Maurizio Russo, Revue d'histoire arménienne contemporaine I (1995), pp. 31-44.
Nombre d'historiens en conviennent: au début des années 1880, la Sublime Porte n'avait pas le contrôle de la situation dans les provinces de l'Est de l'Asie Mineure1. Encore mal remise de la Guerre russo-turque de 1877-1878, l'armée ottomane est alors en pleine recomposition, sous la houlette d'officiers supérieurs allemands, et il est bien difficile aux vali, chargés par le sultan de réorganiser les provinces, de mettre au pas les agha kurdes locaux et de gérer les premiers mouvements d'auto-défenses organisés par les partis révolutionnaires arméniens à la fin des années 1880. Les tueries d'Arméniens, consécutives à la manifestation du comité Hentchak de Constantinople, en 1890, n'ont pas non plus manqué d'attirer la compassion de l'opinion publique européenne, et obligé les grandes puissances à adresser des protestations à la Sublime Porte. Il devenait donc urgent pour celle-ci de réorganiser et de pacifier l'Est. En principe, cela aurait pu se faire par la mise en oeuvre des réformes promises lors du Congrès de Berlin. Mais le sultan Abdul-Hamid II choisit une autre option en organisant, à partir de février 1891, les fameux régiments de cavalerie kurdes. Stephen Duguit pense, en effet, que «The creation of the hamidié regiments had given some of the Kurdish tribes the impression that their traditional disregard for authority was now legally sanctioned and the result was a gradual increase in the level of Kurdish violence after 1891»2. Ceci d'autant plus que le pacte que le sultan passe avec les agha kurdes, lors de leur réception à Constantinople, donne plein pouvoir à ces derniers à l'Est. La Sublime Porte prit néanmoins la précaution de placer ces régiments kurdes sous l'autorité du muchir/ maréchal Mehmed Zeki pacha, commandant en chef du IVe corps d'armée ottoman — composé de trois divisions —, dont le quartier général se trouvait à Erzindjan, dans l'ouest du vilayet d'Erzeroum. En été 1893, le nombre des Kurdes volontaires recrutés dans les régiments de cavalerie hamidié s'élève déjà à 34 450, répartis dans cinquante-cinq régiments ou deux cent-vingt-neuf escadrons3.
Ceci dit, la question de l'origine du projet de constitution de la cavalerie kurde hamidié reste posée. La réponse avancée par le consul italien de Trébizonde Francisci, dans une dépêche datée du 29 mars 18914, nous paraît convainquante. Il est parfaitement possible que le sultan ou un de ses conseillers aient songé à prendre pour modèle l'organisation de la cavalerie cosaque, fer de lance de l'armée russe fidèle au tsar. Abdul-Hamid pouvait ainsi envisager de s'acquérir la bienveillance des turbulents agha ou bey kurdes tout en créant un instrument de répression contre les Arméniens, qu'ils soient issus des milieux révolutionnaires ou simples paysans. Certains historiens ne contestent pas que les régiments hamidié étaient effectivement destinés à harceler et à liquider les populations arméniennes5, tout en prenant soin de présenter leurs actes criminels contre les civils — on songe notamment à leur rôle durant les massacres de 1894-18966 — par la répression rendue nécessaire par l'«insurrection» organisée par les révolutionnaires arméniens. Il n'est pourtant que trop évident que la formation des régiments hamidié rentrait dans la stratégie globale mise en oeuvre par Abdul-Hamid, qui visait à dépeupler le Haut plateau arménien par différents moyens. L'insécurité permanente entretenue par les régiments kurdes, la spoliation des terres des paysans arméniens, le pillage des villages, l'enlèvement de jeunes filles, l'incendie des récoltes, la «politique fiscale», les restrictions à la liberté de circulation des biens et des personnes, les massacres localisés, les conversions forcées à l'islam, etc., sont autant d'actes quotidiens et systématiques, organisés et mis en oeuvre par les autorités locales en coordination avec les bey kurdes, pour «favoriser» la transformation des grands équilibres démographiques locaux, accentuée par l'exil vers les grandes villes de l'ouest ou l'étranger de nombre de paysans restés sans terre.
Côté kurde, l'opportunité de vivre sur l'habitant sédentaire arménien — système qui prévalait depuis le XVIIe siècle — apparut alors insuffisante. Désormais armés de fusils modernes par les autorités et revêtus d'un uniforme leur conférant une légitimité officielle, les Kurdes saisirent, après quelques hésitations, l'occasion qui leur était fournie et donnèrent libre cour à leurs talents de pillards, ne cherchant même plus à dissimuler qu'ils étaient chargés de supprimer les Arméniens.
Si l'on sait, grosso modo, quel rôle jouèrent les hamidié durant les massacres de 1894-1896, grâce aux témoignages d'Occidentaux7, en revanche on savait jusqu'à présent fort peu de chose sur les conditions dans lesquelles le projet de formation des régiments kurdes fut mis en oeuvre. D'où l'intérêt des documents diplomatiques italiens présentés ci-après par Maurizio Russo.
R.H. K.
1) Stephen Duguid, «The Politics of Unity: Hamidian Policy in Eastern Anatolia», Middle Eastern Studies IX/2 (1973), pp. 139-155.
2) Ibidem, p. 147.
