En
parlant du racisme...
Deuxièmement, il est étonnant de voir qu’un Expert en Histoire de la
Turquie ne sait pas que l’idéologie raciste était puissante en Turquie
dans les années 1930-40 et que le quotidien Cumhuriyet où il
écrit était connu comme un partisan de l’Allemagne nazie lors de la
Deuxième guerre mondiale.
En
réalité, il ne faut pas trop culpabiliser le quotidien, car le premier
ministre de l’époque, Saraçoğlu exprimait ceci sous l’ambiance du
panturquisme profond : « Nous sommes turcs, nous sommes turquistes et
nous resterons turquistes [acclamations]. Pour nous, le turquisme est
aussi bien une affaire de sang qu’une question de conscience et de
culture » (Ayın Tarihi, août 1942, p. 31).
Et
surtout, ce panturquisme était mené par le soutien financier grand et
secret des Nazis. Parmi les archives secrètes allemandes publiées après
la guerre également chez nous, le ministre des Affaires étrangères von
Ribbentrop écrivait ce message crypté à l’ambassadeur von Papen à
Ankara, le 5 décembre 1942 : « J’ai ordonné que l’on vous accorde un
budget de 5 millions de reichsmarks pour que vous puissiez soutenir nos
amis en Turquie. Je vous prie de dépenser cette somme de façon
confortable et généreuse et de me tenir informé sur son usage » [Baskın
Oran (éd.), Türk Dış Politikası (La politique extérieure turque),
vol. I, p. 449, les éditions Iletişim]. Un Expert, ne doit-il pas savoir
que les Nazis distribuaient “généreusement” des pots-de-vin en Turquie
pas plus tard qu’hier ?
À propos
de Libaridian -
Troisièmement, Gauin dit la chose suivante au milieu de son article :
« Certains
prétendent qu’une entente est possible malgré l’animosité entre les
gouvernements. Alors, dans quelle mesure cette prétention est réaliste ?
Prenons un exemple d’actualité : la conférence de la Fondation Hrant
Dink qui a eu lieu à Ankara du 22 au 23 novembre. L’un des présidents de
séance à la conférence était G.J. Libaridian. Monsieur Libaridian étant
un ancien activiste de la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA),
s’était rendu des États-Unis en France en 1982 afin de témoigner en
faveur d’un terroriste de la FRA. Quand je l’ai interrogé sur
l’idéologie du gouvernement arménien actuel et à propos de son
témoignage qui vient d’être mentionné, Monsieur Libaridian n’a manifesté
aucun regret d’avoir légitimé le terrorisme dans une cour de justice et
ne s’est aucunement référé à ma critique concernant Njdeh ou l’attentat
d’Orly ».
Bizarre.
Car Libaridian est, au contraire, quelqu’un qui n’a pas pu se rendre au
Liban de peur d’être assassiné par des Tachnag, en raison de sa
politique de rapprochement avec la Turquie lors du mandat du premier
président Ter-Petrossian (1991-98). Comme nous qualifions chez nous les
mal-aimés de “communiste” auparavant et “parallèle” [membre de la
communauté de Fethullah Gülen, ndt] maintenant ; Gauin doit se référer
aux “anciens Tachnag” dans la même veine.
J’aimerais donner quelques renseignements à propos de la politique
turque de Prof. Libaridian. Au départ (entre mai 1990-janvier 1991),
Ter-Petrossian s’en était pris de façon virulente à la Turquie, mais a
adouci sa politique suite à l’arrivée de Libaridian des États-Unis pour
devenir son conseiller en chef (1991-1997). Le mot génocide qui figurait
dans la “Déclaration sur l’indépendance de l’Arménie” du 23 août 1990
avant l’indépendance, a été omis de la “Proclamation d’indépendance de
l’Arménie” du 23 septembre 1991 et du texte de la Constitution du 5
juillet 1995. Il a interdit les activités du PKK dans son pays. En
suspendant les activités du Tachnagtsoutioun, il a emprisonné ses
leaders pour trafic de drogue. Il a démis le ministre des Affaires
étrangères Raffi Hovanissian, connu comme un opposant à la Turquie, de
ses fonctions. Il a calmé les esprits dans la diaspora en effectuant un
voyage à l’étranger.
Libaridian est l’architecte précurseur des protocoles de 2009 signés à
l’époque de « zéro problème avec les voisins » par Davutoğlu et qu’on a
rendu caducs par peur de l’Azerbaïdjan sans même avoir pu les
transmettre à l’Assemblée nationale, malgré leur ratification par le
parlement d’Arménie.
Comment
un Expert de la Turquie peut ignorer tous ces faits ?
Je suis
témoin de l’événement
J’étais
à la conférence intitulée “la Porte Scellée : Conférence sur le futur de
la frontière Turquie-Arménie” à la faculté des sciences politiques
d’Ankara (Mülkiye) et ne me souviens pas de Gauin se référant à
un tel témoignage de Libaridian. Afin d’en être sûr, je suis allé sur
internet à l’enregistrement vidéo ( HYPERLINK "http://www.hrantdink.org/?Detail=933&Lang="
\l "acilisvepanelbir"lien). Après les
communications, on passe aux questions dans la séance présidée par
Libaridian. L’une d’entre elles provient de Gauin. Je rapporte de la
voix du traducteur simultané : « Maxime Gauin, Centre d’études
eurasiatiques (AVIM) d’Ankara. Le blocage idéologique n’est pas en
Turquie, mais en Arménie. Peut-on l’expliquer, s’il vous plaît, en
quelques mots ? Je veux dire ceci : les diplomates turcs tués dans les
années 1970 par des Arméniens. Par exemple, Ali Babacan connaît ce qui a
été vécu. Il y a les événements du sud de la France. En même temps,
l’auteur de l’attentat d’Orly a été accueilli par le premier ministre.
Aujourd’hui, l’idéologie de l’Arménie est déterminée par un homme qui a
participé à la Deuxième guerre mondiale avec l’uniforme nazie. Bref,
comment quel type de paix vous espérez trouver, peut-être pas avec les
Arméniens, mais avec cette Arménie, avec ces idées-là aujourd’hui ?
Voici ma question » (entre 2:04:17 et 2:07:23 dans la vidéo).
C’est
curieux, car il désigne l’Arménie comme irréconciliable et non la
diaspora. Or, la politique turque de l’Arménie est incomparablement plus
douce que celle de la diaspora aisée. Ce fut toujours le cas.
Quant
aux “extrémistes”
Gauin
dit ceci au sujet de Libaridian : « Avec de tels “modérés”, les
Arméniens n’ont pas besoin “d’extrémistes” ».
Et moi,
je dis que tant que nous avons de tels convertis au turquisme, nous
n’avons pas besoin des Prof. Yusuf Halaçoğlu ou des ülkücü [“idéalistes”,
Loups gris du MHP, ndt].
Et je
mettrais même les idéalistes en dehors de cette catégorie, car si vous
vous en souvenez, c’était feu Alpaslan Türkeş qui était le pionnier de
la prise de contact avec l’Arménie en 1993
"http://www.yeniaktuel.com.tr/tur112,167@2100.html"
En bref :
pour s’opposer au rapprochement entre la Turquie et l’Arménie, Gauin est
en alliance totale avec les Tachnag.
Baskın
Oran
(*)
article paru dans Radikal le 26 décembre 2014
© Nouvelles d'Arménie Magazine
Traduit du turc par
Hayri Gökşin Özkoray - Docteur en Histoire