Le 24 avril, les
Arméniens, où qu’ils vivent, se
souviennent et commémorent le génocide
de 1915. Ce triste événement est une douleur
partagée entre nos peuples frères, car
les Jeunes Turcs et les kémalistes ne
voulaient pas qu’effacer de la surface
de la Terre les Arméniens, mais aussi
les Assyro-Chaldéens, les Syriaques,
sous l’appellation "SEYFO", les Grecs et
les Yazidis.
À l’instar des Arméniens, ces minorités
ont toutes subi le même sort lors du
génocide de 1915 et même après. De
nombreux historiens et archives le
prouvent sans aucune ambigüité, et la
conclusion apportée est qu’il s’agissait
bien du génocide des minorités non
musulmanes de Turquie, et plus
concrètement, celui des minorités
chrétiennes autochtones.
Les plans de la Turquie Ottomane et
Kemaliste ont échoué : nos peuples ont
survécu, malgré qu’ils soient massacrés
à plus de deux tiers et dispersés
partout dans le monde en diaspora. Avec ce constat avéré, notre lutte pour
la reconnaissance du génocide de 1915 ne
devrait-elle pas être commune ? 105 ans
après, il est primordial que nos peuples
s’unissent davantage et collaborent plus
étroitement, souligne Monsieur Daniel
Auguste, Président du Comité de Soutien
des Chrétiens d’Irak et défenseur de la
cause de la communauté Assyro-Chaldéenne
de France.
Pour une histoire et douleur communes,
il faut des actions communes -
Il y a de nombreuses personnalités
distinctives de la communauté arménienne
comme Ara Toranian, Co-Président du CCAF,
fidèle parmi les fidèles, Alexis
Govciyan et Antoine Bagdikian, Président
de l’ANACRA, qui sont parmi les premiers
habitués à soulever la question du
génocide des Assyro-Chaldéens et des
Grecs Pontiques « Les oubliés de
l’histoire » .
Je constate que seule une petite
poignée de personnalités relatent notre
sort, ce qui est très insuffisant devant
la gravité de la situation et le
calvaire subi par nos peuples.
C’est l’ensemble de nos communautés
respectives, des personnalités et
organisations arméniennes qui doivent
plus que jamais associer les
Assyro-Chaldéens à cette cause commune,
sans quoi notre objectif et la
perception de l’extérieur de nos actions
individuelles par diaspora risquent
d’être confrontés durablement à
l’incompréhension à tous les niveaux de
la société civile, y compris au sein de
la classe politique avec un sentiment de
dissociation du génocide dont certains
nous l’ont déjà fait savoir à plus d’une
fois alors qu’il s’agit du même génocide
qui a eu lieu à la même époque, par le
même bourreau et pour les mêmes raisons
qui sont celles de l’appartenance
religieuse.
Cette situation inexplicable est d’une
part contre-productive, et d’autre part
ressentie comme une blessure
supplémentaire à l’encontre de
l’ensemble des Assyro-Chaldéens et Grecs
Pontiques.
Je rajouterai même que c’est un
sentiment de frustration et de colère
que d’être considérés comme un peuple de
seconde zone, des victimes d’un niveau
moins élevé et moins important que nos
cousins Arméniens.
Je peux citer deux exemples explicites
de la problématique de cette
incompréhension et injustice.
Le génocide des Arméniens a été reconnu
par la France par une loi de 29 janvier
2001, sans faire mention de celui
(pourtant le même génocide) des
Assyro-Chaldéens et des Grecs Pontiques,
le second exemple concerne la
déclaration par le président de la
République Française, Emmanuel Macron,
de rendre le 24 avril « Journée
nationale de la commémoration du
génocide Arménien en France. »
Le temps est venu de nous rassembler
pour marcher ensemble en défendant par
tous les moyens légaux possibles, et
d’une même voix, le génocide de 1915,
ainsi que sa négation, souligne Daniel
AUGUSTE.
Comment peut-on demander à toutes les
nations du monde, et en particulier au
gouvernement Turc, de reconnaitre le
génocide de 1915, lorsqu’on ne reconnait
pas officiellement une partie de ce même
génocide et sans associer pleinement les
autres peuples victimes et concernés par
la même tragédie en les larguant au
second plan ?
Cette indifférence est incompréhensible
et inquiétante pour notre long combat et
devoir de mémoire des martyrs qui
doivent dépasser largement cette néfaste
catégorisation égoïste. « Je fais un
appel aux Arméniens en leur demandant de
soutenir officiellement et d’aider par
tous les moyens les Assyro-Chaldéens
(Projet de loi déposée par Valérie Boyer
en avril 2019 pour la reconnaissance du
génocide des Assyro-Chaldéens) pour
compléter équitablement la loi du 29
janvier 2001 à travers une
reconnaissance de leur génocide au nom
de la justice, de l’égalité et des
droits de l’Homme en nous considérant
comme des citoyens à part entière devant
les lois de la république française ».
Malgré cette situation difficile, je ne
perds pas d’espoir pour entamer une
nouvelle aire de travail plus collectif
avec les Arméniens, grâce à notre amitié
et à nos excellentes relations de
confiance réciproques.
