PROCÈS DU GÉNOCIDE

Dossier :  « ÊTRE PLUS TURQUISTE QUE LE TURC »

« Être plus turquiste que le Turc par BASKIN ORAN
article paru dans Radikal le 26 décembre 2014 (*)

Tant qu’il y aura des convertis de la turcité comme Maxime Gauin, l’Expert en Histoire de la Turquie, nous n’aurons pas besoin des Prof. Yusuf Halaçoğlu ou des ülkücü [Loups gris du MHP]

Il rappelle l’expression “plus royaliste que le roi”. Mais plus encore ceci : « les convertis sont plus zélotes que d’autres ». Les nouveaux convertis et ceux qui veulent me défendre plus que moi-même m’ont toujours inquiété.

Dans la section “événements et points de vue” du Cumhuriyet daté du 21 décembre 2014
est paru un article intitulé

« Pourquoi la réconciliation turco-arménienne est tellement difficile ? »
signé par “Maxime Gauin, expert en histoire de la Turquie” 

Le Français M. Gauin, l’un des principaux défenseurs de la Turquie sur la question arménienne, a été connu en Turquie par le procès qu’il avait ouvert et remporté contre un Français d’origine arménienne. L’objet du procès était la comparaison de Gauin à un Nazi (vous verrez que c’est assez ironique par rapport à ce que vous êtes en train de lire en bas). Il travaille au Centre d’études eurasiatiques (AVIM) et fait son doctorat à l’Université technique du Moyen Orient (ODTÜ) à Ankara. Je vous prie de lire son texte, mais son thème principal se résume ainsi :

« L’idéologie de la République d’Arménie s’appuie sur les écrits du raciste Garéguine Njdeh (1886-1955). Cette personne s’est rendue en Allemagne lors de la Deuxième guerre mondiale et a servi Hitler. Aujourd’hui, des Nazis et des terroristes sont célébrés comme des héros en Arménie. De nos jours, les héritiers de Njdeh gouvernent l’Arménie ».

“La réconciliation avec l’Arménie est une perte de temps”

Gauin arrive à la conclusion suivante : « Tant que la situation perdure ainsi, les tentatives d’établir un dialogue turco-arménien ne seront, au mieux, qu’une perte de temps ».

J’ai été étonné de lire cela. On ne sait par où commencer. J’avais pris connaissance de Gauin et c’est de la part des membres de la diaspora que j’avais entendu que c’était quelqu’un de bien informé.

D’abord, il dit que « le parti au gouvernement en Arménie n’a jamais caché son idéologie ». Mais ce ne sont pas les Tachnag au pouvoir en ce moment et ils n’y ont pas été depuis l’indépendance. C’est le parti du président de la république Serge Sarkissian, le Parti républicain qui est au pouvoir. Les Tachnag n’ont même pas eu 5,5 % des voix aux élections de 2012. Quand Sarkissian signait les protocoles avec la Turquie en 2009, ils y avaient superbement résisté sans obtenir gain de cause. Apparemment, Gauin ne connaît pas grand-chose à l’Arménie.

En parlant du racisme...

Deuxièmement, il est étonnant de voir qu’un Expert en Histoire de la Turquie ne sait pas que l’idéologie raciste était puissante en Turquie dans les années 1930-40 et que le quotidien Cumhuriyet où il écrit était connu comme un partisan de l’Allemagne nazie lors de la Deuxième guerre mondiale.

En réalité, il ne faut pas trop culpabiliser le quotidien, car le premier ministre de l’époque, Saraçoğlu exprimait ceci sous l’ambiance du panturquisme profond : « Nous sommes turcs, nous sommes turquistes et nous resterons turquistes [acclamations]. Pour nous, le turquisme est aussi bien une affaire de sang qu’une question de conscience et de culture » (Ayın Tarihi, août 1942, p. 31).

Et surtout, ce panturquisme était mené par le soutien financier grand et secret des Nazis. Parmi les archives secrètes allemandes publiées après la guerre également chez nous, le ministre des Affaires étrangères von Ribbentrop écrivait ce message crypté à l’ambassadeur von Papen à Ankara, le 5 décembre 1942 : « J’ai ordonné que l’on vous accorde un budget de 5 millions de reichsmarks pour que vous puissiez soutenir nos amis en Turquie. Je vous prie de dépenser cette somme de façon confortable et généreuse et de me tenir informé sur son usage » [Baskın Oran (éd.), Türk Dış Politikası (La politique extérieure turque), vol. I, p. 449, les éditions Iletişim]. Un Expert, ne doit-il pas savoir que les Nazis distribuaient “généreusement” des pots-de-vin en Turquie pas plus tard qu’hier ?

À propos de Libaridian -

Troisièmement, Gauin dit la chose suivante au milieu de son article :

« Certains prétendent qu’une entente est possible malgré l’animosité entre les gouvernements. Alors, dans quelle mesure cette prétention est réaliste ? Prenons un exemple d’actualité : la conférence de la Fondation Hrant Dink qui a eu lieu à Ankara du 22 au 23 novembre. L’un des présidents de séance à la conférence était G.J. Libaridian. Monsieur Libaridian étant un ancien activiste de la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA), s’était rendu des États-Unis en France en 1982 afin de témoigner en faveur d’un terroriste de la FRA. Quand je l’ai interrogé sur l’idéologie du gouvernement arménien actuel et à propos de son témoignage qui vient d’être mentionné, Monsieur Libaridian n’a manifesté aucun regret d’avoir légitimé le terrorisme dans une cour de justice et ne s’est aucunement référé à ma critique concernant Njdeh ou l’attentat d’Orly ».

