TOUS
COUPABLES
« Le Règne du Mensonge en
Turquie »
Disons-le tout net : aucune des puissances
ayant à connaître de la situation en Turquie ne souhaite aborder
la question arménienne. Auraient-elles quelque chose à se
reprocher dans l’inconcevable destruction de ce peuple en 1920,
à peine 2 ans après la victoire commune de novembre 1918 ?
Les Arméniens survivants du
génocide, ayant foi en leurs alliés, étaient revenus sur leurs
terres depuis les lieux de déportation. Grâce aux victoires de
Sardarabad, Bach Abaran et Kara Kilissa, arrachées alors qu’ils
se battaient seuls, le dos au mur contre des forces 2 fois
supérieures, ils avaient même fondé le 28 mai 1918 la 1ère
République d’Arménie.
Nazarbékian, général en
chef, avait ainsi harangué ses troupes, à la veille de la
bataille :
« Après
notre servitude séculaire sous le joug turc, nous avons
résolu de vivre libres ou de mourir. Si nous ne réussissons
pas à défendre notre pays, notre liberté et notre honneur
les armes à la main, nous ne sommes plus dignes de vivre
comme nation. L’heure suprême a sonné où nous devons assurer
notre avenir ou périr. »
Mon grand-père maternel avait
disparu dans la tourmente, assassiné en 1915 à Kir Shehir,
tandis que mon grand-père paternel et ma grand-mère ( la
situation critique exigeait la mobilisation des femmes )
tombaient 3 ans plus tard les armes à la main à Sardarabad,
assurant par leur sacrifice le salut de la nation arménienne.
Symboles inséparables
Les Arméniens étaient aussi
revenus en Cilicie, se croyant protégés par le mandat français
sur la province.
Appelons à la barre le
témoin Winston Churchill : “ Le moment semblait venu où les
Arméniens allaient recevoir justice et leur droit de vivre en
paix dans le foyer de leur race. Ceux qui avaient été leurs
persécuteurs et leurs tyrans étaient abattus par la guerre ou la
révolution. Les grandes puissances triomphantes étaient leurs
alliées et allaient assurer que justice soit faite. Il
paraissait vraiment inconcevable que les 5 grandes puissances
alliées ne soient pas en état de faire exécuter leur volonté. »
Comment l’inconcevable,
l’incroyable, l’inimaginable se produisirent-ils alors que
toutes les Puissances victorieuses déclaraient que les Arméniens
méritaient plus que tout autre leur liberté ?
A tout
« Saigneur » tout honneur, j’appelle à la barre l’accusé Turquie.
Ici, nul besoin de s’attarder,
les faits sont connus, avérés, les preuves convergentes.
Les Arméniens d’Anatolie furent
soumis à un régime de terreur ordinaire au moins depuis le début
du 19ème siècle. Impôts illégaux, pillages,
expropriations, meurtres, viols et enlèvements : voilà leur
calvaire quotidien aggravé par une administration corrompue,
dénuée de toute responsabilité et attisant le fanatisme des
populations musulmanes locales ainsi que la barbarie des Kurdes
nomades.
L’accélération du déclin d’un
empire despotique, l’immixtion des puissances dans ses affaires
entraînent dès 1877 l’adoption d’une méthode plus radicale : le
massacre suivi de l’exode de provinces entières. Sur le plan
diplomatique le Sultan joue la comédie de réformes jamais
appliquées, de réponses dilatoires, de promesses jamais tenues.
Encouragé par l’inertie des puissances tout à leurs appétits et
intérêts, particuliers et divergents, et profitant de la guerre
de 1914, le Parti Union et Progrès organise la solution finale à
partir du 24 avril 1915. Le régime nationaliste de Kémal
parachève le nettoyage ethnique par de nouveaux massacres et une
ultime offensive contre l’Arménie exsangue en septembre 1920 en
présence des Alliés indifférents. La question arménienne est
définitivement réglée puisqu’il n’y a plus d’Arméniens en
Arménie. Tous les gouvernements turcs successifs nieront le
crime avec une farouche énergie face à la permanente
indifférence des puissances.
Accusé
Grande-Bretagne, levez-vous !
Nous vous accusons d’avoir eu
comme politique constante en Anatolie de prendre le parti du
bourreau, d’avoir été le prédateur voulant interdire à tous les
autres, et notamment au Tsar, d’approcher de la route des Indes,
d’empêcher toute évolution du pays vers la civilisation en
plaidant pour l’intégrité territoriale de l’empire ottoman.
