Yves Ternon

Enquête sur la négation d'un génocide

Chapitre IV
L'Organisation Spéciale

L'acte d'accusation lu le 2 avril 1919 devant la Cour martiale de Constantinople traita presque exclusivement d'une « Organisation spéciale » (O.S. ou Techkilat-i Mahsoussé). Il inculpa pour leur participation aux massacres Behaeddine Chakir, Nazim, Atif, Riza, Djevad, Aziz, Enver, Djemal et Talaat en leur appliquant le paragraphe 1 de l'article 45 du Code pénal. Selon l'ancien article 45 : « Dans le cas où il n'existe pas de disposition de loi particulière, les membres d'une association de criminels seront jugés comme ayant commis le même crime. » Cet article avait été remplacé le 4 juin 1911 par un long article de loi dont la première partie est ainsi exposée: « Si des individus différents se réunissent pour commettre un délit ou un crime, ou bien si un délit ou un crime fait partie de divers actes, chacun des malfaiteurs en ayant commis un ou plusieurs, avec l'intention de commettre ce crime, ces personnes constituent une association de malfaiteurs et chacun sera condamné comme un criminel à part entière. » La Cour martiale avait également décidé de leur appliquer l'article 170 du même Code pénal: « Tout individu qui commet un meurtre avec préméditation, ou qui tue un de ses proches volontairement, même sans préméditation, sera condamné à mort1.  »

La création par un gouvernement d'une organisation à but criminel constituée de criminels confirmés, protégée par les plus hautes instances de l'Etat et nantie de pleins pouvoirs pour exécuter sa mission, en temps de guerre, près du front, au milieu d'une armée impuissante à la contrôler, est un non-sens juridique. A quelle justice peut prétendre un Etat qui abolit sa propre loi ? La Commission Mazhar et le procureur général de la Cour martiale avaient bien compris qu'en créant l'Organisation spéciale les dirigeants de l'Ittihad s'étaient eux-mêmes placés hors la loi et que, pour restituer à la Turquie son honneur en ces jours de honte de l'après-guerre, il fallait amputer le membre gangrené et révéler toute la vérité sur l'O.S. Mais la révélation de cette vérité entraînait une conclusion inévitable: si le gouvernement qui avait ordonné la déportation avait en même temps organisé des bandes de tueurs pour massacrer les convois de déportés, il avait à l'évidence utilisé la déportation comme prétexte et voulu le massacre comme fin. Prouver que l'O.S. a été organisée par le Comité central de l'Ittihad revient à prouver le génocide, c'est-à- dire le meurtre collectif d'un groupe avec préméditation.

L'opération avait été soigneusement montée et, au cours de la guerre, on ignorait qu'il y eut deux Techkilat-i Mahsoussé : l'une cachait l'autre. Sans la perquisition de la police turque en décembre 1918 au siège central de l'Ittihad, l'ambiguïté aurait pu être maintenue. Ce jour-là, Midhat Choukrou, secrétaire général du Comité central, se trouvait au siège de Nouri Osmanié. Se protégeant derrière son mandat de député, il refusa d'abord de répondre aux questions du procureur général. Quand il lui fut précisé qu'il était seulement interrogé et qu'on ne venait pas l'arrêter, il accepta de parler. Il ne fournit toutefois que des réponses évasives et nia que le Comité central ait eu un rapport avec le Techkilat-i Mahsoussé, organisation dépendant du ministère de la Guerre. Or, on découvrit au siège de Nouri Osmanié, outre des télégrammes, le chiffre de la correspondance échangée entre le Comité Union et Progrès et le Techkilat-i Mahsoussé. Ces documents faisaient partie de volumineux dossiers détruits sur l'ordre de Talaat par Midhat Choukrou, dossiers qui contenaient toute la correspondance et dont il ne restait plus que de rares pièces2. Le dépouillement de ces pièces à conviction et les témoignages recueillis auprès de fonctionnaires turcs qui n'avaient plus à craindre de se taire mais qui étaient au contraire empressés à parler pour se disculper, à rejeter la faute sur leurs supérieurs et à révéler ce que leurs chefs avaient dissimulé, permirent aux magistrats de découvrir l'incroyable vérité : se camouflant derrière une organisation subversive militaire, le Comité central avait formé des bandes de tueurs pour massacrer les Arméniens.

