacté la Croix Rouge Américaine, et le Département d'état,
pour trouver des moyens de secourir leur peuple dans son pays.
Ernest P. Bicknell, Directeur national de la Croix Rouge, a
écrit aujourd'hui à un Arménien qui l'avait contacté depuis
Boston :
" Nous sommes informés par le Département d'état que les voies
les plus efficaces de porter secours aux Arméniens à présent
passent par l'Ambassadeur à Constantinople, M. Morgenthau. Un
comité américain de personnes en vue a été formé à New York pour
recueillir les contributions pour venir en aide aux Arméniens,
avec Charles R. Crane, New York, comme Trésorier. Aussitôt que
ces contributions seront reçues par ce comité, elles seront
transmises à l'Ambassadeur Morgenthau et distribuées comme il
pensera devoir le faire.
" On pense qu'à travers les Consuls américains en Arménie, et
quelques missionnaires américains qui sont encore dans ce pays,
il sera possible de faire quelque chose pour secourir les
Arméniens, même si tout le monde s'accorde à dire que tout ce
qu'il est possible de faire n'est que très peu com^paré aux
besoins ".
Un article déchirant, en ce mois d'octobre 1915, où
s'expriment l'impuissance des Américains émus du
sort des Arméniens aux USA et aussi, indirectement
celle de l'exécutif américain, représenté en prmière
ligne par l'Ambassadeur Morgenthau.
GB |
LE GOUVERNEMENT LANCE UN APPEL POUR L’ ARMÉNIE
Publié le 4 Octobre 1915
Dire à la Turquie que
la continuation des atrocités va compromettre les bonnes
relations américaines.
Washington –
De nouvelles démarches ont été faites auprès du Gouvernement
Ottoman par le Gouvernement des Etats Unis concernant les
atrocités envers les Arméniens .
Le Secrétaire d’Etat Lansing a envoyé ce soir à l’Ambassadeur
Morgenthau à Constantinople un message exprimant l’intérêt du
peuple américain à l’égard de la situation arménienne, et
insistant pour que des mesures soient prises par le Gouvernement
turc pour la protection et un traitement humain des Arméniens.
Le message n’a pas pris la forme d’une protestation du
Gouvernement des Etats Unis, mais a été adressé à Mr. Morgenthau
pour informer le Gouvernement Ottoman que les atrocités
infligées aux Chrétiens arméniens avaient suscité un très fort
sentiment parmi le peuple américain et qu’une continuation de
ces atrocités allait tendre à compromettre la sympathie du
peuple des Etats Unis envers le peuple de Turquie.
Le Secrétaire Lansing a dit aujourd’hui qu’aucune remarque
n’avait été faite à l’Allemagne concernant le traitement des
Arméniens par les Turcs. Nous avons appris toutefois que
l’Ambassadeur Morgenthau avait signalé que l’Ambassade
d’Allemagne à Constantinople avait envoyé une protestation à ce
sujet au bureau des Affaires Etrangères turques. Il y a quelque
temps, un rapport du Département d’Etat avait demandé au Comte
Von Bernstorff, l’Ambassadeur allemand d’ici, d’attirer
l’attention du bureau des Affaires Etrangères sur ce sujet.
RÉCIT DES HORREURS COMMISES EN ARMÉNIE Nyt19151004
Lundi 4 octobre 1915 - Un rapport d’éminents Américains dit que
ces horreurs sont inégalées depuis mille ans.
Rapport turc surpassé.
Une politique d’extermination mise en œuvre contre un peuple
impuissant.
Des village entiers dispersés !
Des hommes et des enfants massacrés, des femmes et des jeunes
filles vendues comme esclaves et distribuées aux Musulmans.
Le Comité des Atrocités arméniennes, un corps d’éminents
américains ayant enquêté pendant des semaines sur la situation
de l’Arménie turque, a diffusé hier un rapport détaillé sur
cette enquête, dans lequel il est affirmé qu’en cruauté et en
horreur, rien dans les mille ans passés n’a égalé les
persécutions actuelles du peuple arménien par les Turcs. Le
Comité ajoute que les sources d’information sont «
incontestables quant à leur véracité, leur intégrité, et
l’autorité des auteurs ».
Ces données sur lesquelles est basé le rapport ont été
rassemblées de toutes les parties de l’Empire turc.
Le rapport parle d’enfants de moins de quinze ans jetés dans
l’Euphrate pour être noyés, de femmes forcées d’aller dans le
désert avec un bébé dans les bras, et abandonnées au bord des
routes pour mourir, de jeunes femmes et jeunes filles que des
Turcs se sont appropriées, puis jetées dans des harems,
attachées, ou vendues au plus offrant, et d’hommes torturés et
assassinés. Tout ce qu’un Arménien possède, même ses habits sur
le dos, sont volés par ses
persécuteurs.
Le rapport dit que la bastonnade renaît, de hauts dignitaires de
l’Eglise ont été pendus, des familles éparpillées aux quatre
vents, des milliers et des milliers de personnes sans défense et
malheureuses rassemblées comme du bétail et conduites dans les
terres désertiques de l’empire, pour y mourir de faim.
Les hommes qui ont signé le rapport sont :
. le Révérend David H. Greer, évêque épiscopal protestant du
diocèse de New York
. Oscar S. Straus, ancien secrétaire du commerce et du travail
et ex-Ambassadeur de Turquie
. Cleveland H. Dodge, de Phelps, Dodge & Company
. Le révérend Dr. Stephen S. Wise, rabin de la Synagogue libre
de N.Y.
. Charles R. Crane de Chicago, vice-président de ‘Finance
Committee of the Democratic
National Committee’ au cours de la campagne précédente.
. Arthur Curtiss James, directeur de plusieurs sociétés de
chemins de fer et de la Banque nationale de Hanovre, de la
United States Trust Co, et Phelps, Dodge & Co.
. Le Rév. Dr. Frank Mason North du Conseil d’administration des
Missions étrangères de l’Eglise Episcopale Méthodiste.
. John R. Mott du Comité international de ‘Young Men Christian
Association’.
. William W. Rockhill, ancien ambassadeur de Turquie, et ancien
ambassadeur de Russie.
. William Sloane, président de W.&J. Sloane, 575 - 5ème Avenue,
N.Y.
. Le Rev. Dr. Edward Lincoln Smith, du Conseil d’Administration
américain des Commissaires pour les Missions étrangères.
. Le Rev. Dr. Frederick Lynch, de la New York Peace Society.
. Georges A. Plimpton, de Glinn & Co., administrateur de
Constantinople College.
. Le Rev. Dr. James L.Barton, missionnaire en Turquie pendant de
longues années, et aujourd’hui secrétaire du Conseil
d’Administration des Commissaires pour les Missions Etrangères.
. Le rév. Dr. William J. Haven, l’un des fondateurs de la
‘Epworth League’.
. Stanley White, Président de « White Advertising Corporation ».
. Professeur Samuel P. Dutton, une autorité dans les affaires du
Balkan.
Identité cachée des auteurs.
« Pour des raisons évidentes pour tous », dit le comité dans la
préface de son rapport, les noms et positions des différents
auteurs ne peuvent pas être révélés en ce moment.
Ils sont connus du comité qui se porte garant pour eux et leurs
déclarations. Dans la plupart des cas, il sera nécessaire de
cacher le lieu où ces déclarations ont été écrites, et même les
noms de villes citées, afin que l’auteur ou ses cas ne puissent
souffrir de maux irréparables.
Les sources d’information, ajoute-t-il, sont grecques, bulgares,
américaines, turques, allemandes, britanniques et arméniennes.
Le rapport, qui contient 20 000 mots, est divisé en 25 parties.
La première, datée du 27 avril 1915, déclare qu’un « mouvement
contre les Arméniens fait partie d’un mouvement concerté contre
tous les éléments non-turcs, et ceux de mission et de progrès, y
compris sionistes.
La seconde, datée de trois jours plus tard, parle de la
persécution, des pillages et massacres à l’intérieur de la
Turquie, et de « l’incroyable rigueur » contre les Arméniens de
Zeytoun et de Marash.
Le 10 juillet, l’auteur affirme qu’il était évident qu’une «
tentative systématique de déraciner la paisible population
arménienne avait été décidée en haut lieu.
Les tortures, pillages, viols, meurtres, expulsions massives,
déportations et massacres provenaient de toutes les parties de
l’empire et étaient dus non pas à une demande populaire ou
fanatique mais à des directives purement arbitraires de
Constantinople ».
Le 16 juillet, un autre auteur écrit qu’ « une campagne
d’extermination de race est en cours ».
Le chapitre VI décrit les massacres fin juillet, de femmes et
d’enfants dont la plupart avaient été déportés de la région
d’Erzeroum. Les massacres se sont produits près des villes de
Kemakh, entre Erzeroum et Harpout.
La déportation avait commencé à Zeytoun.
Les chapitres VII et VIII forment deux des plus horribles
chapitres d’horreurs, dont le rapport se divise. Ils sont
séparés comme suit :
Le 20 juin. La déportation a commencé il y a six semaines par
180 familles de Zeytoun ; depuis, tous les habitants de cet
endroit et des villages alentours, ont été déportés ; ainsi que
presque tous les Chrétiens d’Albustan, un grand nombre de
Hadjin, Sis, Kars Pazar, Hassan Beyil et Deort Yol. Leurs
nombres s’élèvent à ce jour à 265 000.
Parmi eux, environ 5 000 ont été envoyés dans la région de
Konya, 5 500 sont à Alep et les villes et villages environnants,
et le reste est à Der Zor, Racca et différents endroits de
Mésopotamie, même aussi loin que le voisinage de Bagdad. Le
processus continue encore, et l’on ne sait pas jusqu’où cela va
aller.
Les ordres déjà reçus vont amener ce nombre à 82 000 dans cette
région, et il n’y a pas encore d’exilés d’Aintab, très peu de
Marach et d’Ourfa. Il se peut que les ordres des commandants
aient été raisonnablement humains, mais leur exécution a été
pour la plupart d’une dureté inutile, et dans certains cas
accompagnée d’une horrible brutalité envers les femmes, les
enfants, les malades et les personnes âgées.
Tous les villages ont été déportés après un avis d’une heure,
sans aucune opportunité de se préparer pour le voyage, pas même
dans certains cas, de rassembler les membres de la famille
dispersée, de sorte que de jeunes enfants sont restés derrière.
A Hadjin, les gens aisés, qui avaient préparé de la nourriture
et de la literie pour la route ont été obligés de les laisser
dans la rue, et par la suite, ont beaucoup souffert de la faim.
Les femmes conduites sous le fouet.
Dans de nombreux cas, les hommes (ceux d’âge militaire étaient
presque tous dans l’armée) étaient attachés fortement avec des
cordes ou des chaînes.
Les femmes avec de jeunes enfants dans les bras, ou dans les
derniers jours de grossesse, étaient menées sous le fouet comme
du bétail.
Trois cas différents sont parvenus à ma connaissance, dans
lesquels la délivrance d’une femme se produisit sur la route, et
à cause du conducteur brutal qui la pressait le long du chemin,
elle mourut d’hémorragie.
Je connais aussi un cas où le gendarme en charge était un homme
humain, et accorda à la pauvre femme plusieurs heures de repos,
puis lui procura une charrette pour continuer.
Certaines femmes devinrent si complètement épuisées et
désespérées qu’elles laissèrent leur enfant au bord de la route.
De nombreuses femmes et jeunes filles furent violées. En un
endroit, le commandant
de la gendarmerie dit ouvertement aux hommes auxquels il
confiait un grande compagnie qu’ils étaient libres de faire ce
qui leur plaisait avec les femmes et les jeunes filles.
Quant à la subsistance, il y avait une grande différence d’un
lieu à un autre. Dans certains endroits, le gouvernement les
avait nourris ; ailleurs, il avait permis à d’autres de les
nourrir.
Il y a eu beaucoup de faim, soif et maladie, et quelques réels
cas de famine et mort.
Ces gens étaient dispersés en petites unités, trois ou quatre
familles par ci, par là, parmi une population de race et
religion différentes, et parlant une langue différente. Je parle
d’eux comme si c’étaient des familles, mais les quatre
cinquièmes d’entre eux étaient des femmes et des enfants, et les
hommes présents étaient pour la plupart vieux et incompétents.
Si aucun moyen n’est trouvé pour les aider au cours des quelques
mois prochains, jusqu’à ce qu’ils soient établis dans leur
nouvel environnement, les deux tiers ou les trois quarts d’entre
eux vont mourir de famine et de maladie.
- - - - - - - - - - -
Les pieds des prisonniers battus et tombés en morceaux.
J’ai été appelé un jour dans une maison où j’ai vu un drap en
provenance de la prison, et qui était envoyé pour être lavé. Ce
drap était couvert de sang, coulant en ruisselets. On me montra
aussi des habits qui étaient trempés et excessivement sales. Je
me demandais ce qu’ils avaient bien pu faire aux prisonniers,
mais j’ai été au fond des choses grâce à l’aide de deux
personnes de confiance qui avaient été en partie témoins : le
prisonnier est placé dans une pièce (comme au temps des
Romains), des gendarmes se tiennent deux par deux de chaque
côté, et deux au fond de la pièce, chacun son tour donne la
bastonnade jusqu’à ce qu’il n’en ait plus la force. Du temps des
Romains, 40 coups étaient administrés au maximum ; mais là,
cependant, 200, 300, 500, et même 800 coups étaient administrés.
Le pied enfle, puis éclate sous les nombreux coups et ainsi le
sang gicle. Le prisonnier est ensuite ramené en prison et mis au
lit par le reste des prisonniers. Cela explique le drap
ensanglanté Les prisonniers devenus inconscients après ces coups
sont ranimés au moyen d’eau froide versée sur la tête, ce qui
explique les habits sales. Un jeune homme a été battu à mort en
l’espace de cinq minutes.
A part la bastonnade, d’autres méthodes sont employées aussi,
telles que la pose de fers rougis sur la poitrine.
Un forgeron qui était soupçonné d’avoir forgé des obus, fut
libéré après avoir eu les orteils brûlés avec de l’acide
sulfurique (appelé kérab).
Le Consul allemand d’Alep estime à 30 000 le nombre de déportés.
5000 personnes ont été déportées au lieu malsain de Sultani,
dans la région de Konya. Les premiers jours, le gouvernement a
donné un peu de pain. Quand il n’y eut plus de pain, ils ne
reçurent plus rien.
La misère était déchirante.
Au chapitre 9, l’auteur décrit un autre règne de terreur,
pendant lequel la terrible bastonnade était en usage, avec la
torture du feu en plus. Il avait entendu des cas de brûlures des
yeux des pauvres victimes.
Dans un autre cas, de vieilles bombes trouvées dans un cimetière
et enfouies là probablement sous le règne d’Abdul Hamid,
servirent de prétextes pour torturer et tuer des centaines de
personnes accusées de les avoir cachées pour les utiliser contre
les Turcs.
Le 26 juin des Arméniens d’une certaine ville reçurent l’ordre
de partir. Sans exception. Jeunes et vieux, riches et pauvres,
malades et bien-portants, tous devaient partir. Si elle était
gravement malade, la victime était tirée de son lit jusque dans
les rues. On leur prenait leurs chaussures et leurs vêtements.
Ils étaient jetés en prison, puis envoyés au loin, par groupes
de trente ou plus. Certains groupes étaient enchaînés. Un homme
qui était en contact avec le gouvernement turc affirma plus tard
qu’ils avaient été tués.
- - - - - - - - - - - - - - -
Les femmes des soldats du Sultan déportées.
Après la déportation des hommes, les femmes et les enfants
reçurent l’ordre d’être prêts à partir. On leur disait d’être
prêts à partir le mercredi, et voilà ce qui arrivait : le mardi,
à environ 15h30, des chars à bœufs apparaissaient aux portes du
premier quartier a être évacué, et on odonnait aux gens de
partir immédiatement. Certains étaient tirés de leur lit sans
même un habit suffisant. Durant toute la matinée les chars à
bœufs claquaient en sortant de la ville, chargés de femmes et
d’enfants, et ça et là, un homme qui avait échappé aux
déportations précédentes.
Dans de nombreux cas, les maris et les frères de ces femmes,
étaient loin dans l’armée, combattant pour le gouvernement turc.
La panique dans la ville était terrible. Les gens se doutaient
que le gouvernement était décidé à exterminer la race
arménienne, et ils étaient impuissants à résister. Les gens
étaient sûrs que les hommes avaient été tués, et les femmes
kidnappées.
De nombreux condamnés de la prison avaient été relâchés, et les
montagnes environnantes de …….étaient pleines de bandes de
hors-la-loi. On craignait que les femmes et les enfants soient
enlevés de la ville et laissés à la merci de ces hommes.
Cependant il est probable que des enlèvements de jeunes filles
attrayantes se soient produits par des officiels turcs de………….
Un Musulman rapporta qu’un gendarme lui avait offert de lui
vendre deux filles pour 1 medjdié (4 dollars). Les femmes
pensaient qu’elles allaient subir un sort pire que la mort, et
plusieurs transportaient du poison dans leurs poches pour
l’utiliser si nécessaire. Quelques-uns transportaient des
pioches et des bêches pour enterrer sur le côté de la route ceux
qui allaient sûrement mourir.
Pendant ce règne de terreur, on remarqua qu’il était facile de
s’échapper ; que quiconque acceptait l’Islam aurait la
permission de rester tranquillement chez lui. Les bureaux des
avocats qui enregistraient les demandes étaient remplis de gens
désireux de devenir Mahométans. Beaucoup le firent pour l’amour
de leur femme et enfants, sentant que ce serait l’affaire de
quelques semaines avant la délivrance.
La déportation continuait à intervalles d’environ deux semaines.
On estime que sur 12 000 Arméniens de…………..il en restait à peine
une centaine. Même ceux qui avaient proposé d’accepter l’Islam
furent déportés. Au moment de mettre tout cela par écrit, aucun
mot précis n’avait été entendu par l’un de ces groupes…
Un autre chapitre dit qu’au sujet de ces 12 000 Arméniens
déportés, de toutes classes et de tous âges, « toute la
population mahométane savait que ces gens allaient devenir leur
proie
dès le début, et qu’ils seraient traités comme des criminels ».
La route de ces malheureux
était jonchée de cadavres.
- - - - - - - -
La tête des enfants fendue sur les rochers, voilà ce qui est
arrivé dans un village
où vivaient alors de nombreux Arméniens.
………………, un village à environ deux heures de ……………….. est habité
par des Arméniens grégoriens et catholiques. Un Arménien, riche
et influent, et ses deux fils, furent placés l’un derrière
l’autre, selon un témoin de confiance, et tirés en un seul coup.
Quarante cinq hommes et femmes furent emmenés à une courte
distance du village, dans une vallée. Les femmes furent d’abord
violées par les officiers de gendarmerie, puis remises aux
gendarmes pour en disposer.
Selon ce témoin, un enfant a été tué en ayant sa tête frappée
contre un rocher.
Les hommes ont tous été tués et personne n’a survécu de ce
groupe de 45 personnes.
Voici, en partie, l’histoire d’une autre malheureuse ville
arménienne. Dans la journée, les policiers fouillèrent les
maisons des Arméniens, à la recherche d’armes, et n’en ayant pas
trouvé, ils emmenèrent les meilleurs et les plus honorables des
habitants et les emprisonnèrent.
Certains d’entre eux furent exilés, et les autres furent
torturés avec des fers chauffés à blanc pour qu’ils révèlent les
armes soi-disant cachées.
Le Bureau de la Gendarmerie semble avoir le contrôle total de
l’affaire, et le Mutessarif les soutient.
Ils détiennent maintenant environ une centaine des meilleurs
citoyens de la ville en prison, et aujourd’hui le chef de la
gendarmerie a appelé l’évêque arménien et lui a dit que si les
Arméniens ne livrent pas leurs armes, et les révolutionnaires
parmi eux, qu’il a des ordres pour exiler la totalité de la
population arménienne de …………. comme ils l’ont fait à ceux de
…………………….
Nous savons comment ces derniers ont été traités, car une
centaine d’entre eux ont été traînés à travers ……………………… sur
leur chemin vers le désert où ils ont été exilés.
Ces pauvres exilés étaient principalement des femmes, des
enfants et des vieillards, ils étaient frappés à coups de
gourdin, et battus, et fouettés comme s’ils avaient été des
bêtes sauvages, et les femmes et les filles étaient tous les
jours criminellement violées, à la fois par leurs gardes et les
ruffians de chaque village qu’ils traversaient.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Une femme décrit une horrible épreuve
Un autre document entre les mains du Comité américain prouve que
« le Gouvernement Jeune-Turc poursuit incessamment, et chaque
jour avec une plus grand violence, la guerre comme si elle était
déclarée contre ses sujets arméniens. »
Une lettre d’une femme en Turquie, d’une intégrité indubitable,
relate en partie ce qui suit :
« Notre groupe partit le 1er juin (ancienne date) avec 15
gendarmes nous accompagnant.
Le groupe comprenait 400 à 500 personnes. Nous étions à peine à
deux heures de chez nous, lorsque des bandes de villageois et
des crapules en grand nombre, avec des carabines, des fusils,
des haches, nous entourèrent sur la route et dérobèrent tout ce
que nous avions.
Les gendarmes prirent mes trois chevaux et les vendirent aux
mouhadjirs turcs , empochant l’argent. Ils prirent mon argent et
celui du cou de ma fille, et aussi toute notre nourriture.
Après cela, ils séparèrent les hommes, un par un, et les tuèrent
tous dans les 6 ou 7 jours, tous ceux qui avaient plus de 15
ans.
A côté de moi deux prêtres furent tués, l’un d’entre eux avait
plus de 90 ans.
Ces crapules prirent toutes les belles femmes et les emmenèrent
sur leurs chevaux.
De très nombreuses femmes et jeunes filles furent ainsi
transportées dans les montagnes, parmi elles ma sœur, dont ils
jetèrent le bébé d’un an ; un Turc le ramassa et le transporta
je ne sais où.
Ma mère marcha jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus aller plus
loin, et tomba au bord de la route, au sommet d’une montagne.
Nous avons trouvé sur la route un grand nombre de ceux qui
avaient fait partie des départs précédents, de………………….. ; les
uns étaient parmi les morts, avec leur mari et leurs fils.
Nous avons aussi rencontré des personnes âgées et de jeunes
enfants encore vivants, mais dans une situation pitoyable, à
force d’avoir crié.
Nous n’avions pas la permission de dormir la nuit dans les
villages, nous devions nous allonger en dehors.
Sous le couvert de la nuit, d’indescriptibles actes ont été
commis par les gendarmes, les crapules et les villageois.
Un grand nombre d’entre nous sont morts de faim ou frappés
d’apoplexie. D’autres sont restés au bord de la route, trop
faibles pour continuer.
Un matin, nous avons vu 50 à 60 chariots, avec environ 30 veuves
turques, dont les maris avaient été tués pendant la guerre ;
elles allaient à Constantinople. L’une de ces femmes fit un
signe à l’un des gendarmes, de tuer un certain Arménien qu’elle
désigna. Les gendarmes lui demandèrent si elle ne souhaitait pas
le tuer elle-même, elle répondit : « Pourquoi pas ? »
Et tirant un revolver de sa poche, elle tira et le tua.
Chacune de ces hanums turques avait avec elle, cinq ou six
fillettes arméniennes de moins de dix ans.
Les Turcs ne voulaient jamais prendre de garçons, ils les
tuaient tous, de n’importe quel âge.
Ces femmes voulurent prendre aussi ma fille, mais elle ne
voulait pas se séparer de moi.
Finalement, nous sommes montées toutes les deux dans leur char,
sur notre promesse de devenir Musulmanes. A peine montées dans
la voiture, elles se mirent à nous enseigner comment devenir
Musulmanes, elles changèrent nos noms, m’appelant ……………. et ma
fille……………….
Les pires horreurs et les plus inimaginables étaient réservées
pour nous sur les rives de l’Euphrate et dans la plaine
d’Erzingan. Les corps mutilés de femmes, de petites filles et de
jeunes enfants faisaient frissonner tout le monde.
Les crapules faisaient toutes sortes d’actes ignobles aux femmes
et aux fillettes qui étaient avec nous, et dont les cris
montaient jusqu’au ciel.
Dans l’Euphrate, les crapules et les gendarmes jetèrent dans le
fleuve le reste des enfants au-dessous de 15 ans. Ceux qui ne
pouvaient pas nager étaient abattus alors qu’ils se débattaient
dans l’eau.
Sept jours plus tard, nous atteignîmes ………………Là, il ne restait
plus un seul Arménien vivant.
Les femmes turques nous emmenèrent au bain, ma fille et moi, et
nous montrèrent
toutes les autres femmes et fillettes qui avaient accepté
l’Islam.
Les criminels musulmans relâchés pour le pillage
Extraits de divers témoignages inclus dans le rapport d’hier
:
2 août. Environ 800 femmes d’âge moyen et âgées, et d’enfants de
moins de dix ans, arrivèrent à pied de Diarbékir, après 45 jours
en route, dans la plus pitoyable condition imaginable.
Elles dirent que les Kurdes avaient pris les jeunes femmes et
les jeunes filles,
pillé même la moindre somme qu’elles avaient et autres biens,
les privant de nourriture et autres besoins, et les laissant
dans une misère indescriptible.
Dans toute la campagne, les dirigeants arméniens avaient été
tués ou pendus.
Les commerçants étaient devenus mendiants et exilés.
Trente mille criminels mahométans avaient été relâchés des
prisons, et formaient des bandes sous une stricte discipline
militaire. L’une des obligations de ces bandes était de piller
les villages, de cambrioler et d’assassiner les exilés.
Les patriarches grec et Arménien avaient demandé audience aux
ministres du gouvernement turc, mais cela leur avait été refusé.
Les Ambassadeurs étrangers, parmi lesquels se trouvait celui des
Etats Unis, avaient été repoussés, et avertis que les souhaits
du Gouvernement Impérial ne les regardaient pas.
Les Ministres turcs et autres officiels avaient constamment
avoué l’intention d’écraser les nationalités chrétiennes, et de
mettre ainsi un terme à la Question arménienne.
Les importantes institutions américaines, religieuses et
éducatives de cette région sont en train de perdre leurs
professeurs, leurs enseignants, leurs assistants et leur
étudiants ; et même les orphelinats ont été vidés de centaines
d’enfants qui s’y trouvaient, ce qui ruine les fruits de
cinquante années d’infatigables efforts dans ce domaine.
Les officiels du gouvernement, en se moquant, demandent ce que
les Américains vont faire de ces établissements maintenant que
les Arméniens ont été chassés.
La situation devient chaque jour plus critique car on ne peut
pas dire où cela va finir.
Les Allemands sont blâmés de tous côtés, car s’ils n’ont pas
directement ordonné ce crime global (car ce n’est rien d’autre
que l’extermination de la race arménienne) ils l’ont au moins
excusé.
L’histoire d’une visite à l’un des camps dans le désert où les
Arméniens ont été exilés, est racontée vers la fin de ce
rapport. Elle décrit les vieillards, les femmes et les enfants,
réduits au pire état de misère par leurs persécuteurs.
Il n’y a que très peu d’hommes dans le camp, dit le rapport «
car la plupart d’entre eux ont été tués en route ». De même,
beaucoup de femmes et d’enfants ont été tués.
« La condition de ces gens » dit le rapport, « indique
clairement le sort qui leur est réservé, et qu’ils vont être
abandonnés ici ».
Le système qui est prévu est d’avoir des bandes de Kurdes qui
les attendent sur la route pour tuer spécialement les hommes, et
incidemment certains des autres.
Tout le mouvement semble être le massacre le plus complètement
organisé et efficace que ce pays n’ait jamais connu ».
Les Turcs contrecarrent les efforts des missionnaires
Les Missionnaires américains ont commencé à envisager des plans
pour aider les femmes et les enfants qui allaient rester ici
sans aucun moyen de soutien.
On a pensé que peut-être un orphelinat pourrait être ouvert pour
prendre soin de quelques-uns des enfants, et spécialement ceux
qui étaient nés en Amérique et ramenés ensuite ici par leurs
parents, et aussi ceux dont les parents avaient été de quelque
façon en contact avec la mission américaine et les écoles.
Il y aurait de nombreuses opportunités, bien qu’avec des moyens
insuffisants, de prendre soin des enfants qui arrivaient ici
avec des exilés d’autres vilayets et dont les parents étaient
morts en route.
J’ai été voir hier le Vali à ce propos, et reçus un refus
catégorique.
Il dit que nous pourrions aider ces gens si nous le désirions,
mais le gouvernement était en train d’installer des orphelinats
pour ces enfants, et nous ne pouvions entreprendre aucun travail
de cette nature.
Une heure après avoir quitté le Vali, une annonce fut faite que
tous les Arméniens restant ici, y compris les femmes et les
enfants, devaient être partis le 13 juillet.
« En réponse à l’appel urgent de l’Ambassadeur Morgenthau,
concluait le rapport, « le Comité des Atrocités Arméniennes, en
coopération avec le Comité de Grâce, ont décidé de lancer un
large appel de fonds. Plusieurs messieurs ont déjà promis de
larges contributions, mais le besoin est très grand, et nous
espérons recevoir un bon nombre de petits cadeaux.
« Les crimes perpétrés actuellement envers le peuple arménien
dépassent en horreur et en cruauté tout ce que l’histoire a
rapporté au cours des mille ans passés. Les gens éduqués et les
ignorants, les riches et les pauvres, tous sont soumis à toutes
les formes de barbarie et d’outrages.
Nous comprenons toutefois qu’un très grand nombre de Turcs
soient opposés à cette politique de persécution. ».
« On espère qu’une prompte action va permettre de sauver de
nombreuses vies, et rapatrier au moins une partie de ceux qui
ont été chassés de chez eux ».
« Les fonds seront envoyés à l’Ambassadeur aussitôt que reçus.
Les dons doivent être adressés au Trésorier Charles R. Crane,
70, Fifth Avenue, New York. »
(Cet article du NYT n’est qu’un des 200 articles environ du New
York Times, parus dans un livre appelé : « Le Génocide arménien
» - Nouveaux compte-rendu de l’American Press : 1915-1922 »)
Sont inclus également plus de 60 longs articles de l’American
Journal de l’époque, y compris l’histoire de l’Ambassadeur
Morgenthau, et autres documents importants.
Ce livre est disponible à « l’Armenian Genocide Resource Center
»,
5400 McBryde Avenue, Richmond, CA 94805. Prix :30 $ - (+ 5 $
pour courrier 1st class).
DES TURCS REPRENNENT LES ATTAQUES CONTRE DES
CHRÉTIENS
Des Bandes d'Irréguliers Opèrent dans la Zone qui Vient d'Être
cédée à la Bulgarie
Publié le 4 Octobre
1915
Londres, lundi 4 octobre. – Une nouvelle série d'agressions
turques contre les Chrétiens est signalée, qui se serait
déroulée dans la zone que la Turquie vient récemment de céder à
la Bulgarie, et que les troupes régulières évacuent
actuellement. Une dépêche issue d'Athènes à Reuters Telegram
Company dit :
" Des bandes d'irréguliers turcs ont organisé le pillage
ciblé de commerces et d'habitations chrétiennes. Toutes les
femmes ont été maltraitées. Quatre villages chrétiens extérieurs
à la zone cédée ont été évacuées de force pour laisser la place
aux Turcs qui ne souhaitent pas rester sous l'autorité bulgare
".
Commentaire -
Cet article est relatif à un épisode particulier de
la Grande Guerre. Probablement contre l'entrée en
guerre de la Bulgarie, aux cotés de la Triplice
Allemagne, Autriche, Turquie, cette dernière lui
avait cédé un petit territoire de la Thrace
(Convention de rectification de la frontière
bulgaro-turque du 24 août – 6 septembre 1915* ). En
dépit de ce traité entre les deux états concernés,
les troupes turques irrégulières appliquent ici une
méthode inaugurée au cours de la Première guerre
balkanique : vider les maisons habitées par les
Chrétiens en chassant leurs propriétaires ou en les
massacrant pour y loger des Musulmans que la guerre
avait chassés. Comme l'a relevé Taner Akçam dans son
livre paru en octobre 2012** , ce qui constitue la
trame politique du Génocide des Arméniens et des
Assyro-Chaldéens de 1915, c'est l'application
généralisée de ce processus à l'ensemble de la
Turquie.
GB |
*
voir
http://www.promacedonia.org/en/dr/dr_30-40_fr.htm
mais aussi
http://www.imprescriptible.fr/documents/morgenthau/chapitre21.htm
** En conséquence de la guerre des Balkans de
1912-1913, par centaines de milliers, les Musulmans émigrèrent
d'Europe vers les terres ottomanes et furent transférées dans la
région à majorité chrétienne d'Anatolie, patrie des Arméniens "
[The Young Turks' Crime against Humanity : The Armenian Genocide
and Ethnic Cleansing in the Ottoman Empire [Le Crime des Jeunes
Turcs contre l'Humanité : Le Génocide des Arméniens et le
Nettoyage Ethnique dans l'Empire Ottoman]]
DEMANDER L'AIDE DE BERNSTORFF POUR
EMPÊCHER LES MASSACRES
Le Département d'État Fait une Demande Informelle à
l'Ambassadeur au Nom des Arméniens
Publié le 1 Octobre 1915
WASHINGTON, 30 septembre. – Le
Département d'état a fait une demande informelle auprès du Comte
von Bernstorff, l'Ambassadeur allemand, afin qu'il use de son
influence au sein du Gouvernement allemand pour intercéder en
faveur des Arméniens en Turquie.