Nous sommes résolus à poursuivre ce
combat difficile par notre persévérance
afin d’arriver à atteindre l’objectif
final d’une reconnaissance et d’une
pénalisation de la négation de ce
premier génocide du 20e siècle que je
qualifie « Le Génocide des Chrétiens
sous l’empire Ottoman Turc »
Etant donné que la position de la
République d’Arménie, jointe par son
corps diplomatique, étant très
importante à l’échelle de sa communauté,
il serait souhaitable qu’elle apporte
son soutien publiquement en faveur du
combat des Assyro-Chaldéens, par une
mobilisation de la diaspora arménienne
en France.
Toutefois, il faut saluer le courage de
l’Assemblée Nationale d’Arménie qui a
reconnu officiellement le génocide des
Assyro-Chaldéens, Grecs et Yazidis en
2015, soit, 24 ans après son
Independence, alors que les Arméniens
ont attendu 85 ans pour une
reconnaissance officielle en France.
Chacun pour soi ?
Il est consternant d’observer que la
même situation vécue par les
Assyro-Chaldéens avec les Arméniens se
produit (effet domino ?) par l’Etat
d’Israël vis-à-vis des Arméniens d’une
façon ubuesque. Or, chacun s’accorde à
ce qu’Israël soit le premier pays au
monde à reconnaître le génocide des
Arméniens au vue de la grande
catastrophe « la Shoah » vécue par les
juifs sous l’occupation de l’Allemagne
nazie, ex-alliée de l’empire ottoman
lors de la 1er guerre mondiale.
Par ailleurs, la communauté juive
de France est assez embarrassée par
cette attitude d’Israël qui reste dans
le statuquo jusqu’à ce jour, soit 105
après, en adoptant une posture
regrettable, liée aux considérations
géopolitiques biaisées avec la Turquie,
qui à son tour, a une haine viscérale
contre Israël.
À ce propos, il ne faut pas qu’Israël
s’entête à tort en considérant qu’il n’y
a eu que la Shoah qui compte, et qu’elle
est au-dessus de tous les autres
génocides, y compris le génocide des
Arméniens, alors que grand nombre
d’historiens et de chercheurs ont
l’intime conviction que s’il n’y avait
pas eu le génocide de 1915, la Shoah ne
se serait pas produite, et pour s’en
convaincre, il suffit de se rappeler de
cette funeste expression « Qui se
souvient de l’extermination des jeunes
Arméniens » d’Hitler à ses généraux. Par
ces faits, on ne peut plus se donner le
luxe du combat solitaire avec la posture
de « chacun pour soi », cette logique
dépassée doit être remplacée par une
nouvelle approche collective pour la
poursuite du travail de mémoire et de
défense du génocide des chrétiens
autochtones de Turquie.
En combattant ensemble contre toute
forme de négationnisme, et en faveur de
la reconnaissance du génocide des
Assyro-Chaldéens et Grecs Pontiques, les
Arméniens arriveront à attirer plus
d’attention sur la dénonciation des
crimes de guerres qui se produisent
encore aujourd'hui en Syrie et en Irak
par l’état islamique.
Ces guerres sont en réalité la
continuité du même génocide débuté en
1915 avec la Turquie néo-ottomane d’Erdogan,
alliée officielle des terroristes
islamistes, en agissant en chef
d’orchestre avec la ferme attention de
bannir de la carte le peu de chrétiens
orientaux qui résistent, tant bien que
mal, sur leur terre ancestrale.
Les similitudes sont les mêmes que
celles vécues par nos ancêtres il y a
105 ans, car ils attaquent les Chrétiens
et autres minorités religieuses au nom
de l’islam, dite « religion de paix ».
Les Assyro-Chaldéens du Moyen-Orient,
habitués à ce sort tragique et contre
leur gré, ont été de nouveau soumis à
l’exode par des périodes cycliques,
comme lors de l’invasion de l’Irak le 16
janvier 1991 sous l’appellation «
Tempête du désert ».
Sous le nationalisme de Saddam Hussein,
l’Irak comptait 1.500.000 de Chrétiens
d’origines assyro-chaldéennes avant
cette invasion américano-occidentale,
suivie d’une nouvelle invasion par
l’état islamique des villes de Mossoul,
Qaraqosh en juin 2014, ayant eu comme
conséquences dramatiques un nouvel exode
des Chrétiens d’Irak avec une réduction
drastique de leur population qui est
aujourd’hui estimée entre 250 à 300.000
individus. Les liens historiques et
familiaux entre Arméniens et
Assyro-Chaldéens ne datent pas d’hier,
pour ne citer que mes origines
familiales.
“Mon arrière-grand-père était d’origine
arménienne du village de Dehé, province
de la ville de Siirt proche de Hakkari
». Il y a une multitude de familles dans
le même cas, que ce soit chez les
Arméniens ou du côté des
Assyro-Chaldéens, avec des familles
mixtes, et d’ailleurs cela n’a jamais
posé de problèmes, car ce qui prévalait
en priorité, était d’avoir la même foi
chrétienne qui dure jusqu’à maintenant.