1. LA VÉRITABLE ORGANISATION SPÉCIALE

Ce camouflage avait tenu durant la guerre et avait trompé a plupart des témoins étrangers, en particulier les Allemands. Il existe actuellement une documentation sur l'Orsanisation spéciale : des livres paraissent en Turquie, une thèse américaine a été rédigée sur ce sujet3. Il s'agissait :l'une Organisation spéciale dépendant du ministère de la Guerre. Elle avait été créée en décembre 1911 par les officiers turcs combattant en Tripolitaine. Enver fut l'inspirateur de cette organisation d'environ cinq cents hommes chargés d'infiltrer les tribus et de leur faire passer des armes et du matériel par l'Egypte. Une opération similaire de guérilla fut montée avec les mêmes hommes au cours des guerres balkaniques en 1912 et 1913 et joua un rôle dans la reprise d'Andrinople. Ces hommes partageaient la même idéologie: un mélange de panislamisme inspiré de l'enseignement de Djemal el-Din al Afghani et de panturquisme, directement inspiré par Enver. Le panislamisme se présentait comme une stratégie globale permettant d'entretenir une instabilité politique en milieu musulman, surtout en Egypte, en utilisant le symbole du khalifat, ce qui constituait déjà un désaveu du concept d'ottomanisme, doctrine officielle de la Sublime Porte après le rétablissement de la Constitution en 1908. L'Organisation spéciale s'opposait donc aux principes de décentralisation et d'autonomie administrative prônés par le gouvernement.

Dès 1913, donc avant la Première Guerre mondiale, l'O.S. reprit ses activités. Des agents de renseignement furent formés, des unités subversives furent entraînées et envoyées dans les pays frontaliers pour organiser l'agitation. L'O.S. qui regroupa jusqu'à 30000 membres, était composée de militaires et d'aventuriers. Elle était financée par le ministère de la Guerre et, en partie, par l'or allemand. Tout au long de la guerre, l'O.S. collabora avec l'Etat-major allemand. L'un de ses dirigeants, Echref Kouchdjoubachi, était un Circassien, fidèle compagnon d'Enver en Macédoine avant 1908. D'inspiration musulmane, l'O.S. exploita le thème de la guerre sainte bien avant que le djihad fût proclamé. Ainsi, en Algérie, au cours de l'été 1914, des tracts, des brochures et des libelles anti-français furent distribués. L'O.S. utilisa le sectarisme musulman, les tarikat, en particulier l'ordre bektachi, pour renforcer le moral des troupes ottomanes4.

Elle opéra sur le terrain contre les Anglais en Lybie, en Irak, au Soudan et en Egypte – sur le canal de Suez et à l'intérieur du pays. Les guérilleros de l'O.S. exécutèrent des actions de sabotage derrière les lignes ennemies et entretinrent l'agitation parmi les populations musulmanes des pays de l'Entente. Curieusement, les informations sont rares sur ses opérations au Caucase et en Iran. C'est pourtant là que l'O.S. développa sa plus grande activité. C'est là qu'intervint Behaeddine Chakir, l'homme qui dévia une partie de l'O.S. de sa fonction militaire pour maquiller une opération criminelle. Andonian découvrit l'existence de l'O.S. à la lecture des séances du procès des Unionistes. Il reproduit dans son livre les révélations faites au cours de la séance du 14 avril 1919: « L'un des chefs importants de l'Organisation spéciale créée pour ravager les frontières et exécuter les massacres arméniens, Youssouf Riza bey, qui était en même temps un membre du Comité central de l'Ittihad, y dit que, un mois avant la déclaration de la guerre, quand déjà il avait organisé assez de forces, il fut chargé avec l'autorisation du ministère de la Guerre et par les moyens de la dite Organisation spéciale de se mettre en rapport avec une délégation formée de huit Géorgiens venus à Trébizonde. »5 Ce Youssouf Riza était l'un des accusés du procès des Unionistes, Riza, envoyé par le Comité central dans la région de Trébizonde. L'interrogatoire de Riza confirma les faits évoqués lors de la visite de Chakir aux membres du congrès Dachnaktsoutioun d'Erzeroum. Le président demanda à Riza le nom des membres de la délégation géorgienne. Celui-ci répondit : « Le chef de la délégation était Tseretelli ayant avec lui le commandant Térel. A ces deux et à leurs six autres collègues avait été promis de former un Etat indépendant géorgien dans lequel les huit auraient été ministres. » Et il ajouta que c'est la Turquie « tant en son nom propre qu'au nom de l'Empire allemand » qui avait fait cette promesse. Il en précisa les conditions: « Les Géorgiens avec les armes que nous leur aurions fournies se seraient révoltés dans le Caucase et auraient coupé la ligne de retraite des Russes ; ils devaient détruire les chemins de fer, faire sauter les dépôts de munitions et les arsenaux. » Ceci se passait avant la déclaration de guerre de la Turquie et Riza reconnut , qu'au moment de la déclaration de la guerre il se trouvait dans une ville russe, ce qui, conclut le Président « signifie que votre Comité central avait déjà décidé de participer à la guerre, puisque vous, avant que la guerre ne fût déclarée, vous aviez passé la frontière russes ».

