R. H. kévorkian , La cilicie (1909-1921) - RHAC III ► Première partie : les massacres de Cilicie d'avril 1909.
Un mot, ottomanisme, domine le débat politique dès le début de la période constitutionnelle, mais chacun donne à ce terme un contenu bien différent. Pour les Jeunes Turcs, il recouvre, dès l’origine, la notion d’unification culturelle du pays sous la bannière du turquisme et d’un Islam renouvelé, la disparition des particularismes nationaux dans le creuset d’un état modernisé. Chez les « protégés », notamment pour les Arméniens, il signifie avant tout l’accès à un statut d’égalité, la disparition et la réparation des injustices passées et la construction d’une société démocratique plus laïque, dans laquelle les distinctions confessionnelles seraient supprimées. Sur le fonds, l’adoption du concept d’ottomanisme, quel que soit le contenu qu’on veut bien lui donner, constitue en fait, pour toutes les composantes de l’empire, la dernière alternative susceptible de sauver l’unité ottomane. Cette politique implique toutefois, pour obtenir l’adhésion des Grecs et des Arméniens, la création d’un climat de confiance fondé sur des concessions à faire de la part des Turcs à leurs « protégés », comme la mise en pratique effective d’un statut d’égalité pour tous les sujets.
Mettre en œuvre cette concession, apparemment assez naturelle dans le cadre constitutionnel, équivalait cependant à bouleverser les rapports de force au sein de l’Empire ottoman, à modifier fondamentalement une règle du jeu vieille de cinq siècles, à soulever une opinion publique musulmane jalouse de ses privilèges. Cela dit, nous résumons le terrible dilemme auquel le Comité Union et Progrès fut en son temps confronté : d’un côté satisfaire les revendications égalitaires des sujets « protégés » et de l’autre ménager son opinion. En soulignant ainsi l’impossibilité dans laquelle se trouvaient les Jeunes Turcs de satisfaire simultanément les deux parties, nous mettons également le doigt sur leur préoccupation majeure durant les dix ans où il furent à la tête du pays : maintenir à tout prix l’unité de l’empire en ménageant prioritairement l’opinion publique musulmane et en exhortant les « protégés » à faire preuve de patience.
1- Péra-les-Constantinople, avril 1909. Entrée triomphale de Mahmoud Cheket pacha, chef de l' "Armée de libération". Photo l'Illustration du 15 mai 1909.
Les informations confidentielles qui sont communiquées à Paris, Londres, Berlin ou Vienne, par les agents consulaires en poste à Salonique, confirment pour le moins les préoccupations de la direction jeune-turque que nous venons d’évoquer. Le discours tenu par un des principaux leaders du parti, Mehmed Talaat, devant un aréopage de membres de l’ Ittihad, réuni à Salonique en août 1910 pour préparer leur congrès, en donne une excellente synthèse : « Vous savez que, selon les termes de la Constitution, l’égalité entre musulmans et ghiavours est assurée, mais vous comprenez tous fort bien que cet idéal est irréalisable. La chériat, notre passé historique et les sentiments de centaines de milliers de musulmans, ainsi que ceux des ghiavours eux-mêmes, élèvent une barrière infranchissable contre l’établissement d’une égalité réelle... Il ne peut donc être question d’égalité tant que nous n’aurons pas réalisé l’ottomanisation de l’Empire »1.
Le préalable posé ici par Mehmed Talaat ne fut pas commenté lors du congrès qui suivit, mais, nous dit-on, au cours de discussions confidentielles, tenues en marge des séances plénières, portant sur le plan d’homogénéisation forcée de la Turquie, d’« ottomanisation complète de tous les sujets turcs », termes que l’ambassadeur britannique traduit par une formulation plus catégorique : « Dans leur esprit, “ottoman” veut évidemment dire «turc” et leur politique actuelle d’“ottomanisation” est une manière de fondre des éléments non turcs dans un mortier turc »2. C’est probablement à cet état d’esprit, dominant au sein des instances dirigeantes du CUP, que l’on doit la méthode choisie pour résoudre la question des nationalités, notamment macédonienne et albanaise : une intervention musclée de l’armée et une politique de répression sans nuance.