Bizarre. Car Libaridian est, au contraire, quelqu’un qui n’a pas pu se rendre au Liban de peur d’être assassiné par des Tachnag, en raison de sa politique de rapprochement avec la Turquie lors du mandat du premier président Ter-Petrossian (1991-98). Comme nous qualifions chez nous les mal-aimés de “communiste” auparavant et “parallèle” [membre de la communauté de Fethullah Gülen, ndt] maintenant ; Gauin doit se référer aux “anciens Tachnag” dans la même veine.

J’aimerais donner quelques renseignements à propos de la politique turque de Prof. Libaridian. Au départ (entre mai 1990-janvier 1991), Ter-Petrossian s’en était pris de façon virulente à la Turquie, mais a adouci sa politique suite à l’arrivée de Libaridian des États-Unis pour devenir son conseiller en chef (1991-1997). Le mot génocide qui figurait dans la “Déclaration sur l’indépendance de l’Arménie” du 23 août 1990 avant l’indépendance, a été omis de la “Proclamation d’indépendance de l’Arménie” du 23 septembre 1991 et du texte de la Constitution du 5 juillet 1995. Il a interdit les activités du PKK dans son pays. En suspendant les activités du Tachnagtsoutioun, il a emprisonné ses leaders pour trafic de drogue. Il a démis le ministre des Affaires étrangères Raffi Hovanissian, connu comme un opposant à la Turquie, de ses fonctions. Il a calmé les esprits dans la diaspora en effectuant un voyage à l’étranger.

Libaridian est l’architecte précurseur des protocoles de 2009 signés à l’époque de « zéro problème avec les voisins » par Davutoğlu et qu’on a rendu caducs par peur de l’Azerbaïdjan sans même avoir pu les transmettre à l’Assemblée nationale, malgré leur ratification par le parlement d’Arménie.

Comment un Expert de la Turquie peut ignorer tous ces faits ?

Je suis témoin de l’événement

J’étais à la conférence intitulée “la Porte Scellée : Conférence sur le futur de la frontière Turquie-Arménie” à la faculté des sciences politiques d’Ankara (Mülkiye) et ne me souviens pas de Gauin se référant à un tel témoignage de Libaridian. Afin d’en être sûr, je suis allé sur internet à l’enregistrement vidéo ( HYPERLINK "http://www.hrantdink.org/?Detail=933&Lang=" \l "acilisvepanelbir"lien). Après les communications, on passe aux questions dans la séance présidée par Libaridian. L’une d’entre elles provient de Gauin. Je rapporte de la voix du traducteur simultané : « Maxime Gauin, Centre d’études eurasiatiques (AVIM) d’Ankara. Le blocage idéologique n’est pas en Turquie, mais en Arménie. Peut-on l’expliquer, s’il vous plaît, en quelques mots ? Je veux dire ceci : les diplomates turcs tués dans les années 1970 par des Arméniens. Par exemple, Ali Babacan connaît ce qui a été vécu. Il y a les événements du sud de la France. En même temps, l’auteur de l’attentat d’Orly a été accueilli par le premier ministre. Aujourd’hui, l’idéologie de l’Arménie est déterminée par un homme qui a participé à la Deuxième guerre mondiale avec l’uniforme nazie. Bref, comment quel type de paix vous espérez trouver, peut-être pas avec les Arméniens, mais avec cette Arménie, avec ces idées-là aujourd’hui ? Voici ma question » (entre 2:04:17 et 2:07:23 dans la vidéo).

C’est curieux, car il désigne l’Arménie comme irréconciliable et non la diaspora. Or, la politique turque de l’Arménie est incomparablement plus douce que celle de la diaspora aisée. Ce fut toujours le cas.

Quant aux “extrémistes”

Gauin dit ceci au sujet de Libaridian : « Avec de tels “modérés”, les Arméniens n’ont pas besoin “d’extrémistes” ».

Et moi, je dis que tant que nous avons de tels convertis au turquisme, nous n’avons pas besoin des Prof. Yusuf Halaçoğlu ou des ülkücü [“idéalistes”, Loups gris du MHP, ndt].

Et je mettrais même les idéalistes en dehors de cette catégorie, car si vous vous en souvenez, c’était feu Alpaslan Türkeş qui était le pionnier de la prise de contact avec l’Arménie en 1993
"
http://www.yeniaktuel.com.tr/tur112,167@2100.html"

En bref : pour s’opposer au rapprochement entre la Turquie et l’Arménie, Gauin est en alliance totale avec les Tachnag.

Baskın Oran

(*) article paru dans Radikal le 26 décembre 2014
© Nouvelles d'Arménie Magazine
Traduit du turc par Hayri Gökşin Özkoray - Docteur en Histoire