Stoddard, dans une thèse publiée en 1963, expose la principale mission de cette organisation dans les provinces arabes de l'Empire : combattre l'ennemi intérieur. Il établit que ce combat contre l'ennemi intérieur consistait « à chasser le troupeau de tous les groupes séparatistes et nationalistes » mais qu'il ne représentait qu'une partie de la mission de l'O.S. La crainte d'une future indépendance arménienne sur un territoire découpé dans l'Empire ottoman fut, ajouta-t-il, un facteur important de la stratégie de l'O.S.6.

2. LA SECONDE ORGANISATION SPÉCIALE

Elle fut créée par le Comité central du parti Union et Progrès avec la coopération du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice. Financée initialement par des fonds secrets du Parti, elle s'autofinança plus tard en prélevant un fort tribut sur l'argent et les bijoux volés aux Arméniens. Cette seconde Organisation spéciale reçut pour mission de liquider ou de décimer les convois de déportés arméniens en des lieux précis préalablement définis par les dirigeants de l'O.S. Dès juillet 1914, au terme des manceuvres militaires entreprises au cours de la mobilisation générale, le Comité central constitua la charpente militaire de cette organisation. Le Comité central, dont le siège était à Nouri Osmanié, bien qu'organe d'un parti politique, était en fait le centre décisionnel de l'Etat. C'est là que se réunissaient les conférences du Parti, là que les alliances étaient scellées entre les factions du Parti, là que furent organisés la déportation, les massacres et la confiscation des biens arméniens. Le secrétaire général du Comité, Midhat Choukrou, assurait le lien entre le Comité et l'O.S. Un comité exécutif de l'O.S. constituait le directoire politique de l'organisation. Il siégeait à Constantinople, au siège de Nouri Osmanié, et comprenait deux civils, membres du Comité central: le docteur Nazim et Atif bey, député d'Angora, et deux militaires : Aziz bey, chef de la Sûreté générale, et Djemal bey, commandant la place militaire de Constantinople. Le lieutenant-colonel Hüsameddin bey assurait la liaison entre le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Guerre et le centre de Nouri Osmanié. L'officier de liaison avec la province était Yacoub Djemil bey, dont il est question dans le télégramme adressé à Chakir par Talaat au début de 1915. Le centre opérationnel de l'organisation fut implanté à Erzeroum et sa direction confiée à un autre membre du Comité central, Behaeddine Chakir. Chakir disposait de deux adjoints, Youssouf Riza bey, député de Trébizonde, et Nazim bey, de Resné, qui transmettaient ses directives aux secrétaires responsables et aux délégués exécutifs (katibi mesullari et murahhasi mufettisler) qui disposaient d'un pouvoir occulte civil et militaire sur les vali et les officiers de l'armée turque, sommés d'obéir aux ordres de l'O.S. lorsqu'il s'agissait de l'extermination des Arméniens7. Un dirigeant de l'O.S., Djemal Ferid, qui était un des cinq secrétaires responsables de Constantinople, publia pendant six mois, à partir du 2 novembre 1933, dans le journal turc Vakit ses mémoires, sous le pseudonyme de A. Bil. Il y mentionne la conférence tenue à Erzeroum en février 1915 par Chakir8 et révèle que c'est au cours de cette conférence qu'il fut décidé de faire de l'O.S. un corps autonome replié du front extérieur vers le front intérieur9. Des médecins turcs participèrent à la formation des unités de l'O.S. ou les dirigèrent: le docteur Ibrahim Tali, qui avait le grade de lieutenant-colonel, assista Chakir à Erzeroum en décembre 1914 dans l'organisation des bandes de brigands ; le docteur Fouad Sabit était le chef de section de l'O.S. à Erzindjan ; le docteur Hussein Riza, organisa les bandes d'Ardahan ; le docteur Hilmi était le médecin du détachement commandé par Yacoub Djemil10.

Ainsi, tandis qu'officiellement, en application de la loi du 14 mai 1915 et des ordonnances promulguées ultérieurement pour assurer la protection des déportés, les Arméniens étaient déportés, l'O.S. plaçait ses bandes sur le trajet des convois pour les attaquer, les piller et les détruire. Ces bandes, qui constituaient le gros des troupes de l'O.S., avaient été recrutées parmi des voleurs et des criminels emprisonnés, sur ordre du ministère de la Justice qui avait autorisé leur transfert. On les appela les tchétés. Les Cours martiales établirent jusque dans le détail le processus de fonctionnement de cette organisation parallèie. Un ordre émis par le Comité central de l'Ittihad était transmis par le centre exécutif de Constantinople à Chakir, soit par un télégramme chiffré dont lui seul avait le code, soit par l'officier de liaison. Chakir interprétait cet ordre et ses adjoints transmettaient ses directives aux différents secrétaires responsables, si bien que le même ordre, émis par télégramme chiffré, était reçu à travers le pays par les différents responsables du Parti qui avaient pour tâche d'obtenir la collaboration des autorités civiles et militaires et de faire exécuter cet ordre par les officiers des bandes de tchétés, pour la plupart des civils promus à ce poste11.