3) Cf. supra, p. 15, l'article d'Arthur Beylerian sur «Trébizonde»; Léon Lamouche (Les armées de la péninsule Balkanique, Paris 1901, pp. 18) dénombre, en 1900, 266 escadrons de cavaleries qui «se sont acquis, lors des affaires d'Arménie, en 1894, une triste célébrité».
4) Cf. infra, note 24.
5) Y. H. Bayur, Türk Inkilâbi tarihi [Histoire de la Révolution turque], I/1, 2 éd., Ankara 1964, p. 67.
6) Les sources diplomatiques françaises (cf. Documents diplomatiques. Affaires arméniennes [1893-1897], Paris 1897) et anglaises (cf. Blue Book, Turkey n° 1 (1895) et 2 (1896), Part I-II) abondent en témoignages de consuls européens relatifs aux exactions des régiments kurdes.
7) Ibidem.
Quoi que de formation récente, l'Etat italien unifié développa une diplomatie active dans l'Empire ottoman dès la seconde moitié du XIXe siècle et suivait avec une attention toute particulière l'évolution de la question arménienne depuis le Congrès de Berlin. La présence à Erzeroum de ressortissants italiens justifia du reste la création, en 1862, d'une «Regia agenzia consolare» locale, qui dépendait de l'important «Regio consolato» italien de Trébizonde et constituait le point d'observation italien le plus avancé en Arménie1. C'est grâce aux informations de première main transmises par ces deux agences consulaires sur l'évolution des «Fatti d'Armenia» entre 1890 et 1894, qu'il nous est possible d'appréhender la question des régiments de cavalerie kurde hamidié.
Pour les diplomates italiens, il apparaît clairement que la politique du gouvernement ottoman vis-à-vis des Arméniens est alors en train d'évoluer vers la répression. La date qu'ils posent comme le début de cette mutation est celle du 20 juin 1890 («émeutes» d'Erzeroum). A ce propos, le consul italien à Trébizonde écrit en effet qu'«Une conséquence très déplorable de tout cela fut le réveil, parmi les musulmans, d'un sentiment de haine contre les chrétiens. Dorénavant, le terme méprisant de ghiavur, utilisé pour désigner les chrétiens, est revenu en vogue, alors que depuis plusieurs années régnait entre eux une tolérance réciproque»2.
Quatre aspects de cette politique reviennent régulièrement dans leurs dépêches: 1) l'usage massif de l'incarcération comme forme de répression; 2) l'accentuation progressive d'une campagne de propagande anti-arménienne: les Arméniens conspirent contre le gouvernement du Sultan; 3) la concussion comme élément porteur de la répression; 4) l'utilisation des Kurdes dans la politique anti-arménienne et la formation des régiments hamidié, auxquels les diplomates italiens s'intéressent de très près.
Nombre de rapports en provenance d'Erzeroum et de Trébizonde, portant sur la formation des régiments hamidié, parvinrent, en effet, entre 1891 et 1893, au ministère des Affaires étrangères. Ils témoignent de l'importance du phénomène; du soin et de la ténacité avec lesquels le gouvernement ottoman poursuivit son but; de l'implication, à divers niveaux, des autorités publiques et militaires dans cette opération; de l'importance attribuée à cet événement dans la presse ottomane, ce qui montre combien la constitution des régiments hamidié était un élément essentiel du dispositif conçu par le sultan Abdul-Hamid II. Ces documents confirment en outre que la formation des bataillons hamidié s'effectua en phases successives, qui nécessitèrent une grande dépense d'énergie, puisque l'ambitieux objectif final était de parvenir à «embrigader» des tribus guerrières et semi-nomades, depuis toujours réfractaires à toute autorité, pour en faire un instrument militaire au service de la politique hamidienne.
A travers ces mêmes rapports diplomatiques, il est possible de distinguer les quatre phases essentielles du processus de formation des Hamidié:
1) L'alliance (janvier-février 1891 à juillet 1891).
2) Le recrutement (juillet 1891 à septembre-octobre 1891).
3) La constitution (septembre-octobre 1891-fin 1892).
4) L'instruction et l'organisation des régiments (début 1893 jusque fin 1893).
Compte tenu des structures tribales du monde kurde, pour mettre en oeuvre le projet hamidien, il fallait prioritairement s'attacher les chefs locaux, les fameux bey, sans l'appui desquels l'affaire n'avait aucune chance d'aboutir. D'où le travail de séduction entrepris par les autorités locales, qui étaient chargées de préparer une alliance entre le sultan et les chefs kurdes. Ces derniers devaient tout d'abord se rendre à Constantinople pour y faire acte de soumission au sultan. Grâce aux documents diplomatiques italiens, le parcours effectué par les chefs kurdes pour se rendre dans la capitale est bien connu. On y voit bien comment ils sont préparés à la pompeuse cérémonie de présentation au sultan, qui constitue en l'occurrence leur premier acte officiel. C'est d'Erzeroum que l'agent consulaire italien, Augusto Laviny, adressent à Rome les premières informations à ce sujet durant les premiers mois de 1891. Cette ville représente, en effet, la première étape importante du voyage des Kurdes vers Constantinople. Ces derniers s'y arrêtent le plus souvent quelques jours et s'y font confectionner des habits brodés d'or par les tailleurs arméniens locaux, pour pouvoir les exhiber dans la capitale. Dans une dépêche adressée au consul italien à Trébizonde le 28 février 1891, l'agent consulaire italien décrit le passage par Erzeroum des premiers contingents de bey:
«Chaque jour, les Kurdes passent ici, par bandes, pour aller à Erzindjan. Lors de leur séjour dans la ville, les chefs se font confectionner des habits brodés d'or selon leurs coutumes, afin de rentrer en grande pompe à Constantinople. Dernièrement, un de ces chefs se trouvait dans la maison d'un notable turc en même temps qu'un Arménien. Comme ce dernier le plaignait de toutes les dépenses qu'il avait dû prendre à sa charge, il lui répondit qu'elles devraient être payées par les Arméniens. Il se serait néanmoins gardé de dire cela s'il avait pu savoir que celui qui l'avait plaint était un chrétien. Je vous garantis l'exactitude de cette anecdote, qui nous prouve toujours que les Kurdes arrivés à Constantinople, s'ils veulent rester fidèles au système de corruption existant dans la capitale, devront faire des cadeaux à une quantité d'individus, à commencer par les plus hauts [dignitaires] et jusqu'au moindre [fonctionnaire]. Et ce seront toujours les malheureux chrétiens qui en subiront les conséquences. Je ne prévois donc rien de bon pour l'été prochain, et Dieu veuille que je sois un mauvais prophète»3.
