NAM : S’agit-il selon vous
d’un document authentique ?
D. T. : Je dirais que le contenu des
documents laisse peu de doute concernant leur authenticité. D’ailleurs,
les historiens Fuat Dündar et Taner Akçam n’ont pas attendu la
publication des originaux pour considérer que ces documents étaient
fiables et même s’en servir comme sources. Fuat Dündar, faisant
remarquer que les documents publiés par Bardakçi correspondaient avec
d’autres données figurant dans d’autres sources, considérait déjà qu’il
s’agissait du « document
le plus important sur la question arménienne »,
après les travaux d’Esat Uras et les catalogues du Bureau du Chiffre (Sifre
Kalemi) des archives du Premier ministre (catalogues DH.SFR).
Taner Akçam, dans son ouvrage Ermeni Meselesi Hallolunmustur, s’appuie
sur deux documents publiés par Bardakçi pour estimer le nombre
d’Arméniens déportés. Enfin, Ara Sarafian, qui a entrepris une analyse
de certains des documents, les considère « indiscutables »,
bien qu’ils aient été selon lui « obscurcis
et même falsifiés »
par le journaliste turc.
Le fait même que ces documents aient été cachés si longtemps incite,
selon moi, à croire à leur véracité : les informations qu’ils
contiennent étaient destinées à n’être connues que d’un groupe
restreint, pour les nécessités pratiques de leur politique « démographique » ;
elles n’ont donc pas été constituées avec une visée de propagande. Par
ailleurs, ces documents correspondent exactement à un vide dans les
archives ottomanes : sur les déportations d’Arméniens, les chercheurs
disposent dans les archives du Premier ministre de nombreux télégrammes
envoyés d’Istanbul aux provinces, Talât Pacha réclamant constamment aux
responsables locaux des rapports sur les déportations. Les réponses des
provinces à ces télégrammes devraient se trouver dans les archives la
direction de la Sûreté Générale (Emniyet Umum Müdürlügü, EUM).
Or, tandis qu’il n’y a là aucun rapport de ce genre, les documents
publiés par Murat Bardakçi correspondent exactement aux informations
exigées par Talât.
Cependant, je soutiens l’hypothèse de M. Sarafian : il est très probable
que les documents aient été censurés ou falsifiés. Un premier « tri »
a déjà pu être effectué par celle qui a fourni les documents, la
petite-fille de la veuve de Talât Pacha, Aysegül Bafrali. Bardakçi
indique d’ailleurs que quatre pages manquaient au carnet lorsqu’elle le
lui a confié. Certains documents n’ont été publiés que partiellement, le
journaliste ayant fait le choix de ne publier que la première page des
documents longs, empêchant ainsi toute analyse. Qui plus est, il semble
qu’aucun historien n’ait pu avoir directement accès aux originaux.
Pourtant, Bardakçi avait déclaré qu’il confierait ces documents au musée
militaire afin qu’ils soient mis à la disposition de tous les
chercheurs. Il ne l’a pas fait. Soit parce que les autorités ont mis la
main dessus ;
soit parce que Bardakçi, connu pour être un « collectionneur
d’archives »,
a préféré garder les documents pour lui… peut-être dans la perspective
d’une nouvelle publication en 2015.
NAM : Quel est son contenu ?
D. T. : Le contenu du cahier en lui-même
consiste en un bilan des opérations démographiques réalisées par le
Comité Union et Progrès pendant la Première Guerre mondiale : on y
trouve l’évaluation précise et détaillée non seulement des déportations
d’Arméniens, mais aussi des déplacements de Grecs en Anatolie
intérieure, des familles arabes déportées de Syrie, des immigrés de
l’Est fuyant l’occupation russe, etc. Sur les 58 pages du cahier, 18
concernent particulièrement les Arméniens : le nombre de déportés, une
carte des zones d’évacuation et d’installation des Arméniens, le nombre
d’orphelins, le nombre de maisons vides par province, les dépenses
effectuées pour l’installation des « migrants »,
les terres et les fermes récupérées, les fermes abandonnées, les
concessions en métaux des Arméniens.