Concernant la question arménienne, les Jeunes Turcs, qui ont lutté côte à côte avec les militants arméniens contre le régime hamidien et qui connaissent l’état d’esprit de leurs anciens compagnons d’arme, savent fort bien, dès juillet 1908, que l’établissement d’un état de droit est la seule option possible pour les Arméniens et que ces derniers se contenteraient bien volontiers de cette solution. Dans la nouvelle donne politique, la Fédération Révolutionnaire Arménienne (FRA), qui a acquis une légitimité certaine au sein du millet du fait de son rôle dans la Révolution de 1908 et de son combat contre Abdul-Hamid, est très officiellement devenue l’allié privilégié du Comité Union et Progrès, avec lequel elle signe une Déclaration commune de coopération le 4 septembre 19093. Tout rapproche apparemment ces deux mouvements d’essence révolutionnaire qui se sont forgés une identité dans la lutte clandestine qu’ils ont menée contre l’Ancien régime, les uns pour, croient-ils, sauver l’Empire ottoman de la débâcle, les autres pour faire accéder leur société à la liberté.
Ces groupes clandestins, soudain propulsés sur le devant de la scène politique, conservent toutefois leur goût de l’ombre, méprisant la gestion des affaires au profit d’un pouvoir occulte, s’appuyant au besoin sur des groupes paramilitaires de militants dévoués, voire fanatisés, les fédaï, qui assument les basses œuvres de leur parti au nom de ses idéaux. Si l’on songe que la mouvance jeune-turque n’a pris véritablement consistance qu’au lendemain des massacres organisés au cœur de Constantinople par Abdul-Hamid le 30 septembre 18954, jugés excessifs, on mesure aussi à quel point le mouvement unioniste resta marqué par cette expérience de la violence et aussi par le courage et la témérité de certains Arméniens qui osaient défier publiquement un monarque inspirant à tous la terreur.
Cela dit, nous posons ici un second postulat, que nous allons illustrer dans les pages suivantes : malgré leur intimité avec les leaders arméniens et peut-être du fait de leur culture révolutionnaire, les chefs jeunes-turcs semblent avoir été convaincus, dès l’origine, de la « culpabilité » des Arméniens, de leur ambition à « fonder un nouveau royaume arménien», accusation qui revient de manière récurrente dans la bouche de certains responsables turcs avant, pendant et après les massacres de Cilicie. Autrement dit, les Arméniens étaient pour la classe dirigeante turque potentiellement coupables de travailler à la destruction de l’unité de l’empire et devaient, à ce titre, être traités comme il se doit en pareille circonstance — le cas arménien n’est évidemment pas unique et on sent une approche similaire pour les questions albanaise, macédonienne et arabe.
Il faut doublement souligner ce point essentiel pour comprendre la psychologie qui imprègne les deux partis et saisir la logique des discours tenus par les milieux turcs et arméniens après les massacres de Cilicie : pour les premiers, il s’agit de prévenir une insurrection en noyant dans le sang ces velléités supposées ; pour les seconds, il apparaît indispensable de faire rejaillir la vérité et d’obtenir justice, tout en prouvant leur bonne foi, car ils ont une sorte d’obligation constante de démontrer « leur fidélité», autre terme qui revient constamment dans les discours du temps.
Dans ce cas d’école, illustrant le décalage culturel considérable qui existe entre deux éléments d’une même entité politique, on touche du doigt la notion de justice interprétée de façon radicalement opposée selon que l’on appartient au groupe des dominants, se considérant comme porteur d’une légitimité du pouvoir séculaire lui donnant un droit de vie et de mort incontestable par quiconque, ou au groupe des dominés revendiquant sa place dans la société et exigeant qu’on respecte ses droits et ses libertés.
Ces quelques réflexions préliminaires sur les subtilités de la société ottomane au début du XXe siècle peuvent nous aider, nous semble-t-il, à poser les bases d’une réflexion prenant soin, tout en observant les méthodes de la critique historique, d’éviter une approche trop radicalement occidentale, porteuse d’une logique de jugement anachronique dans un tel contexte.
