TÉMOIGNAGE D'UN CHEF TUEUR
TCHÉTCHÈNE
Les Tchétchènes ont eu une
participation très active pendant le
Génocide de 1915. Et leur haine ne
s’arrête pas là, puisqu’ils n’ont
pas hésité à envoyer, il n’y a pas
longtemps, des brigades de
volontaires (tout comme les Afghans)
pour combattre les Arméniens pendant
la guerre du Karabagh. |
Quelques extrait du livre de Jean
V. Guréghian Le Golgotha de
l’Arménie mineure – Le destin de mon
père, éd. L’Harmattan, 1999, rééd.
2000 et 2009 (le livre a été traduit
en turc, éd. Belgué, 2004, et en
anglais, éd. Gomidas, 2015).
(Pages 177 à 180) :
« … Deir ez-Zor. Témoignage d’un
chef tueur tchétchène, Mahmoud Bék
… La ville de Deir ez-Zor se trouve
dans le désert de Syrie, sur la rive
droite de l’Euphrate. Elle fut
choisie par les autorités turques
comme principal lieu de destination
et de concentration des déportés
survivants arméniens. Il y avait
encore dans cette région, notamment
à Ras-el-Aïn, Rakka, Alep, Meskélé,
une très forte concentration de
déportés qui furent parqués dans des
camps de concentration. Une grande
partie de ces déportés survivants
avaient été acheminés en train, dans
des wagons à bestiaux à partir des
régions occidentales de l’Empire
ottoman.
En juin 1915, les autorités turques
mirent en place le “ Comité des
affaires de la déportation des
Arméniens ”. Le comité avait comme
tâche d’organiser l’extermination de
tous les survivants, y compris des
petits enfants. Le travail fut
confié principalement aux
Tchétchènes. Ceux-ci avaient émigré
en nombre important vers l’Arménie
au XIXe siècle, après la défaite de
leur chef Chamil (en 1856) devant
les Russes et entretenaient une
haine particulière envers les
chrétiens. L’ordre d’extermination
des déportés des camps de
concentration fut donné au préfet
d’Alep le 9 septembre 1915, dont la
ville de Deir ez-Zor était
dépendante. L’organisation spéciale
et les Tchétchènes mirent environ un
an pour exterminer plus de 200 000
personnes. Leurs méthodes étaient
primitives et barbares. Par petits
groupes, les victimes
(principalement des femmes, des
jeunes filles et des petits enfants)
étaient tuées à l’arme blanche,
noyées ou brûlées vives avec de la
paille et du pétrole ou encore
enterrées vivantes. Les nombreuses
grottes de la région permirent aux
tueurs de rassembler les gens à
l’intérieur et de les brûler vifs.
À Alep, il y avait un chef de gare
d’origine arménienne, Nechan
Matossian. Né à Alep, il cachait ses
origines et avait, depuis longtemps,
des liens amicaux avec les
Tchétchènes de la région, qui
l’appréciaient notamment pour les
avoir aidés autrefois lors de leurs
déplacements en train. Grâce à ses
relations, notamment avec l’un des
principaux chefs des tueurs, Mahmoud
Bék, il a pu recueillir quelques
témoignages exceptionnels sur les
atrocités commises par les
Tchétchènes. Voici quelques extraits
du récit de Mahmoud Bék, lors d’un
repas (arménien) chez Nechan
Matossian :
... Heureusement que le gouvernement
a compris à temps qu’il fallait
supprimer cette sale race. Je peux
personnellement être très fier
d’avoir bien servi mon gouvernement
et d’avoir appliqué toutes ses
instructions. Je suis fier d’avoir
tué de cette main (il montre sa main
droite) plus de 400-500 guiavours.
Avec mes cavaliers, nous en avons
envoyé au moins 8 000 dans l’autre
monde...
... La première fois, nous avons
commencé par massacrer les guiavours
qui vivaient sous les tentes. La
police m’avait donné carte blanche,
je pouvais vraiment faire ce que je
voulais. J’avais sous mes ordres 200
cavaliers et des forces arabes. Nous
avons d’abord encerclé le camp où il
y avait environ 10 000 personnes...
... Après quatre heures de tirs au
fusil et de coups de sabre
incessants, il y en avait encore qui
gémissaient, qui criaient, qui
suppliaient, qui pleuraient, qui
agonisaient. Des vieux, des jeunes,
des femmes, des enfants, ils étaient
tous sous nos pieds ! Notre butin
était impressionnant, mais ce fut un
travail très difficile. En plus
c’était dans le noir et c’était très
difficile de choisir les belles
femmes. D’après nos accords, je
pouvais garder la moitié du butin,
que je devais encore partager avec
mes cavaliers. Je devais donner
l’autre moitié au chef de la police
et au mutésarif. L’un de mes
domestiques avait réservé cinq
superbes femmes pour moi...
... Le lendemain, au lever du jour,
je fis ouvrir les ventres des morts,
on y trouva beaucoup de pièces d’or
que les guiavours avaient avalées.
Après cela, l’odeur était tellement
insupportable que je fis enterrer
les morts par les Arméniens que nous
allions tuer prochainement. On fit
notre dernier pillage en les
enterrant et en rassemblant tous les
bijoux et les dents en or oubliés.
Ce que je raconte là est
insignifiant, ce n’était que le
début de notre travail...
... Les derniers massacres étaient
assez faciles, et d’ailleurs nous
n’avions plus envie de torturer les
guiavours avant de les tuer. Les
autorités nous avaient imposé
d’enterrer les morts afin de
protéger l’armée contre toute
maladie contagieuse. La dernière
fois, ils étaient 1 200 à qui nous
avons fait creuser une grande fosse
pendant trois jours. On ne pouvait
vraiment plus rien en tirer, il ne
leur restait que la peau et les os.
Nous les jetâmes tous dans la fosse
et les enterrâmes vivants. Depuis
lors, ce champ est devenu
formidablement fertile !...
… Le récit du chef tchétchène fait
en réalité douze pages, dont le
lecteur n’a ici qu’un bref aperçu.
Je le dispense, entre autres, des
détails sordides des tortures que le
Tchétchène Mahmoud et ses hommes
infligeaient souvent à leurs
innocentes victimes avant de les
achever, notamment de la façon dont
ils suppliciaient les femmes après
les avoir violées.
Ces quelques
extraits de son récit sont cependant
suffisamment explicites pour
démontrer la cruauté des hommes
responsables de l’extermination des
déportés arméniens survivants… »
Jean V. Guréghian
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