L'organigramme de l'O.S. se dessine peu à peu à travers les interrogatoires menés par le Président de la Cour martiale de Constantinople. Trois des accusés, Djevad, Atif et Riza, étaient des dirigeants de l'O.S. et leurs dénégations comme leurs aveux révélèrent l'opération de camouflage de cette seconde organisation derrière la première. Le Président interrogea chacun de ces accusés en leur demandant ce qu'était l'O.S. et les liens qu'elle entretenait avec le parti Union et Progrès et son Comité central. Ces accusés cherchèrent à nier l'existence de deux O.S. et s'efforcèrent d'établir qu'une seule O.S. avait été créée par le ministre de la Guerre, Enver pacha, qu'elle dépendait du ministère de la Guerre, qu'elle était dirigée par des officiers de l'armée ottomane et financée sur les fonds de l'armée, et qu'elle avait une fonction de contre-espionnage, ce qui, reconnaissaient-ils, n'excluait pas le recours au meurtre. Mais le Président revint à la charge. Il constata que cette organisation militaire officielle entretenait des relations avec le parti Union et Progrès, qu'elle recevait sur ses fonds secrets des armes, de l'argent et des uniformes, qu'elle était commandée par des civils et qu'elle utilisait les codes secrets du ministère de l'Intérieur et des vali. Preuves à l'appui, le Président, le général Mustafa Nazim pacha, fit apparaître l'existence de deux types de Techkilat-i Mahsoussé. Au cours de son interrogatoire, Djevad eut un lapsus révélateur: il employa le mot de « bande » pour parler d'un soi disant bataillon dépendant du ministère de la Guerre. Atif, lui, nia farouchement, mais le Président Mustafa s'étonna de voir figurer sa signature, donc celle d'un civil, dans un document de l'O.S. prétendûment organisation militaire. Atif dut toutefois reconnaître l'intervention du Comité central et du ministère de l'Intérieur dans le fonctionnement de l'O.S. Riza, envoyé à Trébizonde pour collaborer avec Chakir, commença par nier puis il avoua l'existence de deux Techkilat-i Mahsoussé: l'un fondé officiellement en 1913 et opérant sur le front, l'autre, officieux, constitué en 19l4, et directement lié au Comité central du parti Union et Progrès et aux ministères de l'Intérieur et de la Guerre.

D'après l'examen des documents officiels et les témoignages entendus, la Cour martiale turque conclut: « Immédiatement après la mobilisation du 21 juillet 1914, le Comité central du parti Union et Progrès avait constitué un Techkilat-i Mahsoussé qui était entièrement différent dans ses buts et sa composition du Techkilat-i Mahsoussé déjà existant. Par ordre des ministères de l'Intérieur et de la Justice, ce même Techkilat-i Mahsoussé accepta les condamnés relâchés que le Techkilat-i Mahsoussé dépendant du ministère de la Guerre refusait d'incorporer. Lorsque des détenus étaient libérés, le Parti, pour tromper l'opinion publique, répandait la nouvelle selon laquelle les criminels libérés seraient employés sur le front alors qu'ils étaient envoyés dans des centres d'entraînement et qu'ils étaient ensuite utilisés pour piller et détruire les convois de déportés arméniens12. » Les conclusions de la Cour martiale permettent de comprendre le fonctionnement de cette organisation criminelle alors que les dépositions des témoins étrangers ou arméniens ne découvraient que les conséquences de ses actions. La révélation de l'existence de deux centres, l'un décisionnel à Constantinople au Comité central, l'autre opérationnel à Erzeroum Sous le commandement de Chakir, explique les observations des témoins. Dans la préface du livre Deutschland und Armenien le pasteur Lepsius remontait jusqu'au niveau local, celui des délégués spéciaux: « Les sections Jeunes-Turcs affiliées au Comité Union et Progrès dans les villes de provinces étaient les forces motrices dont le rôle fut décisif dans la préparation, l'organisation et l'exécution impitoyable des coups de force. Elles dressaient des listes de proscription en bonne et due forme. Leur activité est à l'origine d'un certain nombre de meurtres politiques visant des dirigeants arméniens. Passant outre à la volonté des vali qui essaient de tempérer les mesures ou de faire des exceptions, elles mettent leurs plans à exécution en ayant recours aux méthodes les plus brutales et font partir les Arméniens jusqu'au dernier. Même les femmes et les enfants, les malades, les aveugles, les femmes enceintes, même les familles des soldats quelle que soit leur confession. Elles recrutent des bandes de malfaiteurs et de brigands kurdes pour attaquer les convois de déportés et les massacrer. Elles s'enrichissent en s'emparant des biens confisqués. Leur but avoué est l'anéantissement du peuple arménien13. » L'ambassadeur allemand à Constantinople, le comte Wolff-Metternich avait, dès 1916, été explicite: « Personne ici n'est plus en mesure de mater l'hydre du Comité ni de juguler le chauvinisme et le fanatisme. Le Comité exige que les Arméniens soient exterminés jusqu'au dernier et le gouvernement doit céder. Mais le Comité ne se limite pas à l'organisation du parti gouvernemental dans la capitale. Il est présent dans tous les vilayet . Du vali au kaïmakam, chaque fonctionnaire se voit adjoindre un membre du Comité chargé de l'assister ou de le surveiller14. » Dans son acte d'accusation le procureur général de la Cour martiale de Constantinople est encore plus précis: « Rechid pacha, gouverneur général du vilayet de Kastamouni, a déclaré qu'il a reçu un message chiffré du docteur Behaeddine Chakir bey relativement à la nécessité de la déportation et des crimes et forfaits de Hassan Fehmi effendi, secrétaire responsable du Comité Union et Progrès en la dite province. Il avait, au cours d'une réunion de ce parti, remis un takrir à son président, Talaat bey, dans lequel il racontait les atrocités commises contre les Arméniens, sollicité une enquête au sujet de tous les secrétaires responsables du Comité ainsi que des docteurs Rechid, Djemal Azmi, Sabit, Mouammer, Atif et Ibrahim bey, directeur de la prison générale. Talaat bey avait fait jeter dans un coin ce takrir avec la mention "à conserver"15. »