Durant cette période, le passage de ces groupes de Kurdes constitue l'événement le plus important pour Erzeroum, dont la population arménienne est, comme l'écrit Laviny dans un rapport du 7 mars 1891, littéralement angoissée: «Les Arméniens sont tous envahis par une peur panique, dont la raison est la venue de tous ces bey kurdes qui vont à Erzindjan et de là continuent vers Constantinople. Ils craignent qu'à leur retour, ceux-ci ne commettent toutes sortes de vols et de violences, et beaucoup voudront [alors] certainement émigrer. Mais je suis persuadé que le gouvernement cherchera mille prétextes pour empêcher cette émigration»4.
Après s'être arrêtés à Erzeroum, les bey se rendent à Erzindjan, puis poursuivent leur route vers Trébizonde, où ils sont accueillis par les plus hautes autorités civiles et militaires de la ville. Une cérémonie d'accueil parfaitement codifiée les y attend, donnant à leur voyage une tournure officielle, prélude de ce qu'ils trouveront à Constantinople. Dans un rapport adressé à son ambassade de Constantinople le 28 mars 1891, le consul italien de Trébizonde décrit l'arrivée de certains de ces bey voyageant avec une nombreuse suite. L'accueil qui leur est réservé témoigne de l'importance que le gouvernement ottoman attache à leur personne: le vali et les notabilités civiles et militaires de la ville se rendent même à leur rencontre, à quelques km de la ville, avec une compagnie de nizamiye (=forces régulières) et une fanfare militaire.
Hébergés chez les principaux notables de la ville, les dignitaires kurdes y attendent l'arrivée d'un bateau spécialement affrété par le gouvernement pour les transporter à Constantinople. Deux représentants du gouvernement, venus de la capitale, les escortent dans cette dernière partie de leur voyage. Avant le départ, le vali, accompagné du commandant général de la garnison, monte à bord du navire pour les saluer une dernière fois, au son de l'inévitable fanfare militaire présente sur les quais, parachevant ainsi les manifestations officielles qui caractérisent l'étape de Trébizonde et qui se répètent à l'arrivée de chaque contingent de bey5.
Cet extrait de dépêche est à cet égard significatif: «Avant-hier, j'eus l'honneur d'informer télégraphiquement V[otre] E[xcellence] de l'arrivée dans cette ville de plusieurs bey kurdes avec leur suite, environ cent-cinquante personnes, qui, si le temps le permet, s'embarqueront pour cet endroit [=Constantinople].
«D'après ce que j'ai appris, les dits Kurdes appartiennent à trois tribus des vilayets (sic) de Mouch et Bitlis et viennent d'Erzindjan. Parmi eux, il y a douze bey plus ou moins hauts placés et les autres appartiennent à leur suite. Ils étaient tous armés de yatagan, de revolvers kandjar, tandis que les chefs avaient des carabines Winchester de cavalerie, en usage dans l'armée russe. Au sein de la suite, deux seulement étaient armés de lances. Le vali, les autorités militaires et le chef de la municipalité se rendirent à leur rencontre, à quelques miles de distance, avec une compagnie de nizamiye (= soldats de l'armée régulière) et la fanfare militaire. A peine arrivés auprès du commandement de la place, ils furent installés dans les demeures des principaux notables de la ville. Hier, à 16h, ils s'embarquèrent sur le paquebot Diana, de la Lloyd a[utrichienne], spécialement affrété par le gouvernement. Leur présence ici ne causa aucun problème. Une compagnie de nizamiye, musique en tête, leur rendit les honneurs lors de leur départ, auquel assistaient également le commandant général de la place et le vali, qui se déplaça pour les saluer à bord. Pour recevoir les bey, deux chambellans étaient arrivés de Constantinople: un du sultan, l'autre du serasker»6.