Déjà, lors de la guerre
russo-turque de 1828-29, qui fut décisive pour l’accession à
l’indépendance de la Grèce, les Russes avaient remporté une
large victoire sur le front secondaire arménien. Ses troupes
s’étaient avancées au-delà d’Erzeroum et approchaient de Sivas.
Vous, Grande-Bretagne, avez obligé la Russie à rendre toutes ses
conquêtes en Arménie sauf Poti et l’Akhalkalak, au mépris des
intérêts des populations arméniennes.
Lord Benjamin Disraeli, à
l’issue de la guerre russo-turque de 1877-78, vous acceptez
l’indépendance de la Bulgarie, mais vous forcez le Tsar à
renoncer à conserver les provinces arméniennes martyres de
Bayazed et Alachkert, comme par hasard les plus au sud, et donc
les plus proches de ce que vous considérez comme votre chasse
gardée. Sous votre pression et celle de votre allié Bismarck, le
traité de San Stéfano est donc renégocié lors du Congrès de
Berlin. Dans votre unique souci de voir les troupes russes
quitter ces provinces dont la population arménienne avait été
anéantie, vous exigez leur départ avant l’exécution des réformes
ayant trait à la protection des sujets chrétiens.
En échange de votre garantie
pour l’accomplissement de réformes qui ne verront jamais le
jour et surtout pour prix des services rendus à l’homme malade,
vous recevez l’île de Chypre des mains sanglantes du Sultan.
(Convention secrète de Chypre, 4 juin 1878) Votre adversaire
Gladstone stigmatisa cette rapine exercée aux dépens des
Arméniens.
L’historien-expert anglais
Buxton nous a remis ses conclusions à propos de cette affaire :
elles sont accablantes. Il affirme que si la Russie n’avait pas
été obligée par l’Angleterre d’évacuer l’Arménie turque avant
l’exécution des réformes arméniennes, les massacres suivants (
1895-6 et le génocide de 1915) n’auraient sans doute pas eu
lieu.
L’obsession anglaise de
contrôler la route des Indes se vérifia encore par son
installation en Egypte( 1882). Sa ligne bleue des Vosges, pour
le malheur des Arméniens, s’appela les détroits, le golfe
d’Alexandrette et le golfe persique.
C’est pour cela qu’il vous
fallait maintenir à tout prix l’empire ottoman debout, même
empaillé. Vous avez soutenu ici le despotisme et la barbarie,
alors que vous avez encouragé ailleurs les mouvements
d’indépendance ( par exemple en Amérique latine).
A la suite des massacres de
1894-97, Gladstone exigea que l’Angleterre intervint seule
militairement contre la Porte.
Vous, lord Salisbury, premier
ministre, le refusâtes de peur qu’une coalition contre vous
favorise l’installation des Russes dans les Détroits.
J’appelle à la
barre l’historien-expert anglais J. Holland Rose. Voici ses
conclusions :
« Il
serait prématuré d’enquêter pour savoir quelle est la
puissance européenne qui doit être considérée comme
principalement responsable d’avoir toléré les hideux
massacres de 1895-96 ainsi que l’épouvantable situation de
la Macédoine. Toutes les puissances qui signèrent le traité
de Berlin (1878) sont responsables de ces faits, mais, en ce
qui concerne les événements d’Arménie, l’Etat qui a signé la
convention de Chypre ( c’est à dire le Royaume-Uni) est
doublement responsable.»
En ce qui concerne les
conséquences de l’opération ratée de Gallipoli ( avril 1915) sur
le déclenchement du génocide voici l’analyse de Winston
Churchill :
« Ce
crime fut préparé et exécuté pour raisons politiques. Une
occasion se présentait pour faire disparaître du pays une
race chrétienne opposée aux ambitions turques, placée entre
les Turcs et les peuples musulmans du Caucase, et dont les
aspirations ne pouvaient être satisfaites qu’aux dépens de
la Turquie. Il se peut que l’attaque des Dardanelles ait
stimulé la fureur sans pitié du gouvernement turc. Les
Pan-Turcs pensèrent que même si Constantinople devait tomber
et la Turquie perdre la guerre, la suppression des Arméniens
représenterait un avantage permanent pour l’avenir de la
race turque. »
Plus tard, après la défection
russe ( Révolution d’octobre 1917 et traité de Brest-Litovsk)
les troupes anglaises d’Irak ( 400 000 hommes) qui avaient pris
Bagdad en 1917 n’avancèrent pas sur Mossoul pour faire leur
jonction dans la région du lac de Van avec l’armée arménienne.