La demande, a-t-on appris aujourd'hui,
a été faite il y a quelque temps, et n'a pour l'instant reçu
aucune réponse de l'Ambassadeur, en dehors du texte d'une
dépêche consulaire allemande, qui déclarait que le sort des
Arméniens avait été exagéré. Les officiels pensent ici qu'aucune
note diplomatique formelle n'a été remise au ministère des
Affaires étrangères à Berlin, et qu'aucune action en ce sens
n'est envisagée par le Gouvernement.
Les notes écrites du Département
d'état ont montré que, tandis que jusqu'à présent, aucune
atteinte aux droits américains n'ayant été faite qui pourraient
fonder une protestation formelle, les preuves venues de sources
non officielles indiquent que des vies américaines et des biens
ont été menacés.
L'Ambassadeur Morgenthau à
Constantinople a adressé aujourd'hui un télégramme au
Conseil Américain des Missionnaires à l'Étranger, insistant pour
que les contributions au fonds d'aide pour le Secours des
Arméniens soient augmentées.
Pendant que les derniers Arméniens sont massacrés,
meurent de faim, de soif ou de maladie, on se soucie
aux USA de la nuance diplomatique qu'il y a entre
une démarche officielle et une demande formelle. Un
comportement qui près d'un siècle plus tard, les
Clinton, Bush et autres Obama imiteront. À leur
manière. Une façon de communiquer, de parler, sans
rien faire.
GB |
FONCTIONNAIRES ARMÉNIENS MASSACRÉS PAR LES TURCS
Publié le 30
Septembre 1915
30 septembre
1915
Confirmation du Caire des atrocités massives que Von Bernstorff
sous-estime.
Londres, 29 septembre. Le correspondant du Caire au Times, dans
une dépêche datée 27 septembre rapporte :
Confirmation a été reçue hier des rapports des atrocités
arméniennes de caractère écœurant, et lançant un appel. Il ne
fait aucun doute que, comme de précédentes occasions, ces
atrocités aient été ordonnées par Istanbul (Constantinople).
Nous avons des raisons de croire que l’attaque envers les
Arméniens a été décidée lors du retour d’Enver Pacha après avoir
été repoussé du Caucase, quand il se montra furieux contre les
Arméniens qui avaient grandement aidé les Russes.
Talaat Bey, évidemment, a saisi cette occasion pour se venger
sur les colonies sans défense d’Asie Mineure. La formule adoptée
comme couverture fut un ordre d’expulsion des Arméniens et leur
déportation dans des centres de l’intérieur. La résistance, ou
le retard d’application de cet ordre, devint une excuse pour les
meurtres, les viols et autres sauvageries.
Un exemple des circonstances dans lesquelles furent impliqués
des Arméniens montre le sort qui attendait ceux qui obéissaient
aux ordres. Vartkès Effendi et Zohrab Effendi, deux membres
éminents du Parlement ; Aghnuni, l’un des chefs Dashnak ;
Haladjian Effendi, ex-ministre des Travaux Publics et de
l’Agriculture, furent montés dans une voiture à Urfa en
direction de Diarbekir, puis furent assassinés en route, leur
escorte relatant que les meurtres étaient l’œuvre de brigands.
Vartkès avait pourtant reçu récemment des marques d’amitié de
Talaat Bey.
Des réfugiés de Suède actuellement à Port Saïd semblent avoir
combattu plus vaillamment.
Lorsque l’ordre de déportation est arrivé, 4800 d’entre eux
montèrent dans les collines, d’où ils résistèrent pendant sept
semaines, l’une des attaques des Turcs ayant duré
continuellement pendant vingt six heures. On pense que des
Arméniens d’autres lieux résistent, mais le cas des colons de
l’intérieur est presque sans espoir.
La nature et l’étendue des atrocités éclipse tout ce qui a été
perpétré en Belgique et sous Abdul Hamid, dont les exploits dans
ce domaine prennent maintenant un aspect de modération, comparés
à ceux des dirigeants actuels de Turquie. Talaat Bey, lorsqu’il
a ordonné les déportations, a dit :
« Après cela, pour cinquante ans, il n’y aura pas de question
arménienne. »
600 000 ARMÉNIENS DÉPORTÉS EN EXIL
Le Dr. Gabriel dit que plus de 450 000 ont été tués lors des
récents massacres
IL DIT QUE L’EXTINCTION MENACE L’ ARMÉNIE
Les puissances neutres interviennent en vain, dit Noubar Pacha,
presque tout le peuple est perdu.
Publié le 25 Septembre 1915
25 septembre
1915,
Le Dr. Simbad Gabriel, Président de "l’Armenian General
Progressive Association" aux USA, a dit au reporter du Times,
hier soir, qu’aucun Américain ne pouvait concevoir les atrocités
que les Turcs ont perpétrées envers les Chrétiens Arméniens. Il
a dit que selon la correspondance reçue de Noubar Pacha,
représentant diplomatique à Paris du Catholicos, le nombre
d’Arméniens mis à mort s’élève à plus de 450 000 et 600 000
autres sont chassées de leurs maisons pour errer parmi les
villages d’Asie Mineure, tous membres d’une population de 1 500
000 personnes.
" Nous, en Amérique, ne pouvons pas commencer à réaliser
l’étendue du règne de la terreur " dit le Dr. Gabriel, car les
Arméniens en Turquie ne sont pas autorisés à écrire, ni même à
parler entre eux de ce qui est en train de se passer entre les
mains des Turcs. " Noubar Pacha écrit qu’il a été informé par le
Catholicos et aussi par d' éminents Arméniens de Constantinople
qui lui ont fait jurer solennellement de ne pas révéler les
actes perpétrés par les Musulmans sur les Arméniens.
" J’ai parlé à une Arménienne il y a deux ou trois jours,
continua-t-il, elle était venue de Constantinople le mois
dernier avec ses trois enfants, elle me supplia de ne pas
révéler son nom, car une vengeance fatale serait exercée sur son
mari qui est toujours à Constantinople. "
'Elle me raconta des horreurs qui m’ont glacé le sang. Un matin,
vingt de leurs amis ont été délogés par les Turcs et pendus de
sans froid, pour la simple raison qu’ils étaient suspects d’être
peu sympathiques envers la cause turque. Ce n’est là qu’un
exemple de ce que les Arméniens de Turquie qui n’ont pas été
exilés craignent tous les matins au réveil.'
Le docteur dit que la cupidité, la religion et la politique sont
combinées pour inciter les Turcs à massacrer les Arméniens. Le
gouvernement est toujours derrière chaque massacre, et les gens
agissent sous les ordres.
Quand le clairon sonne le matin, dit-il, les Turcs se
précipitent férocement à la tâche de tuer les Chrétiens et de
s’emparer de leurs richesses. Quand cela s’arrête le soir, ou
deux ou trois jours plus tard, les fusillades et coups de
couteaux s’arrêtent aussi soudainement qu’ils ont commencé. Le
peuple obéit aux ordre comme des soldats.
" Les morts sont vraiment les plus heureux " continua-t-il. Les
vivants sont forcés de quitter leur maison et de marcher dans un
pays étranger parmi une population hostile.
Le Gouvernement leur alloue une ration de nourriture d’une
demi-livre de céréales par jour.
Les plus jeunes et plus forts des hommes sont forcés d’entrer à
l’armée, mais pas pour combattre. Ils ne sont pas armés, et sont
contraints de creuser des tranchées et de transporter les
fournitures pour les soldats turcs. Peut-on les blâmer de ne pas
soutenir la cause de leur pays ?
Noubar Pacha, en envoyant la correspondance reçue par le Dr.
Gabriel, a écrit que les massacres du Sultan Abdul Hamid en
1895, auxquels 300 000 Arméniens avaient succombé, semblaient
insignifiants comparés à la boucherie de 1915.
" Ce qui est arrivé au cours de ces derniers mois en Cilicie et
en Arménie est incroyable, écrit-il. Ce n’est ni plus ni moins
que l’extermination de tout un peuple. "
Une lettre de Constantinople dit que les Arméniens de toutes les
villes et tous les villages de Cilicie ont été exilés dans les
régions désertiques au sud d’Alep. ‘Ils n’ont pas le droit
d’emporter leurs biens avec eux,’ poursuit la lettre, 'et des
Musulmans occupent les terres et les maisons laissées vacantes.
Les jeunes gens sont requis pour le service militaire et il n’y
a que les faibles et les vieillards qui sont déportés.'
‘Les cours martiales fonctionnent partout’ , dit une autre
lettre. 'De nombreux Arméniens ont été pendus, et beaucoup
d’autres ont été condamnés à dix ou quinze ans de prison.
Nombreux sont ceux qui ont été battus à mort, parmi eux les
prêtres du village de Kurk. Les églises et les couvents ont été
pillés et détruits, et presque tous les évêques ont été arrêtés
pour être remis aux cours martiales.'
" Les villages des vilayets de Van et de Bitlis ont été pillés,
et la population passée par l’épée.
Nous à Constantinople vivons à présent isolés, comme dans une
forteresse, et n’avons aucun moyen de correspondance, ni par
courrier, ni par télégramme. A aucun moment, le martyre des
Chrétiens n’a atteint de telles proportions, et si les
puissances neutres, particulièrement les Etats Unis d’Amérique,
n’intercèdent pas, il n’y aura que très peu de survivants du
million et demi de Chrétiens arméniens dans l’empire turc. "
Le Dr. Gabriel dit que l’Association Progressiste Arménienne fut
d’abord organisée en 1909 après que les ‘Jeunes Turcs’ eurent
massacré 30 000 Arméniens de Cilicie. Il dit que l’association a
essayé de différentes manières de promouvoir une meilleure
compréhension entre les deux races, mais ressent maintenant que
de tels efforts sont vains.
Noubar Pacha, qui vit en Egypte, selon le Dr. Gabriel, a été
appelé une fois par le Catholicos, avant la fin des guerres des
Balkans, pour tenter d’arranger avec les puissances européennes,
quelque accord concernant les droits des Arméniens.
DES FEMMES ARMÉNIENNES MISES AUX ENCHÈRES
Des Réfugiés décrivent le sort de ceux qui sont entre les mains
des Turcs
VON BERNSTORFF A DONNÉ SA REPONSE
La lettre de l'Ambassadeur Allemand : " De Pures Inventions "
à l'égard des atrocités, provoque l'Indignation
Publié le 29 Septembre 1915
La déclaration faite par le Comte von Bernstorff, l'Ambassadeur
allemand, dans sa lettre à Miran Sevastly de Boston, et dans
laquelle il qualifie les rapports concernant les atrocités
turques faites contre les Arméniens de " pures inventions "
recevra dans peu de jours les réponses d'Américains bien connus
qui connaissent la situation réelle en Turquie, et qui, a-t-on
dit, produiront des éléments absolument fiables et crédibles et
des données authentiques pour prouver, comme l'un d'entre eux
l'a décrit hier, que " l'Arménie entière baigne dans le sang des
atrocités ".
La lettre de l'ambassadeur allemand à M. Sevasly a été publiée
dans le Times d'hier, et les déclarations faites par le Comte
von Bernstorff n'ont rien apporté qui puisse atténuer
l'indignation des missionnaires et de ceux qui dans d'autres
cercles, pensent que la situation arménienne pose un problème
vital.
" Pour l'instant, autant que l'ambassadeur allemand soit
concerné, tout ce qui m'importe de dire tout de suite ", disait
hier le Professeur Samuel T. Dutton, Secrétaire du Comité sur
les Atrocités Arméniennes, " c'est qu'à l'évidence, il a été mal
informé. Je suis tout à fait sûr qu'il sera très surpris
lorsqu'il verra les éléments concrets, qui sont tous entièrement
authentifiés, concernant les événements d'Arménie, et qui sont
en possession de ce comité. "
Dans une déclaration préliminaire faite dimanche dernier, le
comité avait déclaré que si ces atrocités continuait, les
Américains ne manqueront pas, étant donnée la grande influence
qu'ont l'Allemagne et l'Autriche sur les affaires turques, de
tenir les alliés teutoniques " moralement responsables ".
Parlant hier, ayant examiné les données authentifiées en sa
possession, le Professeur Dutton a dit ne pas croire que quelque
chose se soit passé depuis de nombreux siècles "d'aussi terrible
que les actes calculés et systématiques de cette coterie
politique en Turquie – les Jeunes Turcs, dirigés par Enver Pacha
– et destinée à exterminer une race entière de gens. Tout le
plan consiste à faire disparaître les Arméniens ".
" Il y a seulement un jour ou deux, " a ajouté le Professeur
Dutton, " une jeune fille qui avait quitté la Turquie le 18 août
m'a appelé pour passer me voir. Elle m'a parlé du sort de 100
filles qui suivaient les cours de l'école d'une mission de
Turquie. Ces filles, qui étaient bien sûr, arméniennes, ont été
divisées en groupes, et celles qui étaient les plus belles selon
l'avis des officiers turcs furent mises à la disposition des
officiers. Celles considérées comme un peu moins belles ont été
abandonnées aux soldats tandis que celles qui étaient moins
séduisantes ont été mises en vente au plus offrant ".
Plusieurs Américains qui ont passé en Turquie plusieurs années
viennent récemment d'arriver ici. Ils attestent tous de la
vérité des rapports qui nous viennent de Turquie et qui
concernent le traitement des Arméniens, mais dans beaucoup de
cas, ils nous prient de ne pas donner leur nom, par crainte des
représailles des Turcs contre leurs parents ou leurs amis restés
en Turquie.
Les copies de deux lettres, dans lesquelles leurs auteurs
témoignent du sort qui est fait aux Arméniens, ont été remises
au New York Times hier par un homme concerné de près par la
situation des Arméniens.
Dans l'une d'elle, l'auteur dit entre autres choses :
" Vers la fin du mois de juillet, la situation militaire, sur le
front transcaucasien a pris un tour malheureux pour les forces
russo-arméniennes. Apparemment encouragés par les revers russes
en Pologne, les Turcs ont envoyé des gros renforts, quelques
40 000 hommes de troupe régulière sur le front arménien pour
engager une forte offensive.
Avant cela, la circonscription isolée, sur la rive orientale du
Lac de Van, avait été progressivement vidée des Turcs et des
Kurdes. Dans la dernière semaine de juillet, Tadvan et les
versants des monts Nimrud et Kerjur ont été pris par les
volontaires arméniens après des violents combats.
" A Urtab, Tukh et dans la vingtaine de villages arméniens
situés autour du lac, on a constaté que la population entière
avait été massacrée par les Turcs – pas une seule âme qui vive
n'a été trouvée dans ces villages, livrés aux hurlements des
chiens, tandis que de nombreux cadavres étaient rejetés par le
lac et les rivières.
" Ces cadavres, qui se sont tous révélés être ceux de personnes
de sexe masculin, étaient terriblement mutilés; par contre, rien
ne restait de ce qui pourrait rappeler la présence de femmes et
d'enfants. Dans la soirée du 20 juillet, les Arméniens se sont
emparés des hauteurs de Kerkur. Lorsqu'ils sont parvenus au
sommet, la ville de Bitlis leur est apparue en flammes, à leur
grande peine, et ils ont compris que le pire s'était produit.
Quelques femmes refugiées, qui étaient parvenues à échapper aux
gardes Turcs, ont depuis relaté l'histoire de massacres
monstrueux dans la ville et la déportation systématique des
femmes et des enfants.
Adressée à un Ministre bien connu de l'Eglise arménienne,
arrivée de Turquie par quelque voie mystérieuse tenue secrète,
une lettre qui est qualifiée de " fiable sans aucun doute ",
explique :
" ' Une Arménie sans Arméniens ' – tel est le plan du
Gouvernement ottoman, qui a déjà commencé l'installation de
familles musulmanes dans les maisons et les biens des Arméniens.
Il est inutile de préciser que les déportés ne sont pas
autorisés par le Gouvernement, de ne prendre aucun de leurs
biens avec eux, et comme il n'y a de toutes façons aucun moyen
de transport, réservés à l'usage militaire, ils sont contraints
de couvrir à pied le trajet de deux ou trois mois qui les
séparait des déserts destinée à devenir leur sépulture ".
CONFIRMATION DES RÉCITS D'HORREURS ARMÉNIENNES
Selon le Comité sur les Atrocités, 500 000 Victimes les ont
d'ores et déjà subies
PRESSIONS POUR UNE PROTESTATION OFFICIELLE
Suggestion que l'Allemagne et l'Autriche soient Tenues
Responsables – Les Américains sont Indignés.
Publié le 27 Septembre 1915
Le Professeur Samuel Train Dutton, secrétaire du Comité sur les
Atrocités Arméniennes, a rendu public hier une déclaration
préliminaire du Comité soulignant le résultat de son enquête sur
la terrible situation des Arméniens. Le Comité dit que les
rapports concernant le massacre, la torture, et d'autres mauvais
traitements d'Arméniens de tous âges sont abondamment confirmés
par son enquête.
Les autres membres du Comité, aux côtés du Professeur Dutton,
sont Cleveland H. Dodge, Arthur Curtiss James, Rabbi Stephen S.
Wise, John R. Mott, Franck Mason North, James L. Barton, William
Slonne, D. Stuart Dodge, et d'autres.
La déclaration faite hier par le Comité est la suivante:
" Un sous comité a fait une enquête approfondie sur les indices
et vient de rendre son rapport au Comité confirmant en tous
points la déclaration faite récemment par le Vicomte Bryce sur
l'arrestation, la torture, l'assassinat, le massacre et l'exil
dans les déserts du nord de l'Arabie d'Arméniens innocents et
sans défense, y compris d'hommes femmes et enfants à bout de
forces, et leur conversion forcée à l'Islam.
" Des témoignages écrits de témoins oculaires dont les noms sont
connus au sein du Comité, mais qui ne peuvent évidemment pas
être rendus publics, ont été examinés avec le plus grand soin.
Ce témoignage couvre des centaines de pages; le caractère et la
position de ses auteurs, et l'esprit positif qui se dégage de
leur énonciation emporte une conviction absolue.
" Les témoignages étudiés sont ceux d'Arméniens, Grecs,
Bulgares, Italiens, Allemands, Turcs, Britanniques, Américains,
hommes d'affaires, voyageurs, et employés de fonctions et de
rangs très divers. Pas une seule attestation ne peut être mise
en doute quand aux faits auxquels elles se rapportent. Elles
sont toutes en accord dans les déclarations recueillies depuis
Smyrne à l'ouest jusqu'à la Perse, et depuis la Mer Noire
jusqu'à l'Arabie: une propagande pour l'extermination des
non-musulmans est développée en ce moment, répandue par le
Gouvernement turc, surpassant de très loin en férocité et
dépassant en destruction tout ce qu'Abdul Hamid avait fait dans
sa longue carrière de massacre et d'extermination.
" Les déclarations examinées, dont beaucoup sont en possession
du Comité, couvrent des centaines de villes et cités dans
lesquelles en beaucoup de circonstances, tous les Arméniens ont
été tués jusqu'au dernier, souvent après d'horribles tortures,
ou envoyés dans le désert pour y mourir de faim. Et cela aussi,
avec une cruauté diabolique. L'apparente déportation d'hommes,
de femmes et d'enfants vers la Mésopotamie n'est qu'une marche
forcée pour ces réfugiés mourant de faim, démunis, souvent
dénudés, vers la montagne pour y être outragés et suppliciés,
quelquefois par leurs gardes, quelquefois par les Kurdes qui
coopèrent volontiers au travail de destruction.
" Figurent parmi ces réfugiés et ces victimes, des élèves et
diplômés des écoles et universités américaines, des enseignants
et des professionnels titulaires de diplômes d'universités
européennes, des hommes et des femmes qui représentaient les
cerveaux et l'initiative d'entreprendre du pays, pour une
génération ou plus.
" Le plan de ce processus, qui est le même où que l'on se trouve
dans le pays, semble viser à la complète élimination de toutes
les races non-musulmanes de la Turquie asiatique, et déjà, ce
plan est en bonne voie d'accomplissement pour ce qui concerne
les Arméniens.
" En plusieurs lieux, les biens américains ont été saisis, les
Américains recherchés, emprisonnés et expulsés du pays, leurs
lettres et télégrammes, mêmes issus des bureaux consulaires des
Etats-Unis, interceptés et leurs vies menacées. Cela n'a
cependant qu'une importance triviale, comparé au travail de
destruction des Arméniens en cours.
" Des indications semblent prouver que probablement 500 000
Arméniens ont déjà été tués ou conduits de force dans le désert,
où seule la mort les attend, à moins d'être rapidement secourus.
Et tout cela s'est passé depuis mars, et se situe à présent au
plus haut de cette épouvantable furie.
" Le Comité a bon espoir que si la presse du pays pouvait, avec
insistance et autorité, exprimer sa protestation et appeler le
Gouvernement turc à arrêter ce crime contre l'humanité et
permettre le retour dans leurs maisons des exilés qui pourraient
être encore en vie, il serait impensable que cela puisse n'avoir
aucun effet.
" Etant donnée la grande influence que l'Allemagne et l'Autriche
exercent sur leur allié, le peuple américain ne peut manquer de
les tenir moralement responsables si ces atrocités devaient se
poursuivre.
C'EST LA FAUTE DES ARMÉNIENS EUX-MEMES, DIT A PRÉSENT
BERNSTORFF
Ils Ont Provoqué Les Représailles sur Eux-Mêmes en Essayant
d'Organiser la Rébellion contre la Turquie
Publié le 27 Septembre 1915
Spécial au New York Times
WASHINGTON, 28 septembre. – La lettre du comte von Bernstorff à
Miran Savasly de Boston, dans laquelle il disait que, "
selon les récents rapports officiels et authentiques reçus par
le Gouvernement allemand et transmis par cette ambassade au
Gouvernement des Etats-Unis, les atrocités alléguées commises
dans l'Empire ottoman se révèlent être une pure invention ",
laisse perplexe le Département d'Etat.
L'Ambassadeur allemand a adressé aujourd'hui une communication
au département disant que les rapports faisant état d'atrocités
turques contre les Arméniens étaient " très exagérées " et
défendant en partie l'action des Turcs, comme ayant été
provoquée.
(*)
Tandis que dans la lettre de l'Ambassadeur il n'est pas nié que
des peines extrêmes aient été imposées aux Arméniens par les
Turcs, on y affirme que s'efforcer de mater la rébellion et la
révolte et les actes de trahison fait de la " Politique
arménienne " une mesure nécessaire en temps de guerre.
Le Département d'Etat a reçu aujourd'hui du consul américain de
Trébizonde, un rapport montrant que la " population arménienne "
de cette grande province arménienne a été expulsée. Les
propriétés de ces Arméniens expulsés ont été saisies par les
fonctionnaires du Gouvernement turc, qui établissent des
réquisitions contre les propriétaires expulsés. Le Consul
rapporte que de nombreux négociants arméniens qui avaient résidé
dans la province étaient en rapports d'affaires avec les
Européens. Peu d'Américains en seront affectés, pensait-il, mais
si quelque Américain a des créances envers un Arménien de la
province de Trébizonde, il peur être payé en envoyant au Consul
une déclaration sous serment endossée par un consul turc.
Dans la mesure où la Turquie a fait savoir qu'aucune ingérence
étrangère dans la politique arménienne ne sera tolérée, les
Etats-Unis éviteront probablement d'émettre toute note de
protestation formelle vis-à-vis de ce genre d'événement, à moins
que les Etats-Unis n'y soient impliqués.
(*)BOSTON, 27 septembre. – L'Ambassadeur allemand, le comte
von Bernstorff, dans une lettre rendue publique ici hier, a
déclaré que les rapports concernant les atrocités alléguées dans
l'Empire ottoman étaient des " Pures inventions ". La lettre de
l'Ambassadeur, datée du 23 septembre et adressée à Miran Sevasly
citoyen de cette ville, Président du Comité Exécutif de l'Union
de Défense Nationale d'Amérique, qui avait demandé une
déclaration précise, était libellée comme il suit :
En réponse à votre lettre, je vous prie de noter que selon
rapports officiels et authentiques reçus par le Gouvernement
allemand et transmis par cette ambassade au Gouvernement des
Etats-Unis, les atrocités alléguées commises dans l'Empire
ottoman apparaissent comme de pures inventions.
Sans mettre en doute la bonne foi du Catholicos, je me permets
toutefois d'attirer votre attention sur le fait que sa Sainteté
écrit sous la pression de la censure de la Russie.
Très réellement Vôtre. J. Bernstorff.
La référence au Catholicos, Primat de l'Eglise arménienne,
concernait un rapport récemment publié, dans lequel il déclarait
que l'extermination de la race arménienne sur le territoire de
la Turquie était entreprise sous direction officielle par un
système organisé de pillage, déportations, exécutions
systématiques et massacres.
LE DÉPEUPLEMENT
DE L'ARMÉNIE
The Independent - 19150927
27 Septembre
1915
Les bouleversantes nouvelles des massacres, de la torture et de
la déportation des Chrétiens Arméniens sont autant d’appels à la
sympathie et à l’aide américaine. D’après des sources nombreuses
et fiables en Turquie, il paraît évident qu’il ne s’agit pas de
troubles locaux ou d’oppression insignifiante, mais d’un effort
systématique pour déraciner la race arménienne. Des milliers de
familles ont été arrachées à leurs maisons pour mourir sur les
routes. Les villes et les villages ont été privés de leurs
habitants. Beaucoup sont torturés pour les forcer à renoncer à
leur foi chrétienne. Les femmes sont enfermées dans les harems
et les enfants sont vendus comme esclaves.
La nécessité militaire ne saurait servir à excuser ces outrages
dans la mesure où les régions dévastées sont dans certains cas
hors de portée d’une possible invasion russe et dans la mesure
où les Arméniens n’ont montré aucune disposition à la révolte à
part là où, comme à Van, ils ont été contraints à
l’auto-défense. Il semble que les Turcs, perdant l’espoir de
maintenir leur suprématie, aient résolu de détruire les
Arméniens de façon à anticiper l’établissement d’une Arménie
autonome au cas où les alliés conquerraient la Turquie.
Mais il s’agit d’une chose à laquelle nous portons un intérêt
sincère car de l’argent américain et des vies américaines ont
été dépensés pour le soutien des peuples opprimés de l’Empire
Ottoman. Le bureau Américain des délégués des missions
étrangères travaille depuis près d’un siècle et a investi
environ vingt millions de dollars. Il reste dans l’Empire
Ottoman aujourd’hui dix collèges américains ; le Robert College
de Constantinople, Le Collège de Constantinople pour filles, Le
Collège Protestant Syrien à Beirut, Le Collège international à
Smyrne, l’Anatolia College à Marsovan, l’Euphrate College à
Harpout, Le Collège d’Aintab, le Central Turkey College à Marash,
le Collège Saint Paul à Tarse, et le Teachers College à Sivas.
Dans ces institutions et dans d’autres écoles il y a plus de
quarante mille élèves, dont une large part est arménienne.
Des milliers d’Arméniens ont fui la tyrannie turque et ont
trouvé refuge en Amérique où ils sont devenus de bons citoyens
des Etats-Unis. La détresse présente et le danger imminent
encouru par les Arméniens en Asie Mineure provoqueront un vrai
intérêt dans tous les Etats-Unis.
PAS DE SECOURS POUR LES ARMÉNIENS
Seul notre Gouvernement Peut lui Venir en Aide , dit Mgr. Dolci.
Publié le 27 Septembre 1915
ROME, 26 septembre (via Paris) – Le Délégué Apostolique à
Constantinople, Mgr Dolci, a envoyé au Vatican un rapport
décrivant le massacre des Arméniens. Il dit que dans la
situationn présente, les puisances européennes d'Allemagne et
d'Autriche ne peuvent intervenir dans la mesure où elles sont
alliées de la Turquie, tandis que les autres ne peuvent le faire
parce qu'elles sont en guerre avec la Turquie.
La seule assistance possible, ajoute Mgr Dolci, ne peut venir
que de l'Amérique, dont l'Ambassadeur fait beaucoup d' efforts
pour soulager et protégéer les Arméniens persécutés; mais " les
besoins sont plus grands que les moyens pour parvenir à imposer
les principes humanitaires qu'il représente ".
UN APPEL DU CONSEIL DES MISSIONS ETRANGÈRES
D'AMÉRIQUE
Il sollicitera des Fonds auprès des Américains pour venir en
Aide Aux Arméniens Victimes des Turcs
Publié le 25 septembre 1915
WASHINGTON, 24 septembre – Un appel au peuple américain pour des
dons au profit des Arméniens qui en Turquie ont été bannis dans
des villes isolées à cause de leur prétendue hostilité au
Gouvernement turc, sera émis sous peu depuis New-York par les
Membres du Conseil Américain des Missions Étrangères. L'appel
fait suite à un rapport de l'Ambassadeur Morgenthau adressé au
Conseil.
Des représentants du Conseil ont tenu une conférence avec des
officiels du Département d'État au sujet du projet d'assistance
aux Arméniens. Le Gouvernement américain, cependant, ne prendra
officiellement aucune part au projet, dans la mesure où la
Turquie a indiqué qu'elle ne tolérera, sur sa politique, aucune
interférence d'une puissance étrangère.
La protestation du Gouvernement américain, par son Ambassadeur
Morgenthau, auprès de la Turquie, sur les mauvais traitements
qui selon les rapports sont subis par les Arméniens, n'a été
suivie que de concessions mineures, mais ce Gouvernement n'a
pris aucune autre mesure. Les officiels turcs ont prétendu que
les mesures à l'encontre des Arméniens étaient nécessaires en
tant que mesures de guerre pour prévenir des actes de rébellion
et des complots contre le Gouvernement. Les officiels du
Département d'État ont dit qu'aucune autre action n'était
envisagée pour l'instant compte tenu de la réponse turque à la
protestation américaine. La réponse n'a pas été rendue publique
pour l'instant.
L'Ambassadeur Morgenthau a reçu l'instruction aujourd'hui
d'enquêter sur les rumeurs selon lesquelles des missionnaires
américains avaient été tués dans des récentes opérations
militaires turques contre les Arméniens.
_______
L'AIDE D'UNE MISSIONNAIRE ALLEMANDE
Elle Soigne les Exilés Arméniens et Décrit Leurs Souffrances
________
Le Sonnenaufgang, (Lever du Soleil) un journal allemand de
missionnaire, organe du Deutscher Hülfsbund für christliches
Lienerswerk im Orient, dans son numéro du 14 juillet, a publié
une lettre d'une femme de nationalité allemande – apparemment
une missionnaire – disant avoir rencontré en Asie Mineure de
nombreux convois d'Arméniens déportés. Voici des extraits de la
lettre :
" Pour ces montagnards, le climat du désert est terrible. Je
suis arrivée hier dans un grand camp arménien fait de tentes en
peaux de chèvre du type kurde. Pour leur plus grande part (les
exilés) étaient étendus sous le soleil brûlant sur le sable tout
aussi brûlant. Les Turcs leur avait accordé une journée de repos
étant donné le grand nombre de cas de maladie. On pouvait voir à
leurs vêtements que ces infortunés personnes avaient été des
gens riches. Ils étaient de Geben, un autre village près de
Zeitoun, et avaient été chassés en même temps que leur prêtre.
Cinq ou six mouraient chaque jour, enfants ou adultes. Ils
venaient tout juste d'enterrer une jeune femme, mère d'une
fillette âgée de neuf ans, qu'ils m'ont suppliée d'emmener avec
moi.
" Le jour d'après, j'ai visité un autre camp d'exilés de
Zeitoun, et j'ai entendu les mêmes histoires d'indicibles
souffrances. ' Pourquoi ne nous tuent-ils pas tout de suite?
Nous n'avons pas d'eau depuis des jours; nos enfants pleurent
parce qu'ils ont soif. A la nuit, les Arabes sont venus, ils ont
volé nos couches et nos vêtements, se sont emparés de nos jeunes
filles et outragé nos femmes. Si nous ne pouvons marcher, les
soldats nous frappent. Quelques femmes se sont volontairement
noyées, avec leurs enfants, pour se soustraire aux outrages '. "
Écrivant depuis Van, la même voyageuse raconte :
" Dans les villages avoisinants, les églises et les écoles ont
été détruites, des maisons également, et absolument tout a été
pillé. "
Et depuis Marash :
" Nous venons tout juste de recevoir quinze bébés. Trois sont
déjà morts. Ils étaient effroyablement maigres et malades
lorsque nous les avons trouvés. Ah, si seulement nous pouvions
écrire tout ce que nous voyons ! "
L'ARMÉNIE MENACÉE D'EXTINCTION
Le Dr Gabriel Dit que Plus de 450 000 ont été tués lors de
Massacres Récents
600 000 SONT FORCÉS À L'EXIL
Sans l'Intervention des Puissances Neutres, Dit Nubar Pacha, la
Presque Totalité de la Population est Condamnée
Publié le 25 septembre 1915
Le Dr Simbad Gabriel, président de L'Armenian General
Progressive Association (Association Progressiste Arménienne) a
dit hier soir à un journaliste du TIMES qu'aucun Américain ne
pourrait concevoir les atrocités que les Turcs font subir aux
Arméniens chrétiens. Il a dit être informé par une
correspondance reçue de Nubar Pacha, le représentant
diplomatique à Paris du Catholicos, le chef de l'Eglise
arménienne, que le nombre d'Arméniens mis à mort dépasse
450 000, tandis que 600 000 autres ont été forcé de quitter leur
maison pour errer à travers les villages d'Asie Mineure, tout
cela sur une population de 1 500 000.