Ce furent les tribunaux militaires qui dévoilèrent le mode de recrutement des bandes. Devant la Cour martiale, le 14 mai 1919, fut présenté un document rédigé le 15 septembre 1914 par le responsable du Comité central de l'Ittihad de Brousse, Ibrahim. Ce document était adressé au Comité central de Constantinople: il concernait les problèmes de recrutement de troupes irrégulières à envoyer sur les frontières. La Cour démontra que ces criminels avaient été utilisés pour détruire les convois d'Arméniens16. Les dépositions du directeur de la prison de Yozgad, Ali bey, et de l'ancien juge de cette ville, Mustafa Remzi bey, expliquent le processus de libération des criminels et de transfert dans des centres d'entraînement. Ces dépositions mettent en évidence la collusion entre l'Ittihad et le ministère de la Justice. Ali bey, toujours directeur de la prison de Yozgad en 1919, adressa, à la demande de la Commission Mazhar, en février 1919, deux listes, l'une de huit condamnés, l'autre de cinquante-sept condamnés. En regard de chaque nom, figuraient son lieu d'origine, la durée de sa peine et le motif de sa condamnation. Cinquante et un de ces soixante-cinq criminels étaient des assassins, douze des voleurs, un avait été condamné pour un délit mineur, un pour une tentative d'évasion. La plupart subissaient une peine de quinze ans de prison. Dans son rapport, Ali bey employa pour désigner le Techkilat-i Mahsoussé l'expression de Techkilat Djedida, afin de dissocier celui-ci du Techkilat-i Mahsoussé existant déjà. Djedida est un mot arabe qui signifie « être restauré » ou « avoir une nouvelle existence », ce qui définit au mieux la fonction très spéciale de cette organisation qui de subversive renaissait en criminelle. Ces détenus furent libérés sur ordre du ministère de l'Intérieur, un ordre rédigé le 15 mai 1915 et transmis au mutessarif de Yozgad, Djemal bey, qui forma, à la demande du ministère de la Justice, un comité de trois membres chargé de libérer ces détenus et constitué du procureur général en fonction à Yozgad, Tewfik bey, du commandant Selim bey, président du bureau de recrutement et dujuge Mustafa Remzi bey, précédemment nommé. Ce dernier confirma dans sa déposition de février 1919 que le ministère de la Justice avait donné l'ordre de libérer les prisonniers et qu'après un examen médical ceux-ci furent enrôlés et envoyés au centre d'entraînement de Tchoroum17. Tchoroum était le principal -peut-être le seul -centre d'entraînement des tchétés. La Commission Mazhar obtint de Sivas confirmation que, sur l'ordre du vali Mouammer, 124 criminels avaient été libérés en novembre 1914 de la prison de Pimian et reçut un rapport d'Angora confirmant que quarante-neuf criminels avaient été libérés de la prison centrale de cette ville le 3 mars 1915. Ces hommes avaient été transférés à Tchoroum, après sélection par un comité composé d'un juge, du directeur des services d 'hygiène et de deux officiers supérieurs 18. Tous reçurent une garantie d'impunité. Ils n'avaient qu'une obligation : remettre un tiers du produit de leur vol au Comité U nion et Progrès (un autre document parle de 50 %) .Dans un télégramme adressé par Talaat au comité de Malatia, il est dit: « Comme vous le savez déjà, les membres de ces groupes d'opérateurs ont promis sous serment que les fortunes confisquées seraient remises intactes au siège central. 50 % de ces richesses reviennent au Comité, le reste est réparti entre les membres des groupes "actifs". La part de chacun de ces membres a atteint le chiffre de 15000 livres turques. Rien que cela peut vous permettre d'estimer quel est le trésor du siège central19. » Mazhar adressa à Sivas une demande de renseignements concernant les activités d'un chefde tchétés, Khouloussi bey: « Avec ses 105 brigands, Khouloussi bey a suivi les femmes arméniennes jusqu'à Kangal et, là, ils les ont pillées tous ensemble. Ils sont rentrés avec un phaéton et deux voitures ordinaires pleines d'or, de bijoux, de tapis et de carpettes. Une partie de ces bijoux et de ces tapis a été distribuée au service gouvernemental. Quelles nouvelles en avez-vous eu ? Consignez-les dans un rapport20." Interrogé par la commission d'enquuête le 12 décembre 1918, l'ancien mutessarif de Yozgad, Djemal bey, confirma qu'il avait, sur ordre, fait libérer des criminels et que ceux-ci avaient été employés pour massacrer des déportés arméniens. Il ajouta que le frère de sa cuisinière qui se trouvait en prison pour meurtre avait été également libéré et envoyé pour massacrer les Arméniens21.