Arrivés à Constantinople, les bey kurdes sont invités à des cérémonies officielles organisées en leur honneur. Ils sont tout d'abord reçus en audience par le sultan, puis celui-ci leur fait offrir de grandes tenues militaires et leur décerne les plus hautes distinctions de l'empire. Après deux mois passés dans la capitale aux frais du Trésor, un vapeur spécialement affrété par le gouvernement les ramène à Trébizonde, où ils effectuent une halte de plus avant de repartir pour l'intérieur du pays. L'alliance passée, ils sont dès lors tenus d'organiser le recrutement des hommes promis au Sultan. Voici comment le consul Francisci décrit leur retour:
«Excellence, le 19 courant, revinrent ici de Constantinople les Kurdes dont j'avais annoncé à V[otre] E[xcellence] le passage dans mon rapport daté du 29 mars dernier, n° 207/76, et le jour suivant il repartirent dans leur pays. Ils étaient tous en uniforme et tous les chefs étaient très décorés. L'uniforme n'était pas le même pour tous, mais il en existait de trois sortes: certains avaient un uniforme similaire à celui des Circassiens, d'autres semblable à celui des Cosaques, et d'autres enfin, contrairement aux premiers qui étaient coiffés d'un kalpak, portaient la coiffe et ressemblaient à des cavaliers arabes; ces derniers sont les plus beaux. Ainsi équipés, ceux-ci n'ont plus cet aspect féroce qu'ils avaient dans leurs costumes barbares. Il ne faut pourtant pas croire qu'avec ce changement vestimentaire, ils aient pu changer d'âme et d'habitudes et devenir ainsi plus disciplinés. C'est une erreur de les renvoyer dans leur pays et tous pensent ici, qu'une fois là-bas ils recommenceront à mener la même vie qu'auparavant »7.
Toute l'opération a été soigneusement préparée et précédée par une active campagne de presse destinée à convaincre les observateurs que la création de ces nouveaux régiments n'avait d'autre but que de renforcer le contrôle des frontières nord-est de l'empire. Chez les diplomates italiens, l'objectif recherché par le gouvernement ottoman reste, en l'occurrence, encore obscur et on se perd en conjectures. Le consul Francisci résume ainsi les rumeurs circulant à Trébizonde sur les raisons qui ont motivé l'invitation des bey kurdes à Constantinople: a) Le sultan souhaite définitivement soumettre les Kurdes au service militaire; b) Le sultan veut créer des conditions propices à la formation de régiments de cavalerie kurde pour pouvoir les opposer aux Cosaques et aux Circassiens du Caucase; c) Le sultan veut les éloigner d'Arménie et mettre un point final aux continuelles spoliations dont sont victimes les Arméniens.
Le consul est même persuadé que le voyage des bey n'avait d'autre but que de préparer la formation des régiments de cavalerie hamidié destinés à s'opposer à la puissante cavalerie russe. Il rapporte aussi que certains milieux arméniens de Trébizonde sont convaincus que l'invitation des bey kurdes à Constantinople est la conséquence directe des protestations et des pressions exercées par les grandes puissances auprès de la Porte en faveur des Arméniens8.
Le passage des bey kurdes à Trébizonde dure ainsi jusqu'à la fin de l'été 18919. Durant le mois de juillet, le consul de Trébizonde informe son ambassade du retour de Constantinople de pas moins de 54 bey. D'après les documents italiens, il s'agit de la dernière «fournée» de chefs kurdes rentrés de la capitale10. La première phase prend ainsi fin, tandis que commence la seconde, caractérisée par les opérations de recrutement des kurdes.
Dans son rapport du 3 juillet, Francisci rapporte en outre que les cinquante-quatre bey, rentrés de Constantinople depuis deux jours, sont repartis pour Erzindjan, siège du IVe corps d'armée, accompagnés par le colonel Zekeriya effendi —détail qui mérite d'être souligné car, comme on le verra par la suite, un rôle fondamental est dévolu au IVe corps d'armée dans l'organisation des Hamidié. Dans le même rapport, on apprend l'arrivée à Trébizonde de 7000 caisses contenant des uniformes et des munitions destinés à équiper les nouveaux régiments11.
Malgré le passage à une phase d'organisation concrète, représentant théoriquement un progrès pour la constitution des Hamidié, malgré l'afflux de matériel, malgré les déclarations optimistes des autorités turques quant aux progrès enregistrés dans le recrutement, les diplomates italiens ne sont pas convaincus du fait qu'il est possible d'organiser des régiments kurdes hamidié. Ceux-ci pensent que tout le projet «svanirà come una bolla di sapone»12 et la diplomatie italienne, à tous les niveaux, reste unanimement sceptique quant à leur avenir. Ils se demandent, malgré la large promotion qu'en fait la presse nationale, comment les vingt-sept régiments envisagés vont bien pouvoir être constitués. Il leur paraît, en effet, impensable que le gouvernement ottoman puisse recruter autant de Kurdes, même si, à Constantinople, les bey kurdes avaient promis au sultan, une fois rentrés au pays, de lui fournir le nombre d'hommes nécessaires à la constitution des Hamidié. Aucun d'eux ne respecta ses engagements ou, dans le meilleur des cas, le fit dans une faible proportion. Le consul italien de Trébizonde rapporte même le cas d'une tribu kurde qui, plutôt que de fournir les hommes promis par son bey, préféra fuir de l'autre côté de la frontière, en Russie. Le 27 juin, l'agent consulaire italien d'Erzeroum informe aussi ses supérieurs que le général Ibrahim pacha, envoyé pour vérifier le bon déroulement des opérations, a constaté que les bey n'étaient même pas en mesure de fournir le cinquième des contingents promis. C'est ce qui fait écrire au même que «codesta armata irregolare, che doveva essere organizzata alla foggia di quella dei Cosacchi, non lo sarà punto»13, ou encore qu'«il Governo non riuscirà a organizzare nemmeno 3 invece dei 27 Reggimenti di Curdi»14.