" Nous, en Amérique, ne pouvons réaliser même le commencement
d'un tel règne de la terreur ", a dit le Dr Gabriel, " parce que
les Arméniens de Turquie ne sont pas autorisés à écrire, ni même
de converser entre eux sur ce que leur font subir les Turcs.
Nubar Pacha écrit qu'il a été informé par le Catholicos et
également par des personnalités arméniennes importantes de
Constantinople, qui lui ont fait jurer de la façon la plus
solennelle de ne pas révéler leur nom, de quelques uns des actes
les plus horribles que les Musulmans aient fait subir aux
Arméniens.
" J'étais en conversation avec une femme arménienne il y a deux
ou trois jours, " a-t-il poursuivi, " arrivée le mois passé à
Constantinople, avec ses trois enfants. M'implorant de ne pas
donner son nom, par crainte de vengeance contre son époux qui se
trouve encore à Constantinople, elle m'a parlé d'horreurs qui
m'ont glacé le sang. Un matin, vingt de ses amis ont été tirés
de chez eux par les Turcs et pendus de sang froid, simplement
sur des soupçons d'hostilité envers la cause turque. Cela n'est
qu'un exemple de la " peur " qui saisit, dès leur réveil, les
Arméniens de Turquie qui n'ont pas été exilés.
Le docteur a dit que c'était une combinaison d'avidité, de
religion et de politique qui poussait les Turcs à massacrer les
Arméniens. Le Gouvernement était toujours derrière chaque
massacre, et les gens agissaient sous les ordres.
" Lorsque le clairon retentit le matin, " dit-il, " les Turcs se
remettent férocement à la tâche, tuant les chrétiens et pillant
leurs biens. Lorsque cela s'arrête le soir, ou après deux ou
trois jours, les tirs d'armes à feu et les coups de poignards
cessent aussi soudainement qu'ils ont commencé. Le peuple obéit
à leurs ordres comme des soldats.
" Les plus heureux sont réellement ceux qui sont morts, "
poursuivit-il. " Les vivants sont forcés de partir de leur
maison et à errer dans un pays étranger, entourés d'une
population hostile. La ration de nourriture que leur accorde le
gouvernement est uniquement une demi livre de céréale par jour.
Les hommes les plus jeunes et les plus robustes sont enrôlés de
force dans l'armée, mais pas pour combattre. Ils ne sont pas
armés; ils sont affectés au creusement des tranchées et au
transport de matériel pour les soldats turcs. Peut-on les blâmer
de ne pas être favorables à la cause de leur pays ? "
Nubar Pacha, par l'envoi de sa correspondance qu'il a reçue du
Dr Gabriel, a écrit que les massacres du sultan Abdul Hamid en
1895, dans lesquels 300 000 Arméniens sont tombés , semblent
insignifiants en comparaison avec la boucherie de 1915.
" Ce qui s'est passé au cours des quelques derniers mois en
Cilicie et en Arménie est incroyable, " écrit-il. " Ce n'est ni
plus ni moins que l'annihilation d'un peuple entier ".
Une lettre de Constantinople dit que des Arméniens de toutes les
villes et villages de Cilicie ont été exilés dans les déserts
des régions au sud d'Alep. Ils n'ont pas été autorisés à prendre
avec eux aucune de leurs affaires, poursuit la lettre, et les
Musulmans occupent les terres et les maisons laissées vacantes.
Les jeunes hommes sont retenus pour le service militaire, et ce
ne sont que les faibles et les personnes âgées qui sont
déportés.
" Les cours martiales fonctionnent partout, " dit une autre
lettre. " De nombreux Arméniens ont été pendus, et beaucoup
d'autres condamnés à dix ou quinze ans de prison. Beaucoup ont
été battus à mort, les prêtres du village de Kurk en font
partie. Les églises et les couvents ont été pillés et détruits,
et presque tous les évêques ont été arrêtés pour passer en cour
martiale.
" Les villages des vilayets de Van et de Bitlis ont été pillés
et la population passée à l'épée. Nous autres, à Constantinople,
vivons à présent isolés, comme en forteresse, et avons aucun
moyen pour correspondre, que ce soit par courrier ou par
télégramme. Le martyre chrétien n'a jamais atteint des
proportions aussi colossales, et si les puissances neutres,
spécialement les États-Unis d'Amérique, n'intercèdent pas, il ne
restera que très peu du million et demi d'Arméniens dans
l'Empire turc ".
Le Dr Gabriel dit que l'Association Arménienne pour le Progrès a
été créée en 1909 après que les Jeunes turcs aient massacré
30 000 des Arméniens de Cilicie. Il dit que l'association a
essayé de diverses façons de promouvoir une meilleure entente
entre les deux races, mais il pense aujourd'hui que de tels
efforts ne servent à rien. Selon le Dr Gabriel, Nubar Pacha, qui
vit en Égypte, a déjà été appelé une fois par le Catholicos, à
la fin de la guerre des Balkans, pour essayer de trouver avec
les puissances européennes quelques engagements concernant le
droit des Arméniens.
Des Arméniens tirés de chez eux et pendus sur des soupçons
d'hostilité envers la cause de la Turquie, le gouvernement
toujours derrière les massacres, les clairons donnant le signal
des assassinats, les conscrits arméniens désarmés, les villages
arméniens autour de Van et de Bitlis pillés et les Arméniens
pssés au fil de l'épée. On parle bien ici de " put to death ",
c'est- à- dire mis à mort, exécutés; on ne parle pas de morts de
faim, d'épuisement, de maladie… Quatre cent cinquante mille
personnes… Encore sont-ils plus heureux que les centaines de
milliers d'autres, éxilés dans de terribles conditions. GB
500 000 ARMÉNIENS AURAIENT PÉRI
Washington a Demandé d'Arrêter le Massacre des Chrétiens par les
Turcs et les Kurdes
Spécial au New York Times
Publié le 24 septembre 1915
WASHINGTON, 23 septembre. – Charles R. Crane, de Chicago, un
directeur de Roberts College, Constantinople, et James L.
Burton, de Boston, Secrétaire pour l'Étranger du Bureau
Américain des Membres de Missions à l'Étranger, a rendu visite
au Département d'État aujourd'hui et discuté avec le Secrétaire
d'État adjoint Polk et d'autres officiels sur le massacre des
Arméniens par les Turcs et les Kurdes en Asie Mineure. Ils
assisteront à la réunion d'une commission générale, prévue pour
être tenue à New York sous quelques jours, afin de dresser un
plan d'appel au peuple américain pour verser des fonds et
apporter de l'aide à autant d'infortunés Arméniens que possible.
On a appris, à la suite des conférences tenues ici ce jour, que
des doléances générales ont été faites de temps à autres au
Gouvernement ottoman par l'ambassadeur Morgenthau pour traiter
les Arméniens de façon humaine. En dépit de ces doléances, le
massacre des Arméniens s'est poursuivi.
Les dossiers du Département d'État sont pleins de rapports
détaillés issus d'officiers consulaires américains, qui donnent
des récits atroces sur le traitement des Chrétiens arméniens par
les Turcs et les Kurdes. Ces rapports n'ont pas été rendus
publics. Ils indiquent que le Turc a entrepris une guerre
d'extermination des Arméniens, spécialement ceux qui
appartiennent à l'Eglise Grégorienne à laquelle appartiennent
près de 90 pourcent des Arméniens. Le Gouvernement turc a
ordonné à l'origine la déportation de tous les Arméniens, mais
il y a quelques temps, après les doléances faites par
l'Ambassadeur Morgenthau, le Gouvernement ottoman a donné des
assurances que l'ordre serait modifié en telle sorte qu'il ne
concerne pas les Arméniens catholiques et protestants.
Des rapports parvenus à Washington indiquent qu'autour de
500 000 Arméniens ont été massacrés ou ont perdu la vie en
conséquence de l'ordre de déportation turc et la guerre
d'extermination qui y fait suite. Les autorités turques ont fait
sortir les Arméniens grégoriens hors de leur maison, leur ont
donné l'ordre de se diriger vers des villes éloignées en
direction de Bagdad, villes qui ne pourraient être atteintes
qu'en franchissant de vastes étendues de désert. Au cours de
leur exode à travers les déserts, ces Arméniens ont été attaqués
par des Kurdes et massacrés, mais quelques unes des femmes et
des filles arméniennes, en nombres considérables, ont été
emportées en captivité par les Kurdes. Les rapports ont été
envoyés au Département d'État par ses agents en Asie Mineure
confirment entièrement ces déclarations faites dans l'appel du
vicomte Bryce, ancien Ambassadeur britannique aux États-Unis,
pour essayer d'arrêter le massacre des Arméniens. Le vicomte
Bryce a déclaré que les horreurs que les Arméniens ont subies
n'ont aucun précédent dans les temps modernes.
Le département d'état recevant de très nombreux rapports
détaillés, de rapports évaluant au nombre de victimes en
centaines de milliers, et qui font état d'une guerre
d'extermination…
Il ne s'agit pas ici de témoignages, mais bien de rapports
d'officiers consulaires, membres d'un pays neutre, qui
confirment en outre les déclarations de Lord Bryce dans le Livre
Bleu. GB
SAUVETAGE DE
5 000 ARMÉNIENS
Des Navires de Guerre Français les ont transportés de Syrie en
Égypte.
Publié le 23 septembre
1915
________
PARIS, 22 septembre. – Le sauvetage par des navires de guerre
français de milliers d'Arméniens poursuivis par les Turcs est
relaté dans une déclaration rendue publique hier soir par le
Ministère de la Marine.
" Poursuivis par les Turcs ", dit la déclaration, " 5 000
Arméniens, dont 3 000 sont des femmes, des enfants et des
vieillards, s'étaient réfugiés dans les montagnes du Djebel
Moussa à la fin du mois de juillet. Ils ont réussi à contenir
leurs assaillants jusqu'au début du mois de septembre.
" Les munitions et les provisions s'étaient alors épuisées, et
ils auraient inévitablement succombé s'ils n'étaient parvenus à
informer de leur grave situation un croiseur français.
Immédiatement, des croiseurs de l'escadre du blocus de la côte
syrienne sont allés à leur aide et les ont tous emmenés à Port
Saïd, où ils ont été installés dans un camp provisoire. "
Épilogue avant la lettre du roman de Franz Werfel, les Quarante
Jours du Moussa Dagh GB
BRYCE NOUS DEMANDE D'AIDER L'ARMÉNIE
Les Chrétiens de Trébizonde, au nombre de 10 000, auraient tous
été noyés
DES FEMMES ENLEVÉES POUR LES HAREMS
La seule Puissance qui Pourrait Arrêter les Massacres est
l'Allemagne, et nous devons la Persuader qu'elle doit Agir
Publié le 21 Septembre 1915
LONDRES, 20 septembre.- Le Vicomte Bryce, précédemment
Ambassadeur aux États-Unis, a communiqué à Associated Press le
texte d'une demande à l'Amérique pour qu'elle essaie d'arrêter
le massacre des Arméniens. Il dit :
" Le monde civilisé, l'Amérique en particulier, doit être
informé des horreurs qui se sont déroulées en Turquie d'Asie au
cours des quelques mois qui viennent de s'écouler, parce que si
quelque chose peut arrêter la main destructrice du Gouvernement
turc, ce ne peut être que l'expression de l'opinion de nations
neutres, et d'abord celle de l'humaine Amérique.
" Peu de temps après que la guerre ait éclaté entre la Turquie
et les Alliés, le Gouvernement turc a conçu, puis mis en œuvre,
avec cruauté et acharnement, un plan pour extirper la Chrétienté
en tuant tous les Chrétiens de la race arménienne. Les récits de
diverses sources s'accordent pour expliquer que sur la totalité
des territoires de l'Asie Mineure du Nord et de l'Est et de
l'Arménie, la population chrétienne est délibérément exterminée,
les hommes en âge d'être mobilisés étant abattus et les femmes
les plus jeunes livrées aux harems turcs, forcées de se
convertir à l'Islam, et gardées, avec les enfants, virtuellement
en esclavage. Le reste des habitants, les vieux, hommes et
femmes, et les enfants, ont été dirigés de force par des soldats
turcs vers les régions insalubres d'Asie Mineure, pour certains
dans les déserts qui se trouvent entre la Syrie et l'Euphrate.
Beaucoup meurent ou sont tués en route, ou périront tôt ou tard.
" A Trébizonde, où le nombre d'Arméniens s'élevait à plus de
10 000, des ordres d'arrêter tous les Arméniens sont venus de
Constantinople. Des troupes les ont pourchassés, les ont dirigés
vers le bord de mer, les ont embarqués puis jetés par-dessus
bord et tous noyés, hommes, femmes et enfants. Ces faits ont été
vus et rapportés par le Consul italien.
" Dans le pays, quelques uns n'ont pu en réchapper qu'en se
convertissant à l'Islam, et un quart de million se sont enfuis
derrière la frontière russe, mais jusqu'à un demi million ont
été massacrés ou déportés, et ceux qui ont été déportés meurent
rapidement, du fait des mauvais traitements subis, de maladie,
ou de faim. Les routes et les flancs des coteaux sont parsemés
de corps de paysans innocents.
" Nous pouvons tous essayer de venir en aide à ceux qui sont
réfugiés en territoire russe, mais qui est en mesure de mettre
fin aux massacres? Pas les puissance alliées en guerre avec la
Turquie. Une seule puissance peut agir dans ce but. C'est
l'Allemagne. Se pourrait-il que l'expression de l'opinion
publique américaine, voix de la conscience des nations neutres,
ne parvienne pas à obtenir de l'Allemagne qu'elle infléchisse le
Gouvernement turc?
______
LES BELGES AUX TRAVAUX FORCÉS
________
Les Autorités Allemandes Puniront ceux qui Refusent -
Le travail obligatoire, dans la Belgique sous administration
allemande, est annoncé dans la dépêche qui suit du semi-officiel
Bureau de Télégraphe Wolff de Bruxelles publié dans le Vorwürts
du 26 août:
" Le Gouverneur Général a signé un ordre par lequel est passible
de peines toute personne qui refuse, sans raison suffisante,
d'entreprendre ou de poursuivre des travaux d'intérêt général
dans le domaine professionnel qui est le sien, lorsqu'il est
demandé par les autorités allemandes.
" De la même façon, les personnes qui par coercition, par
les menaces ou la persuasion, ou tout autre moyen, pousse
d'autres personnes travaillant pour les autorités allemandes ou
les aide à refuser de travailler.
" En liaison avec le règlement, des mesures sont également
ordonnées concernant l'aversion au travail, et il est ordonné
que quiconque refuse d'accepter du travail, tandis qu'il reçoit
le soutien public ou privé, ou s'il devient indigent et
nécessiteux à cause de son refus de travailler, sera également
passible de peines. Des raisons suffisantes en cas de refus ne
seront considérées comme telles que si elles sont fondées dans
le droit international.
______
UN NOUVEAU BÂTIMENT DE GUERRE
PRENDRA BIENTÔT LA MER
______
La Grande Bretagne est sur le Point d'envoyer un Cuirassé vers
les Dardanelles
Des responsables de la Cunarder Orduna ont informé hier que le
super cuirassé Barham, un vaisseau jumeau du Queen Elisabeth et
du Warspite, dont la quille a été mise en place en 1913, sera
bientôt en service et appareillera pour les Dardanelles. Le
Barham est en cours d'achèvement à Liverpool, et sera prêt, on
l'espère, sous six semaines.
Parlant des activités de bateaux bien connus en temps de guerre,
les responsables d'Orduna ont dit que le Cunarder Aquitania a
été peint en blanc, converti en navire-hôpital, et vient juste
de quitter Liverpool pour les Dardanelles pour ramener les
soldats blessés chez eux, et le paquebot de grande ligne
Olympic, de la White Star, qui est prêt à Belfast depuis octobre
dernier, a également été converti en navire-hôpital à
Southampton pour servir avec l'Aquitania. Les paquebots peuvent
transporter chacun 7 000 soldats et effectuer la traversée en
cinq jours. Le Cunarder Mauretania transporte des troupes aux
Dardanelles.
Membre
de la British Academy, ancien Ambassadeur de Grande Bretagne aux
États-Unis, et ayant séjourné quelques temps en Arménie des
années auparavant, le Vicomte James Bryce a été désigné par le
Premier Ministre Britannique Herbert Henry Asquith pour enquêter
sur le Génocide. Il réunit des témoignages et rendit compte dans
le Livre Bleu de la volonté d'extermination des dirigeants
turcs.
Notons le témoignage visuel du Consul
italien à Trébizonde sur le massacre particulièrement
horrible qui s'y est déroulé.
Il avait été chargé préalablement
d'enquêter sur les atrocités allemandes en Belgique lors de
la Première Guerre Mondiale; c'est probablement de ce fait
qu'on lit dans le New York Times du 21 septembre cet article
sur l'administration militaire allemande en Belgique
particulièrement tatillonne.
Enfin, les indications contenues dans
l'article du même jour sur la conversion du White Star en
navire hôpital, illustre le terrible carnage des
Dardanelles: une capacité de transport pour rapatrier 7 000
blessés par rotations de dix jours, soit en moyenne 700 par
jours, était insuffisante. GB
LE CONSEIL DE MISSION RELATE LES HORREURS TURQUES
Des Correspondants Confirment les Rapports sur l'Annihilation
des Arméniens
DISPERSÉS à TRAVERS L'EMPIRE
Les Villes Chrétiennes Cessent d'Exister comme telles et les
Habitants Poussés Loin de leur Foyer
Publié le 17 septembre 1915
Sous la légende " Dans la Turquie la plus Sombre ", le Conseil
Américain des Administrateurs de Missions à l'Étranger dit avoir
en main " des preuves abondantes et indéniables " confortant
les articles de journaux concernant la persécution des sujets
chrétiens de l'Empire ottoman.
" Ces preuves, " dit le conseil, " ne viennent pas de lettres de
missionnaires; ils écrivent brièvement et sur leurs propres
affaires; ils évitent de parler de questions de politique. Ils
s'efforcent de s'en tenir à une attitude de neutralité dans ces
temps de conflit.
" Mais d'autres sources, par des voies détournées mais
absolument fiables, arrivent au Conseil des pièces entières de
comptes-rendus d'événements en beaucoup d'endroits de la Turquie
qui sont effroyables au-delà presque de toute crédibilité. Ils
révèlent une action systématique, autorisée et terrible de la
part des gouvernants turcs pour anéantir les Arméniens. "
" Apparemment, la révolte des révolutionnaires arméniens à Van,
qui a ouvert la voie à l'occupation russe de cette ville sans
résistance, a été prise par les Turcs comme prétexte pour une
attaque générale contre les Arméniens partout. Dans certains cas
par le massacre, plus souvent par la torture et l'exil, ils sont
éliminés du territoire; ils sont mis là où il n'y a plus de
raison de s'en soucier.
" Tout au long du trajet des armées russes sur la frontière
perse, depuis Van jusqu'à Mouch et Bitlis, dans les villes de la
Turquie de l'est, telles Diyarbekir, Kharpout et Mardin, et
spécialement en Turquie Centrale et la région s'étendant vers le
sud, cette persécution cruelle, implacable, se déroule depuis un
certain temps.
Rapport d'un Résident Britannique
" Un résident britannique de Constantinople qui avait quitté
cette ville et se trouvant temporairement dans un port de la
Méditerranée hors d'atteinte des censeurs, écrit ce qui suit:
Vous avez probablement appris quelque chose sur le triste sort
des Arméniens par les journaux, mais probablement rien n'en
ressort qui puisse en quoi que ce soit décrire le sort désespéré
de ces pauvres gens.
Vous pouvez avoir entendu que Zeitoun a cessé d'exister comme
ville arménienne. Les habitants ont été dispersés, la ville
occupée par les Turcs, même le nom en a été changé. La même
chose est vraie pour Hadjin, excepté je crois, pour son nom qui
n'a pas été altéré. Les Arméniens d'Erzeroum, Bitlis et Erzingen
ont été, sous la torture, convertis à l'Islam. Mardin indique
que les conditions de 1895 (l'année de l'infâme massacre)
prévalent là-bas. Le récit est horrible au dernier degré.
Plus d'un millier de familles d'Hadjin, récemment arrivées à
Alep dans un état de misère au dernier degré, et pourtant le but
est situé encore beaucoup plus loin. Les maris sont séparés par
force de leur femme et envoyés en des lieux très éloignés. Les
enfants sont séparés de la même façon de leurs parents.
Le conseil rapporte également le récit suivant de personnes en
Syrie du nord sans liens avec les cercles missionnaires, mais
dont on dit que leur fiabilité est indiscutable :
" Entre 4 300 et 4 500 familles, environ 28 000 personnes - sont
chassées par ordre du Gouvernement des circonscriptions de
Zeitoun et de Marash vers des lieux éloignés, où se trouvent des
communautés inconnues mais distinctement non-chrétiennes. Des
milliers ont déjà été dirigées au nord-ouest dans les provinces
de Konia, Césarée, Castiamouni, etc., tandis que d'autres ont
été dirigés vers le sud-est jusqu'à Deir-el Zor, et selon
certains rapports, jusqu'à Bagdad. La misère dont souffrent ces
gens est terrible à imaginer. Aller dans les détails serait une
perte de temps inutile, car toutes les souffrances qu'une grande
communauté subirait dans ces circonstances ont déjà été
éprouvées.
" Environ 300 personnes, des chefs de familles en vue, ont été
emprisonnées à Marash, dont une cinquantaine sont de Zeitoun et
environ cinquante d'Osmanieh. Depuis Zeitoun, environ 350
familles, soit à peu près 2 000 personnes, ont été envoyées à
Marash et à partir de là vers Aintab, et on espère qu'elles
seront à Alep le 15 mai, pour être dirigées ensuite vers
Meskene, tandis qu'au moins 250 familles sont attendues avant le
20 mai, selon le Gouverneur d'Alep. Ces derniers sont plus
chanceux que les premiers cités, car il les opinions divergent
dans les cercles officiels de cette ville. Soixante et onze
familles ont été envoyées à Konia vers le 25 avril.
Le soulèvement de Van est désigné ici comme une révolte
révolutionnaire prise comme prétexte par les dirigeants turcs
pour exterminer les Arméniens.
Comme en Vendée en 1793, où les jeunes Vendéens refusèrent la
conscription pour éviter de se battre contre les troupes
ennemies de la Révolution, une partie des Arméniens refusèrent
de faire la guerre aux Alliés en 1914. Comme en Vendée où la
Convention Républicaine envoya l'armée, le Gouvernement turc
envoya Djevdet à Van pour écraser les Arméniens…
Il y a beaucoup d'autres similitudes entre le sort des Arméniens
en 1915 et celui des Vendéens en 1793; mais il y a un fait, que
les négationnistes Nora, Ferro, Veinstein et autres ne
contestent pas, un fait que même les négationnistes Turcs de la
pire espèce ne nient pas, c'est qu'il n'y avait en Arménie
" ottomane ", au lendemain de la Première Guerre Mondiale, plus
aucun homme, femme, enfant, vieillard qui puisse se dire
Arménien; au lendemain de la Première Guerre Mondiale et encore
aujourd'hui. GB
LA MORT DE L'ARMÉNIE
Son Territoire a été Dévasté et les Quelques Survivants en ont
été Chassés
Publié le 17 septembre
1915
À l'Éditeur du New York Times :
Le meurtre délibéré d'une nation se déroule au cours de ce
vingtième siècle. La Turquie est occupée en ce moment à
assassiner l'Arménie, et elle a presque terminée le travail.
Il n'existe plus aucun Arménien de sexe masculin valide nulle
part en Turquie. Ils ont soit disparu dans les rangs de l'Armée
turque, dans laquelle on les a traînés, ou sont morts en prison
et à la potence – les meilleurs d'entre eux de cette dernière
façon. Le reste de la nation arménienne, les femmes, les enfants
et les vieillards, ont été chassés de leurs foyers.; les villes
et les cités ont été complètement dépeuplées de leurs habitants
arméniens, se comptant dans la plupart des cas en milliers. Ils
sont forcés à un voyage à pied de deux mois, à destination de
l'Arabie sans autre précision. Les deux-tiers d'entre eux
meurent sur la route, soit de froid soit par la main de
Mahométans pilleurs et violeurs. Ces comptes-rendus sont ceux de
missionnaires, de consuls, et d'infirmières de la Croix-Rouge
d'autres nations.
Cette situation est le résultat de la politique ouvertement
affichée du Gouvernement turc à laquelle libre cours est donné.
Que doit-on faire? L'humanité en est-elle au point d'accepter
qu'un assassinat soit commis? Et à une telle échelle?
On dit de l'Ambassadeur Morgenthau qu'il a fait son possible
pour empêcher ces événements, mais en vain, et si l'Amérique ne
peut pas tendre une main secourable, personne d'autre ne le peut
en ce moment.
L'Arménie en tant que nation est morte. Son territoire est
dévasté; seules les vies individuelles de ses femmes et de ses
enfants peuvent être sauvées. Et le seul moyen de les secourir
est de les transporter dans ce pays ou dans un autre. Des
actions et des secours sont faits par diverses sources
arméniennes, mais elles sont totalement insuffisantes. Le simple
fait d'aller chercher une partie des Arméniens est une telle
entreprise qu'elle exige les meilleurs efforts d'une nation
aussi puissante que les États-Unis et la coopération active de
leur gouvernement. L'Ambassadeur Morgenthau est cité pour avoir
dit que les besoins atteignent le million de dollars, et
probablement plus. Mais pourquoi ne pas les donner? Pourquoi ne
pas fournir la force et le travail nécessaire à une telle tâche?
L'occasion de rendre un tel service comme celui-là ne se
présente qu'une fois dans l'histoire d'une nation.
VINCENT YARDUM.
New York, 15 septembre 1915.
L'auteur de ces lignes, à qui les rédacteurs du New York Times
font une place importante dans leur journal, est un citoyen
américain d'origine arménienne. On retrouve son nom dans les
listes d'archives de la Sécurité sociale des USA. Âgé de
vingt-cinq ans en 1915, l'année du Génocide, il a vécu à Fort
Lauderdale en Floride. Il lance ici un appel déchirant à
l'Amérique pour sauver ce qui peut encore l'être…
GB
RÉPONSE À MORGENTHAU PAR PENDAISON D'ARMÉNIENS
Il proteste Contre la Guerre d'Extermination Engagée
Actuellement
Publié le 16 septembre 1915
Câble Spécial au New York Times :
LONDRES, jeudi, 16 septembre . – Un correspondant du Times,
récemment à Salonique, dit que tous les comptes-rendus issus de
Turquie s'accordent sur le caractère terrible des atrocités
turques contre les Arméniens. On pense que c'est l'intention
officielle que cela soit une campagne d'extermination, qui
impliquera la mort de 800 000 à 1 000 0000 de personnes. Les
Chrétiens peuvent échapper à la mort en embrassant le
mahométanisme, auquel cas tous les membres féminins de la
famille du converti en âge d'être mariés – épouse, sœurs, ou
enfants – sont distribués parmi d'autres Turcs, faisant
l'éventuel retour futur à la religion chrétienne pratiquement
impossible.
" Le Ministre américain à Constantinople aurait protesté
récemment contre le massacre, étant donné le danger que cela
représente pour les missionnaires américains. La seule réponse à
sa protestation a été la pendaison de vingt dirigeants Arméniens
le jour suivant dans les rues de Constantinople.
Dans sa brièveté, cet article relève l'intention génocidaire du
Gouvernement turc et sa sauvagerie: aux protestations, il répond
par des pendaisons, à Constantinople.
La raison qui fait désigner ici Morgenthau comme Ministre à
Constantinople est inexpliquée. A Constantinople, Morgenthau
était officiellement Ambassadeur, ni Ministre plénipotentiaire,
ni Ministre tout court. GB
UN TRIUMVIRAT AUTOCRATIQUE
Publié le 14 Septembre 1915
THE NEW YORK
TIMES : Mardi
14 septembre 1915
" Selon ce communiqué, les affaires turques sont sous le
contrôle d’un triumvirat avec des pouvoirs autocratiques,
comprenant :
Enver Pacha, ministre de la guerre
Talaat Bey, ministre de l’Intérieur
Et Bedri Bey, Préfet de police de Constantinople.
L’information précise que les Musulmans sont mécontents, on dit
que le Cheikh ul Islam est contrarié car il désapprouve les
mesures prises contre les Arméniens. Le Comité ‘Union et
Progrès’ aurait été virtuellement supplanté par un comité secret
réceptif aux ordres du triumvirat.
L’informateur américain affirme que les Arméniens ont été
embarqués vers des camps de concentration en différents lieux,
emmenés à pied, ou dans des wagons à bestiaux. Il ajoute que les
premiers massacres de Chrétiens en Asie Mineure se reproduisent
dans le cas présent, et dans certains cas, en comparaison, une
infime partie seulement des Arméniens atteignent vivants les
camps de concentration.
Henry Morgenthau, Ambassadeur d’Amérique à Constantinople, a
fait tous ses efforts pour protéger les Arméniens, mais
apparemment ses tentatives ont été vaines. Il est précisé que
les Arméniennes qui tentaient d’aller avec les déportés pour
surveiller les enfants arméniens, étaient renvoyées, et qu’un
certain nombre de jeunes filles arméniennes qui étaient
étudiantes dans le Collège américain de Constantinople, sont
tombées entre les mains des Turcs.
Etant donné l’interruption de transport par mer, il est presque
impossible d’acheter du charbon à Constantinople, et le bois est
utilisé pour les locomotives. Les récoltes étaient bonnes, mais
il a été presque impossible de moissonner. Le pétrole coûte un
dollar le gallon, et le prix du sucre a été multiplié par sept.
L’informateur américain dit que l’accord signé entre la Turquie
et la Bulgarie, n’a pas encore obtenu un règlement définitif des
relations, mais qu’au contraire les Turcs se hâtent de bâtir des
défenses contre les Bulgares. "
DES CHRÉTIENS RETENUS À TABRIZ
Des Agents Allemands Créent l'Inquiétude en Perse du Nord
Publié le 10
septembre 1915
________
TIFLIS, Transcaucasie, via Londres, 9 septembre. – Après l'exode
du Vilayet de Van,
Les Chrétiens s'étaient enfuis dans les plaines d'Ourmiah et de
Salmas, sur la côte nord-ouest du Lac d'Ourmiah, en Arménie
perse. Les Chrétiens se préparaient à quitter Tabriz, mais leur
fuite était interdite.
La présence de nombreux agents allemands à Tabriz et en d'autres
lieux de la Perse du nord provoque l'inquiétude.
La région située au nord-ouest du lac salé d'Ourmiah, qui
constituait du temps du Royaume de Grande Arménie, l'une des
" Trois Mers de l'Arménie " avec le Lac Sevan et le lac de Van
, était peuplée en 1914 d'une majorité relative d'Arméniens
(Population arménienne en 1914, carte publiée dans Mouradian,
Claire, L’ Arménie, Paris, PUF, coll. Que-sais-je ? n° 851, 2002
(3e ed.). C'est pour cette raison qu'elle est qualifiée à
plusieurs reprises d' " Arménie perse ". Faisant partie de
l'Empire du Shah mais sous influence russe, elle a pu
constituer, pour des dizaines de milliers d'Arméniens et de
Chrétiens de la région de Van, fuyant devant les Turcs en août
1915, un lieu où ils avaient pu se réfugier: la frontière Perse
est à une centaine de kilomètres à l'est de Van; les forces
russes étaient à Tabriz, Ourmiah et Khoï depuis 1909 et le
bataillon de volontaires arméniens ainsi que le général arménien
Nazarbekov depuis décembre 1914.
C'est probablement du fait de la contre-offensive turque dans le
Caucase au début de l'été 1915, et du retrait des forces russes
stationnées à Tabriz, que les Chrétiens voulaient s'enfuir, mais
ce court article ne dit pas qui les en a empêché et pourquoi. GB
1 500 000 ARMÉNIENS MEURENT DE FAIM
Publié le 5 Septembre 1915
Dépêche du 5
septembre 1915
Le comité de secours appelle à l’aide pour les victimes des
décrets turcs.
Le Comité du Fonds de Secours arméno-américain a reçu deux
lettres de Constantinople décrivant les horreurs auxquels sont
soumis les Chrétiens arméniens de Turquie.