On comprend mieux l'indignation des officiers turcs et aIlemands lorsqu'ils assistèrent, impuissants, aux exactions des bandes de Chakir. Dans son rapport, Vehib pacha les décrit comme des gibiers de potence, des « bouchers de l'espèce humaine ». Mazhar bey, lorsqu'il était inspecteur ciivil avait adressé, le 5 décembre 1915, un rapport à Talaat, lui demandant de destituer Rechid, le vali de Diarbékir , qui avait fait massacrer 120000 Arméniens par ses bandes d'assassins circassiens. Le vali de Trébizonde, Djemal Azmi, et le secrétaire responsable du Parti, Naïl bey, furent condamnés à mort par contumace le 22 mai 1919 par le Tribunal militaire pour avoir donné aux bandes de tchétés l'ordre d'exterminer les caravanes de déportés arméniens22. Deux officiers supérieurs de la Ille armée, le général Ali Ihsan Sabis et le colonel Arif Baïtin, dénoncent dans leurs némoires le rôle et l'influence de Chakir sur Enver. C'est ainsi que Chakir fit relever le commandant du 9e corps d'armée pour le remplacer par un homme à lui, le général Ihsan Ciresonlu 23. Calib Vardar , bras droit d u lieutenant-Colonel Ertürk, lequel avait la confiance d'Enver et était un fonctionnaire de l'O.S., déclara que Chakir dirigeait l'Organisation spéciale à partir de son quartier général l'Erzeroum et que cette organisation avait été conçue par le Comité central de l'Ittihad qui l'avait chargé d'homogénéiser la Turquie en la débarrassant des éléments non turcs24. C'est un Allemand, le lieutenant-colonel Stange qui, dans un volumineux rapport rédigé le 23 août 1915 à l'intention de la mission militaire en Turquie, apporta les :charges les plus accablantes contre la seconde Organisation spéciale25. En août 1914, Stange était capitaine. Il avait été rattaché à l'Etat-major du Ile corps d'armée et avait pris son poste à Trébizonde. Trébizonde était alors le centre de la première Organisation spéciale qui dépendait du ministère de la Guerre. Trois officiers allemands y étaient rattachés: Stange, le vicomte Erwin von Scheubner-Richter qui occupait également la fonction de vice-consul intérimaire d'Erzeroum et un officier représentant le ministère des Affaires étrangères auprès du haut commandement allemand, le capitaine de réserve Nadolny. Ce dernier était chargé de superviser et de financer les opérations de l'O.S. Stange avait la responsabilité des opérations de guérilla qui devaient être conduites en Transcaucasie, Scheubner-Richter celle des opérations conduites en Iran. Officiellement, Chakir et ses bandes devaient être sous le commandement de Stange lorsqu'ils effectuaient des razzias sur les zones frontalières, ce que confirme la déclaration d'Atif à la troisième séance du procès des Unionistes, le 6 mai 191926. Dans son rapport, Stange s'indigna contre les manoeuvres du gouvernement turc visant à dissimuler les massacres collectifs des Arméniens : ces massacres avaient été exécutés « avec une brutalité animale » par les brigands qu'il appelait un rebut. Les déportés, affirme-t-il, étaient une bonne prise ; ils étaient pillés et tués en présence et même avec l'aide des militaires et des gendarmes. Il désigna comme principaux responsables de l'exécution de ce « plan conçu de longue date pour  réduire profondément, sinon pour exterminer la population de arménienne », Behaeddine Chakir et le commandant de la IIIe armée, Mahmud Kiamil pacha, qui s'était vanté qu'après la guerre il n'y aurait plus de question arménienne27.