Mais ce cahier ne représente que la première partie du livre publié par
Murat Bardakçi en 2008. Le fait qu’il ait été surnommé le « cahier
noir »,
et même « black
book »
en anglais, de manière sensationnaliste, a beaucoup attiré l’attention
dessus. Or, la deuxième partie du livre Talât Pasa’nin Evrâk-i Metrukesi,
constituée de documents divers confiés par la veuve de Talât en 1982,
est bien plus riche en informations ;
elle concerne entièrement les Arméniens, et contient 36 pages de
documents peut-être plus importants et plus révélateurs que le fameux
cahier.
Prennent place également dans le livre de Bardakçi, pêle-mêle, un
télégramme de Talât aux gouverneurs de province daté du 25 avril 1915,
le texte de la « Loi
provisoire de déportation du 27 mai 1915 »,
des lettres et des télégrammes échangés entre Talât Pacha et divers
unionistes, ainsi que des cartes postales envoyées à son épouse à
l’époque de son exil au lendemain de la Première Guerre mondiale, une
ébauche de liste de cabinet et des notes de programme gouvernemental,
trouvés parmi les documents privés de Talât. Bardakçi a aussi publié
dans ce livre la transcription de son entrevue avec la veuve de Talât
Pacha peu avant sa mort (octobre 1982). Enfin, la dernière partie du
livre est composée de photographies diverses.
NAM : Quel était l’intérêt
pour Talât de tenir un tel livre de bord ?
à quoi lui servait-il ?
Qu’est-ce que ce cahier nous apprend sur la psychologie de Talât Pacha ?
D. T. : Ces tableaux statistiques, ces
graphiques, ces cartes, au-delà des informations qu’ils contiennent,
révèlent un homme bien différent de celui qui écrit les lettres d’amour
à sa femme, les mots chaleureux à ses amis, de celui que Murat Bardakçi
veut montrer. Cet autre homme, l’autre Talât, comptait systématiquement,
de manière presque obsessionnelle, le nombre d’Arméniens déportés,
restés, disparus ;
il comptait leurs maisons, leurs fermes, leurs bijoux, leurs jardins,
leurs champs, leurs arbres fruitiers, et les orphelins qu’ils laissaient
derrière eux. Ces documents, pris dans leur ensemble, disent une seule
chose : Talât Pacha savait qu’il envoyait les Arméniens à une mort quasi
certaine, puisqu’il comptabilisait cette mort. Son cahier, ainsi que les
autres documents publiés par Murat Bardakçi, témoignent de la pensée
positiviste et méthodique de Talât, et plus largement des Unionistes.
Cette pensée qui avait conduit à soustraire de l’Empire les Arméniens,
pour y additionner des musulmans turcs ou, s’ils n’étaient pas turcs,
destinés à le devenir. Les cartes qui précisent les zones d’évacuation
des Arméniens et d’installation des « immigrés »
attestent bien de cette pensée : Talât dessinait une Turquie turque et
musulmane, homogénéisée, aplanie, débarrassée de ses saillies ethniques.
Finalement, Murat Bardakçi en publiant, dans le même livre, ces
documents accompagnés de lettres intimes dévoilant un Talât « humain »,
capable d’amour et de dévouement, prouve seulement qu’il est possible
d’être à la fois un assassin et un époux tendre. Ce qui ne fait que
confirmer ce que les études sur les génocides ont déjà montré : les
responsables de ces crimes n’étaient pas des psychopathes, ni des
monstres, mais seulement des hommes.
NAM : Murat Bardakçi, qui a
publié ce cahier, est un négationniste du génocide arménien. Quels sont
les éléments qui ont pu lui laisser croire que la publication de ce
document pourrait conforter ses thèses ?
Et en quoi s’est-il trompé ?