De la même façon, le ministre italien des Affaires étrangères communique au ministre de la Guerre que «le promesse erano state molto esagerate e che la progettata formazione di 27 reggimenti di cavalleria irregolare, ad imitazione di quelli dei Cosacchi, è diventata assai problematica»15. Et, effectivement, les autorités turques en arrivent à user de la manière forte pour résoudre les problèmes de recrutement. Ainsi, le 24 septembre, le consul de Trébizonde rapporte que le muchir d'Erzeroum détient en otage nombre de bey kurdes, afin de les contraindre à trouver les soldats promis, et que, toujours dans un but coercitif, il a mis en prison quelques-uns de leurs familiers.
Bien que laborieux, le processus de formation des Hamidié se poursuit énergiquement. Le 6 septembre, l'agent consulaire Laviny nous apprend que les huit premiers bataillons, de quatre cent-cinquante hommes chacun, ont été formés à Bayazid16, tandis que quelques mois plus tard, le 13 février 1892, le consul Francisci affirme, malgré un ton toujours aussi dubitatif, que la formation de la cavalerie est effectivement avancée, avec des bataillons formés d'environ six cents hommes chacun17. Ces informations sont confirmées dans une dépêche en provenance d'Erzeroum, datée du 18 mars 1892, annonçant que la formation de quarante Hamidié de six cents hommes est prévue pour la fin du mois: «Relativement à la cavalerie irrégulière kurde, l'agent royal, auquel j'en demandais des nouvelles, me répondit, de source sûre, qu'il semblait bien que dans le mois en cours devraient être organisés quarante à cinquante des régiments prévus; chaque régiment, selon ce qui me fut dit ici même, devrait avoir une force minimale de six-cents cavaliers et à chaque régiment serait attribué un colonel, quatre capitaines et un intendant. Il reste cependant à savoir, ajouta l'agent royal, si ce projet sera entièrement et aussi rapidement traduit dans les faits, chose dont il doute fortement»18. Il est donc clair que dans les premiers mois de 1892 — même si les diplomates italiens sont encore incrédules —, les autorités ottomanes ont réussi à surmonter les problèmes d'enrôlement et ont entamé la constitution des bataillons hamidié.
Depuis septembre, les documents diplomatiques italiens font également allusion à une autre cérémonie importante, destinée à conférer un ton officiel à cette troisième phase: la remise des drapeaux aux nouveaux régiments. La première information à ce sujet est transmise par le consul Francisci le 12 septembre. Il annonce alors l'arrivée à Trébizonde du chambellan du sultan, Vehbi bey, qui a été chargé d'apporter cinquante drapeaux destinés aux nouveaux régiments de cavalerie. Avec le scepticisme habituel des diplomates italiens, il ajoute: «Il suddetto funzionario fu ricevuto con gran pompa dal vali: le bandiere trasportate chiuse in casse mi si dice siano in numero di 50, ma ben lontano da questo sarà il numero dei reggimenti ai quali le stesse potranno essere distribuite»19. Quoi qu'il en soit, la cérémonie de remise des drapeaux consacre la naissance officielle des régiments hamidié et concrétise le travail accompli depuis des mois. Au niveau local la remise des drapeaux, qui a lieu dans une atmosphére solennelle, représente également un événement de très grande importance, dont la fonction de propagande vis-à-vis des autochtones est évidente. La seule arrivée des drapeaux à Erzeroum revêt elle-même un caractère très officiel20. Au point que les autorités locales n'hésitent pas à aller à la rencontre des drapeaux, ainsi que le remarque Laviny le 21 mars 1892: «Ieri qui giunsero le bandiere hamidié per uso dell'armata Curda. Tutti gli impiegati superiori ed inferiori furono obbligati di andare incontro alle bandiere, malgrado un tempo pessimo»21.
Le scepticisme des diplomates italiens ne commence à s'atténuer que vers le mois d'avril 1892, quand les progrès faits dans l'organisation des Hamidié deviennent toujours plus évidents. Ce changement apparaît pour la première fois dans une dépêche du consul de Trébizonde, daté du 5 avril 1892, annonçant que Vehbi Bey venait d'arriver de Constantinople pour remettre une décoration officielle à Zeki pacha, principal organisateur de la cavalerie kurde. Le consul y indique aussi que l'organisation de ces régiments est alors, sinon complète, du moins assez avancée: «La semaine dernière, arriva dans cette ville, depuis Constantinople, avec le bateau à vapeur de la Compagnie ottomane Mahsusse, le major Vehbi bey, chambellan du sultan, porteur du grand cordon du Meci-diye, avec plaque en brillant, récemment conféré par le sultan à Zeki pacha: signe que le sultan est satisfait de l'oeuvre accomplie par celui-ci dans l'organisatin des régiments de cavalerie kurde et que si celle-ci n'est pas encore achevée, elle doit de toute façon être assez avancée. Le susdit chambellan est parti il y a deux jours pour Erzindjan, emportant avec lui, outre la décoration, les autres drapeaux destinés aux régiments kurdes en formation»22.