Erwin von Scheubner-Richter qui, de son consulat d'Erzeroum, fut un des premiers à dénoncer les crimes commis contre les Arméniens, pressentait dès juillet 1915 « l'influence d'un gouvernement parallèle » et parlait de la fraction dure du Comité qui avouait sans ambages que le but de son action était de tuer tous les Arméniens. Il affirmait qu'une majorité des officiers de l'armée et des fonctionnaires du gouvernement appartenait à cette fraction dure et il ajoutait: « Quant au peuple turc lui-même, il n'est absolument pas d'accord avec cette solution et se ressent déjà de la décadence économique qui gagne le pays depuis que les Arméniens en ont été chassés28. » Les archives anglaises, outre les documents figurant dans le Livre bleu, contiennent les récits de quatre officiers arabes qui avaient servi dans l'armée turque avant de se joindre à la révolte arabe. Ces officiers font une description effrayante des atrocités commises dans les provinces orientales. L'un d'eux, le lieutenant Saïd Ahmed Moukhtar Ba'aj, dont nous avons déjà vu la déposition précédemment, désigne les fonctionnaires chargés de l'extermination et placés sous le commandement de Chakir. Il précise que le siège des tchétés était à Kemagh près d'Erzindjan où eut lieu la plus horrible boucherie d'un convoi de déportés. Il fait également le récit des massacres des déportés de Trébizonde à Gumuch-Hané. Et il termine sa déposition en donnant le nom des fonctionnaires turcs chargés de la déportation et de l'extermination des Arméniens : « A Erzeroum, Behaeddine Chakir bey; à Trébizonde, Naïl bey, Tewfik bey Monasterli, colonel de gendarmerie et responsable de la police; à Kemagh, le membre du parlement pour Erzindjan29 ».

A partir de septembre 1918, les archives de l'Organisation spéciale furent systématiquement détruites : au ministère de l'Intérieur par Aziz bey, chef de la sûreté générale; au centre de Nouri Osmanié par le docteur Nazim et au ministère de la Guerre par le lieutenant-colonel Hüsameddin bey30. Le Journal officiel turc confirma la disparition de ces documents: « Ont été volés des télégrammes, des documents, une partie importante des communiqués du Techkilat- i Mahsoussé, ainsi que tous les documents du centre général. De même, ont disparu les dossiers contenant les communiqués et les circulaires importantes du directeur de la Sûreté générale, Aziz bey, avant la démission du cabinet de Talaat, le 15 septembre 1918. Nous avons reçu une note officielle à ce sujet du ministère de l'Intérieur. Nous avons des preuves écrites qui certifient le vol de ces documents de première importance31. » Lors de leur interrogatoire par la Cour martiale, Midhat Choukrou et Ziya Gökalp reconnurent que ces documents avaient été détruits. De même, le kaïmakam de Boghazlian, Kemal, déclara devant la commission d'instruction de son procès, le 18 décembre 1918: « Je sais qu'une partie des documents relatifs à la déportation se trouve à Yozgad. Seuls n'ont pas été conservés les ordres qui devaient être brûlés après leur lecture, conformément aux directives de l'expéditeur.  » Et il ajouta que ces ordres venaient du ministère de l'Intérieur et de la préfecture d'Angora32. Le colonel Hüsameddin rapporta dans ses mémoires qu'il avait dissimulé des documents dans une cache de la mosquée Fatih à Istanbul33.

On pourrait à l'envi multiplier les récits faits par des témoins étrangers ou des déportés arméniens des meurtres commis avec des raffinements de cruauté par les tchétés. Leur présence sur les lieux de la déportation et leur passé criminel étaient de notoriété publique. Alors, on est en droit de poser aux membres de la Société turque d'Histoire qui ergotent sur une date et un signe quelques questions : comment espèrent-ils convaincre que les documents Andonian sont des faux alors qu'ils ont été recueillis avant la déposition des rapports de la commission d'enquête et que leur contenu est recoupé point par point par des télégrammes certifiés authentiques et des dépositions faites par les principaux responsables des crimes que ces documents évoquent ? Quelle est la crédibilité d'universitaires capables d'analyser avec la plus grande minutie une pièce qui sert leur thèse et incapables de parler d'un amoncellement de preuves qui la desservent ? Peut-on réellement entreprendre une controverse avec des gens qui dissimulent ou feignent d'ignorer les conclusions des cours martiales de leur pays lesquelles, au terme de plusieurs mois d'enquêtes ayant mobilisé le corps des fonctionnaires des ministères de l'Intérieur et de la Justice, ont établi sans l'ombre d'un doute que le Comité Union et Progrès et le gouvernement ottoman avaient, au cours de la guerre, organisé et armé des hommes condamnés pour meurtre par leurs tribunaux et les avaient chargés d'une mission d'extermination de déportés dont d'autres textes officiels prétendaient protéger les corps et les biens ?