Leur inaction fit retomber tout le poids de la lutte sur le
front d’Erzindjan et Erzeroum sur les seuls Arméniens, contre
lesquels les dirigeants Jeunes-Turcs avaient concentré leurs
meilleures divisions pour réaliser leur idéal pantouranien.
Pourquoi vous, Royaume-Uni,
vous-êtes vous précipité seul à conclure un armistice avec la
Turquie le 30 octobre 1918 à Moudros, sans exiger le désarmement
de l’armée turque, son départ de l’Arménie turque et la
livraison des criminels de guerre ? Sans doute pour affirmer
votre prééminence : premier arrivé, premier servi. Vous alliez
vous tailler la part du lion de ce qui promettait d’être un beau
festin !
Déjà en 1916, les accords
Sykes-Picot donnaient la mesure de votre rapacité : aux Français
le Liban, la Syrie, une large partie du sud de l’Anatolie et le
nord de la Mésopotamie avec Mossoul, à vous tout le reste. Les
Grecs et les Italiens veulent-ils participer au festin ? Vous
leur promettez à tous deux Smyrne et Antalia !
De fait, vous vous jetez sur
Mossoul ( en contravention, intérêts pétroliers obligent, avec
les accords Sykes-Picot). Vous investissez le pays en force :
Istanbul, Smyrne. Au Liban et en Syrie, avec 45 000 hommes,
vous êtes 6 fois plus nombreux que les soldats français. Dans
toute l’Anatolie, vous installez des officiers de renseignement,
et des troupes le long du chemin de fer. C’est la curée : autant
se servir puisque, selon Foch, « la Turquie n’existe plus » !
Mais la proie se révèle d’autant
plus difficile à avaler qu’elle sent sa mort programmée face à
tous ces appétits.
Les Grecs occupent Smyrne et la
côte nord de l’Egée, les Italiens la côte sud jusqu’à la
Cilicie, les Français la Cilicie et le sud jusqu’à Sivas et
Marache.
Après d’âpres marchandages, vous
êtes enfin d’accord avec vos alliés : le traité de Sèvres est
signé en août 1920. Votre rapacité commune renforce chaque jour
les rangs des kémalistes qui refusent la disparition de la
Turquie. Ils ne sont au départ qu’un assemblage hétéroclite
d’anciens militants du CUP, auteur du génocide, d’anciens de
l’Organisation Spéciale, son bras armé, de brigands et des
régiments d’Anatolie orientale se trouvant sous le commandement
du général rebelle Kémal.
Une armée équipée et nourrie par
les bolcheviks se dresse soudain en face de vous alors que vous
avez démobilisé à tour de bras. Vous êtes incapable d’apporter
aucun secours à la pauvre république d’Arménie, attaquée la
première, à peine un mois après la signature du traité de
Sèvres !! Elle disparaît en 2 mois, partagée entre Kémal et
Lénine.
Vous êtes alors épouvantés :
après de courtes opérations contre les Italiens et les Français,
qui n’opposent aucune résistance, voilà les troupes rebelles
devant Istanbul et vous n’avez que de maigres troupes pour la
défendre.
Vainqueurs de 1918, vous ne
pouviez même plus défendre la capitale. Que l’Angleterre
l’évacue et elle deviendrait la risée du monde entier !!!
Les Grecs vous sortent de ce
mauvais pas : ils proposent de réaliser l’application du traité
de Sèvres.
Ainsi la défaite grecque d’août
1922 ne sera pas la vôtre. Vous vous empresserez d’entériner la
victoire des nationalistes par le traité de Lausanne 1923. Par
votre faute, l’Arménie était rayée de la carte.
Vous êtes resté l’indéfectible
allié de cette Turquie-là. Aujourd’hui, cet Etat n’a pas de plus
fervent partisan dans sa tentative d’entrer en Europe que Tony
Blair et Jack Straw.
Accusé
France, levez-vous !
Prenant le contrôle de la
Cilicie, vous avez encouragé le retour des Arméniens dans cette
province dont ils formèrent la majorité. Puis, vos
représentants, Georges Picot et Franklin Bouillon, négocient,
seuls, avec les kémalistes, après le peu glorieux épisode de
Marache
En février 1920, en effet, le
commandement français décide d’abandonner la ville de Marache
assiégée par les Tchétés, irréguliers nationalistes. Sa garnison
est massacrée. Vous avez abandonné les Arméniens : vingt mille
d’entre eux sont tués pendant les combats et lors de la
retraite. Vous vous opposez farouchement à la constitution d’une
commission d’enquête interalliée qui aurait établi votre
responsabilité dans ces massacres. Vous abandonnerez
bientôt les Arméniens de Cilicie à leur triste sort. Hadjine,
par exemple, est écrasée sous les obus de 105 après une
résistance héroïque de 7 mois.