Une description oculaire de la constitution de certains bataillons nous est dressée par l'agent consulaire à Erzeroum qui, en juin 1892, assiste, comme tous les consuls présents dans la ville, à la cérémonie de remise des drapeaux à quinze régiments hamidié: «Vendredi, le muchir invita tous les consuls à la distribution des drapeaux, qui fut faite à quinze régiments (ou escadrons) de la cavalerie irrégulière kurde dite Hamidié. En raison du manque de drapeaux, trois régiments n'en reçurent point, et il paraît qu'un de ces derniers est suspecté d'avoir passé un accord secret avec la Russie. Il semble bien que chaque régiment sera doté de quatre capitaines, huit lieutenants et un major, plus un professeur pour l'établissement de nouvelles écoles [...]. D'après ce qui m'a été rapporté, à Van les drapeaux furent distribués par le muchir à douze autres régiments»23.
Dans un rapport du 7 juillet, le consul Francisci fournit au ministre des Affaires étrangères italien les premiers chiffres qu'il estime vraiment dignes de foi. Il écrit qu'ont déjà été formés quarante-sept régiments d'Hamidié, et que chacun doit atteindre une force réglementaire de cinq cents hommes (force que tous n'ont pas encore atteinte). Il ajoute aussi, sur la base de renseignements qu'il qualifie d'émanant d'une personne fiable, que le gouvernement a l'intention de porter le nombre des bataillons à cent et que la cavalerie kurde compte, en juillet 1893, environ 23 500 hommes24. Chiffres qui reflètent très approximativement la situation exacte des forces hamidié à l'été 1893. Désormais le scepticisme des diplomates italiens a disparu.
Jusqu'à la fin de 1892, la création de nouveaux régiments se poursuit et la remise des drapeaux continu. Les premiers mois de 1893 marquent une nouvelle étape dans la formation des Hamidié, avec le début de l'instruction et de l'organisation. Le 24 mars 1893, le consul Francisci signale l'arrivée à Trébizonde d'une trentaine d'officiers envoyés par le ministère de la Guerre pour former les soldats des nouveaux bataillons25. La fermeture de l'agence consulaire italienne d'Erzeroum, en septembre 1892, provoque cependant une diminution notable des informations sur la question pour l'année 1893, d'autant que le consulat de Trébizonde se trouve également privé de son titulaire en mai 1893. Il continue néanmoins à fonctionner, sous l'autorité d'un gérant provisoire, l'ancien interprète officiel E. Guglielmi, qui rédige quelques rapports extrêmement intéressants. Le plus important est daté du 17 juin26. Guglielmi y décrit l'organisation définitive des Hamidié27. D'après ses dépêches, des officiers de cavalerie de l'armée ottomane commencent à transiter par Trébizonde dès le mois d'avril, au rythme de vingt ou trente par semaine. Ces officiers, qui sont appelés «i prescelti» («les sélectionnés»), portent tous une plaque en cuivre avec l'effigie des Hamidié: ils sont destinés à être incorporés dans l'encadrement des effectifs des nouvelles formations de cavalerie. Après une étape de trois jours, ils repartent pour Erzindjan, siège du IVe corps d'armée, qui joue un rôle essentiel dans le projet «Hamidié». Erzindjan sert en effet de quartier général pour le IVe corps d'armée et fournit les structures logistiques nécessaires à la formation des régiments kurdes. Guglielmi écrit que dans cette ville se trouve aussi «Ferik Ibra[h]im Pascià», qui doit devenir chef des Hamidié, dont les nouveaux bataillons, au nombre de trente-trois28, ont un encadrement soigneusement équilibré entre officiers «sélectionnés» et officiers kurdes. Il est alors prévu d'encadrer l'ensemble ainsi: a) un général de division, issu de la cavalerie ottomane, comme commandant en chef des trente-trois régiments hamidié: Ferik Ibrahim pacha; b) un général de brigade kurde pour quatre régiments, soit quatre généraux kurdes pour les trente-trois régiments; c) quatre colonels par régiment: deux Kurdes et deux «sélectionnés» venus de la cavalerie ottomane; d) quatre lieutenants: deux Kurdes et deux «sélectionnés»; e) deux majors: un Kurde et un «sélectionné»; f) deux adjudants-majors, un Kurde et un «sélectionné» et ainsi de suite, sur le même principe, pour les cadres inférieurs. Guglielmi estime, en effet, que les Turcs ont organisé de cette manière l'encadrement des Hamidié car il n'ont aucune confiance à l'égard des Kurdes:«[Les sélectionnés] sont en principe destinés à l'instruction des nouveaux régiments kurdes, mais, du fait que le gouvernement n'a pas totalement confiance dans cette race, qui est très sauvage, il les [destine] surtout à leur surveillance en temps de guerre, afin qu'ils ne se révoltent pas et ne commettent pas de trahison au détriment de leur souverain [le sultan]. Ces considérations ont déterminé et poussé le ministère de la Guerre et de l'Ordre du sultan à sélectionner dans tous les corps d'armée de l'empire une quantité suffisante d'officiers pour les incorporer dans les nouveaux régiments de cavalerie kurde hamidié»29.