Une lettre datée du 15 juin, dit en particulier :
" Le Gouvernement turc exécute aujourd’hui le plan de
dispersion des Arméniens des provinces arméniennes, profitant
des troubles dans les puissances européennes, et avec
l’assentiment de l’Allemagne et de l’Autriche. "
" Ces gens sont expulsés sans pouvoir emporter ni provisions ni
meubles, et dans des endroits où le climat ne leur convient
absolument pas. On les laisse sans abri, sans nourriture, sans
vêtements, dépendant seulement de quelques morceaux de pain que
le Gouvernement veut bien jeter devant eux, un gouvernement qui
n’est pas capable de nourrir ses propres troupes. "
" Il est impossible de lire ou d’entendre sans verser de larmes,
même les plus infimes détails de ces déportations. La plupart
des familles ont voyagé à pied, vieillards et enfants sont morts
sur la route, des jeunes femmes sur le point d’accoucher ont été
laissées dans des cols de montagne, et au moins dix morts par
jour sont signalés parmi eux, de faim et de maladie, dans le
lieu même où les victimes ont été exilées. Jusqu’à présent il
n’a pas encore été possible d’envoyer de l’aide à Sultanieh, à
cause de l’interdiction du gouvernement, malgré les efforts de
l’ambassadeur américain à qui nous sommes reconnaissants pour
ses tentatives philanthropiques et généreuses.
La seconde lettre datée du 12 juillet dit :
" La situation des Arméniens s’est extrêmement aggravée
depuis ma dernière lettre. Ce n’est pas seulement la population
arménienne de Cilicie qui a été totalement déportée et exilée
dans les déserts. Les communautés arméniennes de toutes les
provinces d’Arménie, d’Erzeroum, Trébizonde, Sivas, Harput, Van
et Diarbekir, ainsi que de Samsun, Césarée et Urfa – une
population de 1 500 000 personnes est en train de marcher
aujourd’hui, le bâton de pèlerinage forcé à la main, vers les
déserts Mésopotamiens, pour vivre parmi les tribus sauvages
arabes et kurdes. Très peu d’entre eux vont pouvoir atteindre
les lieux désignés pour leur exil, et ceux qui y arriveront vont
périr de faim si un secours immédiat ne leur parvient pas. "
" C’est au nom de cette population d’1 500 000 personnes mourant
de faim que des appels urgents doivent être lancés au peuple
charitable d’Amérique ".
Le Comité de Secours du Fonds arménien pense que si une aide
immédiate ne parvient pas, les efforts futurs seront vains.
Les trésoriers du Comité sont : Brown Brothers Co. 59 Wall
Street.
LES TURCS MASSACRENT LES ARMÉNIENS
D'ISMID
Incendient le Port d'Asie Mineure, distant de seulement 90
Kilomètres de Constantinople
Publié le 3 septembre
1915
LONDRES, 2 septembre.- Une dépêche de la Exchange Telegram
Company d'Athènes dit :
" Des voyageurs arrivant de Constantinople annoncent que
vendredi dernier, les Turcs ont incendié la ville d'Ismid et
massacré un grand nombre de ses habitants arméniens. "
Ismid se trouve à l'entrée du Golfe d'Ismid en Asie Mineure, à
environ quatre vingt-dix kilomètres au sud-est de
Constantinople. Les résidences à la fois de l'Archevêque
arménien et grec se trouvaient dans cette ville. Sa population
est d'environ 25 000.
Un article qui démontre que l'argument négationniste selon
lequel les massacres se produisaient dans les régions proches
des combats du front russe est faux; la ville d'Izmit est située
à l'autre bout de la Turquie, tout près du Bosphore, à 90 km de
Constantinople.
GB
ENVER PRÉPARERAIT UN MASSACRE
La Vie de Tous les Chrétiens de Constantinople est Menacée,
d'après Galli
Câble Spécial au New York Times
Publié le 30 Août 1915
PARIS, 29 Août.– Qu'Enver Pacha préparerait un massacre de tous
les Chrétiens à Constantinople est une affirmation faite dans le
Gaulois par Emile Galli, ex-éditeur du Levant Herald, qui vient
juste de s'enfuir de la capitale turque.
Les Turcs, dit-il, se rendent compte que les Dardanelles seront
inévitablement forcées, et des observateurs bien informés
s'attendent au désastre plus tôt que les Alliés eux-mêmes.
A la veille du départ de Galli, qui a été organisé par des amis
influents, beaucoup de dirigeants modérés de Turquie l'ont
imploré d'intercéder auprès de la France, de la part des Turcs,
qui pour la plupart, sont à présent hostiles aux Allemands. Il
prévoit que le parti des modérés fera son possible pour
organiser un coup d'état contre Enver Pacha, dont les plans
antichrétiens sont considérés comme une tentative finale
d'engager irrévocablement la Turquie dans la cause de
l'Allemagne.
LES TURCS VIDENT LES VILLES D'ARMÉNIE
Un Voyageur Rapporte que les Chrétiens d'un Grand Territoire ont
été Convoyés hors de chez Eux
600 000 MEURENT DE FAIM SUR LA ROUTE
Il ajoute que plus de 100 000 Grecs Ont été chassés de la Côte
Méditerranéenne
Publié le 27 Août 1915
Un voyageur qui vient tout juste d''arriver à New York de
Turquie , dont il était résident depuis longtemps, a dit hier au
TIMES la situation telle qu'il la trouvée à Constantinople, et
les déportations systématiques d'Arméniens des circonscriptions
de l'intérieur de la Turquie asiatique. Pour des raisons
valables, le narrateur ne souhaite pas que son nom soit publié,
mais le TIMES peut attester de ses qualifications en tant
qu'observateur , en particulier dans la province arménienne.
Quittant Sivas, où il a passé quelque temps, il s'est dirigé
vers Constantinople et de là à Athènes, d'où il a embarqué pour
New York. Alors qu'il se trouvait à Constantinople il y a quatre
semaines, la tension y était passablement élevée. Dans les
cercles officiels, on maintient que les choses se passent tout à
fait bien pour les Turcs, mais il y a beaucoup d'individus qui
expriment le découragement. Ceux-là n'ont plus foi dans les
raisons pour l'Allemagne de venir en aide à la Turquie, et
certains accusent même Enver Pasha de s'être vendu pour de
l'argent.
Des médecins et des infirmières allemands lui ont dit que
longtemps après le début des hostilités, l'Allemagne avait
envoyé en Turquie depuis la Roumanie plus de 2 000 officiers se
faisant passer pour des chirurgiens ou des agents de la Croix
Rouge. Sous prétexte de soins ou sous l'étiquette d'autres
denrées, des munitions et des fournitures arrivent à travers la
Roumanie, et c'est également un motif de fierté. De ce qu'il a
vu à Constantinople et des dépêches arrivées depuis qu'il en
soit parti, il juge que les Alliés sont près d'en avoir fini à
Gallipoli et sont prêts à chasser les Turcs d'Europe. Au cas où
il serait nécessaire d'évacuer Constantinople, a-t-il dit, Konia
deviendrait la nouvelle capitale, ce qu'il infère du fait que
des archives en ont déjà été déplacées.
" Les Arméniens de l'intérieur ", a-t-il dit, " ont été déportés
en direction de Mossoul. Au moment où j'ai quitté Sivas,
deux-tiers d'entre eux avaient quitté la ville, y compris les
Protestants, les maîtres et les élèves. Au mieux de mes
connaissances et de mes opinions, à l'exception des Arméniens
soldats et prisonniers, et à de très rares exceptions qui, pour
diverses raisons étaient nécessaires au Gouvernement, tous les
Arméniens sont partis de Sivas. Selon ce que je considère comme
une autorité valable, je crois qu'il est vrai que la population
entière depuis Erzeroum jusques et y compris Gemereh, près de
Césarée, et depuis Samsoun jusques et y compris Harpout, a été
déportée. Il y a également un mouvement central qui n'est pas
encore devenu général, mais qui le deviendra sans doute, Plus de
100 000 Grecs des côtes de Marmara et de Méditerranée ont été
déportés.
" Beaucoup de rumeurs de massacres circulent, mais je n'ai pas
de preuves à ce sujet. A ma connaissance, aucun massacre général
ne s'est produit dans le Vilayet de Sivas. Pas une seule
personne n'a été tuée d'une façon ou d'une autre.
" Ce mouvement général contre les Arméniens a commencé il y a
des mois par des arrestations sur des présomptions d'activité
révolutionnaire ou pour rechercher des armes ou des bombes.
" Après avoir vu des milliers de personnes forcées de s'en
aller, je pensais que s'il était possible de faire quoi que ce
soit pour arrêter ce terrible crime qui m'impressionne dix fois
plus qu'un massacre, ce ne pouvait être qu'à Constantinople. A
Constantinople, j'ai compris que tout le plan de déportation
était l'œuvre du Gouvernement central, et qu'aucune pression des
Ambassades n'avait été capable de faire quoi que ce soit pour
l'arrêter.
" Je crois qu'il y a un danger imminent pour beaucoup de ces
personnes, dont j'estime le nombre, pour les vilayets de Sivas,
d' Erzeroum et de Harpout, à 600 000, et qui meurent de faim sur
la route. Ils ont pris de la nourriture pour quelques jours,
amis n'ont pas osé prendre trop d'argent avec eux, parce que
s'ils l'avaient fait, il est probable qu'ils n'auraient pu le
garder. Notre Ambassadeur a promis de faire ce qu'il pourrait,
et m'a donné quelque espoir que des fonds de secours pourraient
être envoyés immédiatement. On peut se demander si leur venir en
aide sera permis, mais il faut s'y engager tout de suite.
" Il était impossible d'emporter de Turquie une adresse ou des
notes écrites d'aucune sorte. J'ai acheté un livre comptable
vide et ouvert un compte nouveau de voyageur, après avoir
traversé la frontière.
" J'ai croisé sur la route près de Talas les gens de deux
villages. Ils étaient à pied, avec moins d'un âne pour une
famille, sans nourriture, sans couvertures, presque sans hommes,
beaucoup de femmes à pieds nus et portant des enfants. Un cas à
Sivas qui vaut d'être relaté est celui d'une femme dont le mari
travaillait dans un hôpital comme infirmier pour les soldats
pendant de nombreux mois. Elle avait attrapé le typhus et fut
conduite à l'hôpital. Sa mère, une femme de 60 à70 ans, se leva
de son lit de malade pour soigner leur sept enfants dont l'aîné
pouvait avoir 12 ans. Quelques jours avant la déportation, son
mari fut emprisonné et exilé sans référence à aucune faute.
Lorsque le quartier où ils vivaient fut vidé, la mère fut sortie
de son lit à l'hôpital et chargée sur une charrette pour
rejoindre ses enfants.
CONCESSION TURQUE AUX ARMÉNIENS
La Sublime Porte promet de ne pas déporter plus de 10 pour cent
d'Entre Eux
Spécial au New York Times
Publié le 25 Août 1915
WASHINGTON, 24 Août.– L'Ambassadeur Morgenthau a notifié le
Département d'Etat depuis Constantinople que le gouvernement
turc l'avait informé que les ordres avaient été télégraphiés à
travers la Turquie d'exempter tous les Arméniens qui sont
membres des églises catholique et protestante. L'Ambassadeur a
dit qu'environ 90 pourcent des Arméniens appartiennent à
l'Eglise grégorienne, ou arménienne, et 10 pourcent à l'église
protestante ou catholique.
Le gouvernement turc a aussi accordé une exemption pour les
Arméniens employés dans les consulats américains.
Des
Arméniens meurent emprisonnés dans des camps
Des centaines de milliers toujours en danger par les Turcs,
Ecrit le Secrétaire du Fonds au Réfugiés.
LES ALLEMANDS NE VEULENT PAS INTERVENIR
Environ 1 000 000 de victimes déportées et 500 000 massacrées
rapporte le Rév. Harold Buxton.
Publié le 21 Août 1915
Câble spécial
adressé au New York Times
LONDRES, lundi 21 août 1915
Le Révérend Harold Buxton, Secrétaire du Fonds aux Réfugiés
Arméniens, vient de revenir en Angleterre après avoir consacré
trois mois à l’œuvre de secours aux villages dévastés. Dans une
interview, le Rev. Buxton a donné des détails qui confirment
entièrement les graves déclarations faites par Lord Bryce il y a
quelques mois à la Chambre des Lords. Interrogé s’il avait des
preuves que la déportation des Arméniens l’été dernier était due
à l’instigation des Allemands, il a répondu :
" Tout ce que je peux dire est que le Gouvernement allemand n’a
rien fait pour arrêter les massacres. Pendant toute cette
affaire, l’influence allemande était suprême à Constantinople,
et les consuls allemands étaient à leurs postes dans tous les
centres principaux à travers l’Asie Mineure. En outre, les gens
étaient balayés avec une minutie méthodique que l’on n’attend
pas du Turc qui, laissé à lui-même, agit plutôt avec des accès
soudains de fureur.
" J’ai la preuve, par un missionnaire américain, que certains
des consuls allemands ont fait de leur mieux en faveur du peuple
arménien. Par exemple, le consul allemand d’Erzeroun a
télégraphié à l’Ambassadeur à Constantinople, protestant
vigoureusement contre l’ordre de déportation. Il a reçu une
réponse ainsi conçue : " Nous ne pouvons pas intervenir dans les
affaires internes de la Turquie "
" Je ne pense pas qu’il y ait eu une quelconque exagération à
propos de pertes publiées en Angleterre. La race arménienne
s’élevait à environ 4 millions d’individus, dont 2 millions
étaient des Arméniens turcs, et parmi eux un million peut-être
ont été déportés et 500 000 massacrés. Seuls 200 000 se sont
échappés dans les montagnes, et ainsi atteint le sol russe. Il y
a quelques centaines de milliers dans des camps de concentration
entre Alep et Mossoul, et dans les régions avoisinantes de
Mésopotamie, où la Turquie continue à décider de leur sort.
" A cette population considérable, nous n’avons pas accès, et
elle est toujours en danger. Selon les rapports qui nous sont
parvenus, elle a été ravagée par la maladie, la famine, les
privations de toutes sortes, les atrocités, et le meurtre, tout
cela signifie une très grande mortalité parmi les victimes. "
MILLE ARMÉNIENS BRÛLÉS
Les Turcs les enferment dans une Construction en Bois et y
mettent le Feu
Publié le 20 Août 1915
LONDRES, vendredi, 20 Août.– Selon une dépêche Reuter envoyée de
Saint Petersbourg :
" Des détails presqu'incroyables sur les massacres d'Arméniens
par les Turcs à Bitlis sont parvenus à Saint Petersbourg.
" Dans un village 1 000 hommes, femmes et enfants ont été
enfermés dans une construction en bois et y ont été brûlés à
mort.
" Dans un autre village, seules trente-six personnes a-t-on dit,
ont échappé au massacre.
" Dans un autre cas, on a affirmé que des vingtaines d'hommes et
de femmes ont été attachés ensemble et jetés dans le Lac de
Van. "
LES ARMÉNIENS DÉPLACÉS DANS LES DÉSERTS POUR Y
PÉRIR
Les Turcs Accusés de Planification d'Extermination de la
Totalité de la Population – Les Habitants de Karahissar
Massacrés.
Câble Spécial au New York Times.
18 Aoûy 1915
LONDRES, mercredi, 18 Août.– Le Daily News a reçu d'Aneurin
Williams, membre du Parlement [britannique], la copie d'une
lettre reçue de Constantinople, datée du 13 juillet, décrivant
le sort terrible des Arméniens en Turquie. On lit dans la lettre
:
" Nous savons avec certitude par une source fiable que les
Arméniens de toutes les villes et villages en Cilicie ont été
déportés en masse vers les déserts de la région au sud d'Alep.
Les réfugiés auront dû parcourir à pied des distances
nécessitant de marcher pendant un, deux ou même trois mois.
" Nous avons appris, en outre, que les routes et les cadavres
des exilés sont emportés par l'Euphrate, et ceux qui survivent
sont voués à la mort, parce qu'il ne trouveront dans le désert
ni abri, ni travail, ni aucune nourriture. C'est un plan pour
exterminer le peuple arménien dans son entier.
" Les cours martiales ne cessent de fonctionner partout. Douze
Arméniens ont été pendus à Césarée après avoir été accusés
d'avoir suivi des instructions issues d'une réunion secrète des
sociétés Terochak et Hunchak à Bucarest . Beaucoup sont tombés
sous les coups de gourdin. Treize Arméniens ont été tués de
cette façon à Diyarbekir et six autres à Césarée. Treize autres
ont été tués sur la route de Chabine-Karahissar à Sivas. Les
prêtres du village de Kurk, avec leurs cinq compagnons, malgré
leurs poings liés, ont subi le même sort sur la route de Sou-
Chehrksivas.
" Des centaines de femmes et de jeunes filles et même des
enfants gémissent en prison. Les églises et les couvents ont été
pillées, profanées et détruites. Les villages autour de Van et
Bitlis ont été pillés et les habitants passés au fil de l'épée.
" Au début de ce mois, à l'exception de quelques enfants
tous les habitants de Karahissar ont été massacrés sans pitié. "
DES FEMMES ARMÉNIENNES MISES AUX ENCHÈRES
Des Réfugiés décrivent le sort de ceux qui sont entre les mains
des Turcs
VON BERNSTORFF A DONNE SA RÉPONSE
La lettre de l'Ambassadeur Allemand : " De Pures
Inventions " à l'égard des atrocités, provoque l'Indignation
Publié le 11 Août 1915
La déclaration faite par le Comte von Bernstorff, l'Ambassadeur
allemand, dans sa lettre à Miran Sevastly de Boston, et dans
laquelle il qualifie les rapports concernant les atrocités
turques faites contre les Arméniens de " pures inventions "
recevra dans peu de jours les réponses d'Américains bien connus
qui connaissent la situation réelle en Turquie, et qui, a-t-on
dit, produiront des éléments absolument fiables et crédibles et
des données authentiques pour prouver, comme l'un d'entre eux
l'a décrit hier, que " l'Arménie entière baigne dans le sang des
atrocités ".
La lettre de l'ambassadeur allemand à M. Sevasly a été publiée
dans le Times d'hier, et les déclarations faites par le Comte
von Bernstorff n'ont rien apporté qui puisse atténuer
l'indignation des missionnaires et de ceux qui dans d'autres
cercles, pensent que la situation arménienne pose un problème
vital.
" Pour l'instant, autant que l'ambassadeur allemand soit
concerné, tout ce qui m'importe de dire tout de suite ", disait
hier le Professeur Samuel T. Dutton, Secrétaire du Comité sur
les Atrocités Arméniennes, " c'est qu'à l'évidence, il a été mal
informé. Je suis tout à fait sûr qu'il sera très surpris
lorsqu'il verra les éléments concrets, qui sont tous entièrement
authentifiés, concernant les événements d'Arménie, et qui sont
en possession de ce comité. "
Dans une déclaration préliminaire faite dimanche dernier, le
comité avait déclaré que si ces atrocités continuait, les
Américains ne manqueront pas, étant donnée la grande influence
qu'ont l'Allemagne et l'Autriche sur les affaires turques, de
tenir les alliés teutoniques " moralement responsables ".
Parlant hier, ayant examiné les données authentifiées en sa
possession, le Professeur Dutton a dit ne pas croire que quelque
chose se soit passé depuis de nombreux siècles "d'aussi terrible
que les actes calculés et systématiques de cette coterie
politique en Turquie – les Jeunes Turcs, dirigés par Enver Pacha
– et destinée à exterminer une race entière de gens. Tout le
plan consiste à faire disparaître les Arméniens ".
" Il y a seulement un jour ou deux, " a ajouté le Professeur
Dutton, " une jeune fille qui avait quitté la Turquie le 18 août
m'a appelé pour passer me voir. Elle m'a parlé du sort de 100
filles qui suivaient les cours de l'école d'une mission de
Turquie. Ces filles, qui étaient bien sûr, arméniennes, ont été
divisées en groupes, et celles qui étaient les plus belles selon
l'avis des officiers turcs furent mises à la disposition des
officiers. Celles considérées comme un peu moins belles ont été
abandonnées aux soldats tandis que celles qui étaient moins
séduisantes ont été mises en vente au plus offrant ".
Plusieurs Américains qui ont passé en Turquie plusieurs années
viennent récemment d'arriver ici. Ils attestent tous de la
vérité des rapports qui nous viennent de Turquie et qui
concernent le traitement des Arméniens, mais dans beaucoup de
cas, ils nos prient de ne pas donner leur nom, par crainte des
représailles des Turcs contre leurs parents ou leurs amis restés
en Turquie.
Les copies de deux lettres, dans lesquelles leurs auteurs
témoignent du sort qui est fait aux Arméniens, ont été remises
au New York Times hier par un homme concerné de près par la
situation des Arméniens.
Dans l'une d'elle, l'auteur dit entre autres choses :
" Vers la fin du mois de juillet, la situation militaire, sur le
front transcaucasien a pris un tour malheureux pour les forces
russo-arméniennes. Apparemment encouragés par les revers russes
en Pologne, les Turcs ont envoyé des gros renforts, quelques
40 000 hommes de troupe régulière sur le front arménien pour
engager une forte offensive.
Avant cela, la circonscription isolée, sur la rive orientale du
Lac de Van, avait été progressivement vidée des Turcs et des
Kurdes. Dans la dernière semaine de juillet, Tadvan et les
versants des monts Nimrud et Kerjur ont été pris par les
volontaires arméniens après des violents combats.
" A Urtab, Tukh et dans la vingtaine de villages arméniens
situés autour du lac, on a constaté que la population entière
avait été massacrée par les Turcs – pas une seule âme qui vive
n'a été trouvée dans ces villages, livrés aux hurlements des
chiens, tandis que de nombreux cadavres étaient rejetés par le
lac et les rivières.
" Ces cadavres, qui se sont tous révélés être ceux de personnes
de sexe masculin, étaient terriblement mutilés; par contre, rien
ne restait de ce qui pourrait rappeler la présence de femmes et
d'enfants. Dans la soirée du 20 juillet, les Arméniens se sont
emparés des hauteurs de Kerkur. Lorsqu'ils sont parvenus au
sommet, la ville de Bitlis leur est apparue en flammes, à leur
grande peine, et ils ont compris que le pire s'était produit.
Quelques femmes refugiées, qui étaient parvenues à échapper aux
gardes Turcs, ont depuis relaté l'histoire de massacres
monstrueux dans la ville et la déportation systématique des
femmes et des enfants.
Adressée à un Ministre bien connu de l'Eglise arménienne,
arrivée de Turquie par quelque voie mystérieuse tenue secrète,
une lettre qui est qualifiée de " fiable sans aucun doute ",
explique :
" ' Une Arménie sans Arméniens ' – tel est le plan du
Gouvernement ottoman, qui a déjà commencé l'installation de
familles musulmanes dans les maisons et les biens des Arméniens.
Il est inutile de préciser que les déportés ne sont pas
autorisés par le Gouvernement, de ne prendre aucun de leurs
biens avec eux, et comme il n'y a de toutes façons aucun moyen
de transport, réservés à l'usage militaire, ils sont contraints
de couvrir à pied le trajet de deux ou trois mois qui les
séparait des déserts destinée à devenir leur sépulture ".
60 000 ARMÉNIENS EN FUITE DEVANT LES TURCS
Le Nombre de Ceux Expulsés du Vilayet de Van
atteint probablement 100 000
RÉCITS RÉPÉTÉS DE MASSACRE
Les Kurdes auraient massacré 10 000 personnes et jeté leur corps
dans le Tigre et l'Euphrate.
Publié le 11 Août 1915
TIFLIS, Transcaucasie, 10 août, (Via Saint Petersburg et
Londres).- l'Evêque Arménien a reçu l'information selon laquelle
60 000 réfugiés arméniens sont arrivés à Igdir, à la limite
principale du Vilayet de Van. On s'attend à ce qu'ils aient été
au total 100 000 chassés de la seule ville de Van.
Un autre exode de Chrétiens de la Perse est également à
craindre.
Les Kurdes auraient massacré 10 000 Arméniens dans le vilayet de
Bitlis, jetant les corps des victimes dans les rivières Tigre et
Euphrate.
La guerre sur ce front a atteint un degré d'intensité inconnu
jusqu'ici, excepté dans la période de la victoire des Russes à
Sary-Kamysh.
B. Varazdate, un membre du Comité du Parti Social Démocratique
Arménien, écrivant à l'Humanité de Paris le 2 août, disait que
le comité avait reçu communication que les Turcs, après avoir
massacré la population de sexe masculin de Bitlis, avaient
rassemblé 3 000 femmes et enfants et les avaient conduits sur
les rives du Tigre, où ils les ont abattus, jetant les cors dans
la rivière.
Les rapports sur les massacres d'Arméniens en divers lieux ont
fréquemment été reçus au cours des quatre mois qui précèdent.
Six mille auraient été massacrés à Van en mai. Les missionnaires
américains de Van ont joué un rôle de premier plan dans la
protection des Arméniens contre les attaques turques et kurde.
L'HORREUR GRANDIT EN ARMÉNIE
Les Massacres sont plus importants que sous Abdul Hamid, selon
un reportage londonien
Câble Spécial au NEW YORK TIMES
Publié le 6 Août 1915
LONDRES, vendredi 6 août. Le Daily Chronicle dit :
" Un tragique épisode de la guerre; à l'est, est le massacre
systématique des Arméniens dans les vilayets d'Asie Mineure par
les Turcs et les Kurdes. A propos de l'échelle terrible de ces
massacres, plus grands qu'aucun de ceux qui s'étaient produits
sous Abdul Hamid, il n'y a à présent plus de place pour le
doute, et les déclarations faites la semaine passée par Lord
Bryce à la chambre des Lords ont été officiellement corroborées
par Lord Crewe.
" Dans certains cas, les Arméniens sont parvenus à se défendre.
Dans la ville de State, où Enver envoya son beau-frère avec une
mission d'extermination, les victimes se sont dressées après que
les massacres aient commencé; ils ont barricadé le quartier
arménien et ont contenu le siège des Turcs pendant quatre
semaines, jusqu'à l'arrivée du secours de l'armée russe. Mais à
part ce cas particulier et quelques exceptions, ils ont été
impuissants. Des dizaines et probablement des centaines de
milliers ont été abattus, et en nombre encore plus grand, ils
ont été déportés par la route sur des centaines de kilomètres
vers l'Anatolie de l'Ouest dans des conditions qui correspondent
à une extermination lente.
" Les Allemands, qui règnent en maîtres sur l'administration
centrale ottomane, la honte soit sur eux pour toujours, ont non
seulement permis, mais même encouragé ces horreurs. Les
puissances alliées ont notifié les officiels turcs qu'ils les
tiendront personnellement responsables, et à ce stade, ils ne
peuvent guère faire plus. Peut-être conviendrait-il que les
Américains élèvent une protestation, mais nous n'avons rien
entendu jusqu'à présent ".
Le Chronicle conclut en lançant un appel à l'aide humanitaire
privée britannique, citant le terrible état de ruine et de
dévastation qui a suivi les massacres turcs dans l'Arménie du
nord-est, décrits par télégraphe par Ayvadian, l'archevêque de
Van, et Aram, le Gouverneur de Van, au secrétaire honoraire de
la Croix Rouge Arménienne et au Fond de Réfugié :
"A côté de Van, les provinces de Chatakh, Moks, Spartkert,
Mamertank et Khizan sont sauvées. Les autres sont en ruines et
dévastées. Hommes, femmes et enfants sont massacrés. Vingt-mille
personnes sont sans abri. La famine et les maladies infectieuses
sont générales. Beaucoup de volontaires sont malades et blessés.
Malgré l'assistance reçue du Gouvernement russe et des Arméniens
du Caucase, il y a un grand besoin de médecins, de médicaments,
d'ambulances et de nourriture. La situation à Bitlis, Mouch et
Diarbékir est terrible. Nous demandons instamment une aide
immédiate ".
COMMUNICATION SUR DES FEMMES ET DES ENFANTS ABATTUS PAR LES
TURCS
Neuf Mille Arméniens Massacrés et Jetés dans le Tigre, selon une
communication reçue par le Comité Socialiste
Publié le 4 Août 1915
PARIS, 3 août.- B. Varazdate, membre du Comité Exécutif du Parti
Social Démocratique Arménien, écrivant à l'Humanité, le
quotidien socialiste, dit que le Comité a été informé du fait
que les Turcs, après avoir massacré toutes les personnes de sexe
masculin de la région de Bitlis, en Arménie turque, ont
rassemblé 9 000 femmes et enfants, les ont conduits sur les
rives du Tigre où ils les ont abattus; ils ont ensuite envoyé
leurs corps dans la rivière.
Ces informations n'ont été confirmées par aucune autre source.
La population arménienne de Cilicie, dans le vilayet turc
d'Adana, a elle aussi été sujette à persécutions, selon les
rapports du comité. Plus de 40 000 personnes sont déjà mortes et
on craint que les Arméniens, à Moucks et Diarbekr, dans le
Kurdistan, aient eux aussi été massacrées.
Vingt membres du Parti Social Démocratique, a dit M. Varzadate,
ont été pendus en public à Constantinople, après avoir été
accusés de souhaiter qu'une Arménie indépendante soit fondée.
MASSACRES SYSTÉMATIQUES DES ARMÉNIENS PAR LES TURCS
Lord Crewe Dénonce l'Influence des Allemands comme une
" malédiction absolue "
Publié
le 29 juillet 1915
LONDRES, 28 juillet.- Le Comte de Crewe, Lord Président du
Conseil, répondant aujourd'hui à la Chambre des Lords à une
question du Vicomte Bryce au sujet des tueries de Chrétiens en
Arménie par les Turcs, a dit que les informations reçues au
Foreign Office montraient que ces crimes s'étaient récemment
accrus non seulement en nombre mais par leur degré d'atrocité
également. Ils se déroulent à la fois, a déclaré Lord Crewe, par
le massacre et par les déportations, exécutés sous le couvert
d'une évacuation forcée. Ces mêmes crimes, a-t-il ajouté, ont
été commis par les Turcs à la frontière avec la Perse.
La présence des Allemands et l'influence qu'ils ont exercée ont
été, a continué Lord Crewe, " une malédiction absolue et
débridée à la fois pour les populations chrétiennes et
musulmanes. Elles ont fait montre du plus mépris la plus cynique
et le plus total pour le pays et pour le peuple qui l'habite ".
Lord Crewe a dit qu'il regrettait qu'il soit impossible dans
l'immédiat de prendre des mesures pour arrêter de telles
atrocités; mais que ceux qui en sont responsables devront à la
fin recevoir un juste châtiment.
LES TURCS TUENT LES CHRÉTIENS
Combats Féroces à la Suite du Refus de Quitter la Côte pour
l'Intérieur
Publié
le 23 juillet 1915
PARIS, 22 juillet.- Une dépêche d'Havas reçue d'Athènes rapporte
:
" Les autorités militaires turques, dans des avis reçus à Vurla,
(un port de Smyrne, dans le Golfe de Smyrne), ont donné l'ordre
aux femmes et aux enfants chrétiens de quitter la ville et
d'aller à l'intérieur. Beaucoup de résidents ont refusé d'obéir
à cet ordre, et un féroce combat a suivi, au cours duquel
beaucoup ont été tués.
" Le Gouvernement grec n'a reçu aucune réponse de la Porte à ses
plaintes officielles, relatives aux persécutions des Grecs dans
les territoires turcs. Le retard est attribué aux difficultés de
communications par le télégraphe.
" Quelques quotidiens pressent le gouvernement d'appliquer une
politique énergique à l'égard de la Turquie. "
FORTE PRESSION SUR LES TURCS EN ARMÉNIE TURQUE
Les Russes Attaquent 30 000 [Turcs] à l'Est de Bitlis – Encore
des Massacres d'Arméniens
Publié le 13 juillet 1915
TIFLIS, Transcaucasie, 5 juillet, (via Saint-Pétersbourg et
Londres, 12 juillet.) – Des reportages reçus des divers fronts
dans la campagne Russo-turque indiquent que de vifs combats se
sont produits récemment au nord et au sud du Lac de Van, en
Arménie turque, et au sud de Olti, en Transcaucasie, à
quatre-vingt dix kilomètres à l'ouest de Kars. Tous ces
affrontements auraient tourné à l'avantage des Russes. Selon ces
reportages, une force turque de 30 000 hommes, qui était
concentrés à l'est de Bitlis, près du Lac de Van, est soumise à
une forte pression des Russes.
Des massacres organisés d'Arméniens à Bitlis sont interprétés
comme une indication que les Turcs ont l'intention de se retirer
de cette position. Les Turcs ont distribué 40 000 fusils aux
Kurdes dans la vallée de Mouch pour les utiliser contre les
Arméniens. Malgré les massacres et les épidémies, les Arméniens
résistent courageusement. Leurs effectifs ont été renforcés par
l'arrivée de 160 volontaires arméniens d'Amérique.
