RHAC II ► Partie II. Témoignages sur les camps de concentration de Syrie et de Mésopotamie ►
C’était au cours de l’année 1915, durant les jours les plus atroces du martyre arménien. Des milliers d’Arméniens, sous des tentes, près d’Alep, dans la plaine désertique connue sous le nom de Sébil, attendaient d’être mis en route. Tous les matins, on entendait les hurlements de mauvais augure des gendarmes et des délégués gouvernementaux: «Ghalkhın, kıkhın, tchıkhın...»
C’était les convois qui se mettaient en route. Un délégué envoyé par Constantinople — je crois qu’il s’agissait d’un Turc de Macédoine —, un véritable monstre de cruauté, surveillait l’expédition. [Les déportés] demandaient en vain de pouvoir rester, pour gagner un jour de plus. Ce misérable hurlait:
— Non ! c’est tout de suite que vous devez partir.
— Nous sommes malades, nous n’en avons pas la force.
— Crevez!
— Pour l’amour de Dieu, un jour de plus.
— C’est impossible, mettez-vous en route immédiatement.
Puis, lorsque les femmes continuaient à le supplier, ce monstre sauvage disait:
— Où est donc votre Boghos pacha; qu’il vienne donc vous sauver, que je voie ça... Il allait faire de l’Arménie un beylik et lui allait en être le bey. Où est-il donc, voyons voir?
Puis, déchaîné par la colère, il commençait à matraquer à droite et à gauche, en continuant à grogner dents serrées: Où est votre Boghos pacha... Qu’il vienne donc vous sauver.
* BNu/Fonds A. Andonian, Matériaux pour l’histoire du génocide, P.J.1/3, liasse 30, Alep, ff. 29r°-v°.
Note d’Aram Andonian: écrit par Yervant Odian.