Dans un rapport du 28 mai 1893, Guglielmi fournit à Rome d'autres informations importantes concernant deux officiers allemands du génie militaire — attachés au commandement militaire du palais de Yıdız — de passage à Trébizonde, se rendant à Erzeroum et Erzindjan. Guglielmi pense qu'ils sont probablement là pour s'occuper de l'organisation et de l'équipement des Hamidié30. Sans pouvoir définitivement affirmer que leur présence sur place a un lien avec les Hamidié, il convient de rappeler le rôle joué, à partir de 1882, par les officiers allemands dans l'organisation de l'armée ottomane, surtout comme instructeurs des cadres militaires. Il n'est donc pas du tout exclu de penser que les deux officiers allemands étaient chargés de s'occuper de la réorganisation de l'artillerie, équipée dans la région de canons Krupp31. A moins qu'il ne s'agisse que de simples «témoins» qui auraient profité de leur position élevée dans les services du sultan pour aller visiter une zone où la structuration des Hamidié était dans sa phase cruciale.
Notons enfin que durant tout le processus de formation des régiments, les diplomates italiens signalent, avec beaucoup de perspicacité, le danger potentiel que représentent les régiments hamidié pour la population arménienne32. On note, en effet, dans leurs rapports, une augmentation du nombre des vexations subies par les Arméniens de la part des Kurdes: le tout dans un nouveau climat de complicité entre les Kurdes, surtout les bey, et les autorités locales ottomanes33.
Maurizio Russo
( «Oggetto: incorporazione d'ufficiali nei nuovi reggimenti della Cavalleria curda hamidié»)
«Eccellenza, Ho l'onore d'informare l'E.V. che da circa due mesi giungono in N° di 20 e 30 per settimana coi vapori della Compagnia "Ahsussé", degli Ufficiali di Cavalleria dell'esercito turco, di ogni grado, i quali dopo una fermata in questa città di due o tre giorni, s'internano alla volta di Erzinghian qual sede del 4° corpo d'armata.
«I predetti vestono il cos Ì detto "Papak" portante la piastra d'ottone coll'impronta dello stemma Hamidié.
«Avendo avuto occasione di intrattenermi ultimamente con uno dei detti Ufficiali, al grado di Tenente Colonnello il quale apparteneva al 3° Corpo d'Armata di Monastir e che parlava correttamente il greco, mi disse, che essi erano circa 450 Ufficiali di ogni grado da Colonnelli a semplici Sergenti, prescelti, nei vari corpi dell'Impero, ed erano destinati col rispettivo loro grado, ad essere inorporati nei 32 reggimenti della Cavalleria Curda e nel modo che segue:
«Il Generale di Divisione, Ferik Ibra[h]im Pascià di Gianina, il quale trovasi da parecchi mesi già a Erzinghian, sarebbe al Comando di quei 33 reggimenti, ed ogni 4 di quei reggimenti avrebbero un Generale di Brigata (Siva) Curdo. Ogni reggimento avendo 4 Colonnelli i due in 1° saranno Curdi e i due in 2° dei prescelti. 4 Tenenti colonnelli i due in 1° Curdi e i due in 2° prescelti; 2 Maggiori uno dei quali Curdo e l'altro dei medesimi prescelti; 2 Aiutanti maggiori l'uno Curdo e l'altro dei prescelti; cos Ì regolati vengono pure gli ufficiali di gradi inferiori.
«Avendogli osservato qualmente[sic] i nuovi reggimenti Hamidié non sono soltanto 33 come mi disse, ma ch'erano 52 di pronti, mi soggiunseche gli altri venti non sono di Cavalleria, ma che apparterrebbero alla Fanteria, e che dopo ordinati bene i primi di Cavalleria, verranno pur regolati quei venti, nel medesimo modo dei primi.
«Lo interrogai se essi, i cos Ì detti prescelti, sono destinati per istruire i Curdi; e dopo qualche tempo fare ritorno nei rispettivi Corpi che appartenevano, mi rispose: che sono destinati per sempre, tanto per istruire i nuovi reggimenti Curdi, ma ancor più, il Governo non avendo la piena fiducia in quella razza, la quale e molto selvaggia, e che in tempo di guerra fosse sorvegliata, onde non si rivoltasse e commettesse anche qualche tradimento a danno del loro Sovrano. Queste considerazioni hanno determinato e indotto il ministero della Guerra e d'ordine del Sultano di prescegliere da tutti i Corpi d'Armata dell'Impero, un quantitativo sufficiente d'Ufficiali perché fossero incorporati nei predetti nuovi reggimenti di Cavalleria Curda Hamidié ».
Il R° interprete reggente, A. Guglielmi
1) La correspondance du consulat de Trébizonde et celle de l'agence consulaire d'Erzeroum sont à présent conservées au Archivio storico diplomatico del ministero Affari esteri italiano, à Rome (dorénavant citée ASDMAEI), dans la série AP (Affari Politici). Une partie a été publiée à quelques exemplaires par le ministère italien dans la collection des Documenti diplomatici italiani (dorénavant cités DDI). Nous utilisons également les abréviations suivantes: D. = documento; d. = dispaccio; b. = busta; fasc. = fascicolo; stf. = sottofascicolo; r.= rapporto; an.r. = annesso al rapporto; R° = Regio.
2) DDI, serie LXVI, Armenia, D. n° 1, rapporto da Trebisonda n° 36, dal R° console Gioja al ministro degli Affari esteri, 1 luglio 1890.
3) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, an.r. n° 159/61, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 6.3.1891.
4) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, an.r. n° 163/62, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 10.3.1891.