D. T. : Cette publication a été annoncée
plusieurs mois à l’avance dans les journaux à grand tirage, comme étant
susceptible d’« anéantir
les thèses arméniennes »
et de changer le cours des débats. Pourtant, à la lecture du livre et
des documents, il est difficile de comprendre comment Murat Bardakçi a
pu penser que ces documents conforteraient la négation du génocide. Je
crois qu’il ne s’agissait pas de cela, mais de quelque chose de plus
pervers. Bardakçi a réussi à créer le sentiment que rien – pas même des
documents accablants écrits de la main de Talât – ne pouvait prouver que
ce qui s’est passé constitue un génocide. À partir du moment où l’on a
décidé que rien ne peut faire preuve, tout peut être exhibé et Bardakçi
a donc exhibé les documents de son « martyr »
comme des reliques trop longtemps et inutilement cachées. Sans pudeur,
et même avec une certaine fierté : car finalement, ces documents
témoignent de faits qui ont permis à la Turquie d’exister dans ses
frontières actuelles, et Bardakçi présente Talât Pacha comme
l’architecte de cette « grande
œuvre ».
NAM : Ce cahier apporte-t-il
des informations nouvelles sur la connaissance du génocide des Arméniens ?
D. T. : L’importance de ce cahier réside
d’abord dans son caractère privé. Comme toutes les archives privées en
Turquie, il constitue un document « rescapé »,
qui a échappé aux successives destructions entreprises d’abord par les
Unionistes eux-mêmes, puis par les autorités kémalistes. Ensuite, son
importance est à la mesure des responsabilités occupées par son
propriétaire Talât Pacha, ministre de l’Intérieur puis Grand Vizir, mais
surtout par le pouvoir énorme de cet homme, de par sa position de chef
au sein du Comité Union et Progrès. Le cahier en lui-même ne donne pas
vraiment d’informations nouvelles. Pour être plus précise, il ne nous
apprend rien que nous ne sachions déjà. Cependant, les chiffres qu’il
livre au sujet de la déportation, sont beaucoup plus élevés que les
chiffres officiels défendus en Turquie, alors même qu’ils émanent de
Talât, donc de l’État lui-même. Mais surtout, ce cahier fournit un
aperçu sur le type de contrôle bureaucratique que les autorités
ottomanes exerçaient sur les Arméniens, et sur le type d’informations
réunies. Il constitue donc une sorte de panorama du génocide du point de
vue de l’État. C’est cela qui est véritablement nouveau et important.
Car ce contrôle étatique constitue lui-même un élément et une preuve du
génocide : l’État savait tout, dans les moindres détails.
NAM : Pouvez-vous nous
donner quelques-uns des chiffres les plus significatifs de ce cahier en
ce qui concerne les Arméniens ?
Quels sont dans ce cahier les documents qui vous semblent les plus
importants ?
D. T. : Parmi les documents publiés,
celui qui a peut-être le plus attiré l’attention est le tableau
statistique intitulé « Nombre
d’Arméniens déportés ».
D’après ce document, ce nombre fut de 924 158. Mais, comme l’ont fait
remarquer Taner Akçam et Ara Sarafian, ne sont listés, dans ce document,
que 18 vilayets et kasabas. Les provinces et sous-préfectures de 13
lieux (Istanbul, Edirne, Aydin, Kastamonu, Syrie (en partie), Antalya,
Biga, Eskisehir, Içel, Kütahya, Mentese, Catalca et Urfa), dont on sait
que les populations arméniennes ont été soumises à la déportation,
n’apparaissent effectivement pas dans la liste. En y ajoutant les
Arméniens déportés depuis ces lieux manquants, Akçam a pu affirmer que
plus d’un million d’Arméniens a été déporté. Qui plus est, en note de
bas de page (originale) d’un autre document de Talât Pacha, il est
précisé que pour obtenir des chiffres complets, il faut ajouter 30 %
au chiffre initial. En prenant en compte cette remarque, on obtient des
chiffres encore plus élevés que ceux avancés par Arnold Toynbee.
Un autre document qui me semble important est le tableau sur les « Maisons
vides laissées par les Arméniens ».