LES TURCS EXPULSENT LES CHRETIENS DE LEUR PROPRE PAYS
Grecs et Arméniens Chassés de leur maison et Convertis par
l'Epée, Affirment des Américains
Publié
le 12 juillet 1915
ATHENES, 11 juillet, (Dépêche au London Morning Post.) Des
voyageurs américains arrivant de Turquie ont rendu compte de
témoignages sur le traitement des populations chrétiennes qui
confirment pleinement les rapports reçus ici et issus de sources
locales, selon lesquels les Chrétiens dans l'Empire Ottoman
n'ont jamais été soumis à de tels harcèlement et danger depuis
l'invasion de l'Empire Byzantin par les Turcs.
Arméniens et Grecs ensemble, deux nations indigènes et
chrétiennes de Turquie, sont systématiquement délogés de leur
maison en masse et conduits sommairement à des provinces
distantes, où ils sont dispersés par petits groupes dans les
petits villages turcs; on leur donne le choix entre accepter
immédiatement l'Islam ou mourir par l'épée ou de famine. La
possession de leur maison et de leur bien est prise
immédiatement par leurs voisins turcs ou par des immigrants de
Macédoine.
A travers les vilayets d'Erzeroum, Van, Bitlis, Diyarbekir,
Kharput, Sivas et Adana, les Arméniens ont été expulsés sans
pitié par dizaines de milliers et convoyés pour mourir dans
le désert près de Konia ou de Mésopotamie Supérieure ou le
désert Ibérien. Ces chiffres ne tiennent pas compte de milliers
d'autres massacrés par les Kurdes ou pendus sans procès par les
autorités à travers toute l'Arménie.
Ce n'est guère mieux pour les Grecs, excepté qu'ils ne sont pas
massacrés. Outre les cent quatre vingt milliers qui ont été
chassés de leur maison l'an passé en Thrace et dans le vilayet
de Smyrne, un nombre encore plus élevé, depuis que la Turquie
est entrée en guerre, ont été et sont encore arrachés de leur
village à travers la Thrace et l'Asie Mineure, et déportés dans
des circonscription purement turques, sans être autorisés de
prendre avec eux autre chose que les vêtements qu'ils portent.
Cinquante-six mille ont ainsi été expulsés de la Péninsule de
Gallipoli et des littoraux des Dardanelles, quinze mille des
Iles Pinkipo, quarante-deux mille de Thrace jusqu'aux faubourgs
de Constantinople, dix neuf mille de la province d'Izmit,
soixante mille de le vilayet de Bremussa et ce déracinement de
la population indigène s'accroît en étendue et en férocité.
Les hommes valides sont enrôlés dans l'armée turque, et les
autres réunis en petits groupes et distribués parmi les villages
d'Asie Mineure, en prenant soin de séparer les membres d'une
même famille et de séparer les femmes et les filles de leurs
amis et de leurs parents. Les enfants sont kidnappés sur la
route de cet exil affreux, pour être élevés comme des Musulmans,
et les filles sont données en des soi-disant mariages çà des
paysans turcs.
Les adultes qui restent ont le choix entre la mort ou
l'apostasie.
On peut dire que si la Turquie n'est pas mise à genoux très
vite, il ne restera plus aucun Chrétien dans l'Empire ottoman.
WILSON RASSURE SUR LE SORT DE L'" ARMENIAN "
Le Vapeur Etait " Engagé dans une Mission pour
l'Amirauté "Apprend le Président par l'Ambassadeur Page.
Publié le 2 juillet
1915
CORNISH, N.H., Premier juillet.- Le Président Wilson a été
informé cette nuit que l'Ambassadeur Page avait transmis à
Washington une information de l'Amirauté britannique selon
laquelle le vapeur Armenian, coulé lundi par un sous-marin
allemand, occasionnant des pertes de vies d'Américains, était
" engagé dans une mission pour l'Amirauté, " l'annonce a été
interprétée comme susceptible d'atténuer le risque de
complications relatif à l'incident, et en conséquence, la
tension ici a baissé.
Le Président s'en tient à sa politique de refus de discuter le
coulage du vaisseau, mais la nouvelle de son départ immédiat
pour Washington, entendue tôt dans la journée, n'était pas en
ligne avec les dernières déclarations de l'Ambassadeur Page. M.
Wilson a continué, cependant, de se tenir prêt à rentrer à
Washington, si une quelconque urgence le rendait nécessaire.
Il a été indiqué ici ce soir que l'enquête sur le naufrage de
l'Armenian serait continuée, afin d'établir tous les faits
relatifs à l'autorisation du vaisseau signalée par Newport News
et le statut des muletiers disparus à la suite de son
torpillage. Le Président, a-t-on compris, restera attentif
jusqu'àce que les faits soient clarifiés avec certitude.
M. Wilson a obtenu les informations concernant l'Armenian plus
tardivement qu'il ne reçoit normalement des nouvelles
officielles, parce que le courrier a été employé pour
transmettre les dépêches plutôt que le télégraphe ou le
téléphone. Dès demain, cependant, on attend du secrétaire
Lansing qu'il l'informe complètement sur la question qui se
pose: les faits rapportés concernant l'Armenian placent-ils
l'incident dans la classe légitimant la protestation des
Etats-Unis auprès de l'Allemagne?
Le Président n'a pas encore été fixé sur le statut des muletiers
américains tués, et sur le fait qu'ils se trouvaient être ou ne
pas être des employés du Gouvernement britannique. S'il est
établi que le bateau a été mis en réalité au service de la
Grande - Bretagne et s'il transportait du matériel de guerre en
fraude, on ne peut pas le considérer comme " un navire marchant
non armé " au sens employé par le Président dans sa note à
Berlin.
On attend de l'Allemagne qu'elle fournisse une explication sur
la raison du torpillage de l'Armenian, ainsi que sur la façon
dont l'Allemagne conçoit son statut, et cette explication sera
entendue en tenant compte d'autres faits avant que le Président
ne se persuade de la nécessité d'adresser ou non une nouvelle
protestation.
Le Président attend encore des indications sur le délai au bout
duquel on peut espérer de l'Allemagne qu'elle réponde à la
dernière note américaine sur les attaques sous-marines
allemandes de vaisseaux marchands. Du fait du voyage à
l'étranger du Dr Anton Meyer-Gerhard porteur de dépêches de
l'Ambassadeur von Bernstorff, M. Wilson a compris qu'il y aurait
un certain retard à la réception de la réponse, mais il espère
qu'elle arrivera maintenant dans un avenir proche.
Après avoir consacré plusieurs heures aujourd'hui aux tâches de
sa fonction officielle, le Président a coiffé un chapeau en
caoutchouc et a longuement marché sous la pluie avec le Dr Cary
T. Grayson dans les bois entourant Harlakenden House.
LES RUSSES AVANCENT AU SUD DU CAUCASE
L'Influence Turque Recule en Arménie et en Perse
– Des Fournitures Médicales sont Nécessaires
Publié le 28 juin 1915
TIFLIS, Transcaucasie, 24 juin, (via Saint-Pétersbourg et
Londres, 21 juin.) – L'occupation par les Russes de Gob, une
ville à quarante kilomètres au nord du Lac de Van, et un
mouvement des forces russes vers Bitlis, Arménie, où les armées
de deux commandants ont été concentrés, manifeste l'amélioration
dans le Caucase du point de vue des Russes.
Les deux villes mentionnées sont reliées par plusieurs routes
relativement en bon état. Les activités récentes ont grandement
diminué en nombre les forces turques occupant cette région. Il y
a eu un affaiblissement marqué de l'influence turque et
allemande accompagné d'une montée du sentiment de la présence
des russes au nord et au centre de la Perse; le moral qui règne
au sein de certaines sectes musulmanes le confirme. Diverses
tribus isolées des montagnes se rallient aux Russes par des
déclarations d'allégeance.
Avec un seul médecin pour 40 000 personnes, parmi lesquelles
celles qui ont désespérément besoin d'assistance médicale sont
nombreuses, et tandis que la fourniture habituelle de
médicaments et toute communication avec les Etats-Unis sont
interrompues, le Révérend Dr Clarence D; Ussher de la station
missionnaire de Van, Arménie, des Membres du Conseil Américain
pour les Missions Etrangères, demande qu'une assistance
immédiate soit envoyée sur place.
Du côté des femmes missionnaires à Van, Mlle Grisell McLaren, de
la Mission Américaine, et Sœur Martha de la Société d'Aide
Allemande pour la Charité Chrétienne en Orient, qui servaient
volontairement à l'Hôpital Turc, ont suivi cette institution
jusqu'à sa possible destination de Bitlis, une centaine de
kilomètres à l'ouest de Van; on est sans nouvelles précises pour
ce qui les concerne. Tout va bien pour les autres missionnaires
de Van.
LES TURCS A NOUVEAU OPÉRATIONNELS DANS LE
CAUCASE
Ils Ont Compensé leurs Lourdes
Pertes en Hommes et en Munitions
Publié le 21 Juin 1915
TIFLIS, Transcaucasie, 19 juin, (via
Saint-Pétersbourg et Londres, 20 juin.) – Les opérations dans
les Dardanelles n'ont apparemment pas d'effet sur l'activité des
Turcs sur le front du Caucase. Ils informent avoir remplacé dans
un temps relativement court le Neuvième Corps d'Armée, qui a été
capturé par les Russes à Sarikamish. Ils ont aussi reconstitué
et fourni en munitions les Dixième et Onzième Corps, qui avaient
été sérieusement réduits en nombre par les combats et la
maladie.
La principale concentration turque se forme
devant la ligne Olti, Melo et Kiskin, à l'extérieur de laquelle
le Premier et le Sixième Corps et le reste de l'armée d'Halil
Bey, qui avait été défaite à Dilman, sont à présent stationnées.
En plus de l'objectif de s'opposer aux Russes de les déborder à
Erzeroum, les Turcs entreprennent maintenant des manœuvres
offensives. Les meneurs kurdes qui étaient responsables des
massacres d'Arméniens dans le district de Van se sont
volontairement rendus aux Russes et sont conduits vers l'arrière
avec leurs subordonnés.
CITATION DE MAZZINI
Guérilla en Arménie
Publié le 18 juin 1915
A l'éditeur du NEW YORK TIMES :
C'est une règle établie du droit international que la protection
n'est jamais ouverte aux individus privés qui prennent part à la
guerre et aux bandes de guérilléros hostiles non vêtus de
l'uniforme. " Ceux-là sont considérés comme hors-la-loi, et
beaucoup peuvent être punis par un belligérant comme des voleurs
ou des assassins. " (Halleck- Droit International et Lois de la
Guerre, 386.)
Que les Arméniens à Hosrova ont violé les lois de la guerre en
menant une guerre privée contre l'armée d'invasion turque est
admis dans les déclarations faites par Elisabeth Marcara, et
publiées dans le NEW YORK TIMES : " Quand les Kurdes (dans la
présente guerre, ils constituent une partie des forces armées de
Turquie et sont dirigés par des officiers turcs) ont ouvert le
feu sur les portes du village, " dit Mlle Macara, " nous avons
pris nos fusils et sommes montés sur le toit. J'ai tiré quatre
vingt cartouches. Les Kurdes ont été forcés de se retirer en
dehors des murs village. Là j'en ai tué deux et David en a tué
deux. Plus tard, nous en avons tué quatre de plus, parmi
lesquels figurait leur chef […] le combat a duré trois heures
[…] et tout cela arriva après que les Russes aient évacué la
place.
S'agissant du traitement qu'ils pourraient recevoir de l'armée
américaine en pareille circonstance, je m'en réfère aux
" Instructions pour le Gouvernement des Armées des Etats-Unis en
Campagne " N° 100, sec. 82, 24 avril 1863 qui stipule : Les
hommes faisant partie d'escouades ou les hommes qui commettent
des actes hostiles […] alors qu'ils ne font pas partie de
l'armée organisée hostile, et qui ne prennent pas part à la
guerre de façon permanente […] sont des ennemis publics et par
conséquent, s'ils sont capturés, ne sont pas fondés aux
privilèges de prisonniers de guerre, mais seront traités
sommairement comme des voleurs de grands chemins ou des
pirates. " (Moore, revue de Droit International, Vol.VII.,
P.174.) A.S. Columbia University. New York, 8 juin 1915.
PILLAGE A CONSTANTINOPLE ?
Des Reportages à Rome disent que les Turcs Pillent les Maisons
Chrétiennes
Publié le 17 juin 1915
Télégramme Spécial au NEW YORK TIMES.
ROME, 16 juin, - L'Idea Nazionale décrit la situation à
Constantinople sous les couleurs les plus sombres. Il rapporte
que les stocks de nourriture, de médicaments, et de munitions
s'épuisent, que la fièvre typhoïde se développe, que beaucoup
d'établissements ont été contraints de fermer du fait du manque
de charbon, tandis que la flotte est immobilisée. Il dit que les
maisons de Chrétiens, celles des Grecs en particulier, ont été
méthodiquement mises à sac sans aucune tentative du Gouvernement
d'arrêter le pillage, et que les Chrétiens qui essaient de
quitter la ville , prenant avec eux tous leurs biens précieux
qu'ils peuvent emporter, sont attaqués et volés par les soldats
turcs.
Vingt cinq notables musulmans de Smyrne ont envoyé un télégramme
à Talaat Bey, le suppliant dans l'intérêt suprême du pays, de
conclure une paix séparée avec les Alliés.
LES ALLIES PUNIRONT LES TURCS QUI ASSASSINENT
La Porte est Notifiée que les Chefs du Gouvernement Doivent
Répondre des Massacres d'Arméniens
Publié le 24 Mai 1915
LONDRES, 23 mai. – Dans une mise en garde officielle conjointe,
rendue publique aujourd'hui, la Grande Bretagne, la France et la
Russie, déclarent :
" Au cours du mois précédent, les populations kurde et turque de
l'Arménie se sont livrées au massacre d'Arméniens avec la
connivence et l'aide des autorités ottomanes. De tels massacres
se sont produits vers la mi-avril à Erzeroum, Dertchun, Mouch,
Zeitoun et dans toute la Cilicie.
" Les habitants de près de cent villages près de Van ont tous
été assassinés. Dans la ville proprement dite, le quartier
arménien est assiégé par les Kurdes. Au même moment, le
Gouvernement Ottoman à Constantinople de déchaîne contre
l'inoffensive population arménienne .
" Devant ces nouveaux crimes commis par la Turquie, les
Gouvernements alliés annoncent publiquement à la Sublime Porte
qu'ils tiendront tous les membres du Gouvernement, y-compris
ceux de ses agents qui y sont impliqués, comme personnellement
responsables desdits massacres. "
.
MASSACRES A GRANDE ECHELLE
Turcs et Kurdes ont tué par Milliers depuis le Début de la
Guerre
L'une des premières étincelles de la guerre européenne qui a
attisé les flammes en Orient a été celle de l'ancienne haine qui
oppose, en Turquie d'Asie et en Perse, les Arméniens chrétiens
aux Turcs et Kurdes mahométans.
Vers le milieu du mois de février, des récits du massacre des
Arméniens ont commencé à arriver en Amérique, et les jours de
1895-96, lorsqu'être un Arménien chrétien était un danger
permanent, sont revenus dans les mémoires.
[ Sur une version du télégramme reçu au Département d'Etat
américain, et sur la mention du concept de crime contre
l'humanité, voir la discussion
http://middleeast.about.com/od/turkey/qt/me090318.htm
en anglais, Ndt]
L'ARMEE TURQUE EN DEROUTE
POURSUIVIE PAR LES RUSSESLES
RUSSES SAUVENT LES ARMENIENS
Les Troupes Arrivent à Van et Mettent Fin au Siège des Turcs
Publié le 25 mai 1915
TIFLIS, Transcaucasie 23 mai. (via Saint-Pétersbourg, 24 mai.) –
Un détachement de soldats russes a occupé la ville de Van, en
Turquie asiatique, prêtant main forte aux Arméniens, qui étaient
assiégés ici par les Turcs. A l'arrivée des Russes, les Turcs
ont fait retraite en direction de Bitlis.
Van, en Arménie turque, et Ourmiah, en Perse, ont été les cadres
de persécutions et d'attaques sur les Arméniens par les Turcs et
les Kurdes depuis plusieurs mois. La situation est devenue si
grave que les puissances en Europe ont adressé des protestations
à la Turquie, disant que les dirigeants turcs seraient tenus
personnellement responsables des actes horribles commis sur les
Arméniens.
HAYES EST PORTEUR DE DEPECHES
Le fils de l'Ex-Président Apporte des Messages de la Russie à
Washington
Scott R. Hayes, le fils du précédent président Ruther B. Hayes,
est arrivé tard la nuit passée de Copenhague sur le paquebot
United-States de la ligne Scandinavie-Amérique avec des dépêches
de l'Ambassadeur des USA à Saint-Pétersbourg pour le Département
d'Etat à Washington.
Il était accompagné de Mme Hayes et prendra la route pour la
capitale aujourd'hui.
6000 ARMÉNIENS
TUÉS
Atrocités turques et kurdes à Van – semblables à celles de 1895
Publié le 18 Mai 1915
Londres 18 mai
1915 – six mille Arméniens ont été massacrés à Van en
Arménie, selon une dépêche reçue aux services administratifs à
Londres aujourd’hui, du consul russe à Urmiah, Perse. Ce message
est daté du 15 mai.
Il ajoute que les Arméniens se sont défendus âprement contre eux
mais qu’une aide urgente est requise.
L'ARMEE TURQUE EN DEROUTE
POURSUIVIE PAR LES RUSSES
Les Arméniens Tiennent Van Contre les Turcs et les Kurdes - Les
massacres de Villageois Continuent
Publié le 6 mai 1915
TIFLIS, Transcaucasie 3 mai.- La poursuite de
l'armée défaite turque sous le commandement de Khalil Bey, dans
la région du Caucase de Khori-Dilman, continue, selon des avis
fiables arrivés à Tiflis.
Ce combat qui a résulté en des pertes lourdes
pour les Turcs a commencé le 29 avril à Hantahta, près
d'Ourmiah. Au début, les Russes ont été arrêtés par les Turcs,
mais ces derniers ayant reçu des renforts, et le 30 avril, les
Russes ont abandonné Dilman et se sont retranchés à Magonzhio,
le premier village en direction de Khori. Depuis cette position,
ils ont pilonné les Turcs de tirs d'artillerie lourde jusqu'à
l'arrivée de renforts russes.
Trois cents réfugiés de Dilman sont arrivés à
Djoulfa, juste au-delà de la frontière russe, et 1 200 autres
sont en route. Le Consul de Russie ici prend des mesures pour
empêcher que les réfugiés d'Ourmiah et de Dilman n'entrent dans
le Caucase.
Nersus, l'Evêque de Tabriz, en Perse, est
arrivé ici. Il dit de la situation à Van qu'elle est désespérée.
Huit cens Turcs, et un grand nombre de Kurdes sont en action
là-bas, détruisant les villages arméniens. Des trois cents
habitants de Rashva, trois seulement en ont réchappés. Les
Arméniens, selon l'Evêque, espèrent encore une intervention
diplomatique américaine et italienne.
A Van, où il y a un mois, les Arméniens ont
été forcés d'organiser leur défense et ont barricadé la ville,
ils tiennent tête aux Turcs et aux Kurdes depuis une semaine.
Quatre régiments turcs, équipés d'artillerie, avancent vers ces
Arméniens depuis Erzingan. Ils sont également menacés par des
gendarmes de la frontière perse.
On craint que l'histoire de 1895 et 1896 ne
se répète.
(Au cours de ces années, des réformes pour
l'Arménie ont été demandées à la suite d'une série d'actes de
répression de la part de la Turquie. La présentation de ces
réformes par les Etats de l'Europe a été suivie de terribles
massacres d'Arméniens, qui commencèrent en septembre 1895 et se
poursuivirent en 1896).
Il est déclaré en Arménie que les Jeunes
Turcs ont adopté la politique poursuivie par Abdul Hamid en
1905, en fait l'annihilation des Arméniens.
L'état de terreur qui existe a empêché les
semailles et une famine est à craindre. Dans la ville
d'Erzeroum, en Arménie turque, on compte aujourd'hui 300 cas de
fièvre typhoïde.
DANS L'ATTENTE DE L'EXPULSION DES KURDES
Des Milliers de Chrétiens Veulent Retourner en Perse
Publié le 2 mai 1915
TIFLIS, Transcaucasie 27 mars, (correspondance d'Associated
Press) – Plusieurs milliers des habitants assyriens de la région
à l'ouest du lac d'Ourmiah ont dû s'enfuir avant l'arrivée des
pillards kurdes. Quelques 45 000 à 50 000 de ces gens occupaient
il y a quelques mois les jardins souriants des rives du lac. A
présent, 12 000 sont réfugiés en Russie et quelques 15 à 17 000
ont trouvé refuge sous la protection du Dr Harry P. Packard de
la Mission Presbytérienne Américaine à Ourmiah. Ses efforts
réussis en leur faveur ont déjà été décrits par Télégramme. Son
nom lui survivra dans les traditions assyriennes.
Les membres du Comité Central des Chrétiens Assyriens et
Chaldéens n'attendent qu'une chose, le retour des Russes, pour
se mettre à la tâche de la reconstruction, en une communauté en
sécurité, ce qui subsiste de l'ancien Empire de Ninive. Les
administrateurs se sont enfuis avec leur famille. Ils ne peuvent
aujourd'hui qu'espérer que quelques uns de leurs parents
pourront être libérés de l'état d'esclavage dans lequel les
Kurdes les ont mis. Ceux qui n'ont pu s'enfuir, ou qui n'ont pas
été pris pour être des esclaves, ont péri.
Les administrateurs parlent l'anglais, couramment; c'étaient à
une époque des marchants prospères. C'était avant que leur
petite tribu aient été pris dans l'engrenage de la grande
guerre.
Jusqu'à ce que les missions américaines aient été établies dans
le pays d'Ourmiah, les Assyriens maintenaient leurs traditions
religieuses par la lecture deux fois par an d'une demi-douzaine
de parchemins sacrés sur le Nouveau Testament, prenant en outre
la précaution d'exiger de leurs jeunes les plus doués qu'ils
mémorisent leur littérature sacrée dans sa totalité. Avec les
écoles et les hôpitaux des missionnaires, le savoir et la
prospérité se sont accrus. Les villages assyriens furent tout
autant réputés pour la netteté et leur confort que leurs jardins
l'étaient pour leur fertilité. Un supplément d'encouragement et
de protection leur a été apporté par les Russes , qui sont
arrivés dans le pays il y a environ neuf ans.
" Les Assyriens ont pris fait et cause avec les Russes dans
cette guerre, tandis que les Mahométans se sont retournés vers
les Turcs et l'Allemagne. Organisés et entraînés par les
officiers russes, les Assyriens leur ont rendu des services
appréciables en fortifiant quelques uns de leurs villages et en
contrôlant la route des convois vers Ourmiah. Près de 250
étaient régulièrement enrôlés, le Comité Central leur
fournissant les fonds. Par la suite, 2 000 à 3 000 volontaires
étaient sous les armes et avaient reçu quelque formation.
Vers la fin de décembre, les Russes et les Assyriens ont défait
un corps important de Kurdes, leur infligeant des pertes
estimées à 500.
Fuyant avant de subir un massacre, 3 000 Assyriens se sont
réunis dans un village fortifié, Geogtapa, et ont tenu cinq
jours, perdant soixante et quinze hommes.
LES KURDES REPRENNENT LES MASSACRES
Les Attaques contre les Chrétiens en Arménie deviennent violents
Publié le Premier mai 1915
JULFA, Transcaucasie 29 avril, (via Petrograd et Londres, 30
avril) - Une reprise des massacres récents de Chrétiens en
Arménie est en cours dans toute la circonscription du Lac de
Van.
Les conflits entre les Arméniens et les Kurdes sont quotidiens
et deviennent de plus en plus acharnés.
Un engagement d'une rare violence s'est produit aujourd'hui à
Shatasch.
APPEL A LA TURQUIE D'ARRÊTER LES MASSACRES
L’Ambassadeur
Mongenthau a été chargé de faire des démarches à la requête de
la Russie.
Publié le 29 Avril 1915
Washington, 27
avril – Un appel au secours pour les Chrétiens arméniens de
Turquie, suite aux massacres signalés, et menaces d’autres
atrocités, a été transmis au Gouvernement turc aujourd’hui par
les Etats Unis.
Agissant à la requête du Gouvernement russe, soumise par
l’Ambassadeur Bakhmeteff, le Secrétaire Bryan a câblé à
l’Ambassadeur Morgenthau à Constantinople de faire des démarches
auprès des autorités turques leur demandant que des mesures
soient prises pour la protection des Arméniens en péril, et pour
empêcher la récurrence des violences religieuses.
L’Ambassadeur Bakhmeteff a appelé le Département d’Etat tard
dans la journée avec une dépêche de son gouvernement, qui
comportait un appel à l’aide au Président des Etats Unis,
transmis par le Gouvernement russe, et lancé par le Catholicos
de l’Eglise arménienne d’Etchmiadzine, au Caucase.
"La requête du chef de l’Eglise arménienne à ce gouvernement,
transmise par l’Ambassadeur russe", dit le Secrétaire Bryan, est
le premier avis officiel que le Service à reçu au sujet des
massacres arméniens. Notre action a été prise comme mesure
d’humanité."
L’Ambassade russe aujourd’hui a produit une traduction d’un
discours récent du Ministre des Affaires Etrangères de la Douma,
dans lequel était expliquée la présence des troupes russes en
Perse. Le Ministre des Affaires Etrangères a dit :
"La présence de nos troupes dans le territoire perse ne
constitue nullement une violation de la neutralité persane. Nos
détachements ont été envoyés dans ce pays il y a quelques années
pour le but précis d’établir et de maintenir l’ordre dans les
kazas contigus à nos possessions, de très haute importance pour
nous, et aussi pour empêcher la saisie de quelques-uns de ces
kazas par les Turcs qui s’efforcent ouvertement de créer pour
eux-mêmes, spécialement à Urumiah, une base pratique pour des
opérations militaires contre le Caucase. Le gouvernement perse,
n’ayant pas le pouvoir de maintenir sa neutralité, a répondu aux
violations turques de cette dernière par des protestations, qui,
cependant, n’ont eu aucun effet".15
La Turquie interdit la Croix Rouge
La Turquie ne permettra pas à l’Amérique d’aider les victimes
arméniennes.
Le 29 avril 1915
Le
gouvernement turc a informé le Département d’Etat à Washington
que la Croix Rouge ne sera pas autorisée à envoyer des
chirurgiens et des infirmières au secours du peuple arménien de
l’empire turc. Ce sont non seulement les chirurgiens, les
infirmières et leurs assistants, qui sont interdits en Turquie,
mais aussi tous les autres étrangers, étrangers dans ce cas
signifiant sans aucun doute les ressortissants des pays neutres.
Le Département d’Etat a informé Ernest T. Bicknell et Miss Mabel
Boardman, Directrice du personnel administratif de la Croix
Rouge Américaine, de la décision de la Turquie, et Miss Boardman
a communiqué l’information au Docteur
M. Simbad Gabriel, du 410 West Twenty-third Street, de notre
ville, Président de l’Association Générale Générale Arménienne
Progressiste de notre pays.
Il y a quelques semaines, le Docteur Gabriel avait écrit à Miss
Boardman au sujet des atrocités commises envers les Arméniens
par les Turcs. Il avait demandé à la Croix Rouge Américaine
d’envoyer des médecins et des infirmières en Turquie pour venir
en aide aux victimes. Dans sa lettre, le Dr. Gabriel disait :
« Une centaine d’infirmières et médecins de la Croix Rouge
Américaine peuvent opérer des miracles là-bas, non seulement
grâce au pain et aux médicaments qu’ils vont donner, mais en
vertu de leur présence personnelle ». Il suggérait également que
les Arméniens de notre pays puissent rassembler 50 000 dollars
pour les frais de la Croix Rouge.
Informant le Dr. Gabriel de l’impossibilité d’envoyer l’aide de
la Croix Rouge, Miss Boardman, écrivant de Washington en date du
16 octobre, disait :
« Votre lettre du 21 septembre est arrivée durant mon absence de
Washington.
A mon retour j’ai fait des enquêtes concernant la possibilité
pour la Croix Rouge Américaine d’envoyer des chirurgiens et des
infirmières pour l’aide aux Arméniens si les Arméniens
d’Amérique collectaient des fonds pour ce but. Mr. Bicknell
soumit l’affaire au Département d’Etat, et après enquête nous
avons appris que le gouvernement turc avait refusé d’autoriser
tout personnel étranger à entreprendre ce
travail. En conséquence, il nous serait impossible de le faire,
à notre grand regret, même si l’argent était rassemblé.
Nous trouvons aussi difficile actuellement, presque impossible
en fait, d’envoyer des provisions en Turquie, tout est dans une
situation épouvantable en Europe. Nous avons notifié à ceux qui
le désirent d’envoyer leurs contributions pour la Croix Rouge
arménienne à la Croix Rouge américaine qui les transmettra par
l’intermédaire de notre Ambassadeur américain à Constantinople,
car il semble que ce soit la seule méthode à présent d’aider la
population arménienne. Nous pouvons seulement espérer que cette
situation prenne fin sous peu. Elle empire tellement de jour en
jour qu’il semble qu’elle ne puisse pas durer longtemps.
« La lettre de Miss Boardman », a dit hier le docteur Gabriel,
« parle d’elle-même, et je pense qu’aux yeux de toutes les
personnes ayant des préjugés, elle va apporter une preuve
convaincante de la réalité des histoires terribles qui arrivent
de Turquie
en ce qui concerne la persécution, le meurtre et la torture
exercés sur le peuple arménien. Peut-être que le Président
pourrait adresser une requête personnelle aux autorités de
Constantinople, afin que la Croix Rouge américaine soit
autorisée à entreprendre cette mission charitable à l’égard du
peuple arménien qui est victime de la plus grande et plus
systématique série de massacres rapportés par l’histoire. »
LES TURCS DERRIERE LES RECENTS MASSACRES
KURDES
La Troupe a Laissé les Kurdes Tuer des Gens par Centaines,
Rapporte la Mission Américaine
LA RUSSIE EST LE SEUL ESPOIR
Seule l'Occupation de la Perse Peut Rétablir la Situation,
écrit un missionnaire
Publié le 29 avril 1915
Plus de 800 Chrétiens de la population originaire de la région
ont été massacré par les Kurdes, et pas moins de 2 000 sont
morts de maladie à Ourmiah, en Perse, selon l'information reçue
hier du Conseil Presbytérien de Foreign Missions. Les soldats
turcs sont accusés de prendre part aux massacres ou de les
permettre. Deux lettres ont été reçues, envoyées par le Dr W.S.
Vanneman, chef de l'Hopital de la Mission Presbytérienne de
Tabriz,, qui est le président du comité d'aide constitué par le
Consul d'Amérique. Du fait d'une censure rigoureuse, c'est à sa
femme qui se trouve à Salem, New Jersey, que le Dr Vanneman a
écrit, plutôt qu'au conseil lui-même. Sa lettre a été transmise
au conseil par Mme Vanneman, Dans une lettre du 14 mars, le Dr
Vanneman écrivait:
" Il y a a environ dix jours, les Kurdes, à Salmas, avec la
permission des troupes turques, ont groupés tous les Nestoriens
et Arméniens de sexe masculin qui étaient encore là; o évalue
leur nombre à 800 environ,. Quatre cents ont été emmenés à
Khosrova et quatre cents à Haft Dewan, où on leur a fait croire
qu'ils recevraient du pain. Ils se sont tenus là quelques jours
puis ensuite ont tous été torturés et massacrés. Beaucoup de
femmes et d'enfants ont été emmenés et soumis à des mauvais
traitements. Cela s'est passé un jour ou deux avant que l'armée
russe ait pris Salmas dans son avancée.
" Nous sommes très inquiets pour le sort d'Ourmiah, Une lettre
datée du Premier Mars envoyée par le Dr Shedd ( Le Révérend Dr
W.A. Shedd, de Marietta, Ohio) a été apportée par un messager il
y a deux jours. On y lit que les choses deviennent pire.
Gulpashan, qui jusqu'à présent n'avait pas été exposée aux
attaques de Kurdes, parce qu'on ne les avait pas combattus, a
été pillée et mise en ruines. Je pense que c'était le dernier
village intact qui restait. Cinquante et un des hommes les plus
en vue de ce village ont été emmenés au cimetière à la nuit et
abattus. Les femmes et les filles qui n'ont pu s'échapper ont
été violées. Ces faits sont ceux des soldats turcs.
' Quarante hommes ont été enlevés de la Mission Catholique
Romaine d'Ourmiah-ville, gardés prisonniers quelques jours, puis
emmenés à la nuit hors de la ville et abattus.
" Le Dr Shedd a demandé au Consul Américain de Tabriz de se
rendre à Ourmiah, mais après consultation avec trois autres
Consuls ici, il a été décidé qu'il serait impossible d'y
parvenir. M. Paddock a télégraphié à tous les destinataires
possibles pour obtenir de l'aide. Nous ne pouvons rien faire de
plus.
" Nous avons entendu, mais nous ne savons pas s'il est exact que
la mission à Ourmiah a été forcée de payer 40 000 dollars de
rançon pour les réfugiés, et nous craignons que cela soit vrai.