Avec les Arméniens, nous avons appris à
se connaître et à se reconnaître pour
travailler ensemble. En 2015, pour la
première fois en France, les défenseurs
de la cause Arménienne et
Assyro-Chaldéenne avec le support des
associations, ont fait ériger deux
stèles communes commémorant le génocide
des Assyro-Chaldéens et Arméniens sur la
commune de Villiers-le-Bel, située dans
le Val d’Oise (Île-de-France). Daniel
Auguste reste en contact régulier avec
les organisations arméniennes et
grecques pour organiser de nouvelles
actions d’avenir.
Tout comme les Arméniens -
Les Arméniens sont arrivés à
l’aboutissement de la reconnaissance du
génocide en France après 85 ans de lutte
acharnée. Il a fallu plusieurs
générations pour y arriver.
Naturellement, les premiers refugiés
étaient préoccupés à trouver un logement
et un emploi pour nourrir leurs
familles, comme tout réfugiés ou
immigrés. Les Assyro-Chaldéens se sont
réfugiés tardivement en France, et
comparés aux Arméniens, leur arrivée
massive s’est déroulées dans les années
1980-1990. A l’instar des Arméniens, il
leur fallait s’installer dans leur
nouveau pays d’accueil « La France » qui
leur a ouvert ses bras généreusement
après avoir survécu à des décennies de
barbaries et exactions des Turcs et des
Kurdes dans les villages mixtes à 100%
chrétiens.
Comme une partie des Arméniens, la
majorité des Assyro-Chaldéens de la
dernière vague des années 1980-1990,
étaient des paysans. Beaucoup d’entre
eux ont commencé par apprendre des
nouveaux métiers dans le domaine du
textile en confection.
Pour une installation définitive, il a
fallu investir progressivement dans leur
premier achat de résidence principale
(maison ou appartement), afin de
stabiliser leurs familles, tout comme ce
fût le cas des Arméniens des années
1920-1930. D’ailleurs, il ne faut pas
oublier que beaucoup des jeunes et de
moins jeunes de la communauté ont
découvert l’existence du génocide à leur
arrivée en France.
En Turquie, naturellement, ce sujet
était tabou et totalement absent de
l’espace public.
Obligation morale Progressivement, les
Assyro-Chaldéens ont pris conscience de
leur histoire catastrophique au prix de
beaucoup de sang lors du génocide de
1915. Il ont soutenu et salué la
reconnaissance du génocide Arménien en
2001. 20 ans après, leur génocide
méconnu du grand public n’est pas
reconnu par la France alors que d’autres
pays dans le monde l’ont reconnu, tels
que l’Allemagne, la Suède, l’Arménie,
les Etats-Unis, et ce sentiment
d’injustice est lourd à porter au
quotidien. C’est la raison principale du
projet de loi pour la reconnaissance du
génocide Assyro-Chaldéen, préparé avec
professeur Joseph Yacoub (Politologue,
historien et professeur de l’université
catholique de Lyon) est déposé auprès de
l’Assemblée Nationale, par la députée,
Madame Valérie Boyer, une ardente
défenseure de la cause arménienne et
assyro-chaldéenne, mais aussi de la
cause des chrétiens d’Orient.
J’apprécie beaucoup leur travail
précieux d’humilité et d’humanité.
Le but de ce projet est de ne plus
oublier ni discriminer un peuple
abusivement oublié de l’histoire de
l’humanité, malgré le traité de Sèvres
du 10 août 1920, parce qu’il est
minoritaire et/ou a moins de
représentants en responsabilité
politique.
Cette reconnaissance a pour but
également d’éviter qu’aucune personne,
ni pays ne puissent falsifier notre
histoire. Cette réalité historique nous
oppose naturellement, et c’est pour
cette raison précise que j’invite mes
cousins Arméniens à ne pas oublier leurs
cousins Assyro-Chaldéens à travers un
soutien concret et réaliste, au projet
de loi cité avec l’espoir d’une
validation par la commission de lois,
afin qu’il soit soumis au débat à
l’assemblée nationale, raconte Daniel
Auguste.
Il continue son travail de lobbying avec
les associations auprès du gouvernement
et des différents groupes
parlementaires. La démarche est longue
mais largement audible avec nos
interlocuteurs dont il est persuadé que
la France donnera une suite favorable au
nom du droit et de la justice, à cette
noble cause. En dehors du volet
politique, c’est une obligation morale
pour lui de se battre par devoir de
mémoire aux morts. “Moi-même, je ne me
souviens pas une seule fois où je n’ai
pas participé au défilé et
commémorations du 24 avril aux côtés des
Arméniens.
Ne pas accomplir cette obligation morale
serait synonyme d’un quitus au
négationnisme turc, c’est-dire à Erdogan
: “continuez votre négation”.
J’y vais, je dépose une gerbe avec nos
associations. C’est le minimum qu’on
puisse faire pour rendre hommage aux
victimes et il ne faut chercher ni
excuse, ni prétexte, à ne pas honorer
nos morts sans sépultures”. |