Dans ce document apparaissent certains vilayets qui manquent au premier
document : Edirne, Urfa et Eskisehir. On peut donc en déduire que ces
lieux, où ont été recensées des maisons « abandonnées »,
étaient bien des lieux d’origine de déportation des Arméniens. Par
ailleurs, en mettant en rapport le nombre d’Arméniens déportés avec le
nombre de maisons vides, on obtient des chiffres assez inégaux et
majoritairement trop élevés, d’autant plus si l’on considère, comme Ara
Sarafian, que le nombre d’Arméniens déportés dans le document de Talât
Pacha n’inclut pas les déportés catholiques et protestants.
L’explication est simple et significative : ces chiffres correspondent,
comme l’indique le titre du tableau, aux maisons vides, et seulement aux
maisons vides. Ce qui laisse supposer que lorsque ce recensement a été
réalisé, une partie des maisons « abandonnées »
par les Arméniens, étaient déjà habitées par de nouveaux occupants.
Le document intitulé Orphelins arméniens recense, pour 16 vilayets et
sandjaks, le nombre d’Arméniens orphelins qui s’y trouvent, en
distinguant, pour chaque province, ceux d’entre eux qui ont été « distribués »
(tevzi) à des musulmans locaux, et ceux qui sont « toujours
orphelins »,
c’est-à-dire placés dans des orphelinats. La liste des provinces est
très incomplète. D’ailleurs on ne trouve pas un « total »
(yekûn), qui apparaît pourtant dans la plupart des autres tableaux de
Talât : soit que le tableau n’a pas été terminé, faute d’informations,
soit que Bardakçi n’a pas publié la suite. Néanmoins, on peut y voir
qu’à Alep et à Zor, zone qui compte (sans surprise) le plus grand nombre
d’orphelins arméniens, les dirigeants unionistes préféraient placer les
enfants en orphelinat, ou les déporter à nouveau vers l’Anatolie plutôt
que de les confier à des familles. On comprend qu’il s’agissait
d’éviter, dans la mesure du possible, que les Arméniens vivent en
communauté. Et l’Anatolie intérieure était plus favorable à leur
éparpillement. Ainsi, au-delà des chiffres, peu significatifs, ce
document témoigne d’un souci de disperser et d’assimiler les orphelins
arméniens.
Enfin, je citerai le tableau intitulé Calcul général de la population
arménienne après la déportation. Ce document, indique un total d’1 617
200 Arméniens ottomans avant la déportation, contre 370 000 Arméniens
après. Par des calculs basés sur ce document, on obtient qu’au cours des
déportations, environ 1 247 200 Arméniens ont disparu, soit 77 %
de la population arménienne de l’Empire de 1914. Dans la plupart des
provinces, c’est l’immense majorité des Arméniens qui ne sont plus là
après : 77 %
à Karesi, 79 %
à Nigde, 86 %
à Kayseri, 93 %
à Izmit, 94 %
à Sivas, 95 %
à Hüdavendigar…
NAM : Quel a été l’impact de
ce cahier en Turquie ?
D. T. : L’audace de Murat Bardakçi a
provoqué, dans un premier temps, une peur panique chez les historiens
négationnistes. Effrayés par les chiffres élevés sur les déportations
d’Arméniens, et surtout pris au dépourvu face à de nouveaux documents -
alors que depuis près de cent ans les historiens « officiels »
travaillent sur un corpus documentaire quasiment inchangé - ils ont
tenté de détourner l’attention publique de ce livre et de décrédibiliser
Bardakçi. Par ailleurs, la censure a frappé. Déjà en 2005, la série de
publication des documents dans le journal Hürriyet a été interrompue
lorsque Bardakçi, après deux jours de « révélations »,
a annoncé qu’il publierait les tableaux sur « les
bâtiments arméniens »…
Et de nouveau en décembre 2008, au moment de la publication du livre,
les commandes effectuées sur internet furent annulées, les livres édités
retirés du marché, et le livre fut réédité et remis en vente un mois
après, en janvier 2009. Enfin, Bardakçi indique lui-même dans son livre
que certains passages de l’entretien avec la veuve de Talât Pacha,
rapportés à la fin du livre, « ont
été retirés du texte, en raison de limitations forcées, prenant leur
source des lois ».