Nombre d’historiens ont mis en évidence le traumatisme occasionné chez les Ittihadistes par les pertes territoriales symboliques ou effectives que l’Empire ottoman enregistra immédiatement après leur arrivée au pouvoir et par la violente opposition interne qu’ils ont suscitée par manque d’expérience ou du fait de leur mode de fonctionnement occulte, prêtant le flanc aux accusations de malversations et de crimes politiques. Certains ont aussi vu dans ces premiers pas douloureux l’origine de la radicalisation du régime jeune-turc. Si toutes ces explications peuvent effectivement être fondées, elles ne doivent cependant pas occulter l’héritage spirituel et politique dont les chefs jeunes-turcs et le monde turc en général sont porteurs, dans lesquels sont déjà inscrits une forme de xénophobie à l’ottomane et un nationalisme turc radical dès lors que l’on conteste un tant soit peu leur leadership ou qu’on émet une revendication.
Pour illustrer notre réflexion sur l’« incompréhension » fondamentale entre Turcs et Arméniens — euphémisme classique pratiqué par certains historiens —, il nous a paru judicieux de procéder ici à une observation méticuleuse des phénomènes marquants des années 1908-1909. Notre choix s’est tout naturellement porté sur deux événements révélateurs qui se sont produits simultanément, par une apparente coïncidence, en avril 1909, à savoir la « Réaction » contre le régime jeune-turque, à Constantinople, et le massacre des Arméniens de Cilicie, plus communément connus sous le nom d’« événements d’Adana ». Antérieurs aux lois sur la presse et la liberté d’association, définitivement adoptées durant l’été et l’automne 1909, ces événements se produisent dans un contexte de paix, sous les yeux d’observateurs extérieurs, d’une opinion publique critique et d’une presse d’opposition libre, donc dans des conditions documentaires exceptionnellement favorables pour en saisir les processus.
Il faut aussi souligner, pour justifier notre choix, que la contre-révolution et les massacres ciliciens constituent un test exemplaire pour mesurer les mutations éventuelles que subit alors la société ottomane. Ils soulèvent, dans une même problématique, la question de la signification de la «Réaction » antijeune-turque d’avril 1909 et celle de la responsabilité dans l’organisation des massacres, et du même coup de la crédibilité nationale et internationale des Jeunes Turcs.
La manière avec laquelle le Comité Union et Progrès gère ces deux affaires constitue elle aussi un révélateur intéressant, même si les Unionistes doivent tenir compte des effets prévisibles de leur gestion au sein de la communauté internationale comme chez les Arméniens qui, pour la première fois dans l’histoire de l’Empire ottoman, exigent avec véhémence que lumière soit faite sur les massacres de Cilicie et leurs responsables châtiés.
En milieu arménien, on veut en effet savoir, comme l’indiquent clairement les déclarations des leaders à la Chambre des députés, s’il s’agit d’une ultime réaction de l’Ancien régime ou bien d’un acte inaugurant une nouvelle politique exterminatrice.
Compte tenu des dogmes imposés par la kémalisation de la Turquie, l’historiographie turque a longtemps porté un regard subtil sur la « période constitutionnelle », distinguant le parti jeune-turc, sur les bases duquel a été fondée la République, des chefs qui l’ont dirigé, longtemps considérés comme des aventuriers et des intrigants irresponsables, car poursuivis postmortem par la vindicte personne de Moustapha Kémal. Depuis les années 1950, les autorités turques semblent avoir donné le signal d’une réévaluation du rôle des Talaat, Enver, Djémal, Nazim, Chükrü, Chakir et consort, laquelle s’est traduite par une floraison de publications qui ont contribué à un retour en grâce de ces personnages. Cette phase, même si elle n’est pas encore achevée, est en train de laisser place à une nouvelle lecture de l’histoire parmi les jeunes chercheurs, dont quelques-uns font preuve d’une certaine indépendance d’esprit. Dès lors, il faut espérer que nous pourrons, à l’avenir, lire des études fouillées sur le régime jeune-turc exploitant les potentialités de sources qui nous échappent souvent. En contrepoint, nous avons le sentiment, en publiant cette étude, d’apporter une contribution, aussi modeste soit elle, à l’histoire de l’Empire ottoman des années 1908-1909.
L es sources concernant ces deux événements sont de plusieurs natures, interne et externe, turque et arménienne, officielle et officieuse, politique et diplomatique, missionnaire et consulaire, se complétant parfois, se contredisant aussi. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous nous sommes efforcés de passer en revue les principales et d’en mesurer la fiabilité. Mais, plus encore, nous nous sommes essayé à décrypter la signification de certaines déclarations, voire leur évolution dans le temps, et, bien sûr, les motivations des uns et des autres, la logique interne qui régit leur politique de communication.