L'Organisation spéciale officielle fut dissoute à la chute du cabinet Talaat en octobre 1918. Elle fut reconstituée en 1919 sous le nom de Techkilat Milliet. Le 29 novembre 1919, les représentants de la République indépendante d'Azerbaïdjan et de l'Assemblée nationale turque d'Ankara signaient un accord secret suivi, six mois plus tard, d'un autre, strictement militaire celui-là, tous deux dirigés contre la République indépendante d'Arménie. Le rapport de 1920 prévoyait d'utiliser le Techkilat-i Mahsoussé dans des opérations de nettoyage des éléments non turcs d' Azerbaïdjan, en particulier les Arméniens. Les officiers turcs engagés dans l'armée ottomane étaient placés sous le commandement de Nouri pacha, beau-frère d'Enver34.

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1)
Code impérial ottoman. Une traduction du texte turc a été publiée en anglais par J.A.S BECKNILL et H.A.S. UTUDJIAN, The  Imperial Ottoman Code, Londres, Millford, 1913.
2)
Journal d'Orient (Constantinople), du 13 décembre 1919 (cité par KRI.[2]).
3)
KUTAY, Teskilat-i Mahsusa, Istanbul, 1962. BELGELERLE, Teskilat-i Mahsusa, Istanbul, 1979. P.H. STODDARD, The Ottoman Government and the Arabs, 1911 to 1918 : A Preliminary Study of the Teskilat-i Mahsusa, Ph.D. dissertation, Ann Arbor, University of Michigan, 1963. Conférence de F. GEORGEON à l'Ecole des Hautes Etudes, le 5 mars 1987, sur Enver pacha et l'Organisation spéciale.
4)
Sur les confréries musulmanes. cf. B. LEWIS. op. cit., pp. 354-360
5)
A. ANDONIAN, op. cit., pp.87-88 .
6)
P.H. STODDARD, op. cit., pp. 5-6, 49-51, 53-59.
7)
KRI.[2]. pp. 229-241 ct A KRIEGER. « A Secret Military Pact Against the Republic of Armenia for the Final Annihilation of the Armenian Peoplc », The Armenian Review (Boston), vol..XXVII, summer 1974, pp. 10-27 (cité plus loin sous la référence KRI.[3])
8)
Cf. supra.
9)
DAD.[1], note 108, p. 357 Le Livre bleu  anglais, op. cit., éd. anglaise : doc. n° 56,  p. 233-235 ; éd. française doc n° 18, p. 239- 241.
10)
DAD[2], note 44, p. 188
11)
KRI[3], pp. 16-18
12)
Pour les débats des Cours martiales, cf. KRI[2], pp.231-263. Il se réfère aux Takvim-i Vekayi. 3540, 3549, 3554, 3557, 3561, 3571, 3604, 3617, 3771 et 3772 (du 5 mai 1919 au ler février 1920)
13)
J. LEPSIUS, Deutschland und Armenien, 1914-1918, Postdam, 1919; extraits parus en traduction française dans Archives..., op. cit., p. 37..
14)
Ibid., p. 292.
15)
Justicier..., op. cit., p. 268
16)
Cf. supra, doc. A.
17)
KRI[2]. pp.217-224.
18)
Ibid., p. 215.
19)
Sabah (Constantinople), 13 décembre 1918.
20)
KRI.[2], p. 253.
21)
Ibid., p. 256.
22)
C'est le même Djema1 Azmi qui fut exécuté avec Behaeddine Chakir le 17 avril 1921 par Archavir Chiraguian et Aram Yerganian (Y TERNON, La cause arménienne, op. cit.p. 116).
23)
DAD[1]. p.330 et note 48, p. 350.
24)
Ibid., pp.330-331 et note 49, p. 350.
25)
Rapport de Stange du 23 août 1915 (cité par DAD[1], note 52, p. 351 et DAD[2], note 22, p. 186).
26)
DAD.[1], p. 331 ; DAD.[2], p. 177.
27)
Cf. supra, doc. D.
28)
Archives..., op. cit., document n° 123, p.119.
29)
Cf. supra.
30)
Justicier..., op. cit., p.251.
31)
Takvim-i Vekayi, 27 avril 1919.
32)
Archives du patriarcat arménien de Jérusalem, K2, p.417.
33)
K. K. BAGHDJIAN, La confiscation par le gouvernement turc des biens arméniens... dits abandonnés, Montréal, 1987, p. 116
34)
KRI.[3].
Ternon, Yves. Enquête sur la négation d'un génocide, Marseille, Parenthèses, 1989
Description : 229 p. couv. ill. 24 cm
ISBN : 2-86364-052-6
72, cours Julien 13006 Marseille (France)
ed.parentheses@wanadoo.fr
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Nous remercions Yves Ternon et les éditions Parenthèsed de nous avoir autorisés à reproduire ce livre

 
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