Dans le cadre de mon mémoire de master, j’avais choisi de prendre la
presse comme source pour évaluer la réception du livre en Turquie. En
attendant de recevoir le livre que j’avais commandé sur internet, j’ai
commencé à consulter les articles de presse, et j’ai eu du mal à
comprendre de quoi il s’agissait tant les réactions étaient confuses et
contradictoires - leur contradiction était à la mesure de celle du
livre, comme j’allais le comprendre. Tantôt applaudi, tantôt décrié, le
livre a néanmoins fait réagir tout le monde. Cependant, tandis que les
journalistes turcs ont discuté du contenu des documents publiés par
Bardakçi - notamment des chiffres élevés sur les déportés arméniens -
très peu d’historiens en Turquie s’y sont intéressés, en dehors de Fuat
Dündar, Ayse Hür, et Taner Akçam. Au vu de l’importance de certains
documents, on peut dire qu’il y a eu un événement médiatique, mais un
non-événement historiographique.
Au niveau sociétal, je ne pense pas que ce livre ait eu un impact à
proprement parler. Deux ans après l’assassinat de Hrant Dink, les choses
avaient déjà commencé à bouger en Turquie. Cet événement tragique
lui-même attestait d’une évolution, de la violence avec laquelle la
société de Turquie commence à aborder son passé longtemps refoulé. Le
livre de Bardakçi a été publié dans ce contexte de résurgence
mémorielle, de fissuration du tabou… Mais pour aller dans le sens
inverse. Bardakçi présente Talât à la fois comme un père fondateur qu’il
appelle à honorer en tant que tel, et un martyr mort sous les balles
d’un Arménien. Au moment précis où quelque 30 000 personnes en Turquie
demandent pardon aux Arméniens, lui exige des excuses pour l’assassinat
de Talât Pacha.
NAM : Pourquoi vous
êtes-vous vous-même lancée dans ce mémoire ?
D. T. : Après ma licence d’histoire, j’ai
voulu faire de la recherche. J’avais toujours eu un intérêt particulier
pour l’histoire des violences. J’ai donc demandé à Marie-Anne Matard-Bonucci,
spécialiste de l’histoire de la mafia et du fascisme en Italie, de
m’encadrer pour mon travail de master, et de m’orienter vers un sujet.
Elle m’a proposé de réaliser un travail qui mette à profit ma
connaissance de la langue turque, et, sur les conseils de Taline Ter
Minassian, m’a parlé de ce livre qui, en raison de la langue, restait
obscur pour les Arméniens de France. J’ai accepté, sans vraiment savoir
ce qui m’attendait. Avant de me lancer dans ce mémoire, je ne savais
rien sur le génocide arménien. Aussi, au-delà de l’étude des documents,
j’ai voulu - avec émotion, et quelque naïveté je le reconnais - dénoncer
le négationnisme en mutation et le négationniste comme continuateur du
génocide, puisque défenseur de ses responsables et perpétuateur de leur
discours et de leur pensée.
NAM : Que pouvez-vous nous
dire, en quelques mots, du renouveau de l’historiographie turque sur le
génocide des Arméniens ?
D. T. : Je crois que
l’historiographie sur le génocide arménien se renouvelle par les sources
et les méthodes utilisées. Peut-être parce que, sur ce sujet, les
archives sont une impasse, les chercheurs abordent désormais de plus en
plus cette histoire par le bas, en s’intéressant à l’échelle locale, aux
témoignages, aux récits des acteurs, mais aussi à la mémoire orale. Le
renouveau se manifeste aussi dans le fait qu’on n’est plus à la
recherche de preuves. Le génocide n’est plus à prouver. Il s’agit
maintenant de comprendre et d’expliquer, ce qui est peut-être plus
difficile.
Propos recueillis par
Ara Toranian
Interview paru dans le N°210 de