Concernant les sources officielles, c’est-à-dire le point-de-vue du gouvernement, celui de la majorité jeune-turque au parlement ottoman, nous avons lu les compte rendus quotidien publiés dans la presse stambouliote, ainsi que les déclarations publiques et interview des membres du Comité central jeune-turc de Salonique, repris de leur organe Tanin. Ce corpus donne une vision nette de la lecture des événements chez les Unionistes. Le dépouillement de la presse de l’opposition radicale, notamment du mensuel francophone Mécheroutiette, publié à Paris par un ancien compagnon de route des Saloniciens, le général Chérif pacha, apporte quant à elle un regard critique, voire extrêmement critique, sur la politique du Comité Union et Progrès. Malgré ses excès, elle nous livre de précieux témoignages d’anciens Unionistes sur la nature occulte du parti, son fonctionnement interne et ses méthodes de gouvernement trop rarement évoqués dans les publications contemporaines sur le régime jeune-turc. Ce même regard de l’opposition apporte aussi une interprétation bien différente de la version officielle de l’« incident du 31 mars » (du 13 avril dans le calendrier grégorien), contredisant avec une certaine crédibilité la thèse de la « réaction » hamidienne ou conservatrice, qui donne un si beau rôle aux modernistes-libérateurs jeunes-turcs ; cette source argumente aussi, mais de manière peu documentée, dans le sens d’une responsabilité unioniste locale ou nationale dans l’organisation des massacres de Cilicie.
Le dépouillement de deux titres de la presse arménienne de Constantinople — Azadamard, l’organe officiel des Dachnaks, et Puzantion, journal indépendant dirigé par un vieux routier de la politique ottomane, Puzant Kétchian — permet tout d’abord de prendre la mesure du choc engendré au sein de la nation arménienne par les tueries d’Adana, et aussi de suivre au jour le jour le débat qui anime la communauté sur la nécessité de faire émerger au grand jour la vérité sur les « événements d’Adana » et la politique des partis arméniens à l’égard des Jeunes Turcs. Si les commentaires des militants et journalistes arméniens révèlent, concernant la Cilicie, des gens blessés au vif, en revanche, leur analyse de l’« incident du 31 mars », surtout dans Puzantion, apporte indéniablement des informations bien moins partisanes sur le rôle des uns et des autres et accrédite avec une certaine réserve la thèse de la « réaction ».
Les archives diplomatiques françaises ( Turquie, nouvelle série, vol. 83 et 84) donnent une vue globale sur la situation intérieure de l’Empire ottoman, à travers les rapports réguliers de ses consuls et agents consulaires. Il faut cependant souligner que le vice-consul de France à Adana et Mersine brilla, comme les missionnaires et les marins français l’ont unanimement souligné, par son absence lors des massacres de Cilicie — il faut faire appel aux rapports du consul britannique, le major Doughty Wylie (FO 195/2306 notamment) pour obtenir certaines précisions. Son successeur suit par contre avec attention la gestion de la crise sur le terrain et les activités de la Cour martiale locale.
En définitive, ce sont les archives militaires de la Marine française ( Service Historique de la Marine, séries BB4 1725-118 et SS ED 100, Vincennes) qui apportent le plus d’indications sur les massacres, grâce à une arrivée extrêmement rapide sur place et à une intervention humanitaire efficace, surtout dans le golfe d’Alexandrette et dans la région de Kessab, où plusieurs milliers d’Arméniens sont sauvés du massacre grâce à l’arrivée de navires français dans la baie de Bazit. Mais ces témoignages apportent surtout un regard extérieur fortement marqué par l’obsession du prestige de la France dans la région et par une certaine compétition avec les forces navales anglaises, américaines et allemandes présentes sur place. Cela est surtout vrai pour le contre-amiral Pivet, commandant l’Escadre légère de la Méditerranée, et beaucoup moins pour des officiers comme le capitaine Prère, qui passe plusieurs jours à Adana à secourir les victimes, entre les deux phases du massacre, et donne des détails essentiels sur l’attitude des autorités locales.