Le Dr Shedd écrit que pas moins de 800 personnes ont été
assassinées à Ourmiah et que pas moins de 2 000 sont mortes de
maladie. Cela ne concerne uniquement que les Chrétiens. Cela
représente un pourcentage très important: plus de la moitié des
Chrétiens se sont enfuis en Russie. "
' Dans une lettre datée du 21 mars, le Dr Vanneman a écrit:
" Nous sommes plus inquiets que jamais pour ce qui concerne
Ourmiah. Le 17, les troupes turques ont attaqué notre mission et
la Mission Catholique Romaine; ils ont emmené cinq prêtres
d'origine russe et leur ont fait subir des mauvais traitements.
Nous ne savons toujours pas s'ils ont été tués. M. Allen a été
lui aussi soumis à des mauvais traitements parce qu'il avait
dépêché trois messagers. Les portails de la Mission Catholique
ont été incendiés et tous ont été en grand danger. Nous avons
reçu une lettre de l'Ambassadeur Morgenthau qui nous dit que des
ordres ont été donnés à Ourmiah pour que les Chrétiens soient
protégés, mais l'ordre n'est arrivé que trop tard. Nous nous
efforçons d'éloigner d'Ourmiah tous les Chrétiens.
" Quelques uns des prêtres chrétiens originaires d'Ourmiah ont
été crucifiés et d'autres brûlés, mais ces derniers étaient
membres d'autres confessions.
" Si les troupes russes devaient être à nouveau retirées, tous
les Chrétiens devront quitter Tabriz. Nous avons reçu un secours
de 86 000 dont nous avons déjà dépensé au moins 15 000 dollars.
Si les personnes doivent être déplacées d'Ourmiah, et ensuite
alimentées, vous pouvez imaginer ce que cela coûtera.
" Je ne pense pas que la situation réelle soit comprise en
Amérique. C'est pratiquement l'extermination des Syriens
(Nestoriens); et pour les Arméniens, cela va également très mal.
Le seul espoir, c'est l'occupation par la Russie. "
INTERVENTION DE MORGENTHAU
L'Ambassadeur Exprime de Vives Inquiétudes sur le Sort des
Arméniens
Exclusivité du New York Times
Publié le 29 avril 1915
WASHINGTON, 18 avril .- L'Ambassadeur Morgenthau à
Constantinople a informé aujourd'hui le Secrétaire d'Etat Bryan
qu'avec d'autres membres du corps diplomatique de la capitale
turque, il avait transmis au Gouvernement ottoman les
protestations du Catholicos, chef de l'Eglise Arménienne grecque
d'Etchmiadzin, au nom des Chrétiens arméniens qui ont été
massacrés par les Turcs et les Kurdes dans la région
transcaucasienne. George Bakhmeteff, Ambassadeur de Russie aux
USA, a pris contact hier avec le Secrétaire Bryan et lui a remis
le message que le Catholicos avait envoyé en Russie et que le
Gouvernement russe a demandé au Gouvernement des Etats-Unis de
présenter au Gouvernement turc.
Le Secrétaire Bryan a déclaré aujourd'hui qu'il apparaissait que
le message qu'il avait envoyé hier à l'Ambassadeur Morgenthau
s'était croisé avec le message que l'Ambassadeur Morgenthau
avait envoyé, montrant qu'il avait déjà abordé ce sujet auprès
de l'autorité qui convient. Le câble-gramme de l'Ambassadeur
Morgenthau expliquait que le sort des Arméniens inspire une vive
inquiétude au Proche-Orient. Le message ne mentionnait pas
explicitement les massacres tels qu'ils sont rapportés et ne
comportait aucun détail, mais il assurait au Secrétaire Bryan
que la question était prise avec vigueur auprès des autorités
ottomanes.
LES KURDES MASSACRENT ENCORE PLUS D'ARMENIENS
Tous les Habitants de Dix Villages Près de Van Auraient été Tués
UN APPEL EST ENVOYE AU PRESIDENT WILSON
Par le Chef de l'Eglise – Preuves d'Outrages Effrayants Vus dans
les Camps Désertés
HISTOIRE D'UN GRAND EXODE
Fuite de Perse Pleine de Souffrances pour des Milliers de
Personnes qui ont Echappé à l'Epée
Publié
le 26 avril 1915
TIFLIS, Transcaucasie, 24 avril, (via Petrograd et Londres, 25
avril.).- Des réfugiés qui sont parvenus à atteindre la ligne de
front russe rapportent que le massacre des Arméniens par les
Mahométans se poursuit à une échelle même encore plus grande..
Ils disent que tous les habitants de dix villages près de Van,
en Arménie, en Turquie asiatique, ont été mis à mort.
Informé des massacres à Erzeroum, Berjan et Zeitoun, ainsi que
la situation à Van, le Catholicos, chef de l'Eglise Arménienne,
à Etchmiadzin, près d'Erevan, a envoyé au Président Wilson un
télégramme contenant un appel au peuple des Etats-Unis au nom
des Arméniens.
Robert M. Labaree, un missionnaire américain à Ourmiah, en
Perse, qui a visité les villages serbes et qui a recueilli les
réfugiés, dit avoir trouvé en eux une humanité aussi large que
leurs moyens sont limités. Les chefs de village et les
représentants des organisations caritatives ont distribué huit
livres de farine pour chaque réfugié en six semaines.
Associated Press a reçu des rapports sur le massacre de 800 des
villageois d'Urza et de 720 de ceux de Salmas. La crainte
douloureuse qui concernait les 15 000 survivants d'Urza s'est
confirmée au cours d'un voyage passant par Salmas. Trois
semaines n'ont pas suffi à oblitérer les signes du carnage. Des
mares de sang marquaient encore l'emplacement des exécutions à
Haftevan. Les couvre-chef de trente-six victimes sont visibles
là où un mur de briques d'argile a été renversé sur eux. Un
jeune homme nommé Hackatur a raconté l'histoire de sa fuite hors
du puits où les corps des tués avaient été jetés. Il était tombé
avec d'autres et on l'avait jeté dans le puits, mais il parvint
à se dégager des corps gisant au-dessus de lui et il s'était
enfui à la tombée de la nuit.
Tous les Chrétiens n'ont pas manqué du courage ou des moyens de
se défendre. A la mission catholique dévastée de Hosrova, où
quarante-huit victimes du massacre ont été enterrées, Elizabeth
Marcara, une jeune-fille arménienne a raconté comment elle-même
et le jeune David Ishmu avaient combattu les Kurdes. Son
histoire a été plus tard amplement confirmée.
" Lorsque les Kurdes ont mis le feu aux portes du village ",
nous dit Mlle Marcara, " nous avons pris nos fusils et sommes
montés sur le toit. J'ai tiré huit cartouches. Les Kurdes furent
forcés de se retirer en dehors du mur du village. Là, j'en ai
tué quatre de plus, au nombre desquels se trouvait leur chef.
Les Kurdes ont abandonné leur pillage et ont emporté leurs
morts.
" Le combat a duré trois heures. La mort de leur chef a forcé
les Kurdes à s'enfuir. Nous sommes descendus du toit et avons
récupéré les choses que les Kurdes avaient abandonnées derrière
eux. Réconfortée, je me suis enfuie avec ma famille, Nous avons
vus les Kurdes occupés au pillage d'Hafgvan et avons tiré sur
eux, mais ils se sont enfuis avec leur butin.
" Près de Dilman, quinze Kurdes nous attaquèrent, et j'en en tué
un. Après que les Russes aient vaincu les Kurdes et les Turcs
près de Khoi, un soldat raconta mon histoire au Gouverneur
perse, et il envoya quelqu'un pour me chercher et m'offrit de
commander un régiment de Turcs si j'acceptais de combattre les
Russes. "
LES KURDES DÉGOUTENT LES TURCS
Ces Derniers Protestent contre les Atrocités des Premiers
Publié le 18 avril 1915
TABRIZ, 16 avril, (via Petrograd, 17 avril) – Des combats entre
Arméniens et Kurdes sont fréquents dans les environs de Van, en
Arménie turque, selon une information fiable parvenue à Tabriz,
et un massacre général se prépare dans la province de Bashkala.
Les Arméniens de Van s'efforcent de lever des volontaires dans
la province d'Azerbaïdjan, en Perse, pour les aider contre les
Turcs et les Kurdes.
Après plusieurs combats acharnés entre les Russes et les Turcs,
au nord de Dilman, en Perse, les Turcs ont fait retraite au sud
de Dilman. Selon une information venue de la circonscription de
la rivière Tchoruk, ayant échoué dans la défense de Khopa, les
Turcs ont battu en retraite au-delà d'Archava, où ils tiennent
des hauteurs fortifiées et d'où ils pourront faire des sorties.
Il est question d'hostilité croissante entre les Turcs et les
Kurdes, les premiers n'appréciant pas l'inhumanité des seconds.
Dans les circonstances où Turcs et Kurdes servent ensemble,
cette désaffection a dans certains cas approché le stade de la
mutinerie. Des officiers turcs protestent contre le
laisser-faire des officiers turcs de rang plus élevé, des
outrages commis par les Kurdes. Il y a plusieurs cas de soldats
turcs lynchant des Kurdes coupables d'atrocités peu communes.
NOUVELLES PROMESSES DE LA TURQUIE
La Protection de la Population d'Ourmiah, en Perse, doit être
Assurée
Publié le 31 mars 1915
WASHINGTON, 30 mars .- Les assurances renouvelées sur la
protection de tous les habitants d'Ourmiah, en Perse, où des
attaques d'Américains et d'autres étrangers et dirigées contre
des Chrétiens autochtones ont été rapportées, ont été remises à
l'Ambassadeur Morgenthau à Constantinople par le gouvernement
turc.
Dans un message au Département d'Etat, aujourd'hui, M.
Morgenthau disait que les autorités ottomanes ont promis que non
seulement les étrangers, mais également les populations
autochtones, seraient protégées par les troupes régulières
turques, à partir de samedi à Ourmiah.
Apparemment aucun avis n'a été reçu à Constantinople venant
d'Ourmiah, après que l'armée régulière ne soit arrivée sur
place, et d'ailleurs aucune information n'a été reçue sur leur
arrivée.
Dans ses commentaires sur les rapports arrivés de Perse, le
Secrétaire Bryan a rappelé les bruits circulant aujourd'hui..
Des récits relayés par de nombreux messagers, a-t-il dit, ont
certainement été déformées par rapport au message d' origine, un
peu comme dans le jeu auquel s'adonnent les enfants. D'autres
fonctionnaires étaient eux aussi enclins à penser que les
histoires d'Ourmiah étaient exagérées.
UN MEDECIN D' OURMIAH
Le Dr Yuseff Raconte les Horreurs de la Fuite Hors de la Ville
Le Dr A.D. Yuseff, qui était attaché comme médecin à la Mission
Américaine d'Ourmiah en Perse, et qui se trouve à présent à New
York, a parlé hier des conditions qui ont prévalu depuis la
déclaration de la Guerre sainte mahométane, et le début des
campagnes des Kurdes depuis les montagnes.
Selon le Dr Yuseff, la première incursion des tribus kurdes des
montagnes du sud d'Ourmiah a eu lieu en octobre. Les populations
des villages avoisinants ont trouvé refuge à l'intérieur des
murs de la ville, dont la garnison était composée d'environ
3 000 Cosaques, qui s'y trouvaient de garde pendant les trois
années de l'occupation russe de la circonscription.
Bien avant leur première attaque, le Cheikh de la tribu la plus
puissante des Kurdes avait fait de fréquentes visites dans la
ville, la nuit, déguisé en femme musulmane et il avait recueilli
des informations détaillées sur les forces et les faiblesses de
la garnison.
Forts de plus de 3 000 hommes, vers la fin du mois d'octobre,
les bandits ont dévalé des montagnes, montés sur des poneys de
montagne et armés seulement de haches et de longs couteaux.
Les attaques ont duré deux jours et deux nuits. La sécurité de
la ville ne reposait que sur un petit nombre de fusils russes en
position sur les plus hautes constructions et les murs. Au cours
des combats, les Kurdes sont parvenus à s'approcher à moins de
trois miles des murs. Six grands villages ont été pillés, et
beaucoup des habitants qui n'avaient pu s'enfuir à Ourmiah ont
été massacrés.
Après que les Kurdes aient été repoussés, le Dr Yuseff s'aperçu
que beaucoup des corps de Mahométans qui étaient bien connus
dans la ville, et qui avaient prêté main forte aux Kurdes
pendant la bataille, avaient été enterrés à la hâte pour cacher
le fait qu'ils avaient pris le parti de l'ennemi, tandis que les
corps des autres Kurdes morts avaient été laissés là où ils
étaient tombés.
Dans l'engagement, le Dr Yuseff a vu pour la première fois le
drapeau de la Guerre sainte que les Mahométans portaient devant
eux. C'était une main rouge sur un fond vert, dans lequel le
rouge symbolisait le pouvoir de la force, et le vert, le pouvoir
de la foi.
A 11:30 H, dans la nuit du 2 janvier, les habitants d'Ourmiah
ont été réveillés et prévenus de se rendre au nord pour se
mettre sous la protection des Cosaques, qui se retiraient pour
aller servir en Russie.
Ne prenant que le pain qu'ils pouvaient trouver dans leur
maison, le Dr Yuseff et sa femme s'en sont allés à dos d'un
unique cheval, et avec un groupe d'environ 5 000 Chrétiens, ont
commencé leur fuite vers la sécurité. Du fait de la neige et du
froid intense, le voyage à Djoulfa leur prit dix jours.
Beaucoup d'enfants et de personnes âgées moururent sur la route,
et tous les réfugiés ont souffert des rigueurs du froid et de la
faim. Pendant des jours, leur seule boisson était de l'eau
saumâtre. Tout au long de la route, ils voyaient les traces du
ravage des Kurdes. Dans un village, plusieurs petits enfants
avaient été tués et leur corps jeté sur le bord de la route.
Une large proportion des habitants d'Ourmiah, cependant, avaient
choisi de rester dans la ville, avec parmi eux, l'essentiel de
l'effectif de la Mission américaine. C'est pour la sécurité de
ces personnes, qui ne reposait que sur la protection du drapeau
américain, que leurs amis ici sont inquiets. Selon le Dr Yuseff,
au moment de la fuite d'Ourmiah, tout le monde savait dans la
ville que le chef kurde avaient annoncé qu'il épargnerait la
Mission américaine à tout prix.
Deux jours après que les réfugiés aient quitté Ourmiah, les
Kurdes ont fondu sur la ville, et comme premier exploit
guerrier, soixante et quinze Chrétiens, parmi eux un évêque,
furent pendus.
Le Dr Yuseff et son épouse ont gagné la Russie sous la
protection d'un passeport provisoire qui leur fut remis par le
Consul de Russie à Khoï, en Perse, puis finalement la Norvège.
L'ARMEE TURQUE MAINTENANT ATTENDUE A OURMIAH
Les Troupes Auraient dû y Arriver Samedi Passé, Déclare
Constantinople.
Publié
le 30 mars 1915
WASHINGTON, 29 mars .- Les troupes régulières turques devraient
être arrivées samedi dernier à Ourmiah, au nord de la Perse, où
des Américains et d'autres Chrétiens ont été attaqués par des
bandits kurdes, selon des déclarations officielles faites à
l'Ambassadeur Morgenthau à Constantinople par le Grand Vizir
Turc.
L'Ambassadeur a rapporté aujourd'hui sa conversation au
Département d'Etat, ajoutant que le Bureau de la Guerre turc
l'avait informé qu' " aucun acte de violence n'avait été commis
à Ourmiah. "
Les officiels du Département d'Etat ont noté que les
affirmations du Grand Vizir et du Bureau de la Guerre turc ne
correspondaient pas à d'autres rapports sur la situation à
Ourmiah. Le Grand Vizir a dit que les atrocités rapportées
étaient " grossièrement exagérées, " tandis que le Bureau de la
Guerre a nié que de quelconques désordres se soient jamais
produits.
Les rapports sur des attaques contre des étrangers sont
virtuellement tous issus de Tiflis, qui est éloigné d'Ourmiah,
et la communication entre ces deux villes est difficile au point
que des erreurs sont à craindre.
On comprend que le Chargé d'Affaires perse là-bas s'est efforcé
d'obtenir des informations claires sans y parvenir. Cependant,
dans la mesure où le Grand Vizir turc a assuré à M. Morgenthau
que des instructions avaient été envoyées aux autorités pour
interdire toute manifestation antichrétienne, et parce que les
troupes régulières turques doivent faire respecter ces
instructions, les personnels du cabinet et diplomatique ici
pensent qu'il y peu de risques que de nouvelles attaques aient
lieu, quoiqu'il ait pu se passer avant l'arrivée des troupes
régulières.
M. Morgenthau a également rapporté que les institutions
éducatives étrangères en Turquie avaient reçu un délai
supplémentaire, jusqu'en septembre, avant que ne soient mises en
application les instructions nouvelles du Gouvernement turc
relatives au retrait des Capitulations qui garantissent les
droits extra- territoriaux. Le Gouvernement américain a protesté
en temps utile contre cette décision, parce qu'elle affecte les
écoles et les lycées des missions. M. Morgenthau a dit que les
directeurs des écoles des missions étrangères avaient salué ce
délai comme une victoire et se satisfaisaient de cette
situation.
En faisant cette concession, le Gouvernement turc avait demandé
que les noms des directeurs des diverses institutions soient
déclarés à l'autorité de l'instruction publique, et M.
Morgenthau a dit que cette condition avait été remplie.
D'après les fonctionnaires, ici, la mise en application de la
nouvelle disposition devrait virtuellement mettre fin à
l'utilité des écoles de missions, car elle les place directement
sous le contrôle turc
LA PLAINE ENTIERE PARSEMEE DE CORPS
D'ARMENIENS
Des Turcs et des Kurdes Auraient Massacré Hommes, Femmes et
Enfants
Publié le 20 mars 1915
LONDRES, 19 mars.- Des terribles nouvelles de la situation en
Arménie sont parvenues aux dirigeants du Fonds de la Croix-Rouge
pour l'Arménie et ont été rendues publiques par eux-mêmes.
Le dernier récit est celui d'un docteur Arménien du nom de
Derderian, qui dit que la plaine d'Alashgerd est virtuellement
couverte de corps d'hommes, de femmes et d'enfants.
Lorsque les forces russes ont battu en retraite dans cette
circonscription, les Kurdes se sont rués sur les gens sans
défense et les ont enfermés dans des mosquées. Les hommes ont
été assassinés et les femmes emportées dans les montagnes.
Selon les organisateurs du Fonds de la Croix-Rouge il y a à
présent dans le Caucase 120 000 Arméniens dans le dénuement.
LA RUSSIE AVANCE EN ASIE
A Poussé les Turcs Hors de Transcaucasie – Tient la Mer Noire.
Publié le 2 mars 1915
Par Câble Spécial au NEW YOTK TIMES
PETROGRAD, Premier mars, (Dépêche au London Morning Post.) - Les
troupes russes ont repris leur marche en avant sur le front
asiatique, ayant repoussé les Turcs de la région de
Transcaucasie. Les Russes ont à présent effectué plusieurs
marches en avant, balayant, détruisant et capturant des
détachements qui ont renoncé à opposer toute résistance. Ils
approchent maintenant Olti Chaï le long
Suite en Page 3.
LES TURCS SE REGROUPENT SUR LES DARDANELLES
Suite de la Page 1.
de l'une des grandes routes en direction d'Erzeroum venant de
l'ouest. De l'est également, une certaine activité se manifeste,
les Russes ayant pris quelques canons aux Turcs dans un
accrochage dans les cols en direction du sud d'Alashkort. Les
deux forces à égale distance de l'objectif, s'en approchent
simultanément,
On n'a rien appris de plus sur l'incursion des Turcs en Perse,
qui s'est terminée de façon désastreuse à Tabriz.
D'après tous les récits qui nous parviennent, les Turcs sont
vraiment malades de l'aventure dans laquelle ils ont été forcés
de s'engager par le Goeben1 pour le compte de l'Allemagne
L'Amiral Bernhardt, commandant la Flotte Russe de la Mer Noire,
a annoncé récemment que les Russes avaient le contrôle de la Mer
Noire, dans la mesure où
le Goeben
est désormais incapable de menacer les navires russes du fait de
sa puissance supérieure.
La reprise de l'activité sur terre en Asie coïncide avec
l'opération navale des alliés de la Russie dans les Dardanelles,
les assurant une fois encore de la parfaite concertation des
plans qui guident les opérations alliées tout au long de la
guerre.
Le Goeben est ce croiseur allemand qui sous
pavillon turc, traversa le Bosphore pour aller bombarder le 29
octobre 1914 les ports russes de la mer Noire, ce qui marqua
l'entrée de la Turquie dans la Première Guerre Mondiale.
100 000 ARMÉNIENS DANS LE BESOIN
Le Commission du Centre de Secours de Tiflis Appelle à l'Aide
Publié le 21 janvier 1915
BOSTON, 20 janvier.- La situation de 100 000 Arméniens, qui ont
émigré du territoire turc vers la Transcaucasie russe, est
qualifiée de déplorable dans un télégramme de la Commission du
Centre de Secours pour l'Arménie, à Tiflis, reçu aujourd'hui par
Miran Sevasly, président de la Commission Nationale Arménienne
de Défense. Le message avait été approuvé par le Catholicos
Seuranian, Primat de l'Eglise Arménienne, et porte la signature
de l'Evêque Mesrop. On y lit:
" Du fait de la guerre avec la Turquie, près de 100 000
Arméniens sont venus dans le Caucase pour sauver leur vie. Leur
situation est extrêmement précaire. Beaucoup meurent de froid et
de faim. Pour éviter à notre peuple une catastrophe, nous avons
besoin de beaucoup d'aide. Au nom de ces martyrs, nous vous
prions d'organiser une collecte d'argent. Adressez les dons à
Thourinoff, Directeur de la Bank of Currency, Tiflis. "
LES RÉFUGIÉS ARMÉNIENS SE COMPTENT PAR
MILLIERS
8 000 Ont Déjà Passé la Frontière Russe – Dans une Situation
Pitoyable
Publié le 15 janvier 1914
PARIS, 14 janvier.- Une dépêche adressée à l'Agence Havas de
Tiflis, capitale de Transcaucasie, dit que le nombre d'Arméniens
qui ont fui et passé la frontière s'élève déjà à 8 000.
Ils sont dans un état pitoyable, d'après le correspondant.
LES RUSSES VAINQUEURS EN ARMENIE
Les Turcs Abandonnent des Equipements – Le Bruit des Révoltes du
Soudan Arrive à Constantinople
Publié le 22 décembre 1914
PETROGRAD, 21 décembre - Le communiqué officiel qui suit était
issu la nuit précédente du Quartier Général de l'Armée du
Caucase:
" Dans la direction de Van le 20 décembre, des engagements se
sont produits qui ont abouti à la défaite des Turcs, parmi
lesquels se trouvent des blessés en grand nombre. Au cours de la
poursuite de l'ennemi, nous avons capturé une pièce d'artillerie
de montagne avec 500 autres armes et matériels.
" Dans la direction de Sarikamish (une circonscription
transcaspienne) il y a eu plusieurs engagements de moindre
importance. ".
DÉROUTE DES TURCS EN ARMÉNIE
Les Russes Menacent Sérieusement les Ottomans dans le Caucase
Publié le 17 mars 1915
LONDRES, 18 mars.- Un télégramme Reuter de Petrograd dit que les
Turcs, qui ont perdu récemment des points importants dans la
région de la rivière Tchorouk, en Arménie turque, ont
complètement abandonné leurs positions aux Russes.
Ces derniers menacent sérieusement les Turcs dans la
circonscription d'Olti en Transcaucasie.
VENUS D'AMERIQUE POUR COMBATTRE
Un Détachement d'Arméniens Accueilli dans l'Enthousiasme à
Tiflis
Publié le 8 janvier 1915
LONDRES, 7 janvier. – Le correspondant de Reuters à Petrograd
transmet un message depuis Tiflis informant qu'un détachement de
volontaires arméniens venus d'Amérique y était arrivé. Les
volontaires ont reçu un accueil enthousiaste.
Les volontaires arméniens sont évidemment ici pour servir dans
l'Armée Russe dans la campagne contre la Turquie, dont les
troupes progressaient en direction de Tiflis, avant, comme en
informait Petrograd il y a deux jours, d'être défaits de façon
désastreuse. Tiflis est une ville russe de la région de
Transcaucasie [Transcaucasie, car le terme est issu de
Russie, NdT] .
Le territoire reconnu sous le nom d'Arménie qui n'est pas une
entité politique, comporte une partie de la Transcaucasie.
DES
CHRÉTIENS PENDUS DANS LA RUE
La Situation des Arméniens à Erzeroum est très précaire
Publié le 14 Décembre 1914
LONDRES, lundi 14 décembre - Une dépêche de Petrograd au The
Times dit :
" Des notes reçues du front à Erzeroum, en Arménie turque,
décrivent la situation de 20 000 Chrétiens là-bas come précaire
à cause de leurs sympathies russes.
" Trois cent mille hommes de troupe turques sont mobilisés à
Erzeroum. Des centaines d'Arméniens ont été emprisonnés et
beaucoup pendus dans les villes, sans procès, comme exemples. "
ARRIVÉE D'UNE RÉFUGIÉE
AGÉE DE 100 ANS
Elle fuit l'Arménie avec sa fille âgée de 80 ans
Publié le 21 novembre 1914
Madame Tokany Stephain, âgée de 100 ans, et
sa fille, Madame Hiranes Paklaïan, âgée de 80 ans, sont arrivées
hier sur le paquebot Roma de la compagnie Fabre, au terme de
leur longue fuite de la guerre en Arménie turque. C'est la
première fois de leur vie qu'elles se sont éloignées de plus de
30 km du petit village arménien où elles sont nées. Les deux
femmes ont bien supporté leur voyage, même s'il a fallu aider la
mère à emprunter la passerelle pour rejoindre le quai. Elles ont
été accueillies par leurs parents qui les ont emmenées chez eux,
à Trenton, dans le New Jersey.
G. dos Santos Almeida, un Brésilien planteur de café, est lui
aussi arrivé sur le navire, après un tour du monde. Il a déclaré
que lors de son séjour à Lisbonne au Portugal, il a pu assister
à plusieurs manifestation par les troupes en faveur des Alliés.
LES RUSSES VAINQUEURS EN
ARMENIE PERSE
Les Kurdes reculent devant eux, mais selon certaines sources,
ils se regrouperaient
COMBATS PRES D'OURMIAH
Siège de l'Activité Missionnaire Américaine
Accrochages sur la Frontière de Batoum
Publié le 20 novembre 1914
PARIS; 19 novembre – Une dépêche de l'Agence Havas d'Ourmiah, en
Perse, dit :
" Les Kurdes; partout, cèdent devant l'avancée des troupes
russes, contre lesquelles ils ne se risquent plus qu'à des
attaques sporadiques.
" Ces éléments des forces kurdes, précédemment défaits par les
Russes à Tergeven se replient à Schalibinan où ils se
regroupent. "
LES RUSSES METTENT LES KURDES EN DÉROUTE
Combat de Cavalerie en Arménie
Les Turcs continuent d'annoncer des Victoires
Publié le 15 novembre 1914
PETROGRAD, 14 novembre – Une communication officielle reçue du
Quartier Général de l'armée du Caucase dit:
" Il n'y a rien eu de nouveau dans la journée du 13 novembre. Le
12 novembre, plusieurs détachements de cavalerie Kurdes ont fait
leur apparition au sud de Karakilissé et Alashkerd et se sont
affrontés à notre cavalerie.
" Submergés par la force de nos cavaliers, les Kurdes ont été
mis en déroute.
Une autre déclaration issue de l'Etat-major de l'armée russe du
Caucase dit:
" Le combat dans la région autour de Koprukeui se poursuit. Il
n'y a pas eu d'engagements dans la province de Zatchorokh, dans
les vallées du Bayazid et de l'Alashkerd, ou sur la côte de la
Mer Noire. "
LA TURQUIE NIE AVOIR BATTU EN RETRAITE
Déclaration de l'Etat-major à Propos des Opérations en Arménie
Publié le 1 décembre 1914
BERLIN, 30 novembre (par télégraphie sans fil à Sayville, Long
Island) -
L'Etat-major turc, apprend-on à Constantinople, nie que l'armée
turque engagée contre les Russes ait battu en retraite à
Erzeroum.
IMPATIENTS DE COMBATTRE LES TURCS
Les Arméniens et les Caucasiens Engagés dans une Force de
Volontaires
Télégramme spécial au NEW YORK TIMES
Publié le 31 octobre 1914
PETROGRAD, 30 Octobre – (Dépêche pour la Chronique Quotidienne
de Londres) – L'Ambassadeur turc n'a pas encore quitté Petrograd
et l'Ambassadeur russe n'a pas quitté Constantinople.
L'impression dominante ici est que l'Allemagne a forcé le
conflit contre la volonté de la majorité des membres du
gouvernement turc.
La Russie est bien préparée à la situation nouvelle créée par la
Turquie. La flotte de la Mer Noire est prête depuis longtemps,
et en plus des troupes régulières du Caucase, un corps de
volontaires a été organisé parmi les Arméniens, les Géorgiens et
les Mahométans. Les Arméniens en particulier, apprécient
intensément la perspective de combattre leur ennemi héréditaire,
et des riches marchands arméniens contribuent largement pour
donner aux forces de volontaires l'équipement nécessaire.
Les montagnards du Caucase s'enrôlent eux aussi, avec le plus
grand empressement, La plupart d'entre eux sont des Mahométans,
mais leur sympathie ne va pas vers la Turquie, et combattre est
pour eux un souffle de vie. Ils ne demandent aucun autre
privilège que de pouvoir utiliser lerus chevaux et leurs fusils
contre les ennemis de la Russie.
La population tartare installée dans le Caucase, qui a été
soumise plus directement aux influences ottomanes, a fourni
d'innombrables preuves de sa loyauté envers la Russie.
Les journaux de Petrograd expriment des préoccupations à propos
de l'attotude de la Bulgarie, mais la plupart d'entre eux
refusent d'admettre qu'elle se joigne à la Turquie contre
l'empire qui l'a libérée du joug ottoman.
Un Mouilleur de Mine Torpillé
L'Avance Ottomane en Arménie Contrôlée
Publié le 27 novembre 1914
PARIS, 27 novembre – Une dépêche de l'Agence Havas d'Athènes
informe que des avis reçus dans la capitale grecque de l'île de
Mytilène font état d'un mouilleur de mine turc torpillé et coulé
dans le Bosphore.
DEFAITE DES TURCS EN ARMENIE
Les Russes les Poursuivent – Combats en Territoire Perse
Publié le 25 novembre 1914
PETROGRAD, 24 novembre – La déclaration suivante de l'Etat-major
de l'armée russe dans le Caucase a été rendue publique hier
soir:
" Dans la région de la rivière Tchorouk (Arménie russe), les
combats se sont accrus en intensité hier.
" Dans la direction d'Erzeroum, nous avons repoussé les Turcs
sur la totalité du front et les avons forcés à battre en
retraire. Nos troupes continuent énergiquement à les presser.
" Il n' y aucun changement dans les autres régions. "
Une communication de l'Etat-major du Caucase faite plus tôt et
rendue publique aujourd'hui, et datée du 22 novembre, informe
que:
" Dans la direction d'Erzeroum l'avant - garde de l'armée russe
continue à repousser l'ennemi, après avoir mis en déroute une
colonne turque, un dépôt et un train de munitions ayant été
capturés.
" Depuis Karakilissé jusqu'à la vallée d'Alashkerd des
accrochages ont eu lieu, qui ont tourné en notre faveur.
" Dans la province perse d'Azerbaïdjan, les Turcs ont été
défaits dans la région du Col de Khanasur, et aussi dans les
cols joignant Dilman à la route de Katur. Dans ces engagements,
les troupes russes ont capturé quelques pièces d'artillerie
turques.
MITRAILLEUSES TURQUES AU SOMMET DES COLLINES
L'Avance Russe en Arménie Ralentie – Villages désertés
Publié le 22 novembre 1914
PETROGRAD, 21 novembre, (via Londres) – Des reportages reçus du
Caucase font état d'une avance russe dans le Caucase exempte de
toute opposition sérieuse, même si les forces d'invasion sont
sous le feu de l'artillerie légère turque, postée sur les
sommets des collines, pratiquement en permanence.
Il n'y a presque pas de routes dans la région de la frontière
russo-turque, et les Russes doivent passer les cols en tirant
leurs chariots de munitions et leurs canons à la force des bras.
Les villages turcs à travers lesquels sont passés les Russes
sont désertés et vidés de toutes provisions. Ce n'est que dans
les villages arméniens que des approvisionnements ont pu être
trouvés.
DESORDRES EN TURQUIE
Chrétiens et Kurdes Résistent à la Mobilisation – Conflit avec
les Arméniens.