La saignée, l’effort énorme que
vous avez consenti pour la libération de votre territoire ont eu
des effets dévastateurs et durables : tous les apprentis
dictateurs sauront se souvenir que
désormais, vous préférez le
déshonneur à une nouvelle guerre.
Solidairement responsable avec les Alliés d’un partage inique de
la Turquie, vous allez vite prendre langue avec le rebelle Kémal
( entrevues Kémal-Georges Picot fin 1919). Sait-on jamais ?
Kémal, vous ayant percé à jour, exercera sur vous une pression
continue. Vous rendrez les armes bien avant l’Angleterre,
espérant être servie la première dans les futurs marchés turcs
(accord d’Ankara signé par Franklin-Bouillon- 20-oct.1921). A
Staline, inquiet de cet accord, l’envoyé de Kémal expliquera que
son seul intérêt est de séparer les 2 puissants ennemis des
nationalistes. L’Anglais Lord Curzon dénonce cette
« paix séparée ». Encore ne connaît-il pas la teneur des lettres
secrètes échangées par Franklin-Bouillon et le ministre
kemaliste des affaires étrangères, par lesquelles Ankara
signifiait à Paris sa décision d’accorder des avantages
économiques à des entreprises françaises Vous accepterez même de
donner le district d’Alexandrette, pourtant territoire syrien,
et d’éloigner les villages d’exilés arméniens et kurdes établis
derrière la frontière syrienne. Vous avez largement contribué à
la victoire de deux totalitarismes, le kémalisme et le
bolchévisme, au retour de l’Anatolie et du Caucase dans les
ténèbres de l’intolérance, de l’oppression et de la barbarie.
La reconnaissance du génocide en
2001 par le Parlement contre la volonté de Chirac et Jospin n’a
rien changé dans la politique pro-turque constante de l’Etat
français.
Ne serait-il pas temps que Chirac
ou ses successeurs fasse son/leur mea culpa au nom de la France, comme il l’a fait pour
le rôle de la France dans la déportation des Juifs ?
Accusé
Italie, levez-vous !
Vous nous l’avez jouée commedia
del’arte ! Pour obtenir votre part du butin, vous faites des
effets de scène et de manche : vous menacez d’envahir la région
que vous convoitez, débarquez à Smyrne quelques compagnies le
jour et les rembarquez la nuit ! Dès les premières escarmouches,
vous n’avez pas demandé votre reste : Konia et vos postes
stratégiques tombèrent sans combats. Vous étiez prête pour la
rapine, mais pas à faire une vraie guerre pour conserver votre
butin. Toute honte bue, et pour tirer quelque bénéfice de toute
cette affaire, vous vendrez des armes à Kemal pour l’aider dans
son offensive contre les Grecs.
Accusé
Grèce, levez-vous !
Il faut vous rendre cette
justice, vous êtes la seule à vous être vraiment battue. Mais,
au lieu de vous contenter d’utiliser votre puissante armée ( 200
000 hommes bien équipés) à défendre les zones d’habitation
grecques et arméniennes sur lesquelles vous pouviez asseoir une
souveraineté partagée somme toute justifiée, et accessoirement à
soutenir la république d’Arménie, vous avez, vous aussi, voulu
obtenir une part du butin. Pis, vous avez accepté de jouer les
gendarmes, permettant à vos « alliés »de se retirer de la scène,
et d’assister en spectateurs à ce qui n’est plus qu’un conflit
gréco-turc. Votre orgueil vous coûtera cher. Vous serez chassée
de toute la côte de l’Egée, d’Istanbul, de la Thrace orientale,
restées grecques malgré 470 ans d’ottomanisme. Kémal achèvera
son offensive par l’incendie des quartiers arménien et grec de
Smyrne la « gavour » et un dernier massacre de ses habitants.
Votre défaite scellera la défaite alliée, 4 ans seulement après
la victoire de 1918 !
Accusé
Russie, levez-vous !
Vos guerres contre les Turcs ont
été décisives pour la libération de tous les peuples d’Europe à
commencer par la Grèce mais vous avez toujours considéré le
Caucase et l’Anatolie comme votre arrière-cour. Jamais vous
n’avez agi pour l’indépendance de l’Arménie. L’Arménie était une
étape dans votre expansion vers le sud, vers les mers chaudes.