La présence occidentale au Levant n’est pas que militaire et les missionnaires catholiques français constituent également un relais local non négligeable pour la France. à Adana, comme dans le reste de la Cilicie, on compte, en 1909, un nombre important de missions. Celle dirigée par le P. Rigal à Adana est d’autant plus intéressante pour nous que les établissements français étaient situés à la lisière du quartier arménien et donnèrent refuge à plusieurs milliers d’Arméniens de la ville lors des massacres d’avril 1909. Nous avons donc, avec les témoignages des missionnaires, un regard intérieur de gens directement au contact des événements et des acteurs du drame. Si certaines de leurs considérations sont imprégnées de préjugés confessionnels — l’objectif majeur de ces clercs reste de convertir au catholicisme les populations arméniennes —, l’information qu’ils nous apportent reste de loin la plus précise. Le rapport du P. Rigal, que nous publions en annexe, est à cet égard exemplaire5.
Concernant les sources arméniennes disponibles, outre la presse quotidienne déjà mentionnée, nous possédons les minutes de la Chambre des députés arménienne qui nous permettent de suivre jour après jour la gestion de l’affaire au sein de la direction arménienne, ainsi que les documents officiels émanant du Patriarcat arménien, et le fameux rapport du député jeune-turc Hagop Babikian sur les massacres d’Adana, remis aux instances arméniennes après le décès prématuré de celui-ci, lequel ne fut rendu public qu’en 19126. On peut adjoindre à ces matériaux deux publications quasiment officielles dressant un bilan définitif des « événements d’Adana » : La catastrophe de Cilicie, publié en 1912 par un lettré originaire d’Adana et témoin des événements, Hagop Terzian, et The Young Turks and the Truth about the Holocaust at Adana, in Asia Minor, During April, 1909, ouvrage publié à Londres en 1913, dont l’auteur est Duckett Z. Ferriman. Publiés assez tardivement, plus de trois ans après les faits, dans un contexte politique très différent, alors que les milieux arméniens et européens sont totalement désabusés par l’expérience jeune-turque, ces deux volumes semblent attester du fait que ces cercles détenaient dès 1909 des éléments prouvant formellement la responsabilités de certains milieux turcs dans les massacres de Cilicie. Ce qui indique par conséquent que ces mêmes cercles ont alors préféré négocier avec le gouvernement jeune-turc, pour obtenir un minimum de réparation pour les victimes survivantes, plutôt que de mettre sur la place publique des documents accablants et risquer ainsi de provoquer une réaction violente dans les provinces arméniennes.
Principales localités à populations arméniennes en 1909
1) Les sources consulaires française, anglaise et autrichiennne rapportant toutes ces propos, sont citées et commentées par Vahakn Dadrian, Histoire du génocide arménien, Paris 1996, pp. 301-303, n. 2-7.
2) FO 195/2359, f° 276 ; British Documents on the Origins of the War 1889-1914, IX, Londres 1926, doc. 181, rapport du 6 sept. 1910, p. 207. L’historiographie traditionnelle fait souvent allusion à l’animosité qui dominait les rapports entre les autorités britanniques et les Jeunes Turcs, voire au rôle occulte joué par les Anglais dans la « réaction » d’avril 1909. Ce qui pourrait éventuellement réduire la portée de tels propos à condition de méconnaître le pragmatisme des diplomates britanniques du temps et la qualité des informations qu’ils pouvaient obtenir.
3) Texte complet publié dans l’organe officiel de la FRA, Azadamard, n° 63, du 5 septembre 1909, p. 1.
4) La répression d’un manifestation pacifique, réunissant 4 000 Arméniens devant le palais de Yıldız, fit 1 000 morts parmi les manifestants. Il faut toutefois préciser que cette manière de formuler une revendication, de protester contre les violences subies par les populations des provinces arméniennes, était alors une grande première dans l’Empire ottoman et ne pouvait, dans ces conditions, être convenablement évaluée par les autorités turques.
5) Il fut publié pour la première fois dans les Lettres d’Ore, relations d’Orient, revue confidentielle des missions jésuites éditée par le siège de Lyon et publiée à Bruxelles, novembre 1909, pp. 359-391.
6) Nous publions également en annexe la version française de ce document essentiel sur la base de l’édition confidentielle du Patriarcat arménien de Constantinople intitulée : La situation des Arménien en Turquie exposée par des documents, 1908-1912, III, [Constantinople 1913], pp. 5-27.
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