5) Le 28 mars, le consul italien signale également l'arrivée de cinq ou six Kurdes du vilayet de Van, avec une suite d'environ cent hommes. Ceux-ci reçoivent le même accueil officiel et s'apprêtent à partir pour Constantinople: ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, an.r. n° 207/76, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 29.3.1891
6) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, n° 204/22, copia di rapporto, Trebisonda 28.3.1891.
7) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, r. n° 310/114, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 22.5.1891.
8) «Circa il motivo della loro chiamata a Costantinopoli varie sono le voci che quÌ corrono. Chi dice che il Sultano li abbia chiamati per sottoporre una buona volta i Curdi al servizio militare, chi per stabilire le condizioni per la formazione di diversi Alaï (reggimenti) di cavalleria curda da contrapporre ai cosacchi e circassi del Caucaso, chi per allontanarli dall'Armenia e porre cosÌ fine alle lamentate continue loro incursioni e depredazioni a danno dei pacifici Armeni. La più accreditata è la voce, da diverso tempo riportata dai giornali, della formazione di nuovi reggimenti di cavalleria, da contrapporre alla preponderante cavalleria russa, ma non è improbabile che anche gli altri motivi abbiano influito nella decisione presa dalla Sublime Porta. Dagli Armeni poi si crede che tale chiamata sia effetto delle rimostranze e delle pressioni esercitate dalle Grandi Potenze»: ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, an.r. n° 207/76, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 29.3.1891.
9) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, an.r. n° 319/119: il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 26.5.1891; ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, an.r. n°337/126, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 3.6.1891.
10) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, r. n° 382/145, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 3.7.1891.
11) «Lunedi pp. ritornarono da Cost[antino]poli a bordo del vapore "Sacharia" della compagnia "Mahsussé» 54 Capi Curdi vestiti delle nuove uniformi [...], e due giorni dopo accompagnati dal Colonnello Zaccharia Effendi proseguirono per Erzinghian, sede del 4° Corpo d'armata. Collo stesso vapore arrivarono 7000 casse contenenti vestiario, fucili e munizioni destinate all'equipaggiamento e all'armamento dei Curdi»: ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, r. n° 382/145, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 3.7.1891.
12) «Secondo ogni probabilità, codesta armata irregolare, che doveva essere un quid simile della cavalleria cosacca, svanirà come una bolla di sapone»: ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, r. n° 382/145, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 3.7.1891.
13) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, ar. n° 382/145, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 3.7.1891.
14) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, ar. n° 403/152, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 15.7.1891.
15) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, d. n° 26881/529, il ministro degli Affari esteri al ministro della Guerra, Roma 13.7.1891.
16) «Qui si assicura che il Muscir ha già sul territorio di Bayazid otto battaglioni di soldati irregolari a cavallo. Ciascuno squadrone o battaglione avrà 450 cavalieri. Io perşne dubito seriamente»: ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, ar. n° 455/167, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 12.9.1891.
17) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1892, ar. n° 56/15, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 13.2.1892.
18) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1892, ar. n° 94/27, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 18.3.1892.
19) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, r. n° 455/167, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 12.9.1891.
20) Il en était de même à Trébizonde, où l'accueil du chambellan du sultan par le vali fut tout aussi solennel: ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, r. n° 455/167, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 12.9.1891.
21)ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1892, ar. n° 179/52, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 26.5.1892.
22) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1892, r. n° 117/36, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 5.4.1892.
23) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1892, r. n° 217/62; il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 28.6.1892.
24) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1892, r. n° 225/65; il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 7.7.1892; cf. les chiffres données par A. Beylerian, supra, p. 33.
25) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, r. n° 95/35; il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 24.3.1893.
26) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, r. n° 197/72: Guglielmi al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 17.6.1893; ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, d. n° 23733/360, il ministro degli Affari esteri al ministro della Guerra, Roma 27.6.1893; ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, d. n° 4448/23733/300, il ministro della Guerra al ministro degli Affari esteri, Roma 6.7.1893.
27) Pour le texte complet du document voir l'Annexe.
28) Deux chiffres sont fournis à ce propos par Guglielmi, trente-trois et cinquante-deux. Il est lui-même convaincu que les Hamidié sont au nombre de cinquante, mais son informateur, un lieutenant «sélectionné» de l'armée turque, affirme que seulement trente-trois sont prêts pour la cavalerie et que le reste est destiné à l'infanterie: ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, r. n° 197/72, Guglielmi al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 17.6.1893
29) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, r. n° 197/72, Guglielmi al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 17.6.1893
30) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, r. n° 177/63, Guglielmi al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 28.5.1893; ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, d. n° 21524/322, il ministro degli Affari esteri al ministro della Guerra, Roma 12.6.1893; ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, d. n° 3969/21524/322, il ministro delli Guerra al ministro degli Affari esteri, Roma 20.6.1893; ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, r. n° 286/97, Guglielmi al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 16.9.1893.
31) Vendus avec les instructeurs.
32) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1891, an.r. n° 159/61, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 6.3.1891.
33) ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1892, r. n° 283/99, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 3.9.1892; ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1892, r. n°19/5, il R° console d'Italia Francisci al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 14.12.1892.
34)ASDMAEI, AP, Armenia, b. 325, fasc. 1893, r. n° 29 204/2647/197, Guglielmi al ministro degli Affari esteri, Trebisonda 17.6.1893.