Publié le 4 septembre 1914
PETROGRAD, (Saint Petersbourg) 8 sept. – La mobilisation turque
sur la frontière avec la Perse est lente. Beaucoup de Chrétiens
et de Kurdes ont refusé de se joindre au mouvement. Les Turcs
enrôlent de force toute personne d'âge militaire.
Il y a eu de sérieux conflits entre Turcs et Arméniens à Bitlis,
en Arménie Turque.
LES TURCS
CONTINUENT
DE
MASSACRER A OURMIAH
Ils Entrent de Force dans la Mission Américaine et
Massacrent des Chrétiens
UN APPEL EST ENVOYÉ A LA RUSSIE
Mais la Turquie A Aussi Maintenant Promis de "Protéger" les
Etrangers, et un Affrontement Pourrait Se Produire
Publié le 27 mars 1915
TIFLIS, jeudi 25 mars (via Petrograd, 26
mars.)—Les troupes turques ont commis de nouveaux actes de
violence, à la Mission Américaine à Ourmiah, en Perse du Nord,
selon un message du Vice-roi local reçu de Gordon Paddock, le
consul américain à Tabriz.
M. Paddock transmet un message de Robert M.
Labaree, un missionnaire à Ourmiah, informant que le consul turc
à Ourmiah est entré de force dans l'enceinte de la mission avec
un certain nombre d'hommes de troupe régulières et emmené
quelques réfugiés Assyriens chrétiens, qui ont été ensuite
massacrés.
Les Turcs ont aussi frappé et insulté les
missionnaires américains.
POLOGNE, SERBIE, ARMENIE
Publié le 25 mars 1915
Pire encore que le cas de la Belgique est celui de la Pologne.
Les hommes de Belgique n'ont pas été enrôlés dans des armées
hostiles pour s'entre-tuer. Ce qui reste de l'héroïque armée
belge et de son gouvernement est sous la protection des Alliés,
et la nation belge est approvisionnée par des peuples amis. Les
vagues dévastatrices de la guerre, à la suite de la première
invasion, n'ont pas balayé la Belgique, causant de terribles
malheurs à la population. La Pologne, elle, a été exposée aux
impitoyables brutalités de la guerre sans pouvoir bénéficier de
cette relative modération.
La Serbie, déchirée par trois guerres consécutives, est dans une
situation pire que celle de la Pologne. En dépit de son aversion
viscérale pour les Autrichiens, à la fin de l'hiver, la petite
nation gît sans assistance en face d'une armée vengeresse et
soumise aux horreurs d'une épidémie qui revêt des formes
diverses.
Les plaines d'Arménie sont envahies de fugitifs fuyant les
Turcs. Tous les hommes valides d'Arménie ont été traînés dans
les champs de bataille des Turcs, tandis que dans les hautes
terres enneigées et les vallées, les femmes, les enfants et les
vieux meurent de faim par milliers.
La Belgique souffre encore. Toutes les organisations de secours
sur cette terre malheureuse ne disposent pas suffisamment de
ressources, mais elles sont bien connues. Il est par contre
moins connu que le siège de l'Armenian Relief Fund [Fonds de
Secours Arménien], est au 354 de la Quatrième Avenue, et que
celui du Polish Relief Fund est au 265 Central Park Ouest. La
Société de la Croix-Rouge, dont le siège national est à
Washington, fait tout ce qu'elle peut en faveur de ces pays
durement atteints, mais aussi pour la Serbie, avec des experts
sanitaires qui seront dépêchés pour contenir les épidémies sous
les auspices de la Croix-Rouge et de la Fondation Rockefeller.
Pour la Serbie, la Pologne et l'Arménie, il faut d'urgence plus
d'argent.
LES TURCS RENOUVELLENT LES MASSACRES
Soixante Familles Chrétiennes Massacrées dans un Village au Nord
de Smyrne
Câble Spécial au NEW YORK TIMES
Publié le 22 mars 1915
ATHENES, 22 mars, (Dépêche au London Daily News).-
Des nouveaux massacres de Chrétiens sont signalés dans les
environs de Aivali, sur le côte anatolienne au Nord de Smyrne.
Soixante familles dans le village de Kimeril ont été massacrées.
LA PLAINE ENTIERE PARSEMEE DE CORPS D'ARMENIENS
Des Turcs et des Kurdes Auraient Massacré Hommes, Femmes et
Enfants
Publié le 20 mars 1915
LONDRES, 19 mars.- Des terribles nouvelles de la situation en
Arménie sont parvenues aux dirigeants du Fonds de la Croix-Rouge
pour l'Arménie et ont été rendues publiques par eux-mêmes.
Le dernier récit est celui d'un docteur Arménien du nom de
Derderian, qui dit que la plaine d'Alashgerd est virtuellement
couverte de corps d'hommes, de femmes et d'enfants.
Lorsque les forces russes ont battu en retraite dans cette
circonscription, les Kurdes se sont rués sur les gens sans
défense et les ont enfermés dans des mosquées. Les hommes ont
été assassinés et les femmes emportées dans les montagnes.
Selon les organisateurs du Fonds de la Croix-Rouge il y a à
présent dans le Caucase 120 000 Arméniens dans le dénuement.
MASSACRES PAR LES TURCS DANS LES VILLES DU CAUCASE
Les Arméniens Entraînés dans les Rues et Abattus ou Noyés -
Même les Amis de Longue Date ne sont pas Epargnés
Par Câble Spécial au NEW YORK TIMES
Publié le 23 février 1915
PETROGRAD, 22 fév., (Dépêche au London Times.) – Des détails
viennent seulement d'être révélés sur les horreurs commises par
les Turcs pendant leur occupation d'Ardanuten, en Transcaucasie,
près de la frontière arménienne.
Le correspondant à Tiflis de Russkoe Slovo informe que dans un
premier temps, les Turcs se sont contentés de pillages et n'ont
tué qu'une quinzaine de civils; mais ayant appris, après le 30
décembre, que les Russes occupaient Ardahan, les Musulmans de
l'endroit ont jeté le masque et ont organisé le soir même un
massacre systématique.
Cent cinquante Arméniens ont été entraînés hors de chez eux et
ont été abattus ou égorgés dans les rues.. De vieux résidents
turcs, qui vivaient pendant des années en bons termes avec les
Arméniens, ont massacré de sang froid ces anciens voisins,
comptant méticuleusement les cadavres pour s'assurer que les
familles avaient été entièrement anéanties.
Cinquante Arméniens ont été sortis des prisons, et après les
avoir dévêtus, forcés de se jeter dans le gouffre de Jenemdere,
le " Trou du Diable ", jusqu'au moment ou l'un d'entre eux ayant
entraîné un Turc avec lui, ils abattirent les suivants.
Deux cent cinquante ont été massacrés Tamvot, et les femmes
emportées en captivité.
Les Turcs n'ont pas permis l'enterrement des corps ; ils ont été
abandonnés aux chiens qui les ont dévorés avant que les Russes
n'arrivent.
COMMENT L'EMPIRE TURC DEVRAIT ETRE
RECONSTITUE APRES LA GUERRE
Écrit pour le NEW YORK TIMES par un SPECIALISTE DES AFFAIRES
TURQUES
Publié le 24 janvier 1915
"Un spécialiste des affaires turques" dont le nom n'est
pas indiqué a écrit cette analyse en 1915.
Au-delà de généralisations qui auraient du mal à passer
de nos jours, en particulier lorsqu'elles s'appliquent à
un ethnie et de façon à ce point schématique, on peut
trouver dans cet article beaucoup d'indications
intéressantes. Les six siècles de présence turque en
Asie mineure y sont décrits en termes très éloignés de
l'idée de tolérance que certains essaient de faire
passer.
Notons la liste impressionnante des peuples qui ont subi
la domination des Turcs et les massacres qui l'ont
accompagnée, "source perpétuelle depuis des siècles de
complications internationales et de souffrances humaines
interminables".
Notons également l'idée que les six vilayets arméniens
devraient être attribués non pas à l'Arménie la Turquie
une fois vaincue, mais à la Russie.
Cette même idée reviendra cinq ans plus tard à la
conférence de la Paix à Paris en 1920, exprimée par
Lloyd Georges, parce que la population arménienne,
réduite dans les conditions que l'on sait, lui
paraissait trop faible au regard de l'étendue du
territoire envisagé.
Notons aussi que la contrée appelée à l'époque Syrie
était peuplée majoritairement en 1915 d'Arabes
chrétiens. Il y a moins de un siècle.
Enfin, nos amis Juifs seront contents de voir confirmée
déjà en 1915, l'idée de création d'un Judée
indépendante. Un an avant les accords Sykes-Picot : on
peut penser que l'auteur de l'article est de nationalité
britannique. GB |
La Turquie est le second responsable du déclenchement de la
guerre, parce que la guerre des Balkans est née de son
incroyable système de domination et de la controverse
austro-serbe qui en a résulté. Son incapacité permanente et
fatale à gouverner ses territoires immenses a excité l'appétit
et les ambitions des puissances et en a fait une pomme de
discorde entre elles. C'est un fait bien connu que le maintien
de l'entité politique turque dans les 200 ans qui précèdent n'a
été possible que grâce à la rivalité des Grandes Puissances
entre elles. L'histoire du Turc est marquée en permanence par le
sang, le feu et la destruction. Dès le début même de sa
naissance, il était voué à l'échec. A la suite du désordre et de
l'anarchie nés largement des dissensions religieuses, des
croisades, des bouleversements politiques auxquels l'Orient a
été livré au Moyen-âge, il a émergé des confins de l'Asie
Centrale, barbare primitif, et ayant été converti à la foi, il a
porté, partout où il est allé, l'étendard vert de l'Islam.
Rejetant tout compromis et défiant tous les canons de la
décence, il a conquis, dans sa marche irrésistible et balayant
tout sur son passage, une douzaine de principautés. Sa puissance
en Asie, en Afrique et en Europe reposait sur la force cruelle
de son épée. N'étant pas en mesure de comprendre la civilisation
des races assujetties, il les abandonnait, séparément et
distincts entre eux à l'administration de leur église et de leur
système d'enseignement. Mais dès l'instant même où il voyait les
signes d'un progrès dans les activités de ses sujets et la
survivance de leurs aspirations, il recourait au langage du fer
et de la poudre. Une fois arrivé au sommet de sa puissance et
dès lors que sa domination semblait à l'abri des agressions
extérieures, il revenait à sa vie naturelle de luxure et de
sensualité. Dénué totalement du sens de la justice et du sens de
l'administration, la domination qu'il a mise en place a toujours
été caractérisée par une indolence et une incompétence
officielle, les pots-de vin honteux et la corruption. Toujours
minoritaire, sans aucun système social propre, sa religion en
conflit permanent avec celles des races sujettes, sensuel, dans
la luxure, indolent, menteur, et incorrigible, il était destiné
à l'échec depuis le début.
Sans remonter trop en arrière, si nous nous penchons sur la
nature de l'existence des Turcs au cours du vingtième siècle,
nous pouvons aisément en savoir suffisamment sur son caractère.
De la nature intolérable de sa domination sont nées les
insurrections serbes de 1804 et 1817, les massacres grecs de
1821, et la guerre russo-turque de 1828, quand la Grèce,
misérable province turque, se libéra de la domination turque et
la Serbie devinrent autonome; les massacres de Chrétiens
maronites en 1860; les massacres des Chrétiens en Bulgarie, en
Bosnie-Herzégovine en 1877; les massacres des Arméniens en 1894
et 1896; la guerre Gréco-turque de 1898; les massacres en
Macédoine en 1903; encore les massacres des Arméniens en 1909 en
Cilicie, sous le pouvoir Jeune Turc, qui en disent suffisamment
sur l'image horrible de ce qu'a été le Turc. Il a non seulement
étouffé les sources économiques et intellectuelles de l'Orient,
mais est devenu une barrière infranchissable entre l'Orient et
l'Occident. A l'humiliation de la Chrétienté, il faut dire que
la nuisance turque aurait été impossible sans la diplomatie
cruelle des Grandes Puissances en Europe, dont la diplomatie a
été influencée non par des considérations humanistes, mais par
des considérations d'intérêt national et de prestige. Et cela en
dépit du fait que le caractère insensé de cette sorte de
diplomatie a été démontrée en de nombreuses instances, parce
qu'aucune puissance ne peut maintenir un pouvoir à longue
échéance à Constantinople sans être trahi au pire moment en
faveur d'une autre puissance.
Tout récemment, au cours d'une conversation avec un membre
dirigeant du cabinet turc, j'ai exprimé des sérieux doutes sur
la possibilité que l'Empire turc soit réformé par la seule
volonté de l'élément turc. Il faut noter que sur une population
de l'Empire turc de 20 millions, pas plus de 6 à 7 millions ne
sont des Turcs. En Turquie européenne et en Anatolie, où doit se
trouver la plupart de l'élément turc, les Turcs sont en
minorité. Il est admis que les Grecs et les Arméniens, qui
ensemble sont près de cinq millions, en nombre égal, sont
supérieurs moralement et intellectuellement. Ce sont des
marchands et des banquiers consommés. Le Juif et l'Arabe
chrétien, connus sous le nom du Syrien, sont les égaux du Grec
et de l'Arménien. Le Grec et l'Arménien représentent à peu près
25% de la population de Turquie. Ils contrôlent à peu près 70%
de son commerce, tandis que le Turc qui représente à peu près
30% de la population contrôle 10% de son commerce. Dans le
domaine de l'éducation, il est incomparablement loin derrière le
Grec et l'Arménien. Comme mahométan, il ne se s'insère pas
socialement avec les races chrétiennes, et par conséquent, il ne
peut assumer la place qui lui incombe dans la direction du
système social.
Il est difficile de voir comment le fier Empire allemand peut
engager sérieusement des relations avec ces aventuriers,
arrivistes, malhonnêtes, astucieux visionnaires qui en l'espace
de sept ans, ont entraîné leur pays dans quatre guerres
étrangères, deux guerres civiles et perdu un quart de leurs
possessions, et qui donne actuellement une excellente promesse
de réduire l'ancien Empire turc géant en une minuscule
principauté.
Un pays avec une grande responsabilité dans la survenance de ce
conflit capital, source perpétuelle depuis des siècles de
complications internationales et de souffrances humaines
interminables, l'Empire turc devrait être répartit entre les
principaux peuples qui y vivent, lesquelles, par leur tradition
historique et leur propre velléité à se gouverner elles-mêmes,
sont fondées à être reconnues par les Grandes Puissances qui, au
cours des siècles, ont fixé des zones d'influence pour
elles-mêmes et par consentement mutuel. A savoir :
TURQUIE |
|
km² |
Ismid
Bigha
Brousse
Castamuni
Ankara Ouest, Kizil Irmak Ouest
Konia Ouest
Smyrne Est
Total |
8 029
6 734
64 750
51 800
31 080
55 685
15 540
233 618 |
GRECE |
Smyrne Ouest |
38 850 |
ARMENIE |
Kharpout
Sivas
Ankara Est,
Kizil Irmak Est
Konia Est
Alep Nord, Aïntab nord inclus
Adana
Total |
32 375
63 455
40 016
7 915
9 583
40 145
233 489 |
SYRIE, PROTECTORAT Français |
Alep sud de Beilan à l'est inclus,
et sud de Urfan à l'ouest inclus
Beyrouth, sauf la partie de la Palestine
Syrie, nord de Damas inclus
Liban
Zor, ouest de l'Euphrate
Total |
58 275
8 288
38 850
3 004
28 490
136 907 |
|
JUDEE |
|
km² |
Beyrouth, sud du Liban
Syrie, sud de Damas
Jerusalem, sauf la ville et ses faubourgs
Total |
20 720
56 980
11 655
89 355 |
COMMISSION INTERNATIONALE |
Jerusalem et faubourgs |
5 180 |
ANGLETERRE |
Bagdad
Bassora
Hejaz
Yemen
Zor, ou Mésopotamie, ouest de l'Euphrate
Mossoul , sud de Zab mineure
Total |
110 075
139 860
251 230
194 250
51 800
38 850
786 065 |
RUSSIE |
Trebizonde
Erzeroum
Van
Bitlis
Diarbekir
Mossoul, nord de Zab mineure, à partir de l'est du Tigre
Une bande commençant au coin ouest de Diarbekir et
limité au nord par l'Euphrate et au sud par une ligne au
nord d'Ourfa puis tracée vers l'ouest jusqu'à
Alexandrette
Total |
32 375
49 987
38 850
27 195
38 850
51 800
12 950
252 007 |
|
DARDANELLES
Le détroit des Dardanelles devrait être exempte de
fortifications; elles ne devraient être employées comme base
navale par aucune puissance, quelle qu'elle soit, ni en
temps de paix, ni entretemps de guerre; les navires de
commerce et de guerre de toutes les nations devraient avoir
des droits envers les Dardanelles sur une base équitable |
Je vais à présent fournir des explications brèves sur les
raisons de la répartition des territoires proposée ci-dessus.
La partie de la Turquie d'Europe allouée à la Bulgarie, et les
dispositions proposées pour la partie restante de la Turquie en
Europe, Constantinople y comprise, n'a besoin d' aucune
explication .
De même pour les territoires à affecter à une Turquie
indépendante, les raisons suivantes devraient suffire :
Plus de cinquante pour cent de l'élément turc de l'Empire turc
doivent se trouver à l'intérieur des frontières attribuées à la
Turquie. Les deux premières capitales des Turcs doivent se
trouver à l'intérieur de ses frontières. Pour des raisons
commerciales, ces territoires sont sans égaux, en ce qu'ils
contrôlent l'accès à la Mer Noire et à la Méditerranée. Le sol
de chaque pied carré de la terre attribuée à la Turquie est
excellent pour l'agriculture et le climat du pays est tempéré et
sain. Si les Turcs avaient une quelconque capacité à gouverner,
sa taille est assez grande pour accueillir une population double
de sa population actuelle qui se trouve sur l'ensemble de
l'Empire turc.
La Grèce devrait avoir Smyrne, pour la raison qu'elle est dans
sa langue et dans sa civilisation une province grecque.
Une Arménie indépendante devrait être créée, parce que les
Arméniens sont tout aussi prêts à se gouverner que ne le sont
les Grecs, les Roumains, les Bulgares et les Serbes, et à
fortiori parce que la question arménienne ne pourra être résolue
sans que les Arméniens aient une possibilité d'indépendance et
de développement propre. La partie principale de la Grande
Arménie est adjacente à l'Arménie russe. Tandis que d'un
point de vue sentimental, cette partie devrait être intégrée à
l'Arménie, des considérations politiques et économiques
suggèrent le contraire. Une Arménie indépendante allant jusque
là serait sur la route de la Russie et ne saurait conserver
longtemps ses chances d'indépendance politique à long terme.
D'un point de vue géographique, elle serait entourée de grandes
puissances et ne devrait pas avoir d'ouverture sur la mer, et en
conséquence, souffrirait économiquement de la même façon que la
Serbie a souffert depuis qu'elle est redevenue indépendante. Les
provinces de Kharpout et de Sivas affectées à l'Arménie telle
qu'elle est proposée sont des régions qui faisaient partie de la
Grande Arménie. Elles sont essentiellement de langue et de
civilisation arméniennes. L'est d'Ankara, tout comme l'est de
Konia, lient la Grande Arménie à la Petite Arménie et
comprennent une vigoureuse et croissante population arménienne
qui, pour le commerce et l'éducation, l'emporte sur ses voisins
turcs. La partie nord d'Alep et d'Adana constituent la Petite
Arménie, qui devint la dernière forteresse du Royaume Arménien
de Cilicie. Le deuxième plus grand monastère arménien dot se
trouver en Cilicie. C'est en Cilicie qu'en 1909 les Jeunes Turcs
perpétrèrent le massacre de 30 000 Arméniens, hommes, femmes et
enfants.
Le pays désigné sous le nom de Syrie est arabe dans son
expression et sa culture. L'Arabe de cette région est en
majorité chrétien. L'influence française là a été affirmée et
reconnue parmi les Grandes Puissances.
Dans le réajustement des territoires de la Turquie, le Juif
occupe un droit légitime de reconnaissance. La création d'une
Judée indépendante n'est pas seulement la reconnaissance d'un
juste droit national juif, mais devrait aussi être utile à
résoudre en partie le problème juif dans d'autres terres.
Jérusalem ville et ses environs devraient recevoir un statut de
neutralité sous l'autorité d'une commission mixte internationale
.
Le droit de l'Angleterre sur les territoires qui lui sont
attribués est bien reconnu et, par conséquent, d'autres
commentaires sont ici inutiles.
Russophiles et russophobes sont unanimes : la Russie est fondée
à vouloir un accès à l'océan, qu'elle n'a pas actuellement. La
proposition satisfait à cette impérieuse aspiration nationale.
DES CHRÉTIENS EN GRAND PÉRIL
Talaat Bey Déclare qu'il n'y a de Place en Turquie que pour Les
Turcs
Câble Spécial au New York Times
Publié le 13 janvier 1915
ATHENES, 12 jan. 1915, (Dépêche adressée au London Daily
Telegraph.)— On affirme dans les milieux bien informés que les
Turcs ont pour l'instant abandonné leur avance sur l'Egypte.
A Constantinople, la grande inquiétude vis-à-vis d'un passage en
force des Dardanelles persiste.
Il est évident que la situation des Chrétiens est extrêmement
précaire, même dans les grandes villes, et Talaat Bey, le
ministre de l'intérieur, a déclaré au conseiller du Patriarcat
grec qu'il n'y aura désormais en Turquie de la place que pour
les Turcs. Bien qu'il ait renouvelé les assurances auprès du
ministre grec sur la cessation des persécutions anti-grecques,
aucune réelle amélioration de la situation n'est perceptible.
Les Turcs ont repris le renforcement des lignes de Tchataldja.
LES TURCS AURAIENT CONSEILLE AUX CHRETIENS DE FUIR
Menaces de Massacre Général à Constantinople si la Flotte Alliée
Passe les Dardanelles
11Janvier 1915
ATHENES, 9 jan. 1915, (Dépêche adressée au London Daily
Telegraph.)—Une personne arrivée de Constantinople, dont la
situation permet de connaître l'évolution des faits, m'a donné
beaucoup d'informations concernant l'état actuel des affaires
dans la capitale turque. Selon lui, le gouvernement turc ne
craint nullement une révolution que la situation internationale
pourrait provoquer, et les mesures prises contre les ennemis du
Comité des Jeunes Turcs sont à ce point radicales qu'aucun
mouvement de leur part n'est possible.
L'attention et l'anxiété du gouvernement sont entièrement
mobilisées par la possibilité d'un passage en force des
Dardanelles par la flotte alliée. Il semble aussi que cette
crainte soit partagée par son mentor allemand, dans la mesure où
le baron von Wangenheim, l'ambassadeur allemand, a averti le
ministre d'un état balkanique à Constantinople que dans
l'éventualité d'un passage en force de la flotte alliée dans les
détroits, les Turcs déchargeraient leur colère par un massacre
de la population chrétienne. A Constantinople, dans les
ministères, on ne fait désormais plus aucun mystère de ses
sentiments vis-à-vis des sujets chrétiens.
Au Patriarcat grec, qui lui avait adressé des remontrances à la
suite des excès commis par les organes de son ministère, Talaat
Pacha a répondu sans équivoque qu'il n'y a pas de place pour les
Chrétiens en Turquie, et que ce que le Patriarcat pourrait faire
de mieux pour ses fidèles serait de leur conseiller de
disparaître et de laisser les lieux aux réfugiés musulmans.
A ERZEROUM LES FANATIQUES TUENT LES CHRÉTIENS
La Proclamation de la Guerre Sainte précède la Destruction
d'Immeubles Appartenant à des Arméniens
VIOLENT COMBAT DANS LE CAUCASE
Selon certaines informations, Izzet Pacha , avec une armée forte
de 76 000 hommes,
marcherait sur le Canal de Suez--Enver se dirigerait vers
l'Egypte.
29 Novembre 1914
PETROGRAD. 28 nov.---Un télégramme reçu ici
adressé depuis Odessa décrit une explosion de violences à
Erzeroum. Des dépêches reçues à Odessa de cette ville turque
indique qu'à la suite de l'affichage d'une proclamation appelant
les Mahométans à la guerre sainte, tous les clubs, églises et
écoles arméniennes ont été détruits par la foule. Quatre
Arméniens, dont une femme, ont été tués dans les rues.
DES ARMÉNIENS TURCS EN REVOLTE ARMÉE,
prêts à se joindre aux envahisseurs russes, s'étant exercés
et ayant rassemblé des armes,
EN VUE DU JOUR DE LA DELIVRANCE
Un Journal National Écrit Qu'ils Sont Préparés au Sacrifice et
Refusent de Rejoindre l'Armée Turque.
Publié le 13 Novembre 1914
PETROGRAD, 12 nov. 1914 – Des reportages arrivant dans la
capitale russe et issus de la frontière turque attachent une
importance grandissante au rôle que les Arméniens jouent dans la
guerre russo-turque.
Dans plusieurs villes occupées par les Russes, les étudiants
arméniens se sont montrés prêts à se joindre à l'armée
d'invasion, expliquant s'être préparés pendant l'approche des
Russes en s'entraînant et en rassemblant secrètement des armes.
Tout au long du front de marche, selon ces dépêches, les paysans
arméniens accueillent les troupes russes avec enthousiasme et
leur donnent des provisions gratuitement.
Un journal arménien, à propos de cette crise de l'histoire
d'Arménie, publie ce qui suit :
"Le jour de la délivrance attendu depuis si longtemps est
proche, et les Arméniens sont prêts à tout sacrifice rendu
nécessaire par leur devoir évident."
De cette région frontalière, d'autres reportages sont parvenus à
Petrograd faisant état de conflits armés résultant du refus des
Arméniens de devenir des conscrits turcs et de remettre leurs
armes.
On dit à présent que l'importante ville de Van est aujourd'hui
assiégée par des bandes de guérilleros arméniens nombreuses. A
Feitun [Zeitoun], les insurgés seraient plus de 20 000 et ils
auraient défait les troupes turques envoyées contre eux, leur
causant de nombreuses pertes.
Voir aussi :
LE SORT DES TURCS EST SCELLÉ,
DIT LLOYD GEORGE
Les ravageurs de l'Arménie
sont faits pour s'entendre avec les pillards des Flandres,
affirme-t-il
Télégramme spécial au NEW YORK TIMES
publié le 11 Novembre 1914
LONDRES, 10 novembre – Le Chancelier David Lloyd George a fait
un nouveau vigoureux discours sur la guerre devant les membres
de l'Eglise Libre ce soir à Londres, niant que la Grande
Bretagne soit responsable de la guerre. Il a dit en particulier
:
" Nous n'étions pas équipés pour un conflit continental, mais
nous avons levé la plus grande armée de volontaires que le monde
ait jamais vue. Dans quelques mois, nous l'aurons doublée.
" Nous n'avions aucun projet contre l'Allemagne; nous ne
cherchions aucune querelle à l'Allemagne: Dieu m'est témoin,
nous n'avons engagé aucune conspiration contre l'Allemagne. Nous
sommes dans cette guerre pour des raisons de pure générosité,
pour défendre le faible. "
Parlant de la Belgique, le Chancelier a dit: " Les Allemands ont
volé leurs vivres aux Belges pour les besoins de leur armée. Ils
s'adressent à présent à l'Amérique en disant ' Nourrissez les '.
Ce n'est pas l'Amérique qui a dévasté leur pays.
" Nous sommes à présent assaillis par une autre puissance
ancienne: la Turquie. Nous avons fait tout notre possible pour
éviter un conflit. Personne ne peut avoir montré autant de
patience devant autant d'insolences et de vexations que la
Grande Bretagne face au traitement qu'elle a reçu de ce
misérable, ce méprisable empire sur le Bosphore.
" Je suis heureux que le Turc soit appelé à remettre ses comptes
définitifs. Les ravageurs de l'Arménie et les pillards des
Flandres sont faits pour s'entendre. Les Turcs de l'est et les
turcs de l'ouest sont tous deux des empires militaires brutaux
avec un seul dieu, la violence ".
Le Chancelier a poursuivi en déclarant:
" Dans les quelques jours qui ont précédé, j'ai eu le privilège
de rencontrer l'un des plus grands généraux de l'Armée Française
et de parler avec lui de son expérience dans la guerre et de ce
dont il a été témoin – le carnage, l'épuisement, la terreur – et
il m'a dit, ' l'homme qui est responsable de cette guerre a
l'âme d'un démon. '
" Cela venait du cœur de l'un des plus grands stratèges de cette
Armée Française, qui est au combat depuis trois mois. "
LES MUSULMANS MENACENT DE FAIRE LA
GUERRE AUX CHRETIENS
Manifestations à Damas
Craintes d'Invasion de l'Egypte
31 octobre, 1914 -
Par Transmission Sans Fil Marconi au New York
Times.
CONSTANTINOPLE, 30 oct.,-- Sir Louis Mallet , l'Ambassadeur
Britannique, a attiré l'attention du Grand Vizir sur les
informations relatives à une intrusion des Bédouins en
territoire égyptien. Il a averti le Vizir qu'une telle intrusion
serait considérée comme un acte hostile de la part de la Turquie
envers le Gouvernement Britannique.
LONDRES, samedi, 31 oct., -- D'importantes manifestations ont eu
lieu à Damas en Turquie Asiatique, en faveur d'une guerre contre
les Chrétiens, et spécialement contre la Grande Bretagne, selon
une dépêche de la Compagnie d'Echanges Télégraphiques d'Athènes.
La concentration de Bédouins le long de la frontière égyptienne
continue, ajoute la dépêche. De fortes divisions de cavalerie
turques seraient arrivées dans le voisinage du Golfe d'Akaba sur
la Mer Rouge à près de 200 miles au sud du Canal de Suez. Cette
nouvelle est contenue dans une dépêche émise depuis Le Caire
reçue à Vienne, et transmise à Londres par le correspondant à
Amsterdam de la Central News Agency
Le Désordre Jeune Turc en Arménie
THE LITERARY DIGEST
source :
Armeniamedia.org
5 juillet 1913
[note du traducteur]Où
on voit qu'en 1913, même si dans cet article sa population est
sous-évaluée, l'Arménie est encore considérée comme un pays à
part entière. Pas comme une contrée, pas comme une région au
sens géographique, comme un pays. Où il est manifeste, en 1913,
que l'extermination des Arméniens par le massacre, la
dépossession et la déportations se poursuit. Notons l'appel
pathétique et désespéré du Père Shumavonian essayant de décider
les Jeunes Turcs à changer de politique.
"Nos navires ne peuvent sauter
par-dessus les montagnes d'Arménie", telle est la brutale
remarque qu'avait faite Lord Salisbury, le Premier Ministre
d'Angleterre de l'époque, lorsqu'on lui avait demandé de
s'interposer pour défendre les Arméniens dont les maisons et les
fermes étaient détruites par les Turcs et les Kurdes, dans le
sang et les massacres. Cela se passait en 1896, sous Abdul
Hamid, mais à présent, les pires atrocités et les mêmes
injustices sont commises sous la responsabilité des Jeunes
Turcs. Ce gouvernement révolutionnaire, à Constantinople vise à
la centralisation. Toute volonté de séparatisme ou particularité
nationales doivent être effacées. La langue arménienne, dans
laquelle les écrits hébreu et grec ont été traduits dans les
premiers siècles de la foi, doit être abolie. Charles Vellay
donne dans la Revue de Paris la liste suivante des griefs qui
sont au cœur de la Question Arménienne.
"En
empêchant par tant de persécutions le développement de la race
arménienne, le gouvernement ottoman actuel refuse à l'Arménie
l'usage de son propre langage et de ses coutumes
traditionnelles, et lui dénie ainsi les droits dont même Abdul
Hamid n'avait jamais osé remettre en cause la réalité et la
légitimité. A son époque, la nation arménienne avait sa propre
administration civile et religieuse. Elle disposait d'une
assemblée nationale et des services usuels dans toute
administration. Elle disposait d'un budget annuel financé par
des taxes spéciales. Comment les Jeunes Turcs pourraient-ils
forcer le pays à renoncer à l'usage de sa propre langue,
à ses coutumes nationales, et à tous les privilèges que le
régime précédent lui avait reconnus ? Le parti, à
Constantinople, pourrait-il ne pas voir que ses politiques
d'unification et de centralisation deviendraient inévitablement
un instrument d'oppression une fois appliquées dans les
provinces caucasiennes ?" Les Arméniens, au nombre de 500 000
contre près de 2 millions de Musulmans, ont rapidement compris.
Ils se sont retrouvés entre le diable et la mer profonde.
Les Kurdes, bandits rapaces et cruels par profession,
descendants de ces Karduches dont le férocité et la sauvagerie
impitoyable furent un fléau pour Xénophon lors de la retraite
des Dix Mille, sévissent du côté du meurtre et du pillage,
tandis que de l'autre, le Turc conduit les fidèles de Grégoire
l'Illuminateur et les Protestants évangélistes modernes là où
ils seront abattus par centaines; les brigands kurdes pourront
alors prendre possession de leurs fermes. L'auteur que nous
citons déclare que la Turquie vise actuellement à
l'extermination des Arméniens.