Votre état d’esprit annexionniste a poussé la Grande-Bretagne à
s’opposer à tous vos progrès en Anatolie, quitte à soutenir le
despotisme. L’arrivée au pouvoir des bolchéviks n’y a rien
changé. Vous avez partagé la république d’Arménie avec Kémal
comme vous partagerez plus tard la Pologne avec Hitler.
Accusé
Allemagne, levez-vous !
Vos troupes ont été la colonne
vertébrale de l’armée turque en 1914-18. Parfaitement informée
des projets criminels de Talat, Enver et consorts, vous n’êtes
pas intervenue pour sauver la vie de centaines de milliers de
malheureux, jetés sur les routes, sans eau ni nourriture, à la
merci des gendarmes, des Kurdes, des Tcherkesses, des pillards
et des individus de sac et de corde de l’Organisation Spéciale.
Comment vos officiers et soldats
sont-ils restés insensibles face à tant de cruauté ?
Les appels au secours du pasteur
Johannès Lepsius n’ont rencontré qu’indifférence dans les
cercles du pouvoir.
Nous vous accusons de complicité
de crime contre l’humanité !
Accusé
Etats-Unis, levez-vous !
Vous étiez, vous aussi,
parfaitement informé du crime. N’étant pas partie au conflit,
vos diplomates étaient restés en poste. Courageusement, ils sont
intervenus, ont sauvé des vies, parfois au péril de la leur.
Citons pour mémoire
l’ambassadeur Henri Morgenthau et le consul de Kharbert Leslie
A. Davies.
Leur récit provoqua une émotion
considérable et le premier mouvement pour les droits de l’homme.
Un mouvement d’opinion
majoritaire fit campagne pour que vous déclariez la guerre à la
Turquie.
Mais, bizarrement, vous êtes
entrée en guerre contre l’Allemagne en 1917
mais pas contre la Turquie !
Etait-ce déjà l’odeur du pétrole
qui vous titillait et vous incitait à la prudence vis-à-vis du
monde musulman?
Nous appelons à la barre
Théodore Roosevelt ( votre Président des années 1900), dans une
lettre datant de mai 1918, soit plus d’un an après votre entrée
en guerre : « J’estime que nous sommes coupables d’une forme
d’hypocrisie particulièrement odieuse lorsque nous professons
l’amitié avec l’Arménie et les races opprimées de Turquie, tout
en refusant de partir en guerre contre les Turcs. Nous laissons
massacrer les Arméniens, sollicitons- en tant que pays neutre-
la permission d’aider les survivants et invoquons le fait que
nous aidons les survivants pour ne pas mettre un terme définitif
à ces massacres par la guerre. C’est à la fois stupide et
odieux. »
Laissons conclure Théodore
Roosevelt, dans la même lettre de mai 1918 :
« Le massacre arménien fut le
crime majeur de la guerre et ne pas agir contre la Turquie
revient à l’accepter. L’incapacité à prendre des mesures
radicales contre les horreurs turques signifie que tous les
discours sur les moyens de garantir la future paix mondiale sont
d’une malveillante absurdité. En refusant aujourd’hui de
combattre la Turquie, nous montrons que la volonté affichée de
« faire du monde un lieu sûr pour la démocratie », n’était que
boniments. » Prémonitoire.
L’arbitrage de Woodrow Wilson,
votre président en exercice, fut une tâche longue et difficile.
La seule part légitime du traité de Sèvres fut le découpage par
Wilson de la frontière avec l’Arménie.
Après la défaite alliée, votre
appétit s’aiguisa et vous prîtes la place de l’Angleterre. La
real-politik sera désormais votre seul credo et la Turquie, «
a necessary evil » (un mal nécessaire comme disaient les Anglais
au 19ème siècle). Vos services secrets et le
Pentagone n’auront désormais d’autre souci que de renforcer, au
besoin par des coups d’état militaires, le totalitarisme
kémaliste, car il fallait - et il faut toujours- contenir la
Russie. Tous vos présidents sont intervenus pour empêcher le
vote par le Congrès de la reconnaissance du génocide arménien.
Par ces motifs :
Nous disons que la destruction
de la République d’Arménie en nov.1920 et l’anéantissement de
toute présence arménienne en Anatolie sont l’aboutissement de
vos multiples interventions.
Nous vous condamnons pour
complicité de crime contre l’humanité, non-assistance à peuple
en danger et récidive. Nous vous interdisons de rejeter la
responsabilité du crime sur la seule Turquie.
Votre peine consistera à
contribuer à l’obtention pour le peuple arménien, de réparations
morales, pécuniaires et territoriales.
Mooshegh Abrahamian.
17/03/06 |