"Ainsi, par un singulier paradoxe,
le gouvernement Constitutionnel Ottoman à été très vite perçu
comme l'incarnation du despotisme le plus brutal par les
Arméniens .
Les erreurs judiciaires devinrent
plus fréquents que jamais. Rien n'était changé dans les méthodes
violentes ou sournoises du pouvoir central. Tandis que les Turcs
massacraient les Arméniens, les Kurdes s'appropriaient les
terres que les possesseurs enfuis au-delà des frontières
avaient laissées.
Lorsqu'il est arrivé que les
propriétaires soient retournés chez eux pour réoccuper les lieux
qui leur appartenaient en droit et reprendre possession de leurs
biens, le Conseil de l'état turc décidait contre eux. Comme la
population arménienne est avant tout une population rurale, ces
persécutions remettent en cause son existence même. Les
immigrants musulmans qui sont introduits par les Turcs depuis
le Caucase ou le Turkestan sont installés dans les fermes
volées. Ces fermes sont confisquées sous des milliers de
prétextes; parfois par signature d'une convention d'échange
illégale ou un acte irrégulier, quelquefois par des actes
fabriqués, des faux-témoignages, quelquefois parce que les taxes
n'ont prétendument pas été payées, ou dette restée impayée. Ce
n'est que récemment que l'Archevêque Arménien de Constantinople
a soumis au Grand Vizir son rapport sur les fermes et les
champs, au nombre de 7 000, qui ont été pris aux Arméniens par
les Turcs. "Les Puissances Européennes ont été interpellées pour
leur indifférence ou leur incapacité à mettre un terme à ces
scandales. La Guerre des Balkans, par laquelle la Turquie a
finalement été repoussée hors d'Europe, attire l'attention sur
la détresse de l'Arménie. La presse européenne dans son ensemble
demande aux Puissances d'intervenir. Pour les citer :
"L'extermination délibérée de la
race arménienne se continue, aujourd'hui comme hier par diverses
méthodes, massacres, assassinats, émigration forcée. La
Question Arménienne est à présent exposée au regard de l'Europe,
et comme l'Empire Ottoman se montre incapable de la résoudre, il
faut absolument qu'une solution vienne de l'extérieur." Selon
monsieur Vellay, les intérêts propres de la Russie, de
l'Angleterre et de l'Allemagne leur interdit d'intervenir.
Lorsque l'Angleterre parle d'autonomie, la Russie lui dit de se
taire, car elle ne veut pas d'une autre Bulgarie à ses
frontières asiatiques. L'Angleterre et l'Allemagne souhaitent
que l'Arménie reste un état-tampon turc pour s'opposer à
l'expansion russe vers le sud. Comme le dit cet auteur :
"Dans toutes ces discussions
diplomatiques, les intérêts et la sécurité des Arméniens pour
eux-mêmes ne compte pratiquement pour rien. Le regard des
Puissances ne porte guère plus loin que leurs propres intérêts
économiques et politiques." Un journal d'opinion arménien publié
à Constantinople, l'Avedaper, publiait il y a peu
l'analyse de la situation d'un ecclésiastique arménien, le
Révérend A.B. Shumavonian, dans lequel il déplore le "grands
cris, peu de laine" […dit le diable en tondant ses cochons,
NdT] de l'agitation de la presse arménienne. "Cela n'a que trop
duré à présent" s'exclame-t-il avec indignation. "The Times, Le
Temps, le Novere Vremya, et le Tageblatt berlinois, n'ont rien à
dire de nouveau, et en particulier parce que nos blessures ne
sont pas de celles que l'encre peut cicatriser." Il conclut avec
un avertissement à la Turquie, la Russie pouvant faire de
l'Arménie, un marchepied pour intégrer une partie du domaine
asiatique de l'Islam. La Russie a déjà en le nord de la Perse
une " sphère d'influence." Que faire si elle consolidait sa
position ici et en renforçait la voie d'accès en absorbant les
Vilayets turques au sud de la chaîne du Caucase? Pour citer un
peu plus cette Arménie patriote et bien informée :
"Pas un seul gouvernement ne
souhaite ou n'est capable de défendre l'intégrité de la Turquie
si la nation turque ne se hâte pas de renforcer sa position par
des réformes intérieures…" La Turquie a perdu Chypre sans
compensation permanente ou réelle. Les Cosaques Russes peuvent
peut-être franchir ces montagnes au sommet desquels les navires
anglais ne peuvent grimper, et quand la Turquie demande de
l'aide à l'Occident, Sir Edward Grey pourrait bien être tenté de
reprendre la remarque de Lord Salisbury et dire, "Nos navires ne
peuvent pas gravir les montagnes de l'Arménie'. Traduction
faite pour The Literary Digest.
LES ARMÉNIENS EN SITUATION CRITIQUE
Lady Frederick Cavendish Appelle à l'Aide en leur Nom
Publié le 26 Mars 1913
A l'éditeur du New York Times
Puis je faire dans vos colonnes un appel en faveur d'un peuple qui, pendant
toutes ses années de peines, n'a jamais souffert plus qu'en ce moment? Je veux
dire les Arméniens sujets chrétiens de la Porte. La guerre entre la Turquie et
les États alliés des Balkans ont pris les maris et les frères pour combattre
contre des hommes qu'ils considèrent comme des frères; ils sont morts sur les
champs de bataille de Thrace, ou sont tombés victimes du choléra, ajoutant plus
de veuves et d'orphelins à celles qui sont déjà dans le besoin. Acheter
l'exemption de la conscription coûte 40 £, et ces pauvres âmes n'ont pas
quarante centimes; ceux qui avaient véhicules et bétail en ont été dépossédés du
fait de l'état de guerre.
La guerre avec l'Italie a ruiné les échanges avec les ports méditerranéens, les
sauterelles ont détruit les récoltes de l'année, et le peuple souffre encore des
effets du terrible hiver 1910-1911, au cours duquel, dans certaines parties de
l'empire, 95 pour cent du bétail et la totalité des arbres fruitiers étaient
détruits. Le prix des denrées s'était énormément accrus, et la condition du
peuple est désespérée. De Brousse, nous avons appris que dans un village voisin,
cinq ou six personnes meurent de faim chaque jour.
Les missionnaires implorent, le cœur gros, pour extraire les petits enfants, au
moins, de leur misérable taudis, où ils n'ont aucune chance de recevoir toute
éducation ou développement de l'esprit. Nous savons que des enfants bien formés,
bien éduqués et bien nourris sont le meilleur capital pour un pays, et ceux qui
ont déjà été secourus se sont rapidement développés physiquement, moralement et
mentalement, grâce à une alimentation, à des soins et à une formation
convenables. Ils représentent la future population chrétienne de ce pays.
Le peuple fortuné et généreux d'Amérique n'entendra-t-il pas le récit de cette
souffrance non-méritée et ne viendra-t-il pas en aide à leurs propres
missionnaires dans leur démarche de samaritain?
Les dons peuvent être envoyés au Révérend Dr Barton, Conseil des Missions
Étrangères, Beacon Street, Boston, ou aux " Amis de l'Arménie " 47, Victoria
Street, Londres, S.W. England. Un reçu leur sera envoyé avec gratitude.
LUCY F. CAVENDISH
Présidente Amis de l'Arménie
EDITH FRASER
Vice-présidente
E.W. Brooks
Trésorier honoraire
RADSTOCK
J.HEREFORD;
BASIL WILBERFORCE,
F.B. MEYER,
RENDELL HARRIS,
MARY HICKSON,
Secrétaire Honoraire
Westminster, S.W. England,
14 mars 1913
L'ARMÉNIE EN DANGER
Janvier 1913
Traduction d'un article de la nièce du premier ministre UK
Gladstone,
plein de remarques alarmistes et prémonitoires.
http://www.armeniapedia.org/index.php?title=The_Peril_Of_Armenia_-la191301
Dans la péninsule balkanique, les événements dramatiques qui se
succèdent sont sur le point d'avoir réalisé en un mois, ce qui,
il y a un an, n'était qu'un rêve diffus et lointain. Nous avons
vu dans les Balkans les armées de l'Alliance avancer et balayer
les grandes armées de la Turquie, comme le vent balaye la
poussière. Tandis que la puissance ottomane, qui prend ses
dernières positions derrière les lignes de Chataija, brille en
ce moment de ses derniers feux, il ne reste que peu de chose de
la Turquie en Europe à part Constantinople et la bande de
littoral qui lui est adjacente. L'Europe a été tirée de son
profond sommeil; les diplomates tiennent des conseils, et des
efforts sont faits – que nous voulons croire bien réels et
fructueux - par les Grandes Puissances, pour "voir les choses
menées à leur terme," conformément aux projets des courageux
Alliés, et sans se laisser aller aux errements que pourraient
dicter les seuls intérêts propres de chacun, habituels en temps
de guerre. Dieu aurait voulu qu'une telle "Alliance de
l'Europe", réelle, ait été réalisée il y a de nombreuses années,
afin de parvenir aux buts légitimes auxquelles il a bien fallu
que nous arrivions à présent, au prix de tant de sang et de
misère, de tant de terres dévastées et de maisons en ruines.
"Si face à son devoir l'homme mou reste les bras ballants, le
grand Vengeur aura tôt fait de l'en dessaisir."
Il se peut très bien aussi que la Turquie ait elle aussi laissé
passer une occasion. Pas seulement en Europe mais également en
Asie. Si tout démontre qu'au cours des massacres qui ont eu
lieu, il aurait suffi au Padicha [terme superlatif de Pacha
NdT]
de commander qu'il soit mis fin au carnage pour qu'il cesse
immédiatement, désormais, lorsqu'un nouveau massacre aura lieu,
il se pourrait que le Gouvernement Central s'avère incapable
de contrôler les démons qu'il a réveillés.
Finalement, l'Europe, sait à quoi s'en tenir. Mais peut-être ne
faut-il pas s'étonner que trop absorbée par le sort de la
Turquie en Europe, elle ne veuille pas se tracasser des
conséquences de la guerre sur la Turquie en Asie ; les
Puissances ne peuvent pas échapper à leur responsabilité, ayant
signé le Traité de Berlin (1878), qui imposait que des réformes
soient appliquées dans les Provinces Arméniennes ; des réformes
qui, elles le savent bien, n'ont jamais été appliquées. Il est
sûr, par une cruelle ironie, que les massacres ont eu lieu dans
les provinces "protégées". L'Angleterre, par la Convention de
Chypre, s'est chargée elle-même du protectorat des Chrétiens
dans les provinces asiatiques de la Turquie, c'est-à-dire, dans
"toutes les terres habitées par la race et la religion
arménienne." Et les Anglais peuvent bien tirer toute la bonne
conscience qu'ils veulent : par les voix de leur ambassadeur et
de leur consul, de temps à autres, l'Angleterre a fait des
remontrances à la Porte, et imposé le renvoi des fonctionnaires
les pires qui soient (décorés avec empressement et promus par
Abdul Hamid). Une chose s'est jusqu'à présent vérifiée : sans
garanties, aucune réforme n'a jamais été et ne sera jamais
traduite dans les actes.
Que peut espérer l'Arménie de la guerre extraordinaire qui a
libéré les états des Balkans ? Elle tourne son regard vers
l'Angleterre avec des tremblements d'appréhension, car à
moins d'une intervention, les coups qui libèrent la Macédoine
ne feront que serrer un peu plus les chaînes qui enserrent
l'Arménie.
Pour la première fois, dans cette guerre, les Chrétiens ont été
admis dans l'armée. Pendant des générations, une taxe leur était
prélevée en échange du service militaire ; depuis l'octroi de la
Constitution, ils partagent la conscription et ce n'est qu'aux
familles riches qu'il est possible de racheter la conscription
de leur fils, tant le prix en est ruineux.
Dans un premier temps, les soutiens de famille étaient exemptés
du service, mais ils sont à présent enrôlés eux aussi. Pour
beaucoup d'entre eux, les conscrits chrétiens sont habitués aux
métiers sédentaires ; les manœuvres de l'armée leur sont
étrangères ; ils ont été coupés soudainement de leur foyer tout
simple, et forcés de marcher six heures par jour dans la boue et
la neige sans même les chaussures, les vêtements et la
nourriture qui conviennent, leurs compagnons de troupe les
traitant comme des chiens.
Comme le cœur de ces jeunes hommes a dû être retourné lorsqu'ils
ont entendu la proclamation bulgare ! Les Alliés sont leurs
frères, combattants pour les causes qui sont chères à eux
aussi : la religion, le foyer, l'honneur de leur épouse, la
sécurité de leurs enfants. Mais le devoir de ces malheureux
garçons est de combattre pour la race qui les a oppressés et
harcelés, et qui a fait de leur vie une charge pour eux pendant
cinq cent ans. Leur enrôlement dans l'armée avait été pour
certains un espoir que les futurs massacres et outrages en
Arménie deviendraient impossibles, mais dans cette guerre, en
Arménie, l'espoir a laissé la place à la tragédie. Dans les
marchés et dans les cafés des principautés turques, les
bas-côtés des routes, la rumeur s'est répandue. "C'étaient
les Chrétiens". "Voilà ce qui arrive lorsqu'on rompt avec
les bonnes vieilles habitudes." [Lucy Cavendish relève donc,
en 1913, le grief qui sera encore fait deux ans plus tard à la
suite de la déroute de l'armée turque d'Enver en janvier 1915 :
c'est la faute des Arméniens ! NdT] Et si eux ne risquent
plus rien, gisant sur le versant de la colline ou au fond d'une
vallée neigeuse qui leur sert de tombe, ils ont laissé en otages
leur mère, leur frère, leur sœur et des petits enfants.
Bientôt, l'armée défaite des Musulmans déambulera à travers
l'Anatolie. Ils ont été affectés n'importe où, sans
ravitaillement, et que va-t-il advenir d'eux ? Le passé nous le
dit. A la fin du dix-huitième siècle, des armées entières
indisciplinées ont détruit des villes et laissé les terres dans
la désolation ; il semble tout à fait probable que cette
expérience se reproduise ; des leçons de Sassoun, Marache,
Ayntab, Kharpout, Ourfa et Adana – qu'avons-nous gardé ? A Ourfa
se trouve encore un grand édifice au toit écroulé dont les murs
épais de pierre sont en ruines : le même incendie qui les a
détruits a dévoré entre deux et trois mille Arméniens qui s'y
trouvaient morts ou vifs, comme dans un grand sacrifice, en ce
terrible jour de dimanche 29 décembre 1895. Il y a un étroit
passage près de la ruine de l'école Agbarian à Adana où les
troupes Constitutionnelles ont abattu les Arméniens qui
tentaient de fuir les flammes, jusqu'à ce qu'ils forment un tas
plus haut qu'un homme puisse atteindre. C'est là que la foi
arménienne dans la révolution est enterrée. Il se pourrait que
les prochains massacres ne soient pas aussi parfaitement
organisés, commençant au son d'une trompette et finissant
lorsque l'autorité en donne le signal, comme à Ourfa ; mais ils
n'en seront pas moins meurtriers, étant le fait de soldats
furieux et démoralisés.
Que onze Kurdes, de retour de l'armée, aient osé attaquer Miss
Matheison et ses orphelins, (1912) sur la route très fréquentée
entre Hadjin et Everek, montre à quel point la situation dans le
pays est alarmante. Grâce aux Capitulations, les étrangers sont
en général respectés et du fait de sa présence, les filles ont
été épargnées ; s'il y a des victimes, leur Etat reçoit des
indemnités mais il n'est pas toujours possible de sauver les
Arméniens qu'ils accompagnent. C'est ainsi qu'il a été vain que
le Docteur Christie entoure un jeune Arménien de ses bras
lorsque la meute les a assaillis. Il n'a entendu qu'un cri
étouffé lorsque le couteau dentelé fut plongé et retiré de sa
poitrine (avril 1909).
On dit des Capitulations, qui protègent les étrangers en leur
donnant une autonomie, qu'elles sont une survivance du droit
romain ; elles sont nécessaires lorsque les codes moraux et
religieux sont inférieurs à ceux des résidents qui s'y trouvent.
"Mon Dieu, regardez-les," disait Gallio, le Gouverneur romain,
lorsqu'il dirigeait les débats entre plaideurs depuis son siège
de juge. Il leur revient, pensait-il, de régler eux-mêmes les
affaires de leur millet, ou communauté ; il ne supportait pas
d'être importuné.
On ignore en général que le principe est le même pour le statut
actuel des Arméniens. Ainsi Mehmet II créa-t-l un précédent
lorsqu'ayant fait la conquête de la Turquie : il donna aux
Chrétiens de Turquie leurs propres tribunaux, faisant du
Patriarche, leur chef politique, son interlocuteur désigné,
avec le rang de Vizir, le seul responsable devant le sultan, et
faisant des évêques des responsables devant le Patriarche.
Cela eut pour résultat, avec la cession de fonctions, de
dégrader le sacerdoce et l'Eglise. Par la suite, en 1862, tous
les pouvoirs réels passèrent entre les mains de conseils
cléricaux et laïcs élus par l'Assemblée des Représentants
Arméniens au nombre de 140. Cette Assemblée était conçue comme
un corps civil, chargé des affaires de la communauté arménienne.
On l'appelle de nos jours Assemblée Nationale, mais il faut se
rappeler que les Turcs constituent la communauté dominante,
considéraient les Chrétiens comme les rayas (sujets
tributaires). Les réunions de cette Assemblée ont été ces
derniers temps très orageuses, le Patriarche s'étant
retrouvé le dos au mur. C'est en vain qu'il manifeste et
proteste contre les ministres turcs. Le gouvernement turc
permet aux bourreaux de son peuple de rester impunis, les
gouverneurs locaux dissimulent les faits et sont complices des
assassins, et aussi longtemps que les Arméniens ne seront pas
autorisés à détenir des armes pour se défendre eux-mêmes contre
les Kurdes, leur position restera intenable. Les Patriarches
ont donc présenté toues ensemble leur démission. Il faut noter
qu'à ce stade, l'Archevêque de Pétra a dit que le seul remède
était de demander l'application de l'article 61 du traité de
Berlin.
Il faut rappeler cet article contient l'engagement, non
seulement de procéder à des réformes, mais aussi d'assurer la
protection des Chrétiens contre les Kurdes. La seule possibilité
que l'Europe leur ait laissée pour réclamer cette sécurité était
de protester auprès du Sultan Abdul Hamid, qui pour toute
réponse, a armé les Kurdes et les a organisés en une cavalerie
irrégulière baptisée de son nom, Hamidié. En même temps, il a
refusé que les Chrétiens se procurent des armes, et son refus a
été confirmé par le gouvernement turc, en dépit de la promesse
de la constitution "Jeune Turque." Et pourtant, à lire
l'évaluation de la Constitution que notre propre gouvernement
avait faite dans son Livre Blanc (Turkey, N°1, 1909), en tous
les lieux où cette Constitution est applicable, c'est la terreur
qui est promise à ceux qui y contreviendraient.
Ne s'agirait-il que d'une belle promesse non tenue ? Il
semblerait que ce soit le cas, étant donné que le viol et le
meurtre sont aujourd'hui si communs qu'aucun Arménien n'ose plus
se déplacer seul. Chaque jour apporte son lot de nouveaux
vols de moutons et de bétail. Dans une seule circonscription, 5
000 moutons ont été pris. L'inspecteur de l'école du Siège
d'Aghtamar, avec son accompagnateur, a été assassiné à Karkar et
cruellement mutilé. Les rapports arrivent, non d'une seule
région, mais de lieux aussi vastes que Van et Adana, Bitlis et
Hadjin. Vis-à-vis de tous ces événements, le gouvernement turc
fait preuve d'une indifférence suprême, et c'est en vain que le
Patriarche interpelle les ministres et proteste avec force.
Au regard de ces désordres et de l'indifférence du gouvernement,
Noradourian Effendi, le ministre des affaires étrangères de
Turquie, a remis sa démission le 28 septembre 1912. Il lui avait
été demandé de concevoir un nouveau statut pour l'Anatolie de
l'Est. Mais il y en a assez. Il n'y a aucune volonté, et il n'y
a jamais eu de volonté, d'intention de mettre ces écrits dans
les faits.
L'année 1913 s'ouvre donc d'une manière sinistre pour l'Arménie.
Du fait de la guerre, l'activité a stagné et le prix des
produits alimentaires a subi l'inflation ; en plus de celui volé
par les Kurdes, le bétail a été saisi pour le transport, et les
jeunes actifs ont été envoyés à la guerre. Si leurs voisins
musulmans étaient poussés au fanatisme, et si on leur faisait
croire que les calamités de la guerre sont dues aux Arméniens,
ces derniers se retrouveraient particulièrement exposés. Ce
serait une version nouvelle des Chrétiens et de l'incendie de
Rome. Les Turcs et les Kurdes ont tellement envié les Arméniens,
tellement regardé leurs vaches au pis plein de lait et qu'ils
pourraient traire impunément, qu'il apparaît impossible qu'une
armée vaincue retournant en Anatolie, sans nourriture, mais en
armes, le cœur plein de rancune pour les souffrances cruelles et
leur piteuse retraite, puisse tranquillement se reposer.
Le fait que le Sheikh-ul-Islam ait écrit à tous les Muftis des
provinces troublées, une encyclique condamnant le fanatisme
religieux et leur ordonnant de prêcher contre ses excès est une
lueur d'espoir. Il relève que la charia, la loi sacrée en usage
dans les tribunaux impose la sécurité des non-Musulmans tout
autant que celle des Musulmans. Mais que oui ou non le Djihad
qu'il a proclamé dans sa fatwa, c'est-à-dire la guerre sainte,
déclenche un bain de sang en Turquie asiatique dépend de l'usage
qui en sera fait en les prêches musulmans. En 1908, une réponse
des plus efficaces et bénéfiques avaient été faite de ces
prêches comme le montre le Livre Blanc de notre gouvernement
(Turquie n°1, 1909, section n°65).
A l'occasion de la récente fête de Baïram, le Mufti de Silvan
a prêché contre les Chrétiens, les Arméniens en particulier, et
cette circonscription a été en conséquence très agitée, tout
comme avant, au cours des grands massacres de 1894-1897 et de
1909, les fanatiques de la population avaient été rameutés par
les prêches donnés dans ce but. Ainsi celui du jeudi avant le
massacre d'Antioche, quand un haut personnage, se disant chef de
la Société des Musulmans, qui avait fait le vœu de se dévouer à
sa religion et à son pays jusqu'à la mort, est venu haranguer
les Turcs, et la formation aux armes et à leur acquisition
continua jusqu'au lundi premier avril 1909. Dans l'après-midi,
tandis que les chefs mahométans proclamaient en réalité 'Paix,
Liberté et Fraternité,' le massacre commença et se prolongea
l'arrivée du navire de guerre dont le Vice-consul avait demandé
l'intervention. Dans toute cette ville, il ne restait
pratiquement plus aucun Arménien vivant.
[Un paragraphe issu d'un document officiel anglais, qui
prouve que les déclarations du premier ministre turc sont
fausses : un Musulman peut très bien appeler à commettre des
actes de génocide NdT].
Des membres de cette société sont envoyés dans les lignes de
Chataija, et c'est avec cet esprit que les Oulémas s'efforcent
de redonner confiance aux troupes. Quelqu'un devrait demander
:'les navires de guerre sont-ils prêts ?' Il y en aura besoin
pour aider le gouvernement turc à maintenir l'ordre, pas
seulement à Constantinople, mais sur la côte de la Mer Noire et
le long du littoral de Cilicie.
Le gentilhomme turc bien élevé semble avoir une fascination pour
un certain esprit britannique. Mais souvent, il a été
l'organisateur "des événements" [les guillemets sont dans le
texte NdT]. En outre, les massacres ont été rendus sans
aucun doute encore plus hideux par le laisser aller de la
sauvagerie qu'on trouve dans les couches inférieures de toutes
les populations. En Turquie, cependant, la soldatesque s'est
invariablement rangée aux côtés de ces individus.
Et pourtant, le paysan turc administré par un bon gouverneur est
souvent tranquille, sensé, disant en général des Arméniens
qu'ils sont "l'élément industrieux, énergique, respectueux de sa
personne, de l'Empire Ottoman," et il faut rappeler que la liste
est logue des généraux illustres russes qui étaient des
Arméniens.
Que les Arméniens aient dû préserver leur mode de vie, à travers
tous ces siècles d'oppression, exposés et inquiets en permanence
de se voir leurs femmes et leurs filles enlevées, démontre qu'il
doit y avoir dans cette race un courage moral. Leur dévotion à
tout prix à cette église qui est restée, pendant tout ce temps,
ce lien unique de leur unité nationale, leur guide et leur
consolatrice, doit émouvoir tous ceux qui ont du respect pour la
religion et le patriotisme.
Hommes de jugement reconnu et capables, en Turquie depuis
longtemps, ils témoignent que toutes les nationalités peuvent
vivre ensemble et heureuses, pourvu seulement que le gouverneur
local soit juste.
Nous lisons qu'en ce moment, les gouverneurs des provinces où
les outrages sont les plus fréquents qu'ils ne punissent ni
arrêtent les criminels, mais passent leur temps à rechercher les
armes dans les maisons arméniennes. "C'est le même âne"
[…mais avec une selle. Dans sa version afghane, cette
expression imagée décrit une personne nouvellement placée dans
une position élevée NdT]
comme dit le proverbe oriental. C'est de cette façon qu'ils
ont volé leurs armes aux Arméniens d'Ourfa avant de las
massacrer en 1895.
Un gouverneur mahométan peut, s'il le souhaite, protéger ses
sujets contre le vol et l'outrage et faire que la vie vaille
d'être vécue, mais il est impossible à un gouverneur mahométan
de traiter les Mahométans et les Chrétiens qu'il administre à
égalité, c'est contraire à sa religion. Le Coran interdit de
s'en prendre aux sujets des autres races s'ils paient leurs
taxes, mais introduit le dogme selon lequel "les infidèles" ne
doivent être que des serviteurs des "vrais croyants." Les
conquérir par l'épée et les maintenir en sujétion est le devoir
de tout vrai Musulman. Toutes les réformes qui promettent
l'égalité des droits sont des mensonges destinées à aveugler
l'Europe, parce que les vues éclairées du Sheikh-ul-Islam et de
quelques autres dirigeants turcs n'ont pas jusqu'à présent
atteint la masse du peuple.
L'injustice de l'oppression subie par les Arméniens est d'autant
plus flagrante que le parti Jeune Turc a une dette de
reconnaissance envers eux. Il n'est pas exagéré de dire que,
sans le soutien loyal des Arméniens, les Jeunes Turcs n'aurait
jamais été en mesure de renverser le Palace Camarilla [le
groupe qui en 1933 avait convaincu Hindenburg de nommer Adolf
Hitler chancelier NdT] qui régentait la vie du pays. Il y a
bien sur ceux qui affirment que c'est un cerveau arménien qui
avait préparé le coup d'état du 24 juillet 1908 qui avait été
couronné de succès.
Après la promulgation de la Constitution le 28 juillet 1908, il
semblait pendant quelques mois que l'Age d'or était arrivé. Tous
les nationalistes fraternisèrent, et dans le futur, il n'y aura
plus ni Arméniens, ni Grecs, ni Turcs, ni Albanais, mais tous
étaient des Osmanli (des Ottomans). Tous les prisonniers
politiques ont été libérés, les exilés sont revenus et les
princes royaux de sang autorisés à sortir de leur isolement ;
libéré des mensonges et des espions, le pays commença à respirer
plus librement ; et les hommes ont commencé à penser que le
Comité Union et Progrès avait transposé ans la réalité, la
Constitution de Midhat de 1876.
Au sein du Parti Jeune Turc, il y avait des hommes qui s'étaient
élevés au niveau de l'enseignement de leur prophète et voulaient
l'égalité pour tous. Avec eux, certaines choses étaient faites,
en nommant de meilleurs gouverneurs, et cela évita à Aïtab,
Malatia et Kharpout le sort subi par Adana. Et pourtant,
aujourd'hui, les Arméniens ne sont pas libres, tandis que les
tribunaux ne refusent plus d'entendre le témoignage de
Chrétiens, la décision rendue est fondée sur le témoignage des
Musulmans. Il faut qu'ils aient peur à présent plus seulement du
retour de l'armée, mais aussi des Turcs des Balkans qui
retournent à pied en Asie et auront besoin de fermes. Ceux-ci
traversent Constantinople avec leur famille et les affaires de
leur famille, leur bétail, et leur char à bœuf, beaucoup,
comparé à ce qu'ils avaient apporté en Europe cinq cents ans
plus tôt. Ils affirment que leur maison avait été brûlée par
l'armée turque en retraite, pas par les Bulgares ; ces derniers
font la guerre de façon civilisée.
Il y a vingt cinq ans M. Freeman avait prédit que, sauf si les
deux points suivants sont examinés avec insistance à la
Conférence de Berlin à venir, tout le travail devrait être
recommencé. Devant la situation actuelle il serait bon de s'en
souvenir :
Premièrement. Quelle que soit la forme de gouvernement de l'une
de ces terres, il ne faut pas laisser au Turc le choix des
gouverneurs. Deuxièmement. Aucun lopin d'aucune des terres qui
doivent être libérées ne doit recevoir en garnison des soldats
turcs.
Cet avertissement sera-t-il négligé une fois encore ?
En conclusion, nous voudrions faire les suggestions qui suivent,
en plus de celles nombreuses qui ont déjà été faites pour
l'amélioration de la condition des Arméniens ; elles nous
semblent faisables et modérées toutes les trois.
(1) Une augmentation du nombre des consuls étrangers. Mais le
recours aux consuls civils beaucoup régressé depuis que la
Turquie s'est rendue compte qu'aucune action ne serait
entreprise sur la base de leurs rapports. (2) La substitution de
l'effectif des consuls civils par des consuls militaires. Le
Turc respecte la chose militaire et il est sûr, d'après les
occurrences précédentes, que le consul militaire est plus
efficace, et cela équilibrerait certainement le surcroît de
coût. (3) La nomination de gouverneurs chrétiens dans les six
Vilayets. Les différences introduites par ces trois actions
seraient en résumé : (1) les consuls civils
Peuvent faire un rapport sur un massacre, par exemple le
Vice-consul Fitzmaurice à Urfa, mars 1896. (2) Les consuls
militaires peuvent arrêter un massacre, par exemple le Major
Doughty-Wylie à Adana en avril 1909. (3) Les gouverneurs peuvent
prévenir un massacre et rétablir l'ordre, par exemple Daoud
Pacha [Garabed Artin, un Arménien né à Beyrouth NdT],
Gouverneur du Liban qui fut installé le 14 juillet 1861, et qui
fit cesser les incendies qui ravageaient le Liban depuis des
mois.
Ce dernier était un Arménien catholique, et en dépit des
prophéties souvent répétées de la Porte, selon lesquelles la
nomination d'un gouverneur chrétien ferait se soulever la
population musulmane en nouvelles explosions de fanatisme et se
traduiraient par des massacres pires que jamais, il restaura au
Liban la prospérité tranquille. Et aujourd'hui, les voyageurs
disent que même les champs savent où finit le désordre turc et
où commence le règne de la constitution. Mais il faut garder en
l'esprit que Dahoud Pacha avait été désigné pour trois ans et ne
pouvait être démis à la discrétion du Sultan. (L'effet
désastreux du changement de gouverneur, quand leur gestion pour
les améliorations vient juste de commencer, se voit à Adana
aujourd'hui. Djemal Bey a été envoyé à Bagdad, et l'orphelinat
est toujours inachevé, la reconstruction et les subventions aux
orphelins impayés).
En outre, Dahoud n'était pas tenu de faire appel aux troupes
turques pour maintenir l'ordre, il aurait échoué dans le cas
contraire. Il était d'abord soutenu par les troupes françaises,
qui ne sont parties en août, alors que les escadrilles
françaises et anglaises croisaient encore près des côtes ; et
ainsi protégé, il a préparé une force militaire avec les
habitants du Liban, ce qui rendit la présence de soldats turcs
inutile. C'est ce qui est souhaitable aujourd'hui dans les six
vilayets arméniens et la fraction musulmane de la population ne
serait que peu désavantagée par rapport aux Arméniens.
S'agissant des Kurdes, s'ils se modéraient et si la justice
était instaurée, le flot de prospérité qui coulerait sur ces
provinces fertiles bénéficierait à tous les habitants et
s'ouvrirait au commerce européen. Les prédictions alarmistes du
gouvernement turc se sont avérées fausses pour le cas du Liban ;
si la même constitution était donnée aux Arméniens, même si la
Porte poussait au fanatisme pour que ses prédictions se
vérifient, il est plus que probable que l'histoire se répétera.
Quand les six puissances auront décidé, tout aussi résolument
que les Alliés l'avaient fait pour les Balkans, que le désordre
turc doit prendre fin, il cessera tout net ; c'est un bon sujet
pour le Turc, et son fatalisme en fait un esclave du fait
accompli. Laissons-le réaliser que son Sort, sous la forme d'une
Europe Unie, est trop fort pour lui, et il se croisera les bras
et dira "C'est le destin, c'était écrit."
Lucy C.